Chapitre 1. Concurrence dans les industries de réseau et renforcement du marché intérieur

La productivité canadienne est inférieure à celle de nombreux pays de l’OCDE malgré quelques progrès ces dernières années. Il serait possible d’accroître l’efficience globale en renforçant la concurrence sur le marché intérieur afin de favoriser les futurs gains de productivité globale. Ces gains sont importants, de l’ordre d’un demi pour cent par an sur une période plutôt longue. Ce chapitre porte principalement sur l’intensification de la concurrence dans les industries de réseau, comme l’énergie, les télécommunications, la diffusion audiovisuelle et les transports, qui jouent un rôle essentiel dans le processus de production de l’ensemble de l’économie. L’amélioration de la réglementation, l’augmentation de l’efficience et/ou le renforcement de la compétitivité-coût pourraient accroître la productivité dans ces secteurs, ainsi que dans les secteurs d’aval. La concurrence pourrait également être intensifiée par la réduction des obstacles aux échanges entre provinces et à la mobilité de la main-d’œuvre, qui fragmentent un marché intérieur déjà petit. Ce chapitre examine donc également les réformes possibles de l’Accord sur le commerce intérieur et les mesures visant à réduire les obstacles sectoriels aux échanges.

  

Introduction

La productivité canadienne est inférieure à celle des pays les plus performants, d’où un écart de PIB par heure travaillée (graphique 1.1, panneau A). Remédier à ce déficit constitue un enjeu important à long terme dans la mesure où la productivité est en définitive le principal facteur d’augmentation des revenus et d’élargissement des choix personnels. La discipline que constituent l’intensification de la concurrence sur le marché canadien et le renforcement du marché intérieur peut participer à l’amélioration de la productivité de façon durable.

Une réglementation favorisant la concurrence peut accroître le niveau de vie, notamment en renforçant la sécurité des produits et la protection du consommateur. En revanche, des réglementations mal conçues sapent la productivité en minant les incitations en faveur de l’innovation et de l’adoption des technologies et des modalités d’organisation utilisées par les entreprises situées à la frontière de la productivité mondiale et en limitant la réaffectation des ressources vers les entreprises les plus productives (Andrews et al., 2015). L’indicateur de réglementation des marchés de produits (RMP) de l’OCDE fait partie des indicateurs servant à évaluer les réglementations (Koske et al., 2015). Alors que globalement les RMP au Canada sont à peu près aussi strictes que dans la moyenne de l’OCDE, l’adoption des meilleures pratiques (définies comme étant celles des trois pays de l’OCDE les plus performants en la matière) générerait un gain de productivité globale estimé à quelque 3.2 % (5.6 %) sur une période de cinq (dix) ans. En outre, les RMP encadrant les industries de réseau comme l’électricité, le transport aérien et les télécommunications, sont significativement plus restrictives que celles en vigueur dans les pays les plus performants (graphique 1.1, panneau B). Dans ces secteurs, la croissance de la productivité du travail est inférieure à celle de l’ensemble de l’économie (panneau C). Dans les autres secteurs, les résultats sont, d’après la base de données pour l’analyse structurelle (STAN) de l’OCDE, mitigés selon le secteur, même si cette faiblesse de la productivité est assez générale.

Graphique 1.1. Productivité du travail et réglementation
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Source : Statistique Canada ; OCDE, base de données des comptes nationaux, base de données de la productivité et base de données de la réglementation des marchés de produits.

 https://doi.org/10.1787/888933371614

Les restrictions visant les investissements directs étrangers, qui sont strictes au Canada, réduisent l’accès au capital, minent l’adoption des technologies et limitent les pressions de la concurrence et l’efficacité par rapport au coût. Un renforcement de la concurrence, grâce à la levée des restrictions visant la participation étrangère dans le secteur des télécommunications, par exemple, pourrait faire baisser les prix et élargir l’accès à des réseaux rapides et de qualité, ce qui se traduirait par un accroissement de l’efficience des entreprises, un renforcement de l’adéquation de l’offre et de la demande en temps réel et une meilleure synchronisation des biens, des services et des paiements dans les chaînes d’approvisionnement. L’assouplissement des restrictions commerciales dans le secteur des télécommunications s’accompagne d’un nombre plus élevé d’abonnements Internet et pourrait également avoir pour effet d’accroître les exportations de services et de biens à fort contenu informationnel (Nordås et Rouzet, 2015).

Il est essentiel que le Canada dispose de services de transports concurrentiels et efficients pour pouvoir s’intégrer dans l’économie mondiale. Par exemple, l’efficacité par rapport au coût des services de transport aérien joue un rôle important dans les échanges de produits à forte valeur ajoutée et de biens périssables. Ils favorisent également les déplacements (et donc le bien-être) ainsi que le tourisme. Améliorer l’environnement réglementaire et réduire les restrictions visant la participation étrangère dans le secteur des transports pourraient faire augmenter les exportations, ce qui permettrait au Canada d’obtenir de meilleurs résultats à l’exportation (comparaison entre la croissance des exportations et la croissance du marché extérieur), en nette baisse ces dernières années (graphique 1.2, panneau A). Ces services constituent un facteur important pour les exportations industrielles et ils tendent à jouer un rôle plus important au Canada que dans de nombreux autres pays de l’OCDE (panneau B), probablement en raison de la superficie et de la composition des exportations du pays. D’après Hummels et Schaur (2013), un jour de transport supplémentaire équivaut à un droit de douane ad valorem de 0.6 à 2.1 % selon la sensibilité des produits au facteur temps.

Graphique 1.2. Compétitivité des exportations
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Source : OCDE, base de données des Perspectives économiques ; OCDE-OMC, base de données des Échanges en valeur ajoutée.

 https://doi.org/10.1787/888933371623

L’échelle de production joue également un rôle sur la productivité. Les mesures qui fragmentent les marchés et étouffent la concurrence réduisent l’échelle de production, ce qui diminue la productivité et l’efficience et accroît les prix intérieurs. C’est notamment le cas des obstacles qui entravent le mouvement des biens et des services et limitent la mobilité de la main-d’œuvre entre les provinces.

Ce chapitre commence par examiner comment la concurrence dans les industries de réseau de l’énergie, des télécommunications et de la diffusion audiovisuelle et des transports peut être renforcée en améliorant les réglementations et en réduisant les obstacles interprovinciaux. Il s’intéresse ensuite au fonctionnement du marché intérieur canadien, notamment à l’Accord sur le commerce intérieur (ACI) et aux réformes susceptibles d’accroître son efficacité. En outre, ce chapitre aborde les mesures qui favorisent la mobilité de la main-d’œuvre et réduisent les obstacles sectoriels. Enfin, il se clôt par un examen des réformes institutionnelles visant à améliorer l’évaluation des mesures réglementaires concernant la concurrence.

Libérer la croissance dans les industries de réseau

Énergie

Renforcer la concurrence dans le secteur de l’électricité, notamment par une meilleure intégration du marché provincial et l’adoption d’une structure de marché plus concurrentielle dans le segment de la production d’électricité, pourrait accroître l’efficience, limiter les risques de surinvestissement, augmenter la résilience du système face aux pénuries d’électricité, permettre de trouver plus facilement des moyens financièrement plus accessibles d’atteindre les objectifs environnementaux et favoriser le recours à des sources d’électricité intermittentes (comme les énergies solaire et éolienne). Les gains tirés du renforcement de la concurrence en matière de prix à la consommation varieront sans doute selon les provinces, étant donné que certaines provinces facturent un prix inférieur au prix du marché en partageant les rentes de ressource avec les usagers. Toutefois, l’augmentation des recettes dans ces provinces et l’amélioration du rendement du capital pourraient être utilisées pour développer les autres infrastructures, financer des programmes présentant des rendements plus élevés, réduire les impôts ayant les effets de distorsion les plus marqués ou compenser les impôts sur les bas revenus et lutter contre la pauvreté, mais elles pourraient aussi avoir des effets négatifs sur la compétitivité du secteur, étant donné la faiblesse des prix de l’électricité aux États-Unis. En comparaison, la réglementation encadrant les marchés du gaz naturel est peu restrictive, la déréglementation du secteur entreprise par le passé pourrait guider l’amélioration de la réglementation du marché de l’électricité.

Électricité

Structure du marché

Les marchés de l’électricité sont très fragmentés au Canada en raison du rôle prépondérant des provinces dans la réglementation de ce secteur. La réglementation fédérale se limite essentiellement à l’examen et à l’approbation des interconnexions internationales avec les États-Unis et à la surveillance de la sécurité et de la sûreté nucléaire. L’intégration entre les marchés provinciaux de l’électricité est généralement faible. Il n’y a pas de grandes interconnexions est-ouest, hormis entre les provinces de l’Ontario, du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador. La majorité des grandes interconnexions suivent l’axe nord-sud jusqu’aux États-Unis et davantage d’électricité est échangée entre le Canada et les États-Unis qu’entre les provinces canadiennes.

La réglementation du secteur de l’électricité est plus stricte au Canada que dans la plupart des autres pays de l’OCDE (graphique 1.3), en raison de la part importante des participations publiques et dans une moindre mesure, de la faible séparation verticale et de la forte concentration du segment de production d’électricité. En vertu des indicateurs RMP de l’OCDE, les gains plus rapides de productivité globale que permettrait la libéralisation de la réglementation canadienne actuelle dans la production et la distribution de l’électricité sont modestes, avec un peu moins de 0.1 % par an à moyen terme pour l’économie dans son ensemble. Outre d’importantes différences entre provinces en ce qui concerne la part relative des différentes sources d’énergie dans la production d’électricité (tableau 1.1, panneau A), les structures de marchés (tableau 1.2) et de propriété (tableau 1.1, panneau B) varient considérablement, l’impact de ces dernières sur les résultats est fortement controversé. Dans la plupart des provinces, la production, le transport et la distribution d’électricité sont contrôlés par un monopole public verticalement intégré, même si en Nouvelle-Écosse et dans l’Île-du-Prince-Édouard les monopoles sont privés et dans l’Alberta la structure du marché est concurrentielle. Dans certaines provinces, il existe une faible séparation comptable entre la production, le transport et la distribution d’électricité. Toutefois, le manque d’économies d’échelle pénalise tant la production et la commercialisation de l’électricité que la distribution et le transport, ce qui laisse à penser qu’il serait possible de renforcer la concurrence entre les producteurs. Il serait possible d’intensifier la concurrence en séparant complètement la production d’électricité du transport et de la distribution, pour autant que les producteurs bénéficient d’un accès non discriminatoire aux lignes de transport à un prix raisonnable. Cela supposerait une nouvelle réglementation et d’importantes cessions de la part des producteurs historiques.

Graphique 1.3. Réglementation sectorielle dans le secteur de l’électricité
Indice variant sur une échelle de 0 à 6 (du degré de restriction le plus faible au plus élevé), 2013
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Source : OCDE, base de données sur la réglementation des marchés de produits.

 https://doi.org/10.1787/888933371634

Tableau 1.1. Caractéristiques de la production d’électricité par province
En pourcentage, données de 2014

Canada1

Colombie- Britannique

Alberta

Saskatchewan

Manitoba

Ontario

Québec

Nouveau Brunswick

Nouvelle- Écosse

Île-du-Prince-Édouard

Terre-Neuve-et-Labrador

A. Production par source d’énergie

Charbon

10.4

   0

69.3

46.6

 0.1

 0.0

 0.0

15.9

 53.9

 0.0

 0.0

Gaz naturel

 5.4

 1.6

19.6

22.2

 0.1

 7.0

 0.0

10.6

 14.3

 0.0

 0.0

Nucléaire

17.5

 0.0

 0.0

 0.0

 0.0

63.0

 0.0

33.4

  0.0

 0.0

 0.0

Autres combustibles

 2.6

 1.5

 4.2

 5.7

 0.0

 2.6

 0.6

14.4

 14.8

 1.6

 3.5

Hydraulique

61.5

92.1

 3.2

22.3

97.3

24.2

98.8

21.1

  9.4

 0.0

96.0

Éolienne

 2.0

 0.3

 3.6

 3.2

 2.4

 2.8

 0.6

 4.6

  7.4

98.3

 0.5

Autres (hors combustibles)

 0.5

 4.5

 0.0

 0.0

 0.0

 0.2

 0.0

 0.0

  0.1

 0.0

 0.0

Part produite par des combustibles

36.0

 3.1

93.2

74.5

 0.3

72.7

 0.6

74.3

 83.1

 1.6

 3.5

B. Production par structure de propriété

Privée

25.7

 7.0

82.9

12.1

 4.5

41.2

 6.6

20.1

100.0

79.3

 4.1

Publique

74.3

93.0

17.1

87.9

95.9

58.8

93.4

79.9

  0.0

20.7

95.9

1. Dont les territoires.

Source : Statistique Canada, tableaux 127-006 et 127-009.

Tableau 1.2. Caractéristiques du marché de l’électricité par province

Colombie-Britannique

Alberta

Saskatchewan

Manitoba

Ontario

Description générale

Réglementé

Concurrentiel

Réglementé

Réglementé

Situation hybride entre réglementation et concurrence

Organisation du marché

Gestion centralisée avec contrats bilatéraux

Obligation de vente de la production sur le marché de gros (réseau d’interconnexion centralisé)

Gestion centralisée avec contrats bilatéraux

Gestion centralisée avec contrats bilatéraux

Marché de gros (réseau d’interconnexion centralisé) avec contrats bilatéraux, contrats d’achat d’électricité et tarifs réglementés

Principal producteur

BC Hydro

sans objet

SaskPower

Manitoba Hydro

Hydro One

Entreprise publique provinciale

Oui

Non

Oui

Oui

Oui

Marché de gros en temps réel

Non

Oui

Non

Non

Oui

Transport

BC Hydro

ATCO Electric, AltaLink Management, EPCOR Utilities, ENMAX Power

SaskPower

Manitoba Hydro

Hydro One, Great Lakes Power, Canadian Niagara Power, Five Nations Energy et Cat Lake Power Utility

Distribution

BC Hydro, FortisBC et quelques compagnies municipales

ENMAX, EPCOR, ATCO, FortisAlberta

SaskPower

Manitoba Hydro

> 60

Prix de détail

Prix réglementé en fonction du coût de service, avec un tarif progressif pour les particuliers afin d’inciter à réaliser des économies d’énergie

Prix du marché avec possibilité de tarif réglementé pour certains usagers (particuliers, exploitations agricoles, entreprises d’irrigation et petites entreprises commerciales, ayant une consommation < 250MWH/an)

Prix réglementé en fonction du coût de service

Prix réglementé en fonction du coût de service

Prix concurrentiel pour les entreprises commerciales et industrielles, prix plus réglementé pour les particuliers et les petites entreprises qui choisissent entre le tarif du détaillant et le tarif réglementé par défaut (tarifs différenciés selon l’heure de la consommation)

Québec

Nouveau- Brunswick

Nouvelle-Écosse

Île-du-Prince-Édouard

Terre-Neuve-et-Labrador

Description générale

Réglementé

Réglementé

Réglementé

Réglementé

Réglementé

Organisation du marché

Gestion centralisée avec contrats bilatéraux

Marché bilatéral physique avec un marché de l’acheminement

Gestion centralisée avec contrats bilatéraux

Gestion centralisée avec contrats bilatéraux

Gestion centralisée avec contrats bilatéraux

Principal producteur

Hydro Québec

NB Power

NS Power

Maritime Electric

NL Hydro (Nalcor)

Entreprise publique provinciale

Oui

Oui

Non

Non

Oui

Marché de gros en temps réel

Non

Non

Non

Non

Non

Transport

HQ TransÉnergie

Énergie NB Power Transmission

NS Power

Maritime Electric

NL Hydro et Newfoundland Power

Distribution

HQ Distribution + 9 compagnies municipales de distribution

NB Power distribution et service à la clientèle

NS Power + six compagnies municipales

Maritime Electric

NL Hydro et Newfoundland Power

Prix de détail

Prix réglementé en fonction du coût de service

Prix réglementé en fonction du coût de service

Prix réglementé en fonction du coût de service

Prix réglementé en fonction du coût de service

Prix réglementé en fonction du coût de service

Source : London Economics International (2014), Power Prices in Context: Comparing Alberta Delivered Electricity Prices to Other Canadian Provinces on a Level Playing Field, juin ; Pineau, P-O. (2013), « Fragmented Markets: Canadian Electricity Sectors’ Underperformance », dans Evolution of Global Electricity Markets, Elsevier, Londres ; Statistique Canada.

