Chapitre 2. Les cadres conceptuel et méthodologique

Le projet IPPMD avait pour objectif de fournir aux responsables de l’action publique des preuves empiriques de la contribution positive que les migrations apportent au développement et de la façon dont les politiques peuvent être utilisées pour renforcer ces effets. Pour ce faire, des cadres conceptuel et méthodologique sans équivalents ont été conçus afin d’aller au-delà de l’impact des politiques migratoires et d’analyser les liens à double sens existant entre plusieurs secteurs clés et quatre dimensions migratoires (émigration, transferts de fonds, migrations de retour et immigration). Ce chapitre donne une vue d’ensemble de ces cadres conceptuel et méthodologique et présente l’approche analytique.

  

Alors qu’ils représentent seulement 3 % de la population mondiale, les migrants internationaux se sont retrouvés projetés au cœur du débat public avec la crise des réfugiés de 2015-16. À cet égard, l’année 2015 a représenté un tournant pour la question migratoire à l’échelle mondiale. D’une part, l’afflux massif de réfugiés a suscité de vifs débats sur la capacité des communautés d’accueil à absorber les immigrés et à les intégrer, ce qui a favorisé à travers le monde une tendance prônant des politiques migratoires plus restrictives. D’autre part, en adoptant le Programme d’action d’Addis-Abeba de 2015 (NU, 2015a) et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (NU, 2015b), la communauté internationale du développement a pris acte de la contribution positive que les migrants peuvent apporter à la croissance économique et au développement durable, dans leur pays d’origine comme dans leur pays de destination. Les Objectifs de développement durable (ODD) traduisent la nécessité de défendre les droits des travailleurs migrants, en particulier les femmes (cible 8.8), de mettre en œuvre des politiques migratoires bien gérées (cible 10.7) et de réduire les coûts de transaction des transferts de fonds (cible 10.c) (NU, 2015b).

La reconnaissance de la contribution des migrants au développement va dans le sens du consensus au sein de la communauté internationale selon lequel les migrations devraient faire partie intégrante de la planification stratégique des pays en développement :

  • Depuis 2007, le processus du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD) a vu les gouvernements débattre de l’importance d’inclure les migrations dans la planification du développement et de renforcer la cohérence des politiques1.

  • L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a publié, à l’intention des responsables de l’action publique et des spécialistes, un manuel sur l’intégration des migrations dans la planification du développement (OIM, 2010).

  • L’Observatoire de la région Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP) sur les migrations a rassemblé une série d’indicateurs visant à mesurer les effets des migrations sur le développement humain, et réciproquement (Melde, 2012).

  • Depuis 2012, un programme conjoint OIM-Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) aide les pays en développement à intégrer les migrations dans leurs stratégies nationales de développement (PNUD, 2015).

  • L’Initiative conjointe pour la migration et le développement (ICMD), également mise en œuvre par l’OIM, se concentre sur les politiques de migration et de développement au niveau local (CE-NU ICMD, 2010).

  • Le Groupe de travail thématique sur la cohérence politique et institutionnelle pour les migrations et le développement du Partenariat mondial pour les connaissances sur les migrations et le développement (KNOMAD) a développé un tableau de bord d’indicateurs pour mesurer la cohérence politique et institutionnelle pour les migrations et le développement2.

Ces initiatives convergentes ont rendu les responsables de l’action publique plus conscients de la nécessité de prendre en compte les migrations dans la conception de leurs stratégies de développement et d’assurer une coordination interministérielle pour améliorer la cohérence politique et institutionnelle dans le domaine des migrations et du développement.

Ces 20 dernières années, plusieurs études empiriques ont montré qu’il existe un lien entre les migrations et le développement (OCDE, 2007, 2011) :

  • Les migrants contribuent au développement de leurs pays d’origine non seulement en y envoyant des fonds, qui peuvent aider à réduire la pauvreté, à stimuler la consommation, à favoriser l’entrepreneuriat et à accroître les investissements des ménages dans l’éducation et la santé, mais aussi en partageant des connaissances et des normes sociales, ou en participant à des projets philanthropiques de la diaspora.

  • Dans leurs pays de destination, les immigrés contribuent à la réduction des inadéquations emplois-compétences, investissent dans le secteur des entreprises, participent à la mobilisation des ressources nationales, alimentent la demande globale et paient des impôts.

Cependant, si les effets – positifs comme négatifs – des migrations sur le développement sont abondamment documentés, les fondements empiriques manquent encore concernant l’importance qu’a l’intégration des migrations dans la planification du développement. Le projet Interactions entre politiques publiques, migrations et développement (IPPMD) visait à combler ces lacunes en fournissant aux responsables de l’action publique des preuves empiriques non seulement de la contribution positive des migrations au développement, mais aussi de la façon dont les politiques menées dans plusieurs secteurs peuvent la renforcer.

Ce chapitre comporte cinq sections. La première décrit la façon dont les pays partenaires ont été choisis ainsi que le mode de fonctionnement du projet IPPMD, fondé sur des partenariats dans chaque pays. Les deux sections suivantes expliquent comment ont été développés les cadres conceptuel et méthodologique du projet. La quatrième section illustre le plan d’échantillonnage utilisé pour la collecte des données quantitatives. Enfin, la dernière section décrit la façon dont a été menée l’analyse de la relation à double sens entre les migrations et les politiques publiques ; y sont également soulignés les limites et les défis inhérents à une étude globale aussi ambitieuse.

