Introduction : les Roméo et Juliette de la transformation économique

Frantz Douglas
Secrétaire général adjoint de l’OCDE

Posons d’abord un postulat : les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies et les Nouvelles approches face aux défis économiques (NAEC) de l’OCDE forment un couple prédestiné. Ils pourraient être les Romeo et Juliette de la transformation économique.

Considérons d’abord les ODD. En septembre dernier, les dirigeants du monde entier ont adopté aux Nations Unies un ambitieux plan d’action sur 15 ans en vue d’un monde meilleur. Ces objectifs sont de vaste portée, universels et, de fait, potentiellement porteurs de transformations. Leur ambition n’est rien moins que de sauver la planète pour les générations futures, de mettre fin à l’extrême pauvreté et à la faim, et de créer un monde plus sain, plus sûr et plus inclusif.

J’écris « potentiellement porteurs de transformations » car la réalisation de ces objectifs exigera un effort sans précédent à l’échelle mondiale. Les décisions que prendront nos gouvernements dans les prochaines années détermineront la qualité de vie des générations à venir sur l’ensemble de la planète.

Il n’est pas question de pays riches apportant leur concours aux pays pauvres – ou leur dictant leurs approches et leurs politiques en matière de développement. Cette fois-ci, les dirigeants des pays riches et des pays pauvres doivent œuvrer de concert pour trouver des solutions communes qui prennent acte de leur interdépendance aussi bien que de leur indépendance.

S’atteler à la réalisation des 17 objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies exige une réflexion inédite dans les pays tant développés qu’en développement, chez les dirigeants et au sein de la société civile, dans les conseils d’administration des entreprises et dans les salles de réunion des villages. Ces innovations supposeront des évolutions radicales de nos modes de consommation et de production, et la reconnaissance que nous sommes tous les acteurs d’une même pièce. 

De fait, chaque objectif – et les moyens de l’atteindre – devront être considérés sous l’angle de la cohérence des politiques. Il faut pour cela comprendre que les décisions prises concernant un objectif donné auront des effets sur d’autres objectifs. C’est un angle de vue moins linéaire et moins simple que celui sur lequel s’appuie la pratique conventionnelle.

Pour reprendre les propos de Kitty van der Heijden, du World Resources Institute, lors de l’atelier NAEC qui s’est tenu à l’OCDE en janvier, l’action de tous devra profiter à tous.

Nous pouvons affirmer avec certitude que les ODD requièrent de nouvelles approches dynamiques face aux défis économiques.

Venons-en au deuxième partenaire de ce couple : les Nouvelles approches face aux défis économiques de l’OCDE, ou initiative NAEC. L’objectif de cette initiative est de stimuler une nouvelle réflexion à la recherche de solutions intégrées, multidimensionnelles, aux problèmes économiques et sociaux mondiaux les plus tenaces.

La démarche s’appuie sur les principes selon lesquels nous devons prendre ensemble des décisions difficiles et appréhender l’impact d’une décision de politique publique sur d’autres décisions, ce qui n’est pas toujours évident ou pris en compte. L’initiative NAEC permet d’apprécier l’impact de l’incertitude, des retombées, des arbitrages ou des risques systémiques dans un effort pour transformer l’état d’esprit, les politiques et, par là même, les économies.

Le mariage aura-t-il lieu ? L’initiative NAEC offre un cadre théorique et pratique dans lequel inscrire précisément la démarche cohérente, coopérative et universelle nécessaire pour atteindre les cibles énoncées dans les ODD. Et, tout comme les ODD eux-mêmes, ce cadre est applicable par chacun de nous à chacun de nous – membres de l’OCDE, pays émergents et en développement, ou encore organisations internationales, à la recherche de solutions.

Les mots ne sont que des mots et les enjeux sont colossaux. Toutefois, les chances de rendre le monde meilleur sont très réelles – si nous prenons les bonnes décisions.

Des progrès sont possibles à l’échelle mondiale. Nous l’avons constaté. L’accord conclu à Paris en décembre en matière de lutte contre le changement climatique a été un important pas en avant, même s’il y a encore un long chemin à parcourir si nous voulons donner un coup d’arrêt à l’anéantissement de notre planète.

Les Objectifs du millénaire pour le développement ont montré ce qui pouvait être accompli en focalisant l’attention de la communauté internationale sur les pays en développement – les taux de mortalité infantile ont été réduits de plus de la moitié, de même que le nombre d’êtres humains vivant avec moins de 1.25 USD par jour, pour ne citer que quelques-uns des résultats obtenus.

Au sens le plus strict, les ODD sont une extension de l’effort inachevé de réduction de la pauvreté. À l’évidence, les pays riches doivent encore aider les pays pauvres. Les ODD ne nous délient pas de cette responsabilité.

Mais les ODD relèvent d’un ordre du jour très différent. Certes, les ODD appellent les pays développés à redoubler d’efforts pour le compte des pays en développement, en particulier des plus pauvres d’entre les pauvres. Aspect tout aussi important, cependant, ils nous obligent à faire notre autocritique. Aucun pays ne peut dire qu’il n’a rien à faire pour améliorer nos sociétés. Sous l’angle des ODD, nous sommes tous des pays en développement.

De fait, les ODD sont un miroir dans lequel se reflètent nos propres politiques et nos propres performances. Or le tableau n’est guère reluisant dans certains domaines. Nous devons tous améliorer nos résultats à l’appui de la croissance inclusive et adopter des modes de consommation durables. Nous avons tous besoin de nous assurer, à tout le moins, que nos politiques ne nuisent pas au reste du monde.

C’est ce double objectif des ODD – aider les autres en s’aidant soi-même – qui fait de l’OCDE et de l’initiative NAEC le partenaire idéal. Aucune autre organisation n’est mieux placée pour œuvrer aussi bien avec les pays développés qu’avec les pays en développement. C’est ce que nous faisons depuis plus d’un demi‐siècle.

En même temps, le fait de repenser de fond en comble, dans le cadre d’une démarche dynamique, la voie qui nous permettra de relever les défis économiques mondiaux énoncés dans l’initiative NAEC pose les bases de la méthodologie appropriée pour traiter les problématiques complexes et interdépendantes que recouvre le Programme à l’horizon 2030.

En bref, l’approche intégrée préconisée dans les NAEC prend acte de la responsabilité qui est la nôtre, à l’échelle mondiale, de trouver des solutions universelles aux défis qu’abordent les ODD. Il est dans notre propre intérêt de le faire.

Pour revenir à l’union contrariée de notre couple shakespearien, il semble évident que les ODD et l’initiative NAEC, comme Roméo et Juliette, forment un couple prédestiné. Notre tâche est de réunir les Montaigu et les Capulet et de faire en sorte que les choses, cette fois‐ci, se terminent mieux.

Liens utiles

Article original sur le blog OECD Insights: http://wp.me/p2v6oD-2mm.

Projet de l’OCDE relatif aux Nouvelles approches face aux défis économiques www.oecd.org/fr/naec/.

Travaux de l’OCDE sur les Objectifs de développement durable, www.oecd.org/fr/cad/objectifs-developpement-durable.htm.