Dans une province seulement, l’Alberta, les marchés de l’électricité de gros et de détail sont pleinement concurrentiels. Les tentatives visant à introduire davantage de concurrence dans d’autres provinces, comme en Ontario et dans le Nouveau-Brunswick, ont été partiellement ou complètement abandonnées. Certaines provinces se sont engagées dans une certaine restructuration des marchés de l’électricité pour accroître la concurrence afin de satisfaire aux exigences de la Commission fédérale de réglementation de l’énergie (FERC) et pouvoir échanger de l’électricité avec les États-Unis. À ce titre, elles ont notamment créé un tarif d’accès au réseau de transport (TART) et dégroupé des services publics en vertu des règles de réciprocité de la FERC. Le TART permet aux tiers de transporter de l’électricité depuis et vers les États-Unis au moyen des réseaux de transport d’électricité d’une province, mais pas de transporter de l’électricité d’une province à une autre.

Favoriser la concurrence dans la production d’électricité et renforcer les signaux prix adressés au marché en créant des marchés de gros concurrentiels pourraient renforcer l’efficience (AIE, 2007), en particulier en matière de décisions d’investissement. L’efficience des investissements pourrait encore être améliorée par la tarification nodale des services de transport (tarification au coût marginal en fonction du site), ce qui permettrait de déterminer plus facilement le site et la capacité de production les plus efficients (OECD, 2005). On ignore l’effet d’une restructuration de la production d’électricité sur les prix au détail. Toutefois, les réformes appliquées aux États-Unis montrent que les prix de l’électricité deviennent davantage sensibles aux prix du gaz naturel, étant donné que les centrales au gaz naturel ont tendance à devenir le producteur marginal (Borenstein et Bushnell, 2015). Par conséquent, l’effet de cette restructuration sur les prix à la consommation dépendrait du moment choisi pour réaliser cette restructuration, en particulier du cycle des prix du gaz naturel et de la part des différentes énergies dans la production d’électricité ainsi que de l’ampleur des dispositions réglementaires qui s’appliquent aux producteurs historiques.

La libéralisation de la production d’électricité pourrait passer soit par la création de « marchés où seule l’énergie est rémunérée », dans lesquels les prix de gros sont déterminés sur la base du seul coût marginal, comme dans l’Alberta, soit par l’adoption de nouvelles redevances de capacité (par le biais d’un marché de capacité), sur le modèle de l’Interconnection PJM aux États-Unis (système régional de transport d’électricité qui coordonne la circulation de l’électricité dans la plupart des États du nord-est). Cette dernière option est actuellement envisagée par la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) en Ontario. Dans un tel système, les producteurs d’électricité sont rémunérés pour deux services : libérer une certaine capacité de production d’électricité et produire de l’électricité à un certain prix et à une certaine heure. La crainte que les marchés où seule l’énergie est rémunérée n’aboutissent à un bas niveau d’investissement et de faibles marges de réserve, susceptibles de miner la fiabilité du système explique la création de marchés de capacité. À l’opposé, les redevances de capacité pourraient entraîner une augmentation des coûts de l’énergie pour les consommateurs. Les mesures d’accroissement de la concurrence dans le secteur de la production d’électricité devraient s’accompagner d’efforts visant à davantage intégrer les marchés provinciaux et internationaux (voir plus loin), ce qui pourrait renforcer la résilience du système aux pénuries d’électricité. Les pénuries d’électricité et la forte volatilité des prix en Ontario au début des années 2000 ont significativement miné l’adhésion de la population aux réformes concernant l’électricité. Les provinces devraient examiner la structure actuelle du secteur de l’électricité et élaborer une stratégie pour accroître la concurrence sur le marché de gros, notamment par le biais de mesures visant à renforcer la résilience du système aux pénuries d’offre.

Lorsque la production d’électricité a été dérèglementée et que des marchés de gros concurrentiels ont été instaurés, il est essentiel qu’existe une instance de réglementation indépendante pour empêcher les pratiques anticoncurrentielles et plus généralement pour instaurer la confiance dans l’objectivité, l’impartialité et la cohérence des décisions en matière de réglementation (OCDE, 2014c ; OCDE, 2015a). Même dans les marchés de production concurrentiels et non concentrés, l’inélasticité de la demande et de l’offre d’électricité en période de pointe donne aux producteurs un pouvoir de marché. En effet, certains producteurs d’électricité peuvent décider de limiter leurs capacités de production afin de faire augmenter les prix, comme cela s’est récemment produit dans l’Alberta (Henton, 2015). De nombreuses provinces disposent d’instances de réglementation bien établies, en partie pour garantir un accès non discriminatoire aux installations de transport et de distribution. Lorsque la production d’électricité aura été dérèglementée et que des marchés de gros concurrentiels auront été instaurés, de telles instances devront continuer à suivre la fourniture de capacité de production afin de prévenir les pratiques anticoncurrentielles.

L’ouverture à la concurrence du segment de la distribution (au niveau de la vente au détail) permettrait aux consommateurs de choisir leur fournisseur d’électricité. Elle pourrait favoriser l’émergence d’offres mieux adaptées aux besoins des consommateurs (comme des prix moins élevés en heures creuses), mais aussi aboutir à des contrats obscurs et donc réduire le bien-être du consommateur, à moins d’obliger tous les fournisseurs à proposer un contrat de base identique. À l’heure actuelle, la concurrence sur les marchés de détail au Canada est limitée, et les prix de détail de l’électricité sont généralement réglementés en fonction du coût de service (tarification au coût moyen). Toutefois, l’Alberta et dans une moindre mesure, l’Ontario, ont libéralisé leurs marchés. Néanmoins, même sur ces marchés, l’existence de prix de détail réglementés – qui peuvent dissuader un acteur d’entrer sur le marché – et de coûts de recherche élevés pourrait limiter la concurrence. Dans l’Alberta, par exemple, bien qu’ils aient la possibilité de choisir leur fournisseur, la majorité des ménages, des exploitations agricoles et des petites entreprises souscrivent au tarif réglementé proposé par défaut (option réservée aux usagers dont la consommation est inférieure à 250 MWH par an) par leur distributeur local (Kemp, 2014). Davantage de pédagogie, une transparence accrue dans la comparaison des prix, un abandon progressif du tarif réglementé (dont la validité a été prolongée jusqu’en 2018) et la création d’un fournisseur en dernier ressort, comme au Texas, conformément aux recommandations formulées en 2012 par le Retail Market Review Committee de l’Alberta, pourraient renforcer la concurrence de détail.

Le renforcement de la concurrence sur les marchés de détail bénéficierait probablement davantage aux gros consommateurs qu’aux petits, étant donné que les possibilités de réaliser des économies augmentent avec la consommation. La libéralisation opérée en Amérique du Nord a montré que les entreprises commerciales et industrielles représentaient en général une part plus importante des nouveaux clients. À l’inverse, les particuliers, qui ont tendance à choisir des prix fixes réglementés, n’en constituent qu’une part relativement faible (Brennan, 2008). Dans l’Alberta, par exemple, parmi les entreprises commerciales et industrielles, 96 % des gros consommateurs et 71 % des petits consommateurs obtenaient leur électricité à un tarif concurrentiel (autre que le tarif réglementé) auprès d’un fournisseur non historique en 2014 contre 43 % des particuliers (DEFG, 2015). Cela étant, les ménages profiteraient indirectement de cette libéralisation du fait de la baisse des prix des biens et services des entreprises commerciales et industrielles qui, dans un marché concurrentiel, répercuteraient sur les prix les économies réalisées sur leur facture d’électricité.

Tarifs de l’électricité

Les tarifs de l’électricité pour les particuliers et les entreprises sont bas au Canada par rapport aux autres pays de l’OCDE (graphique 1.4, panneau A). Toutefois, ils varient considérablement au sein du pays principalement en raison de différences en matière de dotations en ressources. Ainsi les tarifs sont les plus faibles dans les provinces où les ressources hydrauliques sont importantes, mais les politiques provinciales jouent également un rôle (panneaux B et C). Dans les provinces où l’hydroélectricité est dominante, les garanties implicites octroyées par les provinces réduisent les coûts d’emprunt, et l’absence de rendement sur actions dans les entreprises de services publics détenues par les provinces, les recettes d’exportations et les contrats patrimoniaux pourraient également maintenir les tarifs à un niveau bas. Ainsi, l’entreprise Manitoba Hydro n’est pas autorisée à facturer un rendement sur son coût de service (seules les charges financières et d’exploitation peuvent être facturées) et elle verse rarement des dividendes (Pineau, 2013), ce qui réduit les tarifs pour les consommateurs. Pourtant, il n’y a aucun signe de sous-investissement car les rendements inférieurs du marché ne sont pas sanctionnés par le propriétaire, à savoir la province (et non une entreprise privée), puisque cette situation est voulue.

Graphique 1.4. Tarifs de l’électricité
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Source : AIE, base de données Energy Prices and Taxes ; A.J. Goulding et M. Atanasov (2014), Power Prices in Context : Comparing Alberta Delivered Electricity Prices to other Canadian Provinces on a Level Playing Field, London Economics International.

Comment lire ce graphique : Le panneau C montre une estimation des tarifs en 2013 pour chaque province si certaines différences entre les marchés provinciaux de l’énergie avaient été supprimées. Les barres bleues correspondent aux tarifs effectifs, tandis que les autres couleurs représentent, à des fins de comparaison, l’effet marginal de l’élimination de ces différences ou de l’instauration de politiques plus proches à celles en vigueur dans l’Alberta.

 https://doi.org/10.1787/888933371645

La moindre exposition au risque et des signaux prix procurant moins d’informations, en raison des faibles coûts d’emprunt, des impôts et des aides implicites apportées aux monopoles publics, peuvent se traduire par une mauvaise allocation des ressources, au détriment d’autres programmes et d’autres infrastructures publics où les rendements pourraient être plus élevés. En outre, ce sont les contribuables qui supportent le risque de surinvestissement dans les capacités de production, que pourraient renforcer les contrats à prix fixe, alors que dans une entreprise privée, ce risque serait assumé par les actionnaires.

Des efforts ont été accomplis pour mettre en place des incitations par les prix afin de réduire la consommation en période de pointe dans certaines provinces et, ce faisant, tenter de limiter le volume d’investissements nécessaires pour répondre aux pics de consommation. Ces politiques axées sur la demande, comme la tarification temporelle, pourraient également permettre d’accroître l’élasticité-prix de la demande d’électricité en encourageant les consommateurs à privilégier les périodes où la demande est faible plutôt que de payer un prix moyen constant, ce qui réduirait la flambée des prix et par là-même le pouvoir de marché des producteurs (OCDE, 2005). L’Ontario a investi dans des compteurs intelligents pour pouvoir proposer des tarifs en fonction de la période d’utilisation aux ménages, aux exploitations agricoles et aux petites entreprises dont la consommation est inférieure à 250 MWH par an, et il a mis en place un programme d’économies d’énergie destiné aux entreprises industrielles, l’Initiative de conservation industrielle (programme visant à réduire les pics de demande durant les cinq plus importantes périodes de pointe de l’année, High-5 programme) pour encourager les grandes entreprises industrielles à réduire leur pic de consommation. Toutefois, ce programme entraîne des distorsions en raison de subventions croisées des frais d’électricité (encadré 1.1). Pour assurer des conditions de concurrence équitables, l’Ontario devrait s’employer à faire en sorte que la portion réglementée des tarifs de l’électricité (« le rajustement global ») soit une fonction de la consommation d’énergie pour l’ensemble des consommateurs, comme c’est déjà le cas pour les petites entreprises industrielles et commerciales et les ménages (catégorie B, voir encadré 1.1) et continuer de généraliser l’utilisation d’outils de gestion de la demande.

Encadré 1.1. Les tarifs de l’électricité en Ontario et le rajustement global

Les tarifs de l’électricité en Ontario se sont éloignés des signaux des marchés concurrentiels, en raison des garanties de prix dont disposent les producteurs grâce à leurs contrats avec la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) et des tarifs réglementés des installations nucléaires et hydroélectriques contrôlées par l’État. En Ontario, 91 % de l’énergie est produite dans le cadre d’un contrat (d’une durée pouvant atteindre 20 ans) avec la CEO ou à un prix fixe, réglementé (Goulding, 2013). Le prix de gros de l’électricité au comptant (tarif horaire de l’électricité en Ontario) a tendance à baisser depuis le milieu des années 2000, et la différence entre les prix garantis aux producteurs les plus élevés et les prix d’équilibre du marché les plus faibles a été facturée aux consommateurs par le biais du « rajustement global ». Le rajustement global représente désormais la majorité du prix de détail moyen de l’électricité pour les consommateurs (graphique 1.5).

D’après McKitrick et Adams (2014), l’augmentation du rajustement global pourrait s’expliquer par la progression des énergies renouvelables dans la production d’électricité. En particulier, le programme de tarifs de rachat garantis de l’Ontario constitue une aide implicite pour les producteurs d’énergies renouvelables et pousse probablement le rajustement global à la hausse. Or, ces coûts devraient augmenter à l’avenir (Goulding, 2013; CEO, 2015). Le passage progressif à une tarification sur la base des prix du marché ou éventuellement l’instauration d’un marché de capacité pourraient rendre le système plus dynamique, notamment en matière d’innovation technologique, aboutir à un mix énergétique plus économique et permettre d’adopter une réponse conforme au marché aux objectifs environnementaux des pouvoirs publics, étant donné l’instauration imminente d’un système de plafonnement et d’échange d’émissions de gaz à effet de serre en Ontario.

Graphique 1.5. Tarifs de l’électricité en Ontario
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1. Déflaté par l’indice de prix à la consommation de l’Ontario.

2. Prix de 2012 corrigés de l’inflation, tarifs de l’électricité de la Prestation ontarienne pour l’énergie propre (POEP).

Source : Independent Electricity System Operator (IESO) ; R. McKitrick et T. Adams (2014), What Goes Up – Ontario’s Soaring Electricity Prices and How to Get Them Down, Fraser Institute.

 https://doi.org/10.1787/888933371658

La répartition du rajustement global entre les usagers, notamment entre les petites entreprises industrielles et les autres entreprises, a pu introduire des distorsions. Depuis la mise en place de l’Initiative de conservation industrielle (programme d’économie d’énergie destiné aux entreprises industrielles et visant à réduire les pics de demande durant les cinq plus importantes périodes de pointe de l’année, High-5 programme) en 2011, les consommateurs ont été classés en deux catégories selon leur consommation d’électricité en période de pointe et leur secteur à des fins de calcul du rajustement global. Pour les grandes entreprises industrielles (catégorie A, qui, depuis 2014, correspond à celles qui consomment plus de 3 MW), les frais de rajustement global sont définis en fonction de la part de la consommation durant les cinq heures de la période de pointe de l’ensemble des consommateurs de la catégorie A. Cette partie des frais de rajustement global est ensuite divisée entre les consommateurs de la catégorie A en fonction de leur consommation lors des périodes de pointe dans l’année. Le reste des frais de rajustement global est facturé aux autres usagers, dont les petites entreprises industrielles et commerciales et les ménages (catégorie B, consommation < 3 MW) en fonction de leur consommation par rapport à la consommation totale d’électricité durant la période de facturation.

La mise en place de différents tarifs avait pour but d’encourager les grandes entreprises industrielles qui consomment beaucoup d’électricité à réduire leur demande en période de pointe, et donc de diminuer les capacités de production requises. Même si certaines données montrent que les grandes entreprises industrielles sont capables d’anticiper les périodes de pointe (Sen, 2015), elles n’y parviennent que de façon imprécise. En effet, les cinq plus importantes périodes de pointe de l’année ne sont pas connues en avance. En outre, cette politique s’est traduite par la subvention croisée des frais d’électricité des grandes entreprises industrielles par des petites entreprises industrielles et d’autres consommateurs (McKitrick et Adams, 2014; panneau B). Le High-5 programme devrait représenter jusqu’à un quart de l’augmentation des frais d’électricité des ménages prévue pour 2016 (Sen, 2015).

En outre, il serait équitable de donner plus de poids à la consommation d’énergie en période de pointe qu’à celle en période creuse lors de la répartition de la portion réglementée du rajustement global, étant donné que ceux qui consomment de l’électricité de façon disproportionnée en période de pointe contribuent davantage à rendre nécessaires les coûteux investissements dans de nouvelles capacités.

Intégration des marchés de l’électricité

Poursuivre le développement des interconnexions entre provinces et entre le pays et les États-Unis pourrait améliorer la concurrence, renforcer la fiabilité du système (et ainsi faciliter la dérégulation du marché de l’électricité) et fluidifier l’utilisation des énergies renouvelables intermittentes. L’augmentation de la taille géographique des marchés qui en résulterait contribuerait également à réduire le pouvoir de marché des producteurs (OCDE, 2005) et la volatilité des prix. Celle-ci a affaibli le soutien de la population envers le renforcement d’une structure de marché plus concurrentielle, à la suite des réformes engagées en Ontario en 2002. Une meilleure intégration entre provinces et avec les États-Unis pourrait permettre de limiter cette volatilité, car la base serait plus étendue et le système serait donc plus résilient en cas de pénuries d’offres ou de brusques augmentations de la demande.