L’établissement des partenariats et des priorités de recherche

Lancé en janvier 2013 par la Commission européenne et le Centre de développement de l’OCDE, le projet IPPMD a été mené entre 2013 et 2017 dans dix pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire, dans le but de fournir aux responsables de l’action publique des preuves de l’importance qu’il y a à intégrer les migrations dans les stratégies de développement et à renforcer la cohérence des politiques.

Un ensemble équilibré de pays en développement (graphique 2.1), représentant un éventail diversifié de régions, de niveaux de revenu et de contextes migratoires, a été choisi. Le projet a été développé en coopération avec chacun des pays partenaires, ses priorités étant définies en collaboration avec diverses parties prenantes, ce qui l’a renforcé.

Graphique 2.1. Les pays partenaires du projet IPPMD
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Le choix des pays partenaires : un ensemble de critères diversifié

Les pays ont été choisis selon trois critères principaux :

  1. La volonté des autorités pertinentes dans chaque pays d’être partenaires du projet. Leur coopération a été acquise à l’issue de discussions et de négociations, et scellée par un accord formel passé avec les pouvoirs publics. Il a ensuite été demandé à chaque pays de désigner une institution nationale faisant office de « point de contact au niveau gouvernemental ». La diversité des institutions désignées pour jouer ce rôle illustre l’éventail d’organismes publics responsables des questions de migrations et de développement dans ces pays (tableau 2.1).

  2. Une représentation équilibrée de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. En 2014, selon la classification par revenu de la Banque mondiale, le Burkina Faso, le Cambodge et Haïti entraient dans la catégorie des pays à faible revenu ; l’Arménie, la Côte d’Ivoire, la Géorgie, le Maroc et les Philippines, dans celle des pays à revenu intermédiaire inférieure ; et le Costa Rica et la République dominicaine, dans celle des pays à revenu intermédiaire supérieure (graphique 2.2). En incluant dans le projet des pays appartenant à différents groupes de revenu, le but était d’analyser l’influence de la richesse sur les liens entre les migrations et les politiques publiques.

  3. Une population concernée par les migrations (émigration et/ou immigration). Afin d’analyser les relations entre les politiques publiques, les migrations et le développement, tous les pays choisis devaient être concernés par l’immigration, l’émigration ou les deux (graphique 2.3). Les émigrés représentent plus de 5 % de la population de tous ces pays, à l’exception du Costa Rica et de la Côte d’Ivoire. Et les immigrés représentent plus de 3 % de la population en Arménie, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Costa Rica, en République dominicaine et en Géorgie, soit six pays sur dix.

Graphique 2.2. Les pays partenaires du projet IPPMD représentent un large éventail de niveaux de revenu
RNB par habitant (2014), méthode Atlas (USD courants)
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Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde, http://data.worldbank.org/data-catalog/world-development-indicators.

 https://doi.org/10.1787/888933478527

Graphique 2.3. Les pays partenaires du projet IPPMD représentent un large éventail de contextes migratoires
Effectifs d’émigrés et d’immigrés en pourcentage de la population (2015)
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Note : Données tirées de recensements nationaux, d’enquêtes sur la population active et de registres de la population.

Source : UNDESA, International Migration Stock: The 2015 Revision (database), www.un.org/en/development/desa/population/migration/data/estimates2/estimates15.shtml.

 https://doi.org/10.1787/888933478533

De plus, afin d’ajouter une dimension au projet, certains pays choisis faisaient partie de couloirs de migration : Burkina Faso-Côte d’Ivoire et Haïti-République dominicaine.

Un autre critère – quoique non déterminant – était de savoir si les pays avaient des politiques migratoires et intégraient les migrations dans leur stratégie de développement et leurs autres politiques sectorielles. Un des objectifs du projet, en effet, est de rendre les principales parties prenantes des pays partenaires davantage conscientes de l’importance qu’il y a à mieux incorporer les migrations dans la conception et la mise en œuvre de leurs politiques. L’Box 2.1 présente les principales caractéristiques des politiques de migration et de développement dans les pays partenaires.

Encadré 2.1. L’approche des migrations en tant qu’outil de développement diffère selon les pays du projet

Les pays du projet IPPMD témoignent d’un vaste éventail d’approches des migrations en tant qu’outil de développement, éventail qui va de la volonté d’intégrer les migrations dans la planification du développement à travers un document de stratégie migratoire et une commission d’État, en Géorgie, jusqu’aux programmes décentralisés et séparés mis en œuvre au Maroc (tableau 2.1).

Tableau 2.1. Dans les pays partenaires, la question des migrations relève d’une grande diversité d’organismes et de documents stratégiques

Pays

Principal document de stratégie de développement

Principaux organismes responsables de la question des migrations

Principal document de stratégie migratoire

Arménie

Stratégie de développement 2014-2025

Agence pour les migrations (ministère de l’Administration territoriale et du Développement) et plusieurs autres ministères1

Plan d’action national pour la mise en œuvre du Concept de politique de réglementation des migrations (2012-2016)

Burkina Faso

Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020

Ministère des Affaires étrangères, de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur (MAECBE) (en particulier le Secrétariat du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger)

Stratégie nationale de migration (rédigée en 2015, non ratifiée)

Cambodge

Plan national de développement stratégique 2014-2018

Ministère du Travail et de la Formation professionnelle

Politique migratoire du Cambodge 2015-2018

Côte d’Ivoire

Plan national de développement (PND) 2016-2020

Plusieurs ministères2

Aucun

Costa Rica

Plan national de développement 2015-2018

Dirección General de Migración y Extranjería (DGME) (ministère de l’Intérieur et de la Police)

