Résumé

Les gouvernements ne peuvent se permettre de relâcher leurs efforts de réforme s’ils veulent sortir du piège de la faible croissance dans laquelle nombre de pays sont tombés, et faire en sorte que les fruits de la croissance économique bénéficient à la grande majorité de leurs citoyens. Ces deux dernières années, la croissance mondiale est restée stationnaire aux alentours de 3 %, nettement en deçà du taux de croissance moyen proche de 4 % enregistré au cours des 10 années précédentes. Le ralentissement observé en République populaire de Chine et dans d’autres économies de marché émergentes explique en grande partie cet écart, mais des taux de croissance de 2 % ou moins ont été la norme en moyenne dans les pays de l’OCDE au cours des années consécutives à la crise, les perspectives d’atonie persistante de la demande et de l’investissement tirant la croissance potentielle vers le bas.

Dans leur quête d’une croissance plus vigoureuse, les gouvernements font face à des obstacles majeurs. La baisse marquée et généralisée de la croissance de la productivité observée depuis la crise s’est traduite par une stagnation des revenus d’une forte proportion de la population, ce qui a érodé son adhésion aux réformes structurelles. Même si le chômage global a reflué peu à peu dans une majorité de pays, les jeunes et les travailleurs peu qualifiés sont confrontés dans plusieurs d’entre eux à des perspectives d’emploi dégradées et à un risque élevé de chômage fréquent. Pour surmonter ces difficultés, les autorités doivent mettre en œuvre des stratégies de réformes structurelles cohérentes et agir collectivement dans un large éventail de domaines de l’action publique, tout en veillant à ce que ces mesures soient étayées par les politiques macroéconomiques.

Dans le cadre d’Objectif croissance, l’OCDE s’appuie sur son expertise en matière de réformes structurelles et de performances économiques pour formuler à l’intention des décideurs publics un ensemble de recommandations concrètes concernant des réformes considérées comme prioritaires pour obtenir une croissance forte et inclusive. Globalement, ces priorités recouvrent les réglementations des marchés de produits et du travail, l’enseignement et la formation, les systèmes de prélèvements et de prestations, les règles relatives aux échanges et à l’investissement, ainsi que les politiques d’innovation. Le cadre d’Objectif croissance a aidé les pays du Groupe des Vingt (G20) à avancer dans la mise en œuvre de leurs priorités de réformes structurelles, notamment en leur offrant un suivi de leurs stratégies de croissance durable et équilibrée.

Nous examinons dans ce rapport les progrès accomplis en matière de réformes structurelles dans les domaines liés aux recommandations d’action d’Objectif croissance sur la période 2015-16. Dans ce contexte, nous identifions pour les pays de l’OCDE et certains pays non membres de l’Organisation de nouveaux domaines d’action prioritaires dans lesquels des réformes structurelles sont jugées indispensables pour rehausser les revenus réels et faire en sorte que la grande majorité des citoyens en bénéficient (chapitre 1). Pour ce faire, nous avons retenu pour la première fois dans le cadre de sélection des priorités d’action l’inclusion en tant qu’objectif primordial, en sus de la productivité et de l’emploi, qui sont les principaux moteurs de la croissance du revenu moyen. À cette fin, nous avons utilisé une définition large de l’inclusion, recouvrant des dimensions telles que les inégalités et la pauvreté, la quantité d’emplois et leur qualité, ainsi que l’insertion sur le marché du travail des groupes vulnérables, les disparités entre hommes et femmes et l’équité dans l’enseignement, et les résultats obtenus en matière de santé. Ce rapport offre une évaluation approfondie des problèmes liés à l’inclusion, et des solutions potentielles correspondant aux priorités de réforme d’Objectif croissance (chapitre 2). Les priorités spécifiques à chaquepays et les recommandations connexes sont présentées dans des notes par pays (chapitre 3).

Progrès accomplis en matière de réformes structurelles depuis 2015

  • Le rythme des réformes structurelles a continué de ralentir au cours des deux dernières années et a maintenant retrouvé son niveau d’avant la crise. Cette baisse de régime globale masque toutefois des différences marquées entre pays.

    • Le rythme des réformes s’est ralenti dans des pays qui avaient été particulièrement actifs sur ce plan au cours de la précédente période de deux ans (comme le Mexique, la Grèce, l’Irlande, le Portugal, la Pologne et l’Espagne), mais aussi dans un certain nombre d’autres pays, où les efforts de réformes n’avaient pas été aussi intenses pendant la période précédente (tels que l’Australie, l’Indonésie et la Slovénie).