Une meilleure interconnectivité pourrait également accroître l’efficience du système en tirant parti des différents mix électriques du pays. Les systèmes hydroélectriques sont tributaires des réserves d’eau, ils sont donc sensibles aux variations de précipitations, tandis que les systèmes de production d’électricité à partir de combustibles (gaz naturel, charbon ou uranium) dépendent de combustibles dont les prix sont élevés. Avec une faible intégration interprovinciale de ces deux systèmes, la production d’électricité permettant d’assurer une offre adéquate peut excéder les besoins de la province. Il serait possible de réduire cet excédent en ayant accès à davantage de sources d’électricité grâce aux interconnexions, ce qui accroîtrait l’efficience de l’utilisation des infrastructures. Une intégration accrue permettrait également de mieux tirer parti des capacités de stockage des installations hydroélectriques : la production d’électricité à partir de combustibles (dont l’uranium) pourrait être importée en période creuse lorsqu’elle est excédentaire (et servir à reconstituer les réservoirs), ce qui permettrait d’économiser l’énergie produite par les centrales hydroélectriques pour les périodes de pointe.

Renforcer l’intégration du marché de l’électricité pourrait également faciliter la transition vers des ressources renouvelables, bien qu’intermittentes, comme l’énergie solaire et éolienne. Lisser les variations en matière de production entre de grandes aires géographiques, par le biais de l’interconnectivité, pourrait accroître la viabilité de ces sources d’énergie. Les provinces atlantiques du Canada ont accompli les plus grands efforts d’intégration, efforts aisément récompensés en raison de l’isolement et de la concentration d’offres intermittentes (comme l’énergie éolienne sur l’Île-du-Prince-Édouard). L’administration fédérale a apporté son soutien à la Porte d’entrée de l’énergie de l’Atlantique (PEEA), programme associant les administrations provinciales et fédérales et les entreprises de services collectifs dans le but de renforcer la coopération régionale. Les modélisations et les travaux de recherche menés dans le cadre de la PEEA ont montré qu’une meilleure collaboration régionale (notamment en matière de planification des interconnexions et des infrastructures) pouvait déboucher sur d’importantes retombées : économies de coûts d’exploitation par le biais de la planification conjointe d’infrastructures et du rééquilibrage régional de l’offre et de la demande, mais aussi diversité accrue des sources d’énergie propre et renouvelable, meilleure stabilité des tarifs pour les consommateurs et réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans le même temps, la justification économique de la construction d’un réseau est-ouest au Canada peut ne pas apparaître clairement. L’électricité s’est toujours écoulée dans l’axe nord-sud à cause des distances, et le coût du transport entre l’offre canadienne et les clients aux États-Unis peut être inférieur à ce qu’il est d’une province à une autre. Compte tenu du coût afférent au transport d’électricité dans de vastes régions non peuplées, la logique économique d’un réseau national peut ne pas être nécessairement favorable. Toutefois, favoriser les opportunités commerciales entre des provinces adjacentes, où les coûts d’opportunité et les coûts marginaux sont mutuellement intéressants, pourraient être bénéfiques.

L’administration fédérale pourrait continuer à soutenir le processus d’intégration des marchés provinciaux de l’électricité en étendant des initiatives comme la Porte d’entrée de l’énergie de l’Atlantique à d’autres régions et en encourageant le développement de nouvelles interconnexions, notamment avec les États-Unis. Les provinces devraient œuvrer ensemble à la réduction des obstacles aux échanges d’électricité et mettre en place de nouvelles interconnexions et des structures de marché plus concurrentielles dans leurs régions. Elles pourraient notamment prévoir un chapitre consacré à l’énergie (dont l’électricité) dans l’Accord sur le commerce intérieur (ACI), principal accord visant à réduire les obstacles aux échanges interprovinciaux par le biais du Conseil de la fédération (voir plus bas). La Conférence des ministres de l’Énergie et des Mines et son Groupe de travail sur l’électricité fédéral-provincial-territorial constituent d’autres possibilités de collaboration. En outre, resserrer la collaboration des instances de réglementation provinciales, comme dans le Conseil des régulateurs européens de l’énergie, pourrait permettre l’échange de bonnes pratiques et favoriser le développement d’un marché intérieur de l’énergie unique. Ces initiatives participeront à la création d’un environnement plus propice à l’investissement et à la coopération, mais dans certains cas, l’administration fédérale est intervenue pour subventionner des investissements, ce qui pourrait affaiblir la discipline de marché. En particulier, l’administration fédérale a soutenu certains grands projets de production et de transport d’énergie au moyen de garanties de dettes, réduisant ainsi les coûts d’emprunt. Ainsi, en décembre 2013, elle a octroyé une garantie globale de 5 milliards CAD sous forme de dette au projet hydroélectrique de Muskrat Falls, aux installations de transport du Labrador et à la ligne de transport entre le Labrador et Terre-Neuve, et en mars 2014, 1.36 milliard CAD pour le lien maritime. Ces garanties devraient faire baisser les taux d’intérêt sur toute la durée des projets de respectivement 1 milliard CAD et 325 millions CAD (Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, 2013; Emera, 2014).

Compte tenu des coûts de l’électricité, des questions d’offre et des évolutions des mix énergétiques, certaines provinces étudient les possibilités de créer de nouvelles interconnexions provinciales ou d’utiliser plus régulièrement les interconnexions existantes. Le Québec et l’Ontario ont, par exemple, signé un protocole d’accord à la fin de l’année 2014, permettant un échange de capacité de 500 MW (au moyen des interconnexions existantes). Cet accord renforce la fiabilité des systèmes électriques de chacune des provinces en tirant parti de la complémentarité de leurs pics saisonniers d’offre et de besoins en électricité. Plusieurs autres interconnexions transfrontières entre le Canada et les États-Unis et dans les provinces atlantiques du Canada sont également prévues ou en construction.

L’intégration des marchés pourrait contribuer à réduire les tarifs de l’électricité dans les provinces où l’électricité est majoritairement produite à partir de combustibles. Toutefois, dans les provinces où l’hydroélectricité représente une part substantielle de la production d’électricité (Colombie-Britannique, Québec, Terre-Neuve et Manitoba), le prix de l’électricité est généralement inférieur au coût d’opportunité (calculé en fonction des recettes d’exportations possibles (voir graphique 1.4 plus haut ; Pineau, 2008). Cela a constitué une aide implicite pour les entreprises et les ménages, qui tend à être plus généreuse pour les ménages disposant des plus hauts revenus car ils consomment généralement plus d’électricité (graphique 1.6, panneau A ; Pineau, 2008). De façon générale, le fait que les prix soient inférieurs aux prix du marché a fait augmenter la consommation d’énergie (panneau B) et a abouti à des taux de rendement sur investissement faibles. Une part de l’augmentation de la consommation par habitant s’explique par le passage au chauffage électrique dans les provinces où les tarifs sont bas. Une meilleure intégration entraînerait probablement une hausse des tarifs de l’électricité dans ces provinces et pourrait se heurter à des résistances, en particulier de la part des ménages et des secteurs gourmands en énergie (comme les mines). Dans un marché plus concurrentiel et plus intégré, l’accroissement des recettes tirées de la vente d’électricité pourrait être utilisé pour réduire les impôts ayant un effet de distorsion, diminuer l’impôt sur les sociétés, financer des programmes d’infrastructure ou programmes sociaux présentant des rendements plus élevés, compenser les impôts sur les bas revenus et lutter contre la pauvreté. Toutefois, un renchérissement des prix pourrait conduire à une perte de compétitivité de certaines industries à forte intensité énergétique, compte tenu du fait que les prix de l’électricité sont plus bas dans certains États des États-Unis. Comme il est possible que la demande extérieure d’électricité des provinces productrices d’hydroélectricité augmente, les autorités doivent s’assurer que les futurs projets internalisent leur impact environnemental et faire en sorte que les communautés des Autochtones canadiennes participent au processus de planification afin de limiter au maximum les dégâts sur les territoires traditionnels de chasse et de pêche.

Graphique 1.6. Ventes d’électricité aux particuliers
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1. La taille des bulles correspond au volume total des ventes d’électricité aux particuliers dans la province.

Source : Statistique Canada, tableaux 127-0008 et 051-0001, http://www.statcan.gc.ca/pub/11-526-s/2013002/t010-eng.htm ; A.J. Goulding et M. Atanasov (2014), Power Prices in Context : Comparing Alberta Delivered Electricity Prices to other Canadian Provinces on a Level Playing Field, London Economics International ; et calculs de l’OCDE.

 https://doi.org/10.1787/888933371664

Gaz naturel

En Amérique du Nord, les marchés du gaz naturel sont fortement interconnectés. La plupart des activités d’amont et d’aval relèvent de la compétence des provinces tandis que l’autorisation de construction de gazoducs de gaz naturel interprovinciaux ou internationaux au Canada et leur réglementation revient à l’Office national de l’énergie (ONÉ). L’administration fédérale participe également aux évaluations environnementales et à l’autorisation des grands projets. La réglementation du secteur du gaz naturel est faible au Canada par rapport aux autres pays de l’OCDE (graphique 1.7). Les prix y sont également bas ( graphique 1.8), ce qui s’explique par l’importance de l’offre de gaz au Canada et par la possibilité d’importer cette ressource à faible prix depuis les États-Unis, en particulier dans l’est du pays. Toutefois, les différences entre provinces ou même à l’intérieur des grandes provinces sont importantes.

Graphique 1.7. La réglementation dans le secteur du gaz naturel est faible
Indice variant sur une échelle de 0 à 6 (du degré de restriction le plus faible au plus élevé), 2013
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Source : OCDE, base de données sur la réglementation des marchés de produits.

 https://doi.org/10.1787/888933371677

Graphique 1.8. Les tarifs du gaz naturel1 sont faibles au Canada, 2014
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1. Taxes comprises.

Source : AIE, base de données Energy Prices and Taxes.

 https://doi.org/10.1787/888933371687

Le marché du gaz naturel a été largement libéralisé dans les années 80 sous l’effet de la dérèglementation des prix en 1985. Le secteur d’amont est très concurrentiel et compte près de 700 producteurs en activité (AIE, 2016). Les prix de gros sont déterminés sur le marché ouvert et les achats se font principalement au comptant ou à court terme. Les actifs de transport et de distribution sont majoritairement détenus par le secteur privé et les droits de péage sont réglementés par l’ONÉ dans le cas des services de transport et par les conseils provinciaux des services publics pour les services de distribution. En particulier, les exploitants des gazoducs d’acheminement du gaz naturel doivent assurer un accès non discriminatoire et libre à tout chargeur, et les droits sont réglementés par la Loi sur l’Office national de l’énergie afin de couvrir les coûts fixes des gazoducs et les coûts variables d’exploitation. Les tarifs de distribution et les rendements des capitaux propres sont réglementés au niveau provincial. Quant aux prix de détail, ils sont réglementés par les provinces sur la base du prix coûtant majoré, qui comprend le coût du produit de base, du transport par gazoduc, de la distribution, une majoration et les taxes. Les instances provinciales de réglementation garantissent également que les achats de gaz sont judicieux. Comme souligné dans l’Étude économique de 2004 (OCDE, 2004), les enseignements de la déréglementation réussie du marché du gaz naturel pourraient s’avérer utiles pour réformer le marché de l’électricité, surtout en ce qui concerne l’ouverture à la concurrence sur le marché de gros et l’accès des tiers.

L’ensemble des exportations de gaz naturel du Canada sont à destination des États-Unis, et du fait de la production de gaz non conventionnel, les exportations et donc la production ont reculé. Après avoir culminé en 2007, les exportations ont baissé de près d’un tiers, atteignant en 2014 un volume comparable à celui enregistré au milieu des années 90. L’un des défis majeurs du secteur sera de développer une infrastructure permettant de diversifier les marchés d’exportation, notamment en construisant des terminaux et des gazoducs de gaz naturel liquéfié (GNL). À l’heure actuelle, 25 projets de liquéfaction attendent une autorisation et une décision finale en matière d’investissement, tandis que trois projets ont avancé en 2015 (AIE, 2016). Les exportations de GNL pourraient débuter en 2019, mais les oppositions pour des raisons environnementales, non seulement à cause de l’impact des gazoducs, mais aussi de la production de gaz à effet de serre du fait de l’exploitation du gaz, sont fortes. Dans son budget de 2015, l’administration fédérale a pris des mesures visant à encourager l’investissement privé dans les infrastructures, comme l’extension de la durée des licences d’exportation du gaz (délivrées par l’Office national de l’énergie) de 25 à 40 ans afin d’accroître la sécurité juridique et la déduction pour amortissement accéléré dans le cas des installations de liquéfaction. À l’échelle nationale, de grands projets sont en cours dans le but d’augmenter la part du gaz naturel dans la production d’électricité, en particulier dans les provinces dont la production repose beaucoup sur les centrales au charbon, ce qui devrait soutenir la demande globale et réduire les émissions de carbone.

Recommandations concernant l’amélioration de la concurrence dans le secteur de l’électricité
  • Œuvrer, en collaboration avec les provinces, au renforcement de l’intégration des marchés provinciaux de l’électricité, notamment en poursuivant le développement d’interconnexions est-ouest et en planifiant les infrastructures à l’échelle régionale, lorsqu’il est économiquement justifié de le faire. De même, collaborer avec les pouvoirs publics des États-Unis pour accroître davantage les échanges internationaux d’électricité.

  • Prévoir un chapitre consacré à l’énergie (dont l’électricité) dans le nouvel Accord sur le commerce intérieur.

  • Créer, dans d’autres régions, des initiatives semblables à la Porte d’entrée de l’énergie de l’Atlantique qui associent administrations et producteurs.

  • Œuvrer, en collaboration avec les provinces, à la libéralisation des segments de production et de distribution de l’électricité. Favoriser l’ouverture à la concurrence ou le renforcement de la concurrence sur les marchés de gros et de détail, par exemple en créant des marchés de gros en temps réel comme en Alberta, et en abandonnant les tarifs réglementés d’électricité pour les particuliers et les petites entreprises dans les marchés concurrentiels.

  • Faire preuve de davantage de pédagogie en ce qui concerne les marchés de détail pour inciter les consommateurs à changer de fournisseur.

Télécommunications et diffusion audiovisuelle

Les services de télécommunications et de diffusion audiovisuelle relèvent de la compétence de l’administration fédérale. Les réglementations relatives à ces secteurs reposent respectivement sur la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) est une autorité de régulation indépendante chargée d’interpréter ces lois, mais ses conclusions sont soumises à l’examen et l’approbation de l’administration fédérale. Comme dans d’autres pays de l’OCDE, la convergence des services de télécommunications et de diffusion audiovisuelle au Canada brouille de plus en plus la frontière entre ces deux secteurs. Même si le Canada a libéralisé une grande partie de l’offre de services de télécommunications, le secteur reste concentré : les cinq plus gros fournisseurs historiques représentaient plus de 84 % des recettes du secteur en 2014 (CRTC, 2015). Environ 94 % de ces recettes proviennent de services non réglementés (services que le CRTC juge suffisamment concurrentiels pour lever l’obligation de dépôts de tarif) (CRTC, 2015). Le secteur se caractérise également par une forte intégration verticale dans la mesure où les grands acteurs des télécommunications sont aussi présents dans les services de diffusion audiovisuelle.

Au Canada, les services de télécommunications sont de bonne qualité, ce qu’attestent, dans le cas du haut débit, différents indicateurs comme la vitesse de téléchargement, supérieure à la moyenne de l’OCDE (graphique 1.9). Toutefois, les services de télécommunications sont relativement chers. Le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile est plutôt faible, alors que le taux de pénétration du haut débit fixe est supérieur à la moyenne de l’OCDE. Les tarifs des forfaits de téléphonie mobile (appels mobiles et haut débit), des services de haut débit fixe et des offres de services groupées associant télévision, haut débit et appels vers des fixes (et d’autres offres plus chères comprenant également des services de téléphonie mobile) sont relativement élevés au Canada (graphique 1.10), en particulier pour le haut débit fixe. Ce constat concorde avec les conclusions du dernier rapport comparatif sur les tarifs, publié chaque année, préparé par Wall Communications Inc. pour le CRTC (Wall Communications Inc., 2015), lequel compare les tarifs au Canada à ceux des pays du G7 et de l’Australie. Elles montrent que les prix des services filaires, sans-fil mobile, Internet à large bande, Internet mobile et des forfaits au Canada figurent parmi les plus chers. On peut déduire de ces résultats que ces prix ont peut-être restreint la demande d’abonnement mobile et haut débit sans fil, même si le nombre d’abonnés au haut débit fixe est supérieur à la moyenne de l’OCDE (graphique 1.11). Le nombre plus réduit d’abonnements aux services de téléphonie mobile et de haut débit sans fil peut s’expliquer aussi, peut-être, par l’étendue des distances géographiques, étant donné la faible couverture des réseaux dans les zones rurales.