Politique migratoire 2013-2023 et Plan stratégique institutionnel 2015-2019 « MigraVisión 20/20 »

Géorgie

Stratégie de développement socioéconomique 2014-2020

Commission d’État sur les questions migratoires (présidée par le ministère de la Justice)

Stratégie migratoire (2016-2020)

Haïti

Plan stratégique de développement 2015-2030

Office national de la migration (ministère des Affaires sociales et du Travail)

Politique migratoire nationale (2015)

Maroc

Aucun

Ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration (MCMREAM) et Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger

Stratégie nationale pour les Marocains résidant à l’étranger (2012) et Stratégie nationale d’immigration et d’asile (2014)

Philippines

Plan de développement 2011-2016

Ministère des Affaires étrangères

Ministère du Travail et de l’Emploi

Commission des Philippins de l’étranger

Loi 8042 (amendée par la loi 10022)

République dominicaine

Stratégie nationale de développement 2010-2030

Ministère de l’Intérieur et de la Police (Instituto Nacional de Migración y Dirección General de Migración)

Loi générale sur la migration 284-04 et règlements d’application

1. En Arménie, plusieurs organes gouvernementaux ont des compétences en matière de migrations, notamment le ministère des Affaires étrangères et le Service de la sécurité nationale.

2. En Côte d’Ivoire, plusieurs ministères interviennent dans la gestion des migrations (en particulier concernant les liens avec le développement), mais les trois principaux sont le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur (la Direction générale des Ivoiriens de l’extérieur) et le ministère du Plan et du Développement (l’Office national de la population).

Au Burkina Faso, la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) fixait un objectif commun au gouvernement pour la période 2011-2015. Cette stratégie nationale mettait l’accent sur la gestion et l’intégration des migrations à la lumière des turbulences résultant des flux migratoires en provenance de Côte d’Ivoire et s’interrogeait sur les conséquences du conflit ivoirien sur les transferts de fonds. Ce document de stratégie a été remplacé depuis par le Plan national de développement économique et social (PNDEE), qui reconnaît rarement de façon explicite que les migrations sont une opportunité pour atteindre de meilleurs résultats de développement. Cependant, le Burkina Faso s’est résolument engagé dans l’élaboration d’une Stratégie nationale de migration (SNMig), qui doit encore être approuvée par le gouvernement et être rendue publique.

En Géorgie, la politique migratoire est au cœur des priorités du gouvernement. La stratégie migratoire du pays a été renouvelée et adoptée en 2005, et la question des migrations est également intégrée dans sa Stratégie de développement socioéconomique « Géorgie 2020 ».

Le Maroc n’a pas de stratégie nationale de développement commune et unifiée, mais dispose de plusieurs programmes plus restreints et de documents de stratégie, tels que le Programme sur la mobilisation des compétences des Marocains résidant à l’étranger. Le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger a été créé en 1990, tout comme la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, et son champ de compétences a été élargi aux migrations en 2014. Ce ministère et la Fondation Hassan II jouent un rôle en distillant le développement grâce à la diaspora, aux transferts de fonds et aux migrants de retour.

Certains pays ont créé des organismes nationaux de coordination sur les migrations :

  • En 2010, la Géorgie a ainsi créé la Commission d’État sur les questions migratoires, à titre d’organisme consultatif et décisionnel gouvernemental compétent pour diverses questions liées à la gestion des migrations.

  • L’Arménie a créé un comité inter-institutions chargé de surveiller l’exécution du Plan d’action national pour la mise en œuvre du Concept de politique de réglementation des migrations (2012-2016), avec un accent particulier sur l’emploi et les compétences.

  • En 2014, les Philippines ont créé le Sous-Comité sur les migrations et le développement. Cet organe interministériel a été créé à la suite de l’atelier de lancement sur les IPPMD organisé en juillet 2013 (voir ci-dessous).

Une collaboration étroite a assuré la pertinence et la qualité du projet

Dans chaque pays partenaire, l’équipe IPPMD a travaillé en étroite collaboration avec les points de contact au niveau gouvernemental et les établissements de recherche nationaux, ce qui a aidé à prendre les décisions clés pour les recherches et l’analyse des politiques (tableau 2.2).

Tableau 2.2. Les points de contact au niveau gouvernemental et les partenaires locaux du projet IPPMD

Pays

Point de contact au niveau gouvernemental

Partenaire local

Arménie

Agence pour les migrations

Caucasus Research Resource Center (CRRC) – Arménie

Burkina Faso

Secrétariat permanent du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE)

Institut supérieur des sciences de la population (ISSP)

Cambodge

Ministère de l’Intérieur

Institut cambodgien de recherche sur le développement (CDRI)

Costa Rica

Dirección General de Migración y Extranjería (DGME)

Centro Centroamericano de Población (CCP)

Côte d’Ivoire

Office national de la population (ONP)

Centre ivoirien de recherches économiques et sociales (CIRES)

Géorgie

Commission d’État sur les questions migratoires

Caucasus Research Resource Center (CRRC) – Géorgie

Haïti

Office national de la migration (ONM)

Institut interuniversitaire de recherche et de développement (INURED)

Maroc

Ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration (MCMREAM)

Thalys Conseil S.A.R.L.