    • L’intensité des réformes a nettement augmenté dans certains pays qui ne figuraient pas parmi les réformateurs les plus actifs au cours de la période précédente (comme la Belgique, le Chili, la Colombie, Israël, l’Italie et la Suède), ainsi que l’Autriche, le Brésil et la France.

  • Le rythme des réformes a connu une baisse plus marquée dans des domaines ayant une influence particulièrement forte sur la productivité du travail, tels que l’enseignement et l’innovation. Ce constat est préoccupant compte tenu de la diminution persistante et généralisée de la croissance de la productivité.

  • À l’inverse, le nombre de réformes liées aux recommandations d’Objectif croissance a augmenté pour des objectifs tels que réduire les obstacles au travail des femmes et favoriser la création d’emplois en réduisant les coins fiscaux sur le travail, en particulier pour les bas salaires. Ce sont des domaines dans lesquels les réformes propices à la croissance favorisent aussi un renforcement de l’inclusion.

  • Les pouvoirs publics ont généralement eu tendance à concentrer leurs efforts de réforme dans des domaines spécifiques, risquant du même coup de perdre les gains pouvant découler des synergies entre politiques et des relations de complémentarité entre réformes. Une meilleure articulation des réformes entre elles faciliterait leur mise en œuvre, maximiserait leur impact sur la croissance et la création d’emplois, et contribuerait à la réduction des inégalités.

Nouvelles priorités de réforme pour une croissance inclusive

  • Compte tenu de l’importance que revêtent les gains de productivité pour le niveau de vie à long terme et de l’ampleur du défi qu’ils représentent pour une majorité de pays, nous avons identifié davantage de priorités de réforme destinées à accroître la production par travailleur et à garantir que ces gains soient largement partagés au sein de la population. L’accent est mis plus fortement que dans les précédentes éditions d’Objectif croissance sur les mesures concernant l’enseignement, la concurrence sur les marchés de produits et l’investissement public.

  • Ainsi, faciliter l’entrée sur le marché et le développement des entreprises innovantes, favoriser un accès plus égal à un enseignement de qualité ainsi que l’insertion des femmes et des immigrés sur le marché du travail, renforcer l’investissement en infrastructures et améliorer la formation des travailleurs ainsi.

  • Que les politiques d’activation, sont autant d’éléments faisant partie des objectifs à atteindre pour obtenir une croissance plus forte et plus inclusive qui ont été les plus fréquemment identifiés.

  • Il peut exister des synergies fortes entre les objectifs que constituent les gains de productivité et la croissance de l’emploi, d’une part, et l’inclusion, d’autre part. En fait, près de la moitié des priorités d’action mises en avant dans ce rapport peuvent déboucher sur des gains de revenus accrus et plus largement partagés pour autant qu’elles soient mises en œuvre de manière correcte et exhaustive.

  • En vue de rendre la croissance plus inclusive, les pouvoirs publics devraient s’attacher à garantir un large accès à des prestations de qualité en matière d’enseignement et de développement des compétences, à accroître la quantité d’emplois tout en améliorant leur qualité, ainsi qu’à renforcer l’efficacité des systèmes de prélèvements et de prestations en termes de réduction des inégalités de revenus et de lutte contre la pauvreté.

    • Dans le cas de l’enseignement, les priorités identifiées consistent notamment à satisfaire les besoins des jeunes de l’éducation préscolaire à l’université, afin qu’ils puissent prendre le meilleur départ possible et bénéficient du soutien nécessaire tout au long de leur scolarité. L’accent est mis sur la nécessité d’améliorer l’égalité des chances et de garantir l’adaptabilité de la main-d’œuvre par rapport à l’évolution des compétences demandées.

    • Pour créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, il faut remédier au dualisme du marché du travail et à sa segmentation, notamment en s’attaquant au problème de l’emploi informel dans le cas des économies émergentes.

    • Il est possible dans de nombreux pays de concevoir des transferts sociaux permettant de protéger les individus et les familles qui en ont le plus besoin, tout en valorisant le travail pour ceux qui se trouvent à l’extrémité inférieure de la distribution des revenus, et en limitant les abattements et autres allègements d’impôts dont bénéficient de manière disproportionnée les ménages à revenus élevés.