Graphique 1.9. Indicateurs de la qualité des télécommunications
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1. Cet indicateur ne prend pas en compte les utilisateurs du haut débit mobile pour calculer la vitesse moyenne de connexion.

Source : OCDE (2015), Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE 2015, données mises à jour.

 https://doi.org/10.1787/888933371696

Graphique 1.10. Tarifs des télécommunications
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1. 30 Mbit/s en débit descendant et 200 Go de bande passante, appels fixes illimités, télévision payante de qualité avec sports et cinéma.

2. Au moins 10 Mbit/s en débit descendant et 25 Go de données, location de la ligne fixe, télévision payante de base et 30 appels mobiles.

Source : OCDE (2015), Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE 2015, données mises à jour.

 https://doi.org/10.1787/888933371706

Graphique 1.11. Abonnements télécommunications
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1. Japon : estimations établies par l’OCDE pour des niveaux de débit inférieurs à 100 Mbit/s, sans distinction ; ces estimations peuvent également inclure une petite partie des abonnements du niveau de débit le plus élevé. Corée : 10 % : débits inférieurs à 50 Mbit/s ; 90 % restants : débits supérieurs à 50 Mbit/s.

Source : OCDE (2015), Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE 2015, données mises à jour.

 https://doi.org/10.1787/888933371711

S’agissant du renforcement de la concurrence dans la téléphonie mobile, ces dernières années, les pouvoirs publics ont axé leur action sur la levée des obstacles à l’entrée sur le marché afin de donner plus de chances à un quatrième opérateur mobile national, et sur la baisse des coûts de changement d’opérateur pour le consommateur. Parmi les mesures visant à augmenter la mobilité des consommateurs (et ce faisant accroître l’élasticité de la demande et donc faire baisser les prix) grâce au Code sur les services sans fil de 2013, figuraient notamment la réduction de la durée des contrats à deux ans (contre plus de trois ans auparavant pour la plupart), la restriction des pratiques de blocage des téléphones pour empêcher le consommateur d’utiliser l’appareil avec un autre opérateur et la limitation des frais de résiliation anticipée. Par ailleurs, afin de favoriser l’émergence d’un quatrième opérateur national, les pouvoirs publics ont décidé de : mettre en place un plafonnement des fréquences ; établir de nouvelles politiques en matière d’itinérance et de partage des pylônes ; assouplir les restrictions visant la participation étrangère pour les petits entrants (voir plus bas) ; limiter le transfert des licences de spectre mobile aux opérateurs historiques et réglementer les prix de gros des services d’itinérance facturés par les trois grands opérateurs. En outre, en juin 2015, les pouvoirs publics ont imposé, comme condition au transfert des licences d’utilisation du spectre de l’opérateur Mobilicity, placé sous administration judiciaire, et des licences non utilisées de Shaw Cable Systems à l’opérateur Rogers, le transfert sans frais de 25 licences d’utilisation du spectre de Rogers à Wind Mobile. Wind Mobile a ensuite été racheté par Shaw (qui pourrait être le quatrième opérateur national), après que le Bureau de la concurrence, autorité de contrôle, a donné son approbation.

Tous les pays de l’OCDE comptent au moins trois opérateurs de téléphonie mobile (OTM) en concurrence au niveau national, sachant que certains pays dénombrent quatre ou cinq opérateurs dotés de leurs propres installations au niveau national ou régional. Les services proposés sont généralement plus compétitifs et plus innovants dans les pays comptant un plus grand nombre de OTM (OECD, 2014d). Au Canada, les tarifs des nouveaux entrants sont en moyenne 26 % à 50 % moins chers que les prix moyens des opérateurs historiques, selon la catégorie de services considérée (Wall Communications Inc., 2015). Analysant le marché de la téléphonie mobile dans huit pays européens, en Australie, en Corée, aux États-Unis et au Japon, Elixmann et al. (2015) n’ont trouvé aucun lien entre consolidation ou plus forte concentration et investissement. D’après leur étude, l’investissement dans ce marché tend à suivre les cycles d’investissement à long terme, qui semblent être globalement indépendants de l’évolution de la structure de marché dans les pays considérés. Néanmoins, il sera important de suivre l’effet des mesures adoptées au Canada pour favoriser l’émergence d’un quatrième opérateur de réseaux mobiles sur l’investissement et sur la qualité des réseaux mobiles.

L’accès à l’Internet haut débit est considéré comme un facteur déterminant de la productivité et de la compétitivité (Nordås et Rouzet, 2015). En dépit des forts tarifs, le nombre d’abonnements Internet par habitant est relativement élevé au Canada. Le Canada a vu le nombre de raccordements à la fibre augmenter ces dernières années, les opérateurs de téléphonie historiques régionaux ayant décidé d’investir moins dans la fibre jusqu’au nœud/VDSL (très haut débit) au profit de la fibre jusqu’à l’abonné. Le taux de pénétration du réseau fibré reste faible par rapport à la plupart des pays de l’OCDE (OCDE, 2015b). Le cadre de la politique et le niveau de concurrence peuvent expliquer cette situation, mais aussi les longues distances et la faible densité de population.

Il n’y a pas de cadre réglementaire unique pour favoriser la concurrence dans le haut débit (OCDE, 2011), et le Canada a choisi de se concentrer sur la concurrence au niveau des installations entre les fournisseurs de services de télécommunications et les câblodistributeurs historiques. Il exige un accès de gros au réseau pour les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) sur la base d’un coût différentiel moyen à long terme réglementé dans le but de favoriser la concurrence sur le marché de détail. En outre, le CRTC applique des dispositions afin de garantir qu’aucune mesure non tarifaire n’est utilisée pour exercer une discrimination à l’égard d’un concurrent. Par exemple, les FAI de rang 2 doivent bénéficier des mêmes vitesses que les FAI dotés de leur propre réseau et les pratiques de gestion de la congestion ne doivent pas ralentir le trafic des FAI de rang 2. En 2015, l’accès garanti des FAI de niveau 2 aux réseaux a été étendu aux câbles de fibre optique jusqu’au domicile et aux réseaux de câbles ultra-haut débit. Toutefois, ces obligations ne s’appliquent plus aux lignes de transports des opérateurs historiques entre zones, mais seulement aux lignes locales. Par conséquent, les FAI de niveau 2 sont désormais tenus de construire leurs accès ou de négocier un accès aux lignes de transport des opérateurs historiques ou d’une autre entreprise. De façon générale, étant donné que les prix de gros offrent un rendement raisonnable, il est probable que les opérateurs historiques continuent d’investir dans le réseau fibré pour concurrencer le réseau câblé.

Avec la numérisation des médias grâce à Internet et aux appareils mobiles, les réglementations concernant la diffusion audiovisuelle sont de plus en plus dépassées, et la distinction entre fournisseurs de services de télécommunications, régis par la Loi sur les télécommunications, et les entreprises de diffusion audiovisuelle, principalement par câble ou par satellite, soumises à la Loi sur la radiodiffusion, tend à s’effacer. À la suite d’une évaluation réalisée en 1999, le CRTC a estimé qu’il existait une quantité importante de nouveaux contenus médias (jeux vidéo, commerce en ligne et autres services liés à Internet notamment), et il a choisi d’exempter ces nouveaux médias de la réglementation applicable à la diffusion audiovisuelle afin d’encourager l’innovation, décision confirmée en 2009. Si le CRTC a assoupli les règles en matière de contenu pour le créneau de jour et pour la plupart des chaînes spécialisées en mars 2015 (SRC, 2015), les entreprises de diffusion audiovisuelle restent désavantagées par rapport aux nouveaux médias puisqu’elles sont tenues de respecter les règles en vigueur relatives au contenu canadien et de contribuer financièrement à la création de contenu canadien. En règle générale, ces contributions représentent au minimum 5 % des recettes annuelles brutes générées par leurs activités de diffusion audiovisuelle (Dewing, 2011). Afin d’assurer des conditions de concurrence équitables entre les entreprises de diffusion audiovisuelle et les nouveaux médias, les pouvoirs publics pourraient envisager de subventionner le contenu canadien directement par la fiscalité générale.

Les récentes modifications de la réglementation en matière de diffusion audiovisuelle visaient principalement à faciliter les changements d’opérateur en interdisant les clauses prévoyant un préavis de 30 jours en cas de résiliation (mesure entrée en vigueur en janvier 2015) et à dégrouper les offres de chaînes de télévision. Depuis mars 2016, les opérateurs sont tenus par le CRTC de proposer un service d’entrée de gamme à un tarif maximal de 25 CAD/mois offrant au consommateur la possibilité de choisir ses chaînes à la carte, de composer un bouquet ou d’opter pour un bouquet prédéfini, d’ici à décembre 2016 (tant les offres à la carte que les bouquets seront obligatoires à partir de cette date). Le fait que le CRTC ait dû intervenir sur le marché de la diffusion audiovisuelle, pour réglementer les offres des entreprises de diffusion audiovisuelle et les obliger à proposer un service de base à prix réduit et des offres à la carte ou des formules, peut être le signe d’un manque de concurrence dans ce secteur, en particulier du fait de l’intégration verticale, malgré l’éventail de choix qu’offre la numérisation des médias.

De façon générale, il est possible que les prix élevés des services de télécommunications au Canada s’expliquent par les investissements réalisés et la qualité des services, mais ces prix peuvent aussi refléter un niveau de concurrence préoccupant. Les restrictions visant la participation étrangère dans le secteur des télécommunications (et de la diffusion audiovisuelle) au Canada comptent parmi les plus strictes de l’OCDE (graphique 1.12), ce qui pourrait limiter la concurrence et l’accès aux financements et ralentir la diffusion des nouvelles technologies. D’après Nordås et Rouzet (2015), il existe une étroite relation entre les indicateurs de performance dans les services de télécommunications, comme un tarif plus faible des abonnements, et les restrictions sectorielles aux échanges. Après la levée en 2012 des restrictions applicables aux petits opérateurs, les mesures restrictives restantes imposent généralement aux acteurs étrangers de ne pas détenir plus de 46.7 % des actions avec droit de vote des opérateurs de télécommunications dotés de leurs propres installations ou des entreprises de diffusion audiovisuelle, et qu’au moins 80 % des membres des conseils d’administration soient de nationalité canadienne, mais ces restrictions ne s’appliquent pas aux entreprises qui revendent des services de télécommunications. Les restrictions visant la participation étrangère ne s’appliquent plus aux fournisseurs dont les recettes représentent moins de 10 % du marché des télécommunications canadien. Toutefois, puisque ces entreprises ne sont pas autorisées à proposer des services groupés de télécommunications et de diffusion audiovisuelle, secteur dans lequel les restrictions visant la participation étrangère sont toujours en vigueur, il est probable que les obstacles à l’entrée restent élevés.

Graphique 1.12. Les restrictions à l’entrée d’acteurs étrangers dans le secteur des télécommunications sont importantes au Canada
Indice de 0 (ouvert) à 1 (fermé), 2015
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Source : OCDE, base de données de l’indice de restrictivité des échanges de services.

La levée des restrictions visant la participation étrangère pourrait intensifier la concurrence dans le secteur des télécommunications et de la diffusion audiovisuelle, et ainsi faire baisser les prix. D’après Rouzet et Spinelli (2015), l’élimination de ces restrictions dans les télécommunications pourrait réduire les marges prix-coût (26 %) de 2 points de pourcentage, ce qui représenterait des gains tangibles pour les consommateurs et les entreprises situées en aval. Pour instaurer un climat plus propice aux investissements, les pouvoirs publics pourraient envisager de libéraliser davantage l’entrée dans le secteur des télécommunications et dans celui de la diffusion audiovisuelle, conformément aux recommandations du Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des télécommunications formulées en 2005-06. Étant donné les lourds obstacles structurels à l’entrée, il pourrait s’avérer nécessaire de permettre à des acteurs étrangers d’acquérir des petits fournisseurs (par exemple ceux détenant moins de 10 % de part de marché). Après cette période de transition, il conviendrait de libéraliser intégralement l’entrée d’acteurs étrangers (y compris en matière d’acquisitions), sachant que les investissements étrangers resteraient soumis à la Loi sur l’investissement du Canada. Si les restrictions visant la participation étrangère dans le secteur des télécommunications traduisent en partie la volonté de protéger, enrichir et renforcer le tissu culturel, politique, social et économique national (Dewing, 2011), d’autres lois et d’autres réglementations seraient mieux à même de servir ces objectifs.

Recommandations concernant l’amélioration de la concurrence dans les télécommunications et la diffusion audiovisuelle
  • Lever les restrictions visant la participation étrangère dans le secteur des télécommunications et de la diffusion audiovisuelle, si nécessaire en deux étapes. Servir les objectifs culturels dans la diffusion audiovisuelle au moyen d’autres outils que ce type de restrictions.

  • Afin d’assurer des conditions de concurrence équitables entre les entreprises de services de télévision par câble et par satellite et les nouveaux médias, envisager de subventionner le contenu canadien directement par la fiscalité générale.

Transport

Transport aérien

Le secteur du transport aérien au Canada a été déréglementé en 1987 avec l’adoption de la Loi sur les transports nationaux. Cette loi prévoyait l’obligation que tout transporteur offrant un service intérieur devait être détenu et contrôlé par des intérêts canadiens. Compte tenu de l’étendue géographique du Canada, les transporteurs aériens jouent un rôle important dans le déplacement à la fois des personnes et du fret et des marchandises exigeant un transport rapide vers les régions septentrionales et reculées du pays, et dans nombre de cas, il n’existe que peu d’autres options de transport, sauf pour les courtes distances. Le transport aérien de passagers est donc généralement considéré comme un marché distinct des autres modes de transport (OCDE, 2014b). Ainsi, l’insolvabilité d’un des deux grands transporteurs aériens nationaux (Lignes aériennes Canadien International [« LACI »]) et sa fusion avec Air Canada en 2001 ont suscité des inquiétudes quant à la situation de la concurrence. Diverses mesures ont été préconisées par le Bureau de la concurrence pour limiter les pratiques anticoncurrentielles après l’acquisition de ce transporteur par Air Canada. Ces mesures traitaient surtout de l’éviction dans l’industrie du transport aérien et de l’utilisation préférentielle d’installations et d’autres pratiques d’exclusion. Des modifications législatives ont aussi conféré au Commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances temporaires interdisant à des compagnies aériennes locales de se livrer à des pratiques qui pourraient constituer un comportement anticoncurrentiel (OCDE, 2014b). Depuis lors, une deuxième compagnie aérienne nationale, WestJet, qui assure des services intérieurs et des vols internationaux, a vu le jour. D’autres compagnies de petite taille, mais néanmoins importantes, sont également entrés en lice (parmi lesquelles Porter, Transat et Sunwing), qui offrent des vols internationaux et intérieurs, mais aussi d’autres, qui ne proposent que des vols intérieurs. Plusieurs tentatives ont également eu lieu pour créer d’autres compagnies, mais elles ont échoué.

Pendant la période initiale de déréglementation, c’est-à-dire avant 2000, les tarifs canadiens du transport aérien intérieur sont restés relativement constants en termes réels (OCDE, 2004 ; FRBSF, 2002). Mais, depuis 2000, les tarifs aériens intérieurs réels ont baissé davantage au Canada qu’aux États-Unis (graphique 1.13). Malgré tout, les prix des billets d’avion pour des itinéraires similaires au départ d’aéroports des États-Unis proches de la frontière sont demeurés en général plus faibles que ceux pratiqués au départ d’aéroports canadiens (Gill, 2012). Les coûts de transport élevés pénalisent les déplacements et peuvent nuire à la compétitivité commerciale et réduire l’attrait du Canada en tant que destination touristique. Ils amènent à s’interroger sur les conditions de la concurrence, notamment l’existence d’importantes barrières à l’entrée et le rôle des taxes et des redevances ainsi que des chiffres de fréquentation plus faibles au Canada, dans l’érosion de la compétitivité-coûts. Les études menées par le passé ont montré que la concurrence des transporteurs aériens à bas coûts a conduit à une baisse des prix au Canada (CELTC, 2001), suggérant que la réduction des barrières à l’entrée entraîne une baisse des prix pour les consommateurs et contribue à une meilleure compétitivité des entreprises canadiennes.

Graphique 1.13. Tarifs aériens intérieurs moyens en termes réels1
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1. Abstraction faite des éventuels changements dans la durée moyenne du vol. Les tarifs aériens intérieurs moyens ont été déflatés par les indices totaux des prix à la consommation respectifs.