Philippines

Commission des Philippins de l’étranger

Scalabrini Migration Center (SMC)

République dominicaine

Ministerio de Economía Planificación y Desarrollo (MEPD)

Centro de Investigaciones y Estudios Sociales (CIES)

Les points de contact au niveau gouvernemental ont constitué le lien principal entre l’OCDE et les responsables des politiques. Dans chaque pays, ils ont aidé à réunir les informations sur les politiques migratoires et les données, tout en jouant un rôle important dans l’organisation des événements locaux et des réunions bilatérales avec les parties prenantes. Leur collaboration a contribué à la bonne circulation des informations concernant les priorités, les données et les politiques.

L’équipe IPPMD a également travaillé dans chaque pays en étroite collaboration avec un établissement de recherche national afin d’assurer la bonne marche du projet. Ces partenaires locaux ont aidé à organiser des événements au niveau national, contribué à la conception de la stratégie de recherche dans leur pays, mené le travail de terrain et participé à la rédaction des rapports par pays.

Les délégations de l’UE, également très impliquées dans le projet, ont aidé à organiser les événements au niveau national, à nouer les contacts avec les parties prenantes pertinentes, à identifier les priorités en matière de politiques et à accroître la visibilité du projet dans les médias nationaux de chaque pays.

Les diverses parties prenantes, qui ont participé aux réunions de consultation sur les IPPMD et qui ont été interviewées et consultées durant les missions menées dans les pays, ont également contribué à renforcer le réseau des partenaires du projet dans chaque pays.

Les réunions de consultation nationales et internationales ont contribué à l’orientation du projet

Des séminaires de lancement et de consultation ont été organisés dans chacun des pays partenaires, tandis que des consultations internationales ont eu lieu dans certains pays.

Les consultations nationales

Le coup d’envoi du projet IPPMD a été donné dans chaque pays par un atelier de lancement au cours duquel les priorités des recherches ont fait l’objet de discussions avec un groupe d’experts comprenant généralement des responsables des politiques nationaux et locaux, des délégués d’organisations internationales, d’organisations patronales et de syndicats, d’organisations de la société civile et du milieu universitaire. Faute d’avoir les accords officiels de toutes les autorités publiques qui devaient être impliquées dans le projet, des changements ont dû être apportés à la liste des dix pays initialement choisis pour être partenaires, ce qui explique que les ateliers de lancement se soient déroulés sur une longue période (graphique 2.4).

Graphique 2.4. Le calendrier des séminaires de lancement, par pays
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Les discussions se sont concentrées dans chaque pays sur les points suivants :

  • L’analyse devait-elle porter uniquement sur l’émigration (y compris les transferts de fonds et les migrations de retour) ou sur l’immigration, ou couvrir ces deux aspects ?

  • Quels devaient être les secteurs prioritaires pour le projet ?

  • D’autres thèmes spécifiques au pays, tels que la justice et la culture, devaient-ils être pris en compte3 ?

Le tableau 2.3 résume les aspects privilégiés dans le projet pour chaque pays, en fonction des résultats des discussions menées pendant les consultations nationales ainsi que de la disponibilité des données. La décision de se focaliser sur l’émigration ou l’immigration, ou de couvrir ces deux aspects, a été prise en fonction de l’importance de ces dimensions pour l’économie et la population du pays. Dans les pays où l’émigration a été considérée comme le phénomène le plus important, comme le Cambodge, Haïti et les Philippines, un consensus s’est dégagé pour estimer que le projet ne devait pas couvrir l’immigration. Dans d’autres pays, tels le Costa Rica, la Côte d’Ivoire et la République dominicaine, il a été jugé que le nombre d’immigrés et le contexte actuel de l’émigration se prêtaient à un examen des deux dimensions. Dans d’autres pays, la question a été particulièrement débattue. En Arménie, en Géorgie et au Maroc, la question de l’immigration a été jugée importante, mais l’échantillon de ménages avec un immigré du projet IPPMD était trop réduit pour permettre une analyse approfondie (tableau 2.5). Au Burkina Faso, le retour des Burkinabè nés en Côte d’Ivoire a été jugé d’une importance telle que la décision a été prise d’inclure l’immigration dans l’analyse4.

Tableau 2.3. Les aspects des migrations analysés dans chaque pays

Pays

Émigration

Immigration

Arménie

Oui

Non

Burkina Faso

Oui

Oui

Cambodge

Oui

Non

Côte d’Ivoire

Oui

Oui

Géorgie

Oui

Non

Haïti

Oui

Non

Maroc

Oui

Non

Philippines

Oui

Non

République dominicaine

Oui

Oui

Note : Pour des raisons politiques ou à cause du calendrier de collecte des données, il n’a pas été possible d’organiser des séminaires de consultation en Côte d’Ivoire, en République dominicaine et au Maroc.

Les consultations initiales portaient sur neuf domaines des politiques : agriculture, travail, échanges, investissement, services financiers, éducation, santé, protection sociale et environnement. À la suite de multiples discussions animées dans les pays partenaires, l’équipe IPPMD a décidé de concentrer l’analyse sur cinq secteurs clés : 1) marché de l’emploi, 2) agriculture, 3) éducation, 4) investissement et services financiers, 5) protection sociale et santé.

Ces secteurs clés combinant certains des secteurs initialement envisagés, seuls deux d’entre eux n’ont pas été retenus pour le projet : les échanges et l’environnement. L’interaction entre les politiques commerciales et les migrations est une question qui relève davantage de la macroéconomie, et il était difficile de l’intégrer dans un projet articulé autour d’enquêtes sur les ménages et les communautés. Malgré son importance croissante, la question de l’environnement et des migrations reste surtout liée aux migrations internes. Le projet ne portant que sur les migrations internationales, le secteur de l’environnement n’a pas été inclus dans le champ de l’étude.

Une fois les données recueillies et analysées, des réunions de consultation ont été organisées dans les pays partenaires pour présenter les premiers résultats aux parties prenantes pertinentes, notamment des responsables des politiques, des chercheurs universitaires et des organisations de la société civile (graphique 2.5). Ces réunions ont permis de discuter des différentes visions et interprétations des premiers résultats afin d’alimenter une analyse plus approfondie au niveau national.

Graphique 2.5. Le calendrier des différentes réunions de consultation, par pays
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Les consultations internationales

En décembre 2013, à l’occasion d’un séminaire international, l’UE, le Centre de développement de l’OCDE ainsi que tous les points de contact au niveau gouvernemental et partenaires de recherche locaux se sont retrouvés à Paris pour discuter des cadres conceptuel et méthodologique du projet et des secteurs à étudier dans chaque pays.

En octobre 2016, l’UE, le Centre de développement de l’OCDE et tous les représentants des pays partenaires se sont de nouveau retrouvés à Paris à l’occasion d’un dialogue sur les politiques mené à la lumière d’une première version du rapport, en mettant l’accent sur les recommandations de politiques.

Deux réunions ont également été organisées dans le cadre du projet en marge du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD). En mai 2014, à Stockholm, des représentants des pays partenaires ont rencontré le Centre de développement de l’OCDE et la Commission européenne pour dresser un bilan de l’avancement du projet et discuter des défis posés en termes de recherche. En octobre 2015, lors d’une réunion à Istanbul, l’équipe IPPMD a présenté les premiers résultats du projet et amorcé l’examen de certaines implications pour les politiques avec les représentants des pays partenaires.

Ces consultations, tenues à différentes étapes du projet avec les différentes parties prenantes, ont contribué à une meilleure compréhension de la réalité des migrations et de leurs interactions avec les politiques sectorielles dans chacun des pays partenaires. Elles ont également apporté des orientations utiles pour la conception et le développement de la méthodologie utilisée dans le cadre du travail de terrain.

L’accent sectoriel du projet IPPMD constitue sa force conceptuelle

Les politiques publiques et les migrations interagissent, mais la façon dont elles le font dépend du but de ces politiques. Les politiques publiques peuvent être regroupées en trois catégories :

  1. Les politiques migratoires, en définissant les règles d’entrée sur le territoire et leur application, ont pour but de contrôler qui peut entrer sur le territoire et à quelle conditions. Outre la gestion des frontières, les politiques migratoires comprennent des programmes destinés aux immigrés centrés sur la protection de leurs droits, la lutte contre les discriminations et leur intégration dans la société (OCDE, 2011).

  2. Les politiques de migration et de développement, telles que les politiques visant à attirer davantage de transferts de fonds et à les orienter vers les investissements productifs, renforcent la mobilité et la contribution des personnes très qualifiées (circulation des cerveaux) et encouragent les diasporas à s’impliquer dans des projets de développement économique et social dans leur pays d’origine ; elles sont de plus en plus intégrées dans les stratégies nationales de développement.

  3. Les politiques sectorielles non liées aux migrations couvrent des secteurs qui vont de l’éducation à la protection sociale, en passant par le marché de l’emploi, ainsi que des secteurs économiques spécifiques tels que l’agriculture. Si elles ne visent pas expressément les migrations, ces politiques peuvent influer sur les résultats en matière de migrations. En retour, les migrations exercent une influence sur différents secteurs et poussent à modifier les politiques qui y sont menées.

Si un nombre croissant de pays adoptent des politiques visant à exploiter au mieux le potentiel de développement des migrations, ces initiatives ciblent généralement de façon spécifique les migrants eux-mêmes. Peu de pays recourent à un éventail de politiques plus large couvrant les politiques sectorielles non liées aux migrations mais qui influent sur les migrations, ou sur lesquelles celles-ci influent. Tel est l’objet du projet IPPDM, qui a été conçu pour comprendre l’influence qu’exercent quatre dimensions migratoires (émigration, transferts de fonds, migrations de retour et immigration) sur cinq secteurs clés, ainsi que les effets de ces politiques sectorielles sur les résultats en matière de migrations (graphique 2.6).

Graphique 2.6. Les migrations et les politiques sectorielles de développement : une relation à double sens
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Le projet IPPMD porte sur quatre dimensions du cycle migratoire (graphique 2.7) :

  1. L’émigration, c’est-à-dire le fait de quitter son pays d’origine pendant au moins trois mois consécutifs.

  2. Les transferts de fonds, c’est-à-dire les transferts internationaux, surtout de nature financière, que les émigrés envoient aux personnes qu’ils ont laissées derrière eux.

  3. Les migrations de retour, c’est-à-dire la décision de migrants internationaux de rentrer dans leur pays d’origine et de s’y installer de façon permanente ou temporaire.

  4. L’immigration, qui englobe tous les individus, quelle que soit leur citoyenneté, qui vivent dans un pays pendant au moins trois mois alors qu’ils sont nés dans un autre pays.

Graphique 2.7. Les dimensions du cycle migratoire couvertes par le projet IPPMD
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Le cadre conceptuel prend également en compte l’impact des politiques sectorielles sur quatre résultats en matière de migrations :

  1. La décision d’émigrer est un résultat important pour les pays d’origine, car elle influe sur les flux d’émigration à court terme et sur les effectifs des émigrés à long terme. Les pays peuvent également souhaiter influer sur le type de personnes qui émigrent, en particulier pour réduire l’émigration des personnes les plus qualifiées.