Source : Statistique Canada, tableaux 401-0004 et 326-0021 ; US Bureau of Transportation Statistics ; calculs de l’OCDE.

 https://doi.org/10.1787/888933371723

Des obstacles structurels à l’entrée dans le transport aérien (compagnies aériennes et aéroports) (par exemple, les dépenses à engager pour acheter ou louer un aéronef, les systèmes de réservation, les créneaux, l’accès aux installations aéroportuaires, notamment les comptoirs d’enregistrement et les portes d’embarquement, etc.) limitent probablement l’ampleur de la concurrence dans un marché libéralisé (OCDE, 2014a). L’incidence de ces obstacles a probablement été amplifiée par l’existence d’autres obstacles réglementaires et stratégiques. La réglementation sectorielle dans le secteur des transports n’est que légèrement plus restrictive que la moyenne de l’OCDE (graphique 1.14), car le Canada est moins impliqué dans les accords régionaux, comme l’Espace aérien commun de l’Union européenne, lesquels facilitent les transports aériens et la concurrence dans ce secteur. Cependant, le Canada a été très actif dans la négociation des accords sur les services aériens et des accords de type « ciel ouvert ».

Graphique 1.14. Réglementation dans le secteur du transport aérien
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Source : OCDE, base de données sur la réglementation des marchés de produits et base de données de l’indice de restrictivité des échanges de services.

 https://doi.org/10.1787/888933371736

La politique Ciel bleu, adoptée par le Canada en novembre 2006, appelle notamment une approche proactive de la négociation des accords sur les services aériens, entre autres, la négociation d’accords réciproques de type « ciel ouvert » (semblables à celui négocié avec les États-Unis en 2005), lorsque cela est jugé conforme à l’intérêt global du pays. Lorsqu’il définit ses priorités de négociations, le Canada consulte un large éventail de parties prenantes parmi lesquelles les transporteurs aériens, les autorités aéroportuaires, les administrations des provinces et des territoires et autres (fédérations d’entreprises, fédérations du tourisme, etc.). Sont examinées dans le cadre de ce processus diverses questions telles que la probabilité pour que la libéralisation conduise à l’apparition de nouveaux services de transporteurs canadiens et étrangers, la taille et le degré de maturité des marchés de transport aérien examinés et leur potentiel de développement futur, les objectifs canadiens en matière d’échanges internationaux, la sûreté et la sécurité, les demandes des gouvernements étrangers et les relations extérieures, les points d’accrochage et les différends au niveau bilatéral. Le Canada a négocié des accords de services aériens nouveaux ou élargis avec plus de 80 pays, couvrant 71 % du trafic international de passagers au Canada et 94 % de l’ensemble du commerce international bilatéral de marchandises (Transports Canada, 2015). Toutefois, l’attribution de « droits de sixième liberté modifiés », actuellement exclus des accords « ciel ouvert » au Canada, élargirait la concurrence et l’éventail des choix, un transporteur aérien des États-Unis (pour des raisons géographiques, les États-Unis seraient le seul partenaire avec lequel des droits de sixième liberté seraient techniquement envisageables) étant alors autorisé à assurer une liaison entre un aéroport canadien et un autre, en faisant escale aux États-Unis. En outre, la concurrence pourrait être améliorée en renforçant l’intégration continentale au moyen d’un espace aérien commun, comme c’est le cas au sein de l’Union européenne, et en accordant une plus grande priorité aux intérêts des consommateurs et des entreprises des autres secteurs dans la négociation des accords de services aériens.

Les échanges de services dans le transport aérien au Canada font l’objet de restrictions relativement importantes, imputables aux plafonds imposés à la participation étrangère au capital (graphique 1.14, panneau B). Les contraintes de financement qui en résultent peuvent décourager l’entrée, augmenter les coûts de financement pour les opérateurs en place et ralentir l’adoption des meilleures pratiques et des nouvelles technologies. Pour exploiter des services aériens intérieurs, les transporteurs ne doivent pas compter plus de 25 % de leurs actions à droit de vote aux mains d’intérêts étrangers. Toutefois, les investisseurs étrangers peuvent détenir des actions sans droit de vote. Un assouplissement de ces restrictions, qui consisterait à porter à 49 % le plafond des actions avec droit de vote pouvant être détenues par des transporteurs aériens opérant des services internationaux, pourrait contribuer à réduire les coûts de financement pour les compagnies aériennes et à renforcer la concurrence. Sur le marché intérieur, l’élimination complète des restrictions à la participation étrangère et l’octroi de droits d’établissement (de façon à permettre aux transporteurs aériens étrangers de mettre en place leur propre compagnie aérienne au Canada), comme cela a été fait en Australie et en Nouvelle-Zélande, pourraient renforcer la concurrence au niveau national et élargir les choix des consommateurs. À plus long terme, cette mesure de libéralisation, si elle était appliquée aux itinéraires internationaux, comme au Chili, pourrait aussi favoriser la concurrence. Néanmoins, l’assouplissement des réglementations en question pourrait entraîner une réduction des majorations de salaires dans le secteur et une augmentation du taux d’érosion des effectifs (Denk, 2016), ce qui risque d’amplifier la résistance politique à la réforme.

Les obstacles structurels, tels que l’accès aux créneaux de décollage et d’atterrissage, peuvent également limiter l’entrée. Ces obstacles peuvent être amplifiés si la capacité de l’aéroport est tendue, bien que les aéroports canadiens ne soient pas particulièrement surchargés à l’exception de Toronto Pearson et de Vancouver International aux heures de pointe. Ces deux aéroports-pivots jouent un rôle clé dans le réseau en étoile du Canada et l’efficacité de leurs opérations influe sur l’ensemble du système. Comme dans de nombreux pays, les créneaux dans les aéroports canadiens soumis à des contraintes de capacité sont généralement attribués en fonction des droits historiques, les nouveaux arrivants bénéficiant d’une attribution prioritaire à hauteur de 50 % de l’ensemble et les transporteurs aériens ayant des « droits historiques » voyant leurs créneaux horaires reconduits sur la base du principe « use-it or lose it » (utilisation obligatoire sous peine de perte définitive), conformément aux directives de l’Association internationale du transport aérien. Afin de favoriser l’entrée, les autorités pourraient également envisager de mettre en place un marché secondaire, sur lequel les créneaux pourraient être échangés librement (loués ou vendus) entre les compagnies aériennes, moyennant un contrôle public du mécanisme de négociation pour assurer un accès équitable. Une autre option pour l’attribution des créneaux serait d’élargir les stratégies de tarification de la congestion, ce qui pourrait améliorer l’efficacité de l’utilisation des aéroports (Madas et Zografos, 2010).

Des obstacles stratégiques à l’entrée ont également été mis en place par les compagnies aériennes, y compris les programmes de fidélisation, les systèmes de rabais pour les entreprises et les accords passés avec les agences de voyage. Les programmes de fidélisation peuvent décourager la concurrence, car ils réduisent la volonté des passagers de changer de transporteurs, même lorsque les tarifs sont plus élevés ou les services de moins bonne qualité, permettant ainsi aux compagnies concernées d’accroître leurs marges. L’impact sur la concurrence de ces programmes peut également être amplifié par la participation à des alliances. La Norvège, par exemple, a interdit en 2002 le programme de fidélisation de la compagnie SAS sur les vols intérieurs, compte tenu de ses effets anticoncurrentiels, ce qui a facilité l’entrée sur le marché d’un nouveau transporteur à bas coût. Au début des années 2000, Air Canada a également été tenue pendant une période de cinq ans de vendre l’accès à son programme de fidélisation à d’autres transporteurs canadiens dont les recettes au titre du transport intérieur de passagers étaient inférieures à 250 millions CAD. Au final, Air Canada a cédé Groupe Aeroplan, qui a pris ultérieurement le nom d’Aimia, société dont Air Canada n’est pas actionnaire et dans laquelle la compagnie ne possède aucun droit de contrôle. L’administration fédérale devrait évaluer la portée de l’effet dissuasif de ces programmes de fidélisation et systèmes de rabais sur l’entrée. Si leurs effets anticoncurrentiels sont importants, elle devrait envisager de limiter l’acquisition de points sur certains itinéraires ou de permettre aux passagers optant pour de nouvelles compagnies d’accumuler des points sur les programmes des transporteurs en place, moyennant compensation par la compagnie concernée.

La structure actuelle du système aéroportuaire canadien et les redevances correspondantes pourraient nuire à la compétitivité-coûts (graphique 1.15). En application de la politique nationale des aéroports de 1994, l’État a transféré la responsabilité des petits aéroports locaux à des entités régionales, mais a conservé la propriété des 26 aéroports les plus fréquentés, par lesquels transitent 94 % du trafic de passagers et de fret (CSPTC, 2012), en louant la plupart d’entre eux à des administrations aéroportuaires canadiennes locales à but non lucratif qui se chargent de leur administration et de leur exploitation. Bien qu’exonérées d’impôts fédéraux, ces autorités doivent acquitter à l’administration fédérale un loyer foncier, qui peut représenter jusqu’à 30 % de leur budget de fonctionnement (CTARS, 2015). Ce loyer était destiné à faire en sorte que l’État n’ait pas à pâtir financièrement de ces transferts. Depuis 2005, la formule de détermination du loyer est de plus en plus indexée sur le chiffre d’affaires de l’aéroport, ce qui a sans doute dissuadé l’expansion des installations, cette indexation sur les recettes et non sur les bénéfices (comme cela serait possible dans une structure aéroportuaire à but lucratif) pourrait avoir réduit les activités à faible marge. Dachis (2014) fait valoir qu’en conséquence, les recettes autres que celles liées aux services aéronautiques sont plus faibles dans les aéroports canadiens que dans ceux de nombreux autres pays. Dans un rapport de 2012, le Sénat a exhorté le Gouvernement canadien à cesser de facturer des loyers et à transférer les principaux aéroports du Canada aux autorités qui en assurent déjà l’exploitation (CSPTC, 2012). L’administration fédérale devrait évaluer l’incidence de la structure actuelle de participation au capital des grands aéroports canadiens sur l’efficacité et la compétitivité-coûts. Elle devrait envisager de dissoudre les autorités existantes et de vendre ses participations restantes dans les aéroports à une société ou à des sociétés privées ou à un groupe d’investisseurs. Elle pourrait aussi, comme recommandé dans l’Examen de la loi sur les transports au Canada de 2014-15, transformer les autorités aéroportuaires existantes en sociétés par actions à but lucratif et leur vendre les terrains où sont situés les aéroports. Il faudrait au moins indexer les loyers des aéroports sur les bénéfices dans le cadre d’une structure à but lucratif ou bien sur les valeurs foncières, et non sur les recettes (en éliminant en outre la progressivité de l’impôt) afin d’encourager les aéroports à rechercher d’autres sources de recettes et à diminuer ainsi les redevances d’atterrissage.

Graphique 1.15. Taxes sur les billets et redevances aéroportuaires
Indice du coût relatif d’accès aux services de transport aérien international de 0 (plus faible) à 100 (plus élevé)1
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1. Série inversée, c’est-à-dire 100 moins série initiale.

Source : Forum économique mondial (2015), Travel and Tourism Competitiveness Report 2015.

 https://doi.org/10.1787/888933371747

Dans l’ensemble, les redevances aéroportuaires et les taxes sur les billets relativement élevées au Canada pourraient éroder la compétitivité-coûts des transporteurs canadiens dans la mesure où ils sont en concurrence avec des opérateurs étrangers utilisant des aéroports situés dans d’autres pays, notamment aux États-Unis. Alors que les différentes redevances peuvent être mineures considérées individuellement, leur combinaison peut conduire à un gros écart entre les tarifs aériens canadiens et américains. Une étude (Gill, 2012) a montré que la différence entre les coûts supportés par les transporteurs au Canada et aux États-Unis, qui sont pris en compte dans les tarifs de base, peut être imputée pour 50 % environ aux redevances, aux carburants et aux taxes. Qui plus est, cette différence s’explique aussi par l’application du principe de l’utilisateur-payeur au Canada, alors qu’aux États-Unis, les infrastructures ne sont pas intégralement autofinancées et que les aéroports bénéficient d’importantes subventions. Le niveau plus élevé des tarifs a contribué à un repli des voyageurs canadiens sur les aéroports américains proches. Si la récente dépréciation du dollar canadien a probablement réduit les effectifs concernés en valeur brute au cours des deux dernières années (les chiffres correspondants ne sont pas disponibles en valeur nette), on estime que plus de 2.5 millions de Canadiens ont traversé la frontière pour décoller d’un aéroport américain en 2011 (Gill, 2012), réduisant ainsi la production et l’emploi dans le secteur. Le tableau 1.3 ci-après récapitule les diverses taxes et redevances, en les comparant avec celles des États-Unis.

Tableau 1.3. Taxes et redevances aéroportuaires

Taxes et redevances

Description et comparaison avec les États-Unis1

Incluses dans les tarifs de base

Location de l’aéroport

Un loyer foncier est acquitté par les aéroports loués à l’administration fédérale. le montant de ce loyer est calculé sur la base d’une formule progressive indexée sur les recettes. Ces loyers ne sont pas perçus aux États-Unis où les aéroports sont détenus et exploités par la ville ou le comté, bien qu’une partie de ces recettes soient employées pour subventionner les transports publics aux États-Unis.

Redevances de services de navigation aérienne

Nav Canada facture aux transporteurs le coût des services de navigation aérienne et des services connexes. Ces redevances sont limitées au montant nécessaire pour couvrir les coûts et maintenir des réserves financières raisonnables. Elles sont en partie subventionnées aux États-Unis.

Paiements tenant lieu de taxes municipales

Les aéroports canadiens sont assujettis à des paiements tenant lieu de taxes municipales, alors que ceux-ci ne sont pas prélevés aux États-Unis, où les aéroports sont généralement la propriété des municipalités.

Taxes sur le carburant

Les taxes fédérales sur le carburant ne sont pas prélevées sur les vols internationaux, conformément à la pratique internationale, mais sont perçues par certaines administrations provinciales (Manitoba, Nouvelle-Écosse, Ontario et Île-du-Prince-Édouard), ce qui peut avoir une incidence sur la compétitivité internationale. La plupart des États n’imposent pas de taxe sur le carburant d’aviation destiné aux vols commerciaux internationaux. Un droit d’accise fédéral de 4 cents/litre est également prélevé sur le carburant destiné aux vols intérieurs. Les taxes perçues sur les vols intérieurs sont comptabilisées dans les recettes générales au Canada, alors qu’elles sont réinvesties dans l’infrastructure aéronautique aux États-Unis.

Ajoutées aux tarifs de base

Droits sur la sécurité des passagers du transport aérien

Ces redevances couvrent le coût total des contrôles pré-embarquement des passagers, de leurs bagages et des bagages enregistrés, ainsi que des services de sécurité fournis par l’Administration canadienne de la sûreté du transport (ACSTA). L’ACSTA est la société responsable de la sécurité du transport aérien depuis les attentats du 11 septembre 2001. Ces droits couvrent également la réglementation et la surveillance, ainsi que les agents de la Gendarmerie royale du Canada sur certains vols intérieurs et internationaux. Aux États-Unis, en revanche, les dépenses de sécurité sont en partie financées par l’État.

Frais d’améliorations aéroportuaires

Les frais d’améliorations aéroportuaires sont facturés par les aéroports pour préfinancer les investissements d’infrastructure. Ils varient en fonction de l’aéroport et de ses programmes d’équipement, et leur montant fait l’objet de peu de contrôles. Des frais du même type sont facturés aux États-Unis (frais d’utilisation par passager), mais ils sont en général plus faibles (Gill, 2012) et sont plafonnés par le Congrès.

Taxes sur les ventes

La TPS (taxe sur les produits et sur les services)/TVH (taxe sur les ventes harmonisée) est perçue en supplément des tarifs de base et de tous les autres frais et redevances applicables aux vols intérieurs, et seule la TPS est perçue sur les vols vers les États-Unis, (hors Hawaï). Ni la TPS, ni la TVH, ne sont appliquées sur les autres vols internationaux.

1. Un certain rééquilibrage s’opère du fait de redevances prélevées aux États-Unis et non au Canada, notamment la taxe de transport, la redevance agricole, les droits de douane et les frais d’utilisation des services de l’immigration.

Transport ferroviaire

Dans le secteur ferroviaire, les pays ont opté pour différentes combinaisons de formes de propriété, privée ou publique, structures sectorielles (dégroupage, octroi de licences ou intégration verticale) et mesures réglementaires, et font appel à différentes sources concurrentielles pour limiter le pouvoir de marché (transport intramodal par rapport au transport intermodal) (OCDE, 2013). La structure du marché qui en résulte dépend dans une large mesure du réseau ferré préexistant et de la géographie du pays, ainsi que des interventions réglementaires et politiques. Dans les pays d’Amérique du Nord, le transport ferroviaire concerne essentiellement le fret, il couvre de grandes distances et est le fait de grandes entreprises à intégration verticale. Dans les pays de l’Union européenne, en revanche, le transport ferroviaire tend à être dominé par le trafic de passagers (surtout en Europe occidentale) et la séparation verticale a été introduite avec plus ou moins de succès. Si une plus grande séparation peut limiter le comportement anticoncurrentiel, la réduction des incitations à investir dans l’infrastructure ferroviaire, les pertes d’économies d’échelle et d’autres inefficiences peuvent accroître les dépenses de fonctionnement (OCDE, 2013).

Le secteur ferroviaire canadien est dominé par deux grands opérateurs privés intégrés verticalement : le Canadian National (CN), privatisé en 1995, et le Canadian Pacific (CP), qui a toujours été une société privée, encore que certains petits acteurs régionaux soient aussi présents sur le marché. En 2013, ces deux principaux opérateurs représentaient 90 % de l’ensemble des recettes du secteur du transport ferroviaire (Transports Canada, 2014). Le transport ferroviaire de passagers ne joue qu’un petit rôle au Canada, compte tenu de la dimension géographique du pays (même s’il est plus important dans le corridor Québec-Windsor que dans les autres régions). Le CN et le CP exploitent commercialement des lignes transnationales sauf à l’Est du Québec pour CP, où l’opérateur ne dispose pas de voies ferrées. Des dispositions législatives et réglementaires ont été prises pour promouvoir la concurrence ferroviaire, telles que celles qui ont trait aux droits de circulation réglementés (qui autorisent des opérateurs à accéder au réseau ferroviaire d’un autre opérateur) et aux manœuvres inter-réseaux (remise de véhicules ferroviaires au réseau le plus proche à un tarif réglementé). La performance du secteur ferroviaire canadien se reflète dans une baisse des taux de fret en termes réels, l’augmentation du nombre de tonnes-kilomètres (une mesure des marchandises expédiées) dépassant la hausse totale des recettes depuis la déréglementation des années 80 et 90 (graphique 1.16, panneau A). Les marges d’exploitation réelles se sont améliorées depuis la fin des années 90 grâce à la limitation des coûts (panneau B) et la productivité de la main-d’œuvre a également enregistré une progression constante (CPCS, 2014 ; ITF, 2014). Dans l’ensemble, les taux de fret du Canada sont faibles par rapport aux niveaux enregistrés dans la zone OCDE (panneau C).

Graphique 1.16. Performance et tarifs du secteur ferroviaire
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1. Y compris la compagnie Canadian National et la Canadian Pacific.

2. Déflatés par l’indice des prix à la consommation.

3. Les données couvrent les activités de fret et les autres activités des compagnies Canadian National, Canadian Pacific et VIA Rail.

4. La marge d’exploitation correspond à la part des bénéfices d’exploitation ferroviaire nets dans les recettes d’exploitation.

Source : Statistique Canada ; calculs de l’OCDE ; L. S. Thompson (2014), « What is Rail Efficiency and How Can It Be Changed? », ITF Discussion Paper 2014-23, établi pour la Table ronde Efficiency in Railway Operations and Infrastructure Management, 18-19 novembre 2014.

 https://doi.org/10.1787/888933371751

D’importants chevauchements existent entre les réseaux du CN et du CP. Les compagnies ferroviaires sont en concurrence pour plus de 40% du trafic ferroviaire du point d’origine au point de livraison, tandis qu’environ 61% des expéditeurs (à l’exclusion des céréaliers) interrogés dans le cadre de l’Examen de la loi de 2001 sur les transports au Canada ont indiqué faire appel à d’autres compagnies ferroviaires (InterVISTAS Consulting, 2003). Ces évaluations ne prennent pas en compte l’incidence de l’augmentation de la distance de manœuvre inter-réseaux, passée de 30 kilomètres à 160 kilomètres pour les expéditions de produits de base (y compris les céréales) dans les trois provinces des Prairies, mise en place en 2014 (voir plus loin). Une concurrence intermodale est envisageable sur de courtes distances, y compris la concurrence du transport routier, mais sur de longues distances, il existe peu d’options rentables. L’absence de tarification routière, associée aux conditions commerciales de l’expédition de fret (notamment le fait que les expéditeurs sont implicitement facturés pour le coût total de l’infrastructure ferroviaire), peut fausser la comparaison des systèmes de transport de marchandises, défavorisant le rail par rapport au camionnage sur des distances plus courtes.

Comme le secteur ferroviaire est très concentré, plusieurs mesures législatives et réglementaires ont été mises en place pour encourager la concurrence et assurer la qualité des services (tableau 1.4). Bien que plusieurs de ces dispositions aient été peu utilisées, on considère que leur existence même encourage la concurrence et l’efficacité des négociations. L’expansion du libre accès ou la séparation verticale devraient être envisagés avec prudence, compte tenu de leurs probables effets négatifs sur l’efficacité, les coûts et les incitations à l’investissement. Par exemple, Ivaldi et McCullough (2004) ont estimé que le ferroutage aux États-Unis pourrait avoir un avantage de coût de 20-40 % par rapport à un autre mode de transport à séparation verticale.

Tableau 1.4. Réglementations visant à encourager la concurrence dans le secteur ferroviaire canadien

Mesure

Description

Dispositions relatives aux remises inter-réseaux

Un expéditeur peut effectuer une remise inter-réseaux de ses véhicules ferroviaires d’un transporteur à un autre, pourvu que le lieu d’origine du chargement se trouve dans un rayon de 30 kilomètres du lieu du transfert. Les frais de remise inter-réseaux sont réglementés par l’Office des transports du Canada (OTC) et sont calculés sur les coûts variables estimés, majorés d’une contribution aux coûts fixes. Suite à la loi de 2014 sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, le rayon de transfert inter-réseaux pour les produits de base en provenance des provinces de l’Ouest, notamment l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, a été porté à 160 kilomètres (voir plus loin). Ces dispositions viendront à expiration en août 2016.

Prix de ligne concurrentiels

Ces prix permettent à un expéditeur de faire transporter plus facilement plus de la moitié d’un fret vers une destination finale par une ou plusieurs compagnies de chemin de fer. Les expéditeurs peuvent demander à la compagnie de chemin de fer d’effectuer le transport initial selon un prix de ligne concurrentiel, s’il est applicable. Ce prix est calculé sur la base des tarifs d’interconnexion réglementés applicables et des recettes que la compagnie génère pour transporter une cargaison semblable sur une distance comparable. Les prix de ligne concurrentiels établis par l’OTC restent en vigueur pendant un an, sauf si l’expéditeur et la compagnie conviennent de conditions autres.

Droits de circulation

Ces droits permettent à un opérateur ferroviaire de circuler sur les voies d’un autre. Lorsque les droits de circulation ne peuvent pas être négociés par les compagnies de chemin de fer, l’OTC peut accorder des droits sous certaines conditions, notamment la prise en compte de l’intérêt public, l’établissement préalable d’accords de service avec le (les) expéditeur(s) et la preuve de l’abus de pouvoir de marché ou de défaillance du marché. Des données doivent également être fournies démontrant de quelle manière ces droits peuvent améliorer la concurrence. Une contrepartie est requise sur la base de taux mutuellement convenus ou de taux établis par l’OTC.

Arbitrage de l’offre finale

Cette disposition permet à un expéditeur insatisfait par le ou les tarifs exigés par un transporteur ou par les conditions associées à la circulation des marchandises et ne pouvant pas parvenir à un accord avec le transporteur de soumettre la question par écrit à l’OTC pour arbitrage. Afin d’inciter les parties à ne pas adopter de positions extrêmes, l’arbitre ne peut trancher que pour l’une ou l’autre des propositions, mais ne peut pas les modifier.

Niveau des prestations de services

Ces dispositions obligent les compagnies de chemin de fer à fournir des services convenables et adaptés, moyennant le paiement d’un tarif réglementé. Les expéditeurs peuvent déposer une plainte auprès de l’OTC, qui doit alors enquêter et rendre une décision dans les 120 jours. Depuis 2013, de nouvelles dispositions ont été ajoutées à la loi sur les transports afin que les expéditeurs puissent rechercher un arbitrage ayant force exécutoire s’ils ne parviennent pas à un accord avec la compagnie de chemin de fer par la négociation.

La règlementation du secteur ferroviaire au Canada est assez libérale par rapport à celle des autres pays de l’OCDE (graphique 1.17). Toutefois, plusieurs mesures ont été mises en place pour faciliter l’accès et protéger les expéditeurs captifs, en particulier les expéditeurs de céréales des provinces de l’Ouest. L’administration canadienne a plafonné les recettes que le CN et le CP peuvent tirer de l’expédition de céréales depuis l’ouest au cours d’une campagne agricole vers des destinations hors États-Unis ou hors provinces canadiennes des Prairies, en se fondant sur le volume et la longueur du transport (moyennant un ajustement pour tenir compte de la hausse des prix des intrants) depuis 2000 (revenu maximal admissible). Cette procédure risque d’entraîner des distorsions, elle peut inciter les entreprises ferroviaires à répercuter leurs coûts sur d’autres biens ou marchandises et peut amener ces entreprises à répugner à transporter des céréales. En outre, certaines cultures, comme les pois chiches et le soja, dont la production s’est accrue dans l’ouest du Canada, ne relèvent pas de la disposition relative au revenu admissible maximal, ce qui peut avoir une incidence sur les types de production. Ce plafonnement des recettes induit également des pertes d’efficacité, notamment en décourageant les compagnies ferroviaires de faire usage de leur capacité de transport de conteneurs pour les grains de spécialité, dont le transport est plus coûteux et pour lesquels le revenu maximal admissible serait atteint plus rapidement (Prentice et Parsons, 2015). Il réduit également les incitations à investir dans le réseau, entre autres l’acquisition de wagons plus performants pour remplacer le parc vieillissant (voir ci-dessous).

Graphique 1.17. Réglementation sectorielle dans le secteur ferroviaire
Indice variant sur une échelle de 0 à 6 (du degré de restriction le plus faible au plus élevé), 2013
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Source : OCDE, base de données sur la réglementation des marchés de produits.

 https://doi.org/10.1787/888933371764

En 2014, la loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain a élargi à 160 kilomètres (contre 30 initialement) le rayon d’interconnexion, expressément pour les produits de base en provenance des trois provinces des Prairies, en partie pour améliorer l’accès du réseau ferroviaire aux producteurs de céréales. L’OTC estime que l’élargissement du rayon d’interconnexion a fait passer le nombre de céréaliculteurs ayant accès à plusieurs opérateurs ferroviaires de 48 à 261 (OTC, 2014 ; Schulman, 2014). Ces dispositions viendront à expiration en août 2016, à moins qu’elles soient renouvelées d’ici cette date. L’expansion des tarifs réglementés au moyen de l’élargissement de la zone d’interconnexion accroît l’accès (non réciproque) aux entreprises ferroviaires des États-Unis et peut limiter les incitations à investir. Afin de prendre une décision en connaissance de cause en août, il importe d’évaluer les avantages nets de cette politique, notamment de déterminer quelle est son incidence sur l’efficacité et les résultats en matière d’investissement, y compris si ces dispositions sont nécessaires pour l’ensemble des produits de base et si elles doivent couvrir uniquement les provinces des Prairies. En outre, afin d’assurer que tous les tarifs d’interconnexion reflètent les coûts effectifs, l’OTC devrait fixer les tarifs chaque année et pas seulement lorsque le Règlement sur l’interconnexion du trafic ferroviaire est examiné, comme recommandé dans le rapport de l’Examen de la loi sur les transports de 2014-15.

En outre, dans le cadre de la loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, l’administration fédérale maintient la possibilité d’imposer des obligations de volume si la chaîne d’approvisionnement de céréales menace les moyens de subsistance des agriculteurs, ou l’économie ou la réputation internationale du Canada en tant que fournisseur fiable. Ces obligations de volume étaient en vigueur au cours de l’année qui s’est terminée en mars 2015. L’État conserve également la propriété de certains wagons-trémies céréaliers, qui ont été achetés dans les années 70 et 80 pour expédier des grains réglementés. Alors que les compagnies de chemin de fer ont financé la mise à niveau de ces wagons et la prolongation de leur durée de vie utile, la majorité d’entre eux devront être remplacés au cours des 10-15 prochaines années. Le passage à une structure plus concurrentielle pour le transport du grain permettrait aux entreprises ferroviaires d’investir commercialement dans un parc amélioré et d’éviter les problèmes associés à la faiblesse des taux d’investissement et à la nécessité du recours à l’aide publique.

Il existe un écart considérable entre le taux de fret moyen appliqué aux expéditions de céréales et aux expéditions autres que les céréales par le CP et le CN (graphique 1.18). En outre, les tarifs moyens appliqués par le CP pour l’expédition de céréales entre 2012 et 2014 au Canada étaient de 8 % inférieurs à ceux appliqués par les compagnies des États-Unis. De fait, la comparaison des tarifs moyens de transport de grains appliqués par le CP en Saskatchewan et de ceux en vigueur de l’autre côté de la frontière, dans le Dakota du Nord (qui peuvent représenter des conditions semblables à celles en vigueur au Canada, mais sans revenu maximal admissible), donne à penser que les tarifs canadiens de transport de céréales pourraient être de 14 % inférieurs aux niveaux commerciaux (Cairns, 2015). Globalement, pour réduire les distorsions et encourager une amélioration de l’investissement, du renouvellement et de l’efficacité dans le réseau ferroviaire, le plafonnement des recettes au titre des expéditions de céréales devrait être supprimé.

Graphique 1.18. Tarifs du fret pour les céréales et autres produits
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1. Les données pour la compagnie CN couvrent également les transports d’engrais, mais ces transports sont faibles par rapport à ceux de céréales (18% des recettes totales pour les céréales et engrais en 2014).

Source : Canadian Pacific et Canadian National Railways, Annual Reports, diverses années ; calculs de l’OCDE.

 https://doi.org/10.1787/888933371774

Recommandations visant à améliorer la concurrence dans les transports

Transport aérien

  • Éliminer les restrictions d’intérêts étrangers à la participation au capital pour les lignes intérieures, et porter à 49 % le plafond des actions pouvant être détenues par des étrangers pour les lignes internationales (soit le seuil requis pour les accords de services aériens internationaux en vertu des règles de l’IATA).

  • Envisager la possibilité d’une intégration plus large en Amérique du Nord afin d’établir un marché commun de l’aviation.

  • Évaluer l’incidence de la structure actuelle de participation au capital des grands aéroports canadiens dans l’optique de l’efficacité et de la compétitivité-coûts. Envisager de vendre les plus grands aéroports à une ou plusieurs entreprises privées, ou à un groupe d’investisseurs. Autrement, transformer les autorités aéroportuaires existantes en une ou plusieurs sociétés à but lucratif et leur vendre les terrains où sont situés les aéroports. Il faudrait au moins indexer les loyers des aéroports sur les bénéfices ou les valeurs foncières et non sur les recettes, en se rapprochant d’une structure à but lucratif pour les administrations aéroportuaires.

  • Étudier l’impact du système actuel d’attribution des créneaux dans les aéroports saturés sur la réduction de la concurrence et sur l’efficacité de l’ensemble du système. Envisager la mise en œuvre d’un mécanisme plus concurrentiel pour l’attribution des créneaux, comme la création d’un marché secondaire, ou l’élargissement de la tarification de la congestion.

Transport ferroviaire

  • Éliminer le plafonnement des recettes au titre des expéditions de grains depuis l’ouest par chemin de fer.

  • Déterminer si l’élargissement de la zone d’interconnexion pour les expéditions de produits de base depuis les provinces des Prairies s’est traduit par des avantages nets pour l’économie ; dans le cas contraire, ne pas reconduire ces dispositions après leur expiration en août 2016.

Réduire les obstacles interprovinciaux au commerce et à la mobilité de la main-d’œuvre

Les obstacles tarifaires interprovinciaux sont interdits par la Constitution canadienne, et les Canadiens ont le droit de vivre et de travailler partout dans le pays, mais l’existence d’autres formes d’obstacles tend à réduire les échanges et la mobilité de la main-d’œuvre et à peser sur l’efficacité et la productivité. Ces obstacles contribuant à réduire l’échelle de production et le commerce de détail, il peut en résulter une perte de compétitivité à l’étranger et des prix plus élevés au niveau national. Les recoupements de compétences entre l’État fédéral, les provinces et les territoires dans beaucoup de domaines de la politique économique ont favorisé l’émergence de nombreux obstacles interprovinciaux non tarifaires directs et indirects. Suite à l’effort engagé au milieu des années 80 pour les réduire, l’Accord sur le commerce intérieur (ACI) a pris effet en juillet 1995.