  2. Le transfert et l’utilisation de fonds renvoient au volume des fonds reçus et à la façon dont ils sont utilisés. Les transferts de fonds sont souvent vus comme une priorité par les responsables des politiques, qui souhaiteraient les encourager et les orienter vers des investissements productifs afin de stimuler le développement.

  3. La décision de rentrer et la durabilité du retour sont influencées par plusieurs facteurs. La décision de rentrer dépend dans une large mesure de préférences personnelles pour le pays d’origine et de circonstances liées au pays d’accueil. La durabilité du retour est un indicateur du succès des migrations de retour, qu’elles soient volontaires ou subies. Si les migrants de retour bénéficient des bonnes opportunités dans leur pays d’origine et décident d’y rester à long terme, leur retour peut être considéré comme durable (pour eux et leurs familles) et productif (pour le pays d’origine).

  4. L’intégration des immigrés constitue un autre facteur important pour le succès du nœud migrations-développement. Des immigrés bien intégrés jouissent de meilleures conditions de vie et contribuent davantage au développement de leur pays d’accueil et, par extension, de leur pays d’origine.

L’implication des diasporas est une autre composante importante du lien entre migrations et développement, et elle a une dimension politique marquée. Cependant, il sera moins question de cet aspect dans ce rapport. Cela tient notamment à ce que, pour la majorité des pays partenaires, la collecte des données IPPMD s’est concentrée sur les pays d’origine et que les principaux répondants étaient des personnes que les migrants avaient laissées derrière eux ; d’où la difficulté de recueillir des données détaillées sur l’implication des diasporas, tels les transferts de fonds collectifs, l’implication dans les associations de migrants ou la contribution aux diasporas scientifiques. Des questions ont porté sur l’implication des immigrés comme des émigrés de l’échantillon dans les associations de la diaspora, mais peu de migrants ont été enregistrés comme membres de telles associations.

Le cadre méthodologique novateur a permis de combler des lacunes de connaissances

Ensemble, le cadre méthodologique conçu par le Centre de développement de l’OCDE et les données recueillies par ses partenaires de recherche locaux offrent l’opportunité de combler des lacunes significatives en termes de connaissances dans le domaine des migrations internationales et du développement. En raison de certaines de ses caractéristiques, l’approche IPPMD est sans équivalent et jette un éclairage important sur la façon dont l’interrelation entre les migrations et les politiques publiques influe sur le développement :

  • L’étude a été menée dans tous les pays avec les mêmes instruments et pendant la même période (2014-15), permettant ainsi les comparaisons entre pays.

  • Les enquêtes combinent plusieurs dimensions migratoires, notamment la décision d’émigrer, l’utilisation des fonds envoyés, la durabilité du retour et l’intégration des immigrés, ce qui aide à mieux comprendre les résultats en matière de migrations.

  • Le projet a analysé un vaste éventail de programmes liés aux politiques menées dans les cinq secteurs clés dans les pays étudiés.

Grâce à une combinaison d’instruments quantitatifs et qualitatifs, le projet a recueilli des données primaires dans les dix pays partenaires en s’appuyant sur un cadre méthodologique standardisé fondé sur : 1) une enquête sur les ménages, 2) une enquête sur les communautés, 3) des entretiens qualitatifs avec les parties prenantes (tableau 2.4).

Tableau 2.4. Le projet IPPMD a couvert un grand nombre de ménages, de communautés et de parties prenantes

Pays

Enquêtes sur les ménages

Enquêtes sur les communautés

Entretiens qualitatifs avec les parties prenantes

Arménie

2 000

79

47

Burkina Faso

2 200

99

48

Cambodge

2 000

100

28

Costa Rica

2 236

15

49

Côte d’Ivoire

2 345

110

44

Géorgie

2 260

71

27

Haïti

1 241

n/a

41

Maroc

2 231

25

30

Philippines

1 999

37

40

République dominicaine

2 037

54

21

Total

20 549

590

375

Note : En raison de contraintes financières et logistiques, il n’y a pas eu d’enquête sur les communautés en Haïti.

Les données quantitatives avaient deux composantes principales :

  1. L’enquête sur les ménages menée dans chaque pays a couvert environ 2 000 ménages en moyenne5, à la fois des ménages migrants et des ménages non migrants. Au total, plus de 20 500 ménages ont été interviewés pour le projet.

  2. L’enquête sur les communautés, qui a été menée dans neuf pays6, a porté au total sur 590 autorités locales et chefs de communauté dans les communautés où le questionnaire sur les ménages avait été administré.

Les données quantitatives ont été complétées par des entretiens qualitatifs avec des parties prenantes clés représentant les autorités nationales et locales, le milieu universitaire, des organisations internationales, la société civile et le secteur privé, soit au total 375 entretiens approfondis pour les dix pays.

Les questionnaires sur les ménages : source d’informations sur les ménages et leurs membres

Des enquêteurs locaux ont utilisé les questionnaires sur les ménages lors d’entretiens en face à face d’une durée comprise entre 30 minutes et 3 heures en fonction de facteurs tels que la taille du ménage et son statut migratoire.

Le questionnaire se compose de 11 modules (graphique 2.8). Les questions sont posées au niveau individuel (études et expérience migratoire, par exemple) et au niveau du ménage (activités agricoles et dépenses du ménage, par exemple). La première partie du questionnaire visait à mieux connaître les caractéristiques socioéconomiques des ménages et de leurs membres, notamment la taille du ménage ainsi que l’âge, le sexe, la situation maritale et le lieu de naissance de tous ses membres ; elle a aussi permis d’identifier les immigrés et les migrants de retour parmi les membres des ménages. Un module consacré aux dépenses, aux biens et aux revenus du ménage a rassemblé des données sur son bien-être économique.