Accord sur le commerce intérieur (ACI)

Les principes de l’ACI sont les suivants : ne pas ériger de nouveaux obstacles au commerce intérieur et faciliter la circulation des personnes, des produits, des services et des investissements entre les provinces au Canada ; traiter sur un pied d’égalité les personnes, les produits, les services et les investissements, indépendamment de leur lieu d’origine au Canada ; concilier les normes et les mesures réglementaires ; et veiller à ce que les politiques administratives favorisent la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l’intérieur du Canada. Certaines dérogations à ces principes sont autorisées lorsqu’il peut être démontré qu’elles visent un objectif légitime, qu’elles ne nuisent pas indûment à l’accès aux marchés et qu’elles ne peuvent pas être considérées comme une restriction déguisée au commerce. L’ACI contient des dispositions relatives aux marchés publics, à l’investissement, à la mobilité de la main-d’œuvre, aux mesures et normes en matière de consommation, à l’agriculture et aux produits alimentaires, aux boissons alcoolisées, à la transformation des ressources naturelles, aux communications, au transport et à la protection de l’environnement. Depuis son introduction, 14 amendements ont été adoptés pour renforcer certains de ses aspects, y compris des mesures visant à favoriser davantage la mobilité de la main-d’œuvre (2009), à libéraliser les échanges agricoles (2010) et à renforcer la procédure de règlement des différends (2012 et 2015).

Les négociations engagées pour moderniser et actualiser l’ACI ont été entamées à la fin de 2014. Dans le budget fédéral de 2015 a été annoncée la création d’un bureau de la promotion du commerce intérieur au sein de l’institution Innovation, Sciences et Développement économique Canada, qui s’est vu confier la mission de soutenir les négociations sur l’ACI et de servir de centre fédéral de recherche et d’analyse. En outre, la mise au point d’un indicateur interne des obstacles commerciaux, annoncée dans le budget de 2014, devrait aider à mieux appréhender ces obstacles et à hiérarchiser les réformes.

L’ACI est largement salué pour sa contribution à la suppression d’une série d’obstacles entre les provinces au Canada et, grâce à ses modifications ultérieures, à l’amélioration de la circulation des personnes et des marchandises (Forum des politiques publiques, 2013). Cependant, son cadre général, ses mécanismes de règlement des différends et l’absence d’accords dans des secteurs particuliers (à savoir l’énergie) réduisent son efficacité. En outre, face à la lenteur de la réforme de l’ACI, plusieurs accords distincts ont été conclus sur une base régionale pour encourager les échanges (encadré 1.2). Les estimations des coûts annuels de l’incidence de ces obstacles internes varient considérablement. D’après le Forum des politiques publiques (2013), ils se chiffrent entre 3 et 49 milliards CAD (soit 0.2 à 2.5 % du PIB). Cependant, la plupart des estimations se situent entre le niveau moyen et le niveau inférieur de cette fourchette, à l’exception notable de celles d’Albrecht et Tombe (2016).

Encadré 1.2. Récapitulatif des accords commerciaux internes conclus en dehors de l’ACI

Afin de tirer parti de la réforme de l’ACI, plusieurs accords régionaux sur le commerce intérieur ont été signés pour faciliter les échanges entre les provinces. Nombre d’entre eux ont mis l’accent sur la facilitation du commerce par le biais de l’harmonisation des réglementations et la rationalisation des procédures. On trouvera ci-après un récapitulatif de certains de ces accords et de leurs principales différences par rapport à l’ACI.

  • Nouvelle entente de partenariat commercial de l’Ouest : signé en 2010 entre l’Alberta, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan, cet accord fait suite à l’entente sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d’œuvre conclue en 2006 entre l’Alberta et la Colombie-Britannique. La nouvelle entente applique une approche fondée sur une liste négative en établissant un cadre pour éliminer dans tous les secteurs de l’économie les obstacles qui nuisent au commerce, à l’investissement ou à la mobilité de la main-d’œuvre. Les trois provinces concernées s’engagent à reconnaître mutuellement ou à rapprocher leurs règles dans ces domaines et des dispositions supplémentaires de l’accord visent à faciliter le commerce international, l’investissement et le développement des talents ainsi que les initiatives d’achats en commun pour accroître la compétitivité. La nouvelle entente prévoit pour les achats publics des seuils inférieurs à ceux de l’ACI et facilite la mobilité de la main-d’œuvre relevant d’une longue liste de professions réglementées. Un système intégré d’enregistrement et de communication d’informations rationnalise l’enregistrement des entreprises d’une province dans une autre. En outre, des délais plus courts sont instaurés dans les mécanismes de règlement des différends.

  • Accord de commerce et de coopération entre le Québec et l’Ontario (ACCQO) : signé en 2009, cet accord vise à améliorer le cadre du commerce interprovincial et à renforcer la coopération économique, en particulier pour accroître l’harmonisation et la mobilité de la main-d’œuvre et améliorer le règlement des différends. L’ACCQO applique une approche fondée sur une liste positive et comprend des chapitres sur la coopération économique, réglementaire et énergétique qui vont au-delà des engagements traditionnels, ainsi que six chapitres sectoriels qui traitent des principaux obstacles au commerce. Il prévoit également un mécanisme de règlement des différends dans le cadre duquel les pénalités applicables aux différends entre administrations peuvent aller jusqu’à 10 millions CAD (le double de l’ACI) si une province freine le commerce par l’utilisation d’obstacles non tarifaires ; pour autant, l’accord ne prévoit pas de mécanisme de règlement de différend opposant un particulier et une administration.

  • Bureau de l’efficacité de la réglementation et des services : un protocole d’accord a été signé entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick en mars 2015 pour mettre en place un environnement réglementaire qui soit moderne, cohérent et équitable entre les deux provinces. Le Bureau a pour objectif de réformer la réglementation pour simplifier les démarches administratives, réduire les doublons, supprimer les textes superflus, et alléger le coût pour les entreprises. Son but est également d’optimiser l’utilisation des technologies en ligne et de favoriser la coopération et l’harmonisation entre les provinces.

L’ACI applique une approche fondée sur une liste positive en vertu de laquelle seules les règles qui sont mentionnées dans l’Accord s’appliquent, contrairement à de nombreux accords de libre-échange modernes, qui privilégient une approche fondée sur une liste négative et visent à éliminer tous les obstacles sous réserve de dérogations négociées. Cette dernière approche raccourcit la durée des négociations et permet d’établir une liste transparente des obstacles qui pourront être ciblés à l’avenir. En outre, un tel accord enclenche généralement une dynamique plus efficace, car de nouveaux secteurs ou domaines sont couverts automatiquement. Ce cadre est utilisé dans la nouvelle entente de partenariat commercial de l’Ouest (NWPTA), qui a été signée entre les provinces de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan, et dans les récents accords commerciaux internationaux (par exemple l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne).

Un autre problème que rencontre l’ACI dans sa forme actuelle est que, dans certains cas, les accords commerciaux internationaux permettent à des entités étrangères d’avoir un meilleur accès que les autres provinces et territoires au marché d’une province particulière (à noter que le Nunavut est exclu de l’ACI, dans sa version actuelle). Pour remédier à ce problème, les provinces et territoires ont accepté le principe selon lequel la version actualisée de l’ACI alignera, le cas échéant, leurs engagements internes avec ceux pris dans le cadre des accords commerciaux internationaux (Conseil de la Fédération, 2014).

Le succès d’un accord commercial dépend de son application rapide et efficace, avec des sanctions appropriées pour encourager le respect de ses dispositions. Depuis que l’ACI a été signé, plusieurs modifications ont permis la rationalisation de la procédure de règlement des différends, la création de groupes d’appel et de conformité, l’introduction de sanctions pécuniaires pouvant s’élever à 5 millions CAD (les montants sont proportionnels à la population de chaque partie) en cas de non-respect des décisions du groupe spécial de règlement des différends, et une amélioration de l’accès des parties privées au dispositif de règlement des différends. Malgré ces modifications, certains problèmes demeurent. Le règlement des différends reste long, durant 41 mois en moyenne pour les différends qui sont portés devant un groupe (environ un quart de l’ensemble d’entre eux) (Pavlovic et al., 2015). Des sanctions de faible montant peuvent compromettre le respect des règles et l’application des conclusions du groupe spécial. En outre, les requérants privés doivent d’abord demander à l’administration dont ils relèvent de se prononcer et ne peuvent engager une procédure seuls que si celle-ci refuse de statuer et s’ils répondent aux critères de sélection requis. Si une décision est prononcée en sa faveur, ni la partie privée (ni l’administration) ne peut réclamer des dommages ou permettre des mesures de rétorsion à l’appui de sa position au niveau de la province (comme cela est possible pour les différends entre administrations). En outre, il n’y a pas d’examen judiciaire des décisions. Même si la création d’un groupe d’appel permet de contester les décisions du groupe spécial de règlement des différends, il ne peut être fait appel des décisions du groupe de la conformité. Au total, pour renforcer les incitations à respecter les décisions des groupes spéciaux, les parties devraient envisager d’accroître les sanctions pécuniaires et les parties privées devraient être en mesure de réclamer des dommages. Pour assurer un règlement plus rapide des différends, les parties privées devraient pouvoir engager une procédure à cet effet avec une administration sans avoir à passer d’abord par leur propre administration provinciale. Les décisions devraient également faire l’objet d’un examen judiciaire pour éviter des erreurs de droit.

Des divergences réglementaires inutiles peuvent entraver la concurrence et augmenter les coûts pour les entreprises. Le rapprochement réglementaire pourrait contribuer à faciliter la circulation des biens, des services et de la main-d’œuvre. La reconnaissance mutuelle garantit que tout bien ou service produit ou livré dans une province peut être admis dans une autre, et ne peut donc pas être interdit à la vente à moins qu’une dérogation ne soit justifiée. De même, les personnes habilitées à exercer une profession dans une province devraient avoir le droit d’exercer une profession équivalente dans d’autres, comme le prévoient les modifications de 2009 au chapitre 7 de l’ACI concernant la mobilité de la main-d’œuvre pour les professions réglementées. Par exemple, en vertu de la NWPTA, les provinces signataires s’engagent à la pleine reconnaissance mutuelle ou à la conciliation de leurs règles concernant le commerce, l’investissement ou la mobilité de la main-d’œuvre.

Les accords sur le commerce intérieur d’autres pays illustrent l’efficacité du principe de la reconnaissance mutuelle dans la facilitation du commerce et l’harmonisation des réglementations. L’Union européenne a inclus des mesures de reconnaissance mutuelle dans le Traité de Maastricht et l’Accord de reconnaissance mutuelle (ARM) conclu en Australie oblige les États du pays à admettre leurs biens et services respectifs, malgré des différences de spécifications techniques ou qualitatives. La mise en œuvre de l’ARM en Australie a permis de promouvoir la mobilité de la main-d’œuvre, facilitant la convergence des salaires entre les États et augmentant la part des échanges inter-États dans le produit intérieur brut (Australian Government Productivity Commission, 2009). La reconnaissance mutuelle est un moyen pratique et efficient de remédier à l’incompatibilité des régimes réglementaires, nécessitant moins de moyens de supervision (Macmillan, 2013). L’État fédéral et les administrations des provinces et des territoires devraient donc envisager d’adopter des régimes de reconnaissance mutuelle ou toute autre stratégie de rapprochement réglementaire dans la version actualisée de l’ACI, et d’exiger que les dérogations soient fondées sur des preuves.

Une meilleure prise en compte des obstacles techniques au commerce (voire l’insertion d’un chapitre spécial sur le sujet) pourrait favoriser une plus grande harmonisation de la législation, des normes et des règlements entre les provinces. En outre, il existe aujourd’hui quelques options limitées pour aligner les accords et règlements sur le commerce intérieur avec les accords internationaux correspondants. L’établissement d’un conseil de réglementation chargé d’harmoniser les règlements internes des provinces et d’aligner les dispositions des accords interprovinciaux et internationaux pourrait contribuer à réduire les frictions commerciales internes et à diminuer les charges des entreprises. En Australie, par exemple, le Council of Australian Governments s’est employé à mettre en évidence les secteurs et les industries où existaient des chevauchements et des charges réglementaires excessives (OCDE, 2010). Par ailleurs, en 2011, le Canada et les États-Unis ont créé le Conseil de coopération en matière de règlementation qui a reçu pour tâche de réduire les formalités administratives et d’améliorer la compatibilité des règlements entre les deux pays. La mise en place d’un tel conseil pourrait être bénéfique pour l’État fédéral et les administrations des provinces et des territoires.

Pour préserver la dynamique de la réforme du commerce intérieur, le président du Comité sur le commerce intérieur chargé de superviser le fonctionnement de l’ACI et de négocier de nouvelles dispositions devrait également voir son mandat (actuellement d’un an) prolongé et pourrait recevoir le concours d’un coprésident fédéral (Chambre de commerce du Canada et al., 2014). Son leadership et sa légitimité au sein du Comité pour poursuivre la réforme s’en trouveraient renforcés. En outre, l’engagement formel des ministres du commerce intérieur, qui se réunissent actuellement une fois par an, de se rencontrer plus régulièrement pourrait contribuer à améliorer la collaboration et à renforcer le marché intérieur. La pratique actuelle de la prise de décisions par consensus peut aussi ralentir les progrès, car les provinces ayant des intérêts protectionnistes peuvent opposer leur veto à des décisions. Les administrations pourraient envisager de prendre les décisions à la majorité ou, comme dans l’Union européenne, à la majorité qualifiée.

Les marchés publics des administrations devraient être ouverts, équitables et transparents. Si les modifications de l’ACI de 1999 et de 2005 visaient ces objectifs, certains accords commerciaux internationaux fixent de nouvelles normes (Accord économique et commercial global (AECG) Canada-Union européenne et Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les marchés publics (AMP)), en fixant notamment des limites plus favorables pour l’application des règles de passation des marchés. Par ailleurs, certains accords sur le commerce intérieur conclus au niveau infranational au Canada prévoient une plus grande libéralisation des marchés que celle envisagée par l’ACI (le NWPTA, par exemple).

Mobilité interprovinciale de la main-d’œuvre

La mobilité de la main-d’œuvre joue un rôle important dans les ajustements du marché du travail au Canada, et faciliter son redéploiement pourrait accroître les gains de productivité (Carey, 2014). Les marchés du travail sont généralement dynamiques au Canada et leur législation sur la protection de l’emploi est souple. Bien que les écarts de revenu et d’emploi soient un facteur déterminant majeur des mouvements de main-d’œuvre entre les provinces, des obstacles aux ajustements persistent. Des efforts ont été menés dans le cadre de l’ACI pour réduire les obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre. L’ACI a été modifié en 2009 pour introduire la reconnaissance mutuelle des qualifications des travailleurs dans les professions réglementées. Cette orientation a été renforcée par les décisions de 2012 concernant les opérateurs de grue mécanique et les experts comptables, lesquelles disposaient que les juridictions ne peuvent refuser de certifier les travailleurs d’une autre juridiction, sauf s’il existe des preuves tangibles de risques publics, et que les différences dans les systèmes éducatifs et la durée de la formation ne sauraient constituer en elles-mêmes une raison de limiter la mobilité de la main-d’œuvre. Cependant, les provinces et les territoires continuent d’avoir le droit, sous certaines conditions, de recommander l’application de critères supplémentaires. Cette recommandation doit être clairement justifiée et documentée. Elle doit être approuvée par l’administration qui propose la restriction et affichée publiquement en conformité avec les dispositions du chapitre 7. À l’heure actuelle, les exceptions sont rares par rapport au nombre de professions réglementées.

Malgré ces efforts, il est évident que les frontières provinciales limitent la mobilité de la main-d’œuvre (Amirault et al., 2013). Par exemple, les individus peuvent craindre que leurs compétences ne soient pas reconnues dans une autre province avec l’efficacité et la rapidité voulues. Les récents accords sur les opérateurs de grue mécanique et les experts comptables, dont la négociation a duré respectivement trois et dix ans, ont montré que les procédures de reconnaissance peuvent être longues, ce qui n’incite guère les parties privées à déposer plainte (Carey, 2014). La lenteur des progrès réalisés par le biais de l’ACI a également encouragé la conclusion d’accords infranationaux, comme on l’a vu ci-dessus. Les administrations devraient donc collaborer pour accélérer la procédure de règlement des différends par le groupe spécial établi aux termes de l’ACI et encourager ainsi la mobilité de la main-d’œuvre et le respect de l’accord. Parallèlement, des initiatives sont en cours grâce au Conseil canadien des directeurs de l’apprentissage (CCDA) afin d’harmoniser les diverses filières d’apprentissage de certains métiers reconnus et d’améliorer ainsi la mobilité. La mobilité au Canada est aussi forte qu’aux États-Unis, et la mobilité géographique de la main-d’œuvre y est parmi les plus élevées au monde, ce qui donne à penser que les obstacles à la mobilité sont relativement mineurs.

Obstacles sectoriels au commerce entre les provinces

Les principaux secteurs où existent des obstacles sectoriels sont l’agriculture, la réglementation des valeurs mobilières, la délivrance de licences aux entreprises, les boissons alcooliques, les mélanges d’éthanol (du fait des règles différentes dans ce domaine, un seul mélange est acceptable pour chaque province et territoire, ce qui accroît les coûts), la taille des camions et les règles de sécurité (des règles différentes en matière de poids et de dimension peuvent empêcher les entreprises de travailler dans plusieurs provinces). Certains de ces secteurs sont brièvement passés en revue ci-après.

Agriculture

Malgré les efforts déployés pour développer le commerce interprovincial, de multiples obstacles techniques et non techniques perdurent, y compris le recours à un système de gestion de l’offre pour les produits agricoles. L’agriculture fait l’objet du chapitre 9 de l’ACI, qui a, toutefois, une portée limitée. En novembre 2005, les parties prenantes sont convenues d’élargir la couverture de ce chapitre pour couvrir toutes les mesures techniques. En outre, certains provinces et territoires, souhaitant aller de l’avant, ont opté pour les arrangements d’accroissement du commerce prévus par l’article 1800 de l’ACI. En 2006, la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard et le Yukon ont signé l’« Accord provisoire sur le commerce intérieur des produits agricoles et des produits alimentaires » afin d’étendre, pour tous les signataires, la portée et la couverture de l’ACI à toutes les mesures techniques affectant le commerce interprovincial de produits agricoles et de produits alimentaires, y compris les réglementations en matière de santé, de sécurité, de qualité et d’étiquetage. S’agissant de l’application des règles de l’ACI au chapitre 9, l’article 902 de l’ACI limite le recours non justifié à des mesures techniques (règlementations techniques, normes, etc.) en tant qu’obstacles au commerce intérieur de l’ensemble des produits agricoles et alimentaires – y compris les produits dont l’offre est gérée – et pour ne pas empêcher les signataires d’adopter ou de maintenir en place des mesures concernant le fonctionnement du système de gestion de l’offre, telles que les mécanismes de répartition de la production ou de tarification. Pour plus de précisions sur les coûts de ces systèmes, voir Jarrett et Kobayakawa (2008).

Les mesures de soutien au secteur agricole faussant la production et le commerce ont été plus importantes au Canada qu’en moyenne dans la zone OCDE ces dernières années, principalement en raison des actions engagées pour stabiliser les revenus agricoles à court terme (OCDE, 2016). Par exemple, le système de quotas laitiers représente un soutien aux producteurs supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE (graphique 1.19, panneau A). Ces quotas sont fixés pour limiter la quantité de lait produite au niveau escompté de la consommation intérieure, et ont probablement conduit à une hausse des prix des produits laitiers nationaux, en particulier par rapport aux États-Unis (Li, 2014). L’élimination de ces quotas pourrait contribuer à réduire les prix canadiens, qui sont élevés par rapport aux autres pays de l’OCDE (panneau B), et pourrait également promouvoir une croissance plus inclusive et l’innovation.

Graphique 1.19. Soutien à la production et prix des produits laitiers
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Source : OCDE, bases de données des Indicateurs de la politique agricole – estimations des soutiens à la production et à la consommation et Statistiques sur les parités de pouvoir d’achat.

 https://doi.org/10.1787/888933371789

Le système de gestion de l’offre est régressif : il ampute de 2.3 % le revenu des 20 % des Canadiens les plus pauvres, contre 0.5 % pour les 20 % les plus riches (Cardwell et al., 2015). Il conduit également à une fragmentation du système de production, réduisant les économies d’échelle et la part de la production assurée par les producteurs les plus efficaces. La progression annuelle de la productivité des facteurs dans le secteur agricole du Canada est tombée à 1.5 % en moyenne en 2002-11, alors qu’elle se situait à 2.6 % la décennie précédente et que la moyenne de l’OCDE est restée relativement stable autour de 2 % au cours de cette période (OCDE, 2016), ce qui est probablement dû aux moindres incitations résultant des politiques de gestion de l’offre. Alors qu’une légère augmentation des importations de produits laitiers découlera vraisemblablement de la mise en œuvre du Partenariat transpacifique, une suppression progressive plus large des politiques de gestion de l’offre conduirait à des améliorations plus importantes de la croissance inclusive.

Boissons alcooliques

Bien que le chapitre 10 de l’ACI couvre les boissons alcooliques, ce chapitre ne contient que des dispositions sur les frais et une liste discriminatoire de produits. De plus, alors que les modifications apportées à la loi sur l’importation des boissons enivrantes ont supprimé les restrictions fédérales sur l’expédition entre les provinces du vin en 2012 et de la bière et les spiritueux en 2014, des obstacles importants continuent d’exister au niveau des provinces et des territoires. Ainsi, les viticulteurs et les brasseurs qui cherchent à développer leur activité dans d’autres provinces et territoires rencontrent quelques obstacles, étant donné que l’alcool ne peut généralement pas y être vendu directement aux consommateurs. Cette situation limite le choix des consommateurs et réduit les recettes des établissements viticoles et des brasseries canadiennes. À ce jour, seule la Colombie-Britannique, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse ont levé certaines de leurs restrictions sur les mouvements interprovinciaux de l’alcool.

La vente d’alcool au détail dans certaines provinces est soumise à un faible niveau de concurrence en raison d’une réglementation stricte. Si l’Alberta a privatisé la vente d’alcool au détail depuis 1993, les régies des alcools continuent de jouer un rôle important dans le commerce de détail dans de nombreuses autres provinces. En Ontario, par exemple, la régie provinciale des alcools, qui est la propriété de l’administration, a des droits quasi exclusifs sur la vente de vins et de spiritueux, alors que The Beer Store, qui appartient à trois grandes brasseries, réalise la majeure partie des ventes au détail de bière dans la province. Les deux principaux vignobles ont également le droit de vendre leurs vins dans les grandes caves à vins, mais un tel accès n’est pas prévu pour la plupart des autres établissements viticoles. Les réformes récentes ont assoupli les restrictions sur la vente de bière, certains supermarchés étant désormais autorisés à vendre de la bière à des prix réglementés, à condition qu’au moins 20 % des rayonnages soient réservés aux petits brasseurs afin de favoriser l’accès au marché des petits acteurs. Le manque de concurrence dans le système de l’Ontario, auquel les réformes récentes n’ont pas mis fin, augmente les coûts pour les consommateurs et les distributeurs secondaires, comme les restaurants (compte tenu de la discrimination de prix pour la revente à des établissements commerciaux) et peut réduire les recettes publiques, en particulier par rapport aux provinces plus libéralisées (Masson et Sen, 2014). Dans les autres provinces, les actions menées pour promouvoir la concurrence sont généralement plus avancées. Par exemple, depuis 2002, la Colombie-Britannique permet la coexistence des points de vente privés et des magasins d’État, et le Québec permet la vente de vin et de bière dans les épiceries et les commerces de proximité, tandis que la Société des alcools du Québec, société d’État, reste présente dans la vente au détail du vin et des spiritueux.

Réglementation des valeurs mobilières

Le Canada est le seul pays de l’OCDE qui ne dispose pas d’organisme de réglementation des valeurs mobilières. Alors que l’administration fédérale soutient de longue date la création d’un tel organisme, la Cour suprême a rejeté à l’unanimité en 2011 une proposition fédérale, au motif qu’elle outrepassait les dispositions de la Constitution relatives au commerce, en vertu desquelles la réglementation des valeurs mobilières fait partie des prérogatives des provinces en matière de propriété et de droits civils. La structure fragmentée actuelle des organismes provinciaux de réglementation conduit à des doubles emplois et à des chevauchements, se traduisant probablement par une mauvaise répartition des ressources, rendant difficile pour ces organismes une réaction rapide et décisive aux évolutions intervenant sur les marchés des capitaux (EPSR, 2009). En outre, les acteurs du marché peuvent souffrir de coûts de conformité excessifs lorsqu’ils doivent acquitter des frais à pas moins de 13 administrations distinctes.

Des progrès ont été réalisés dans l’harmonisation de la réglementation des marchés des capitaux à travers toutes les provinces, et ce malgré l’absence d’un organisme de réglementation national. La Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan, le Yukon et l’administration fédérale ont convenu d’établir le Régime coopératif de réglementation des marchés des capitaux afin d’harmoniser et de moderniser cette réglementation dans leurs juridictions. Le suivi de la mise en œuvre des lois provinciales et fédérales qui en résulteront sera confié à un organisme commun de réglementation, l’Autorité de réglementation des marchés financiers. L’administration fédérale devrait continuer de collaborer avec les provinces et les territoires afin d’encourager une participation plus large à ce système et de favoriser une réglementation plus efficace des valeurs mobilières, tout en maintenant une forte présence réglementaire régionale dans l’ensemble du Canada.

Enregistrement des entreprises

Le régime d’enregistrement et de communication d’informations est également décentralisé au Canada, et les différentes approches adoptées par les provinces en la matière augmentent les coûts pour les entreprises, en particulier pour les PME. Malgré l’engagement pris dans l’ACI (annexe 606) d’adopter une déclaration type d’enregistrement, d’assurer un partage des informations entre les provinces (à partir de la province d’origine) et de simplifier les rapports annuels, de nouveaux progrès réalisés à cet égard à l’échelle nationale seraient bénéfiques. Harmoniser et rationaliser les obligations de communication d’informations et créer un guichet unique pour l’enregistrement pourraient faciliter l’expansion des entreprises et accroître leur compétitivité en réduisant les coûts. Alors que les coûts directs du système fragmenté actuel sont probablement modérés, représentant en moyenne basse des dizaines de millions de dollars canadiens par an (Schwanen et Chatur, 2014), ces obligations peuvent constituer des obstacles supplémentaires pour les petites entreprises qui cherchent à développer leur activité dans plusieurs provinces, et pour lesquelles ces coûts peuvent être d’autant plus importants que leurs recettes sont faibles, faisant ainsi baisser la productivité du fait de la réduction de l’échelle d’activité. Le développement de la taille des petites entreprises est un défi majeur au Canada, qui est examiné plus en détail dans le chapitre 2.

Malgré tout, des progrès ont été faits pour simplifier les obligations en question dans certaines régions, notamment en Nouvelle-Écosse et dans le Nouveau-Brunswick, qui ont accepté en 1994 la reconnaissance mutuelle, permettant ainsi aux sociétés enregistrées dans une province de mener des activités dans l’autre. Grâce aux modifications apportées en 2013 à la NWPTA, les divergences ont également été aplanies entre la Colombie-Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan, où une aide est désormais fournie aux sociétés enregistrées dans une province pour s’enregistrer dans les provinces partenaires, les rapports annuels devant être déposés et les frais d’enregistrement acquittés dans une province seulement. En 2004, le Canada a également mis en place un système commun d’enregistrement en ligne, reconnu en Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, en Ontario et dans la Saskatchewan et fournissant aux entreprises constituées en sociétés au niveau fédéral et enregistrées dans l’une de ces provinces une assistance technique pour s’enregistrer dans les autres. Bien que ces initiatives aient contribué à se rapprocher des objectifs initiaux de l’ACI, elles restent fragmentées au niveau régional et certaines souffrent de l’insuffisance du partage de l’information (accord entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick) et du manque d’harmonisation des obligations en matière de communication d’informations (NWPTA et Système commun d’enregistrement en ligne).

Le Canada est également à la traîne par rapport aux meilleures pratiques internationales dans ce domaine. L’Australie et la Suisse, par exemple, ont progressé vers l’harmonisation ou l’intégration de leurs registres des entreprises afin d’améliorer le fonctionnement de leur marché intérieur. En Australie, par exemple, un registre national (Australian Business Register) existe depuis 2012, alors qu’en Suisse l’enregistrement n’est requis que dans un seul canton pour pouvoir faire des affaires dans les autres. Pour améliorer la compétitivité et réduire les coûts administratifs, les administrations provinciales devraient harmoniser les obligations de communication et de partage de l’information, appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle des rapports annuels, comme prévu dans l’ACI et examiner les coûts et les avantages de la mise en place d’un registre national.

Recommandations visant à réduire les obstacles interprovinciaux au commerce et à la mobilité de la main-d’œuvre
  • Élargir autant que possible la couverture de l’ACI, notamment en appliquant une approche fondée sur une liste négative pour les négociations sur le commerce (au lieu de l’approche actuelle fondée sur une liste positive).

  • Appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle prévu dans la version actualisée de l’ACI, en exigeant que les exceptions soient fondées sur des preuves, et progresser vers une harmonisation des réglementations en établissant un conseil national de coopération réglementaire.

  • Étendre automatiquement aux autres provinces les dispositions plus favorables accordées aux pays étrangers dans la version actualisée de l’ACI.

  • Prendre des mesures pour assurer une plus grande conformité avec l’ACI et les rapports de ses groupes spéciaux, notamment en augmentant les sanctions pécuniaires et en donnant aux parties privées la possibilité de réclamer des dommages. Pour assurer un règlement plus rapide des différends, permettre aux parties privées de lancer une action, sans avoir à passer au préalable par l’administration provinciale dont elles relèvent, et accélérer les procédures. Toutes les décisions devraient faire l’objet d’un examen judiciaire.

  • Abolir le système de gestion de l’offre pour les produits laitiers, les œufs et la volaille, et libéraliser le commerce de l’alcool et le commerce de détail.

  • Encourager les provinces qui ne l’ont pas encore fait à se joindre au Régime coopératif de réglementation des marchés des capitaux, tout en maintenant une forte présence régionale dans l’ensemble du Canada.

  • Progresser vers un système national d’enregistrement des entreprises.

Mesures réglementaires et institutionnelles destinées à encourager la concurrence

Une solide réglementation est indispensable pour atteindre les objectifs d’efficacité et de croissance économique. Le Canada reste l’un des pays les plus performants en ce qui concerne les pratiques réglementaires. Il a adopté des obligations formelles pour l’engagement partenarial, l’évaluation ex ante de l’impact réglementaire et l’évaluation ex post des législations primaires et des règlements subordonnés, qu’il respecte dans ses processus politiques. Il est donc très bien classé dans chacun de ces domaines par rapport aux autres pays de l’OCDE (OCDE, 2015c ; graphique 1.20).

Graphique 1.20. Indicateurs de la politique et de la gouvernance réglementaires1
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1. Les graphiques représentent les notes globales obtenues pour les quatre catégories d’indicateurs, mettant en évidence la note composite totale pour chaque indicateur. La note globale maximale pour l’indicateur composite est quatre.

Source : OCDE (2015), Perspectives de l’OCDE sur la politique de la réglementation 2015, http://www.oecd.org/regreform/regulatory-policy/.

 https://doi.org/10.1787/888933371793

Un domaine où des améliorations pourraient être apportées est celui de l’élargissement des compétences des autorités fédérales de la concurrence en matière de défense des intérêts publics et d’études de marché. Ces autorités devraient ainsi pouvoir exiger la communication des informations nécessaires à la réalisation de ces études (OCDE, 2016), ce qui renforcerait leur aptitude à examiner les politiques gouvernementales, les règlements ou les comportements d’acteurs du marché pouvant nuire à la concurrence, et à en rendre compte publiquement. Dans de nombreux pays de l’OCDE, l’attribution de telles compétences a eu des retombées positives, améliorant la transparence et l’ouverture dans le processus d’élaboration des politiques et favorisant un débat public plus éclairé sur des questions particulières ou sur la performance de certains secteurs. Il s’agit aussi d’un moyen pour les administrations à tous les niveaux de mieux comprendre la façon dont leurs réglementations actuelles ou envisagées peuvent influer sur la structure de l’industrie, sur les consommateurs et, à long terme, sur la croissance économique. Ces compétences sont d’autant plus utiles qu’elles sont complétées par l’obligation pour les entités publiques à qui les recommandations sont adressées de fournir une réponse écrite dans un délai fixé, comme cela se fait au Royaume-Uni.

Recommandations concernant les mesures institutionnelles destinées à renforcer la concurrence
  • Habiliter le Bureau de la concurrence à exiger la communication des informations nécessaires à la réalisation d’études de marché et à la défense des intérêts publics. Faire en sorte que les entités de l’administration fédérale soient tenues « de se conformer ou de s’expliquer » suite aux recommandations formulées par le Bureau.

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