Graphique 2.8. Aperçu des modules du questionnaire sur les ménages
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Note : Les modules sur l’éducation et la protection sociale et la santé se composaient surtout de questions au niveau individuel, complétées par un petit nombre de questions au niveau du ménage. Le module sur les transferts de fonds portait sur des données au niveau (individuel) des émigrés.

Cinq modules distincts ont permis de recueillir sur les ménages des données liées aux secteurs centrées sur le marché de l’emploi, l’agriculture, l’éducation, l’investissement et les marchés financiers, et la protection sociale et la santé. Tous ces modules sectoriels comportaient des questions liées à des programmes publics spécifiques. Certains de ces programmes sont présents dans les dix pays, tandis que d’autres sont propres à un pays en particulier ou seulement mis en œuvre dans quelques pays.

Le questionnaire comprend également quatre modules portant chacun sur une des dimensions migratoires que sont l’émigration, les transferts de fonds, les migrations de retour et l’immigration. Toutes ces dimensions migratoires n’ont pas été analysées pour chacun des pays partenaires, ce qui a eu des répercussions sur le nombre de modules consacrés aux migrations dans chacune des enquêtes par pays. Les modules sur l’émigration, les transferts de fonds et les migrations de retour ont été utilisés pour les dix pays, alors que le module sur l’immigration l’a seulement été dans les pays comptant un nombre d’immigrés significatif. Comme il est étroitement lié à l’immigration, le module sur la protection sociale et la santé a principalement été utilisé associé au module sur l’immigration. Le tableau 2.A1.1 (voir annexe) donne un aperçu plus détaillé des questions figurant dans chaque module.

Les outils de l’enquête quantitative reposent sur un certain nombre de concepts et de définitions essentiels qui ont été convenus en consultation avec les partenaires de recherche locaux dans les pays du projet (Box 2.2).

Les questionnaires sur les communautés : source d’informations supplémentaires sur les communautés de l’échantillon

Les questionnaires sur les communautés ont été administrés dans les zones déjà couvertes par l’enquête sur les ménages, ce qui a permis de compléter celle-ci en recueillant plus d’informations sur les communautés au sein desquelles vivent les ménages étudiés. Les principaux répondants étaient les autorités locales ou les chefs de communauté. Le questionnaire comportait environ 75 questions visant à recueillir des informations d’ordre démographique, social et économique sur les communautés, ainsi que des questions spécifiques sur les politiques et les programmes mis en œuvre localement.

Les entretiens qualitatifs avec les parties prenantes : un éclairage sur les perceptions, les tendances et les politiques liées aux migrations

Les entretiens avec les parties prenantes ont servi à recueillir des informations qualitatives sur les perceptions, les tendances et les politiques liées aux migrations dans les pays partenaires, dans le but de compléter et d’enrichir les informations réunies grâce aux questionnaires et analyses de nature quantitative. Les répondants étaient des représentants de ministères et d’autres institutions publiques, au niveau national comme au niveau local, d’organisations de la société civile, de syndicats et d’entreprises privées, du milieu universitaire et d’organisations internationales.

Encadré 2.2. Les principales définitions utilisées

Un ménage est composé d’une ou de plusieurs personnes qui, indépendamment de leurs liens de parenté, vivent normalement ensemble dans le même logement ou ensemble de logements, et partagent la préparation des repas et les repas.

Le chef du ménage est le membre du ménage le plus respecté/ayant le plus de responsabilités, qui comble la plupart des besoins du ménage, prend les décisions importantes et dont l’autorité est reconnue par tous les autres membres du ménage.

Le répondant principal est la personne qui connaît le mieux le ménage et ses membres. Il peut s’agir du chef du ménage ou de tout autre membre du ménage (âgé d’au moins 18 ans). Le répondant principal répond pour la majorité des modules du questionnaire, à l’exception des modules sur l’immigration et les migrations de retour, dont les questions ont été posées directement aux immigrés et aux migrants de retour. Comme il était impossible d’interroger les émigrés actuels, c’est le répondant principal qui a répondu aux questions du module sur l’émigration internationale.

Un ménage migrant est un ménage qui compte en son sein au moins un émigré, un migrant de retour ou un immigré.

Un ménage non migrant est un ménage qui ne compte actuellement en son sein aucun émigré international, migrant de retour ou immigré.

Un émigré international est une personne qui a quitté le ménage pour vivre à l’étranger et y vit depuis au moins trois mois consécutifs sans être rentrée1.

Un migrant international de retour est un membre actuel du ménage qui a vécu auparavant à l’étranger pendant au moins trois mois consécutifs et qui est rentré dans le pays.

Un immigré est un membre du ménage qui est né dans un autre pays et qui vit dans le pays d’accueil depuis au moins trois mois.

Les transferts de fonds internationaux sont des transferts en espèces ou en nature effectués par des émigrés internationaux. Dans le cas des transferts en nature, il est demandé au répondant de donner une estimation des biens reçus par le ménage.

Un ménage recevant des transferts de fonds est un ménage qui a reçu des transferts de fonds internationaux au cours des 12 mois précédant l’enquête. Ces fonds peuvent avoir été envoyés par d’anciens membres du ménage ou par des migrants n’ayant jamais fait partie du ménage.

1. Les enquêtes sur les migrations définissent souvent les émigrés comme des personnes ayant passé au moins 6 ou 12 mois à l’étranger. Intégrer des périodes de migration plus courtes permet d’inclure les migrants saisonniers dans l’échantillon (des séjours temporaires tels que des vacances ne sont pas cependant retenus dans cette définition). Cette étude permet également de couvrir des expériences migratoires anciennes, car les définitions ne spécifient pas le temps écoulé depuis l’époque de l’émigration, de l’immigration ou de la migration de retour (mais les expériences migratoires plus récentes sont probablement mieux couvertes dans l’enquête, dans la mesure où il y a moins de chances que le ménage évoque les émigrés partis il y a longtemps).

Il s’agissait d’entretiens semi-structurés d’une durée d’une demi-heure environ. Des lignes directrices préparées par l’OCDE avaient spécifié les principaux thèmes abordés, mais les enquêteurs formulaient et adaptaient les questions et les questions de suivi selon le contexte du pays. Les entretiens portaient sur les cinq grands thèmes suivants :

  1. Appréhension globale des migrations.

  2. Mesures, programmes et politiques directement liés aux migrations.

  3. Mesures, programmes et politiques principaux pouvant avoir un lien avec les migrations.

  4. Perception des questions liées aux migrations.

  5. Coordination avec d’autres parties prenantes en matière de migrations.

Le tableau 2.A1.2 (voir annexe) décrit de façon plus détaillée la conception des entretiens avec les parties prenantes.

Le plan d’échantillonnage

Un plan d’échantillonnage similaire a été utilisé dans tous les pays du projet, mais la méthodologie a dû être adaptée aux spécificités de chacun d’eux.

L’enquête sur les ménages

Dans tous les pays, le plan d’échantillonnage pour l’enquête sur les ménages a suivi trois grandes étapes (graphique 2.9). Ce plan de base a ensuite été ajusté à chacun des pays en fonction : 1) des données disponibles pour constituer la base de sondage ; 2) de la distribution des émigrés et, dans certains cas, des immigrés7 ; 3) des contraintes géographiques et financières.

Graphique 2.9. Les trois étapes du plan d’échantillonnage pour l’enquête sur les ménages
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Un enjeu des enquêtes sur les migrations est de s’assurer qu’un nombre significatif de ménages migrants est représenté dans l’échantillon. Malgré l’incidence élevée des migrations internationales dans tous les pays partenaires, un échantillonnage aléatoire n’aurait pas procuré un échantillon suffisamment important pour les besoins de ce projet. Il a donc fallu suréchantillonner les ménages migrants afin d’atteindre la cible visée, soit 50 % de l’échantillon.

Dans l’idéal, l’objectif du projet était de bâtir l’échantillon en utilisant des bases de sondage nationales comportant des informations sur les zones à forte densité de migrants, telles les données d’un recensement récent. Ainsi, au Costa Rica, la base de sondage a reposé sur des données d’un recensement identifiant à la fois les immigrés et les émigrés. Cependant, faute d’avoir dans la plupart des pays un recensement récent donnant des informations sur les migrations, la base de sondage a dû être construite à partir d’autres sources d’information. Le plan d’échantillonnage s’est appuyé : au Cambodge, sur une enquête à grande échelle sur les ménages et les migrations ; en République dominicaine, sur plusieurs enquêtes à plus petite échelle sur les migrations, combinées avec des données de recensement ; et aux Philippines, sur les données provenant de registres de travailleurs expatriés. En Géorgie, la base d’échantillonnage a été constituée à partir des listes électorales nationales, tandis que les abonnements au réseau d’électricité ont été utilisés en Arménie. Les sources d’information disponibles ont généralement été complétées par des informations sur les zones à forte densité de migrants provenant d’experts des migrations.

Ces informations ont ensuite été utilisées lors de la première étape de l’échantillonnage : sélectionner les secteurs de dénombrement pour l’enquête sur les ménages et l’enquête sur les communautés – généralement les régions caractérisées par des niveaux élevés de migration. La sélection s’est effectuée sur la base d’une stratification fondée sur la densité migratoire et la distribution zones rurales/urbaines. Dans certains pays, des strates supplémentaires ont été créées pour représenter la capitale (Arménie) ou de grandes zones urbaines (Burkina Faso).

La deuxième étape du processus d’échantillonnage a consisté à dresser la liste des ménages dans les localités échantillonnées. Un certain nombre de zones géographiques – appelées secteurs de dénombrement – ont été sélectionnées pour procéder au dénombrement dans les zones échantillonnées. Dans la plupart des pays, le nombre de secteurs de dénombrement compris dans l’échantillon correspond au nombre de communautés comprises dans l’enquête. Dans certains cas, selon le contexte du pays, plusieurs secteurs de dénombrement figuraient au sein d’une même communauté. Suivant les lignes directrices sur l’échantillonnage fournies par l’équipe IPPMD, la plupart des pays sont parvenus à définir environ 100 unités de sondage. Dans les autres, ce nombre a été ajusté en fonction de différents facteurs contextuels. Cet exercice a souvent consisté en un « mini recensement », mené par l’équipe de recherche locale et débouchant sur la liste de tous les ménages du secteur de dénombrement, avec leur statut migratoire. Dresser ces listes a permis de s’assurer que l’échantillon comprenait suffisamment de ménages migrants.

La troisième étape de l’échantillonnage consistait à sélectionner les ménages à interviewer. À des fins de comparaison, deux groupes de ménages – migrants et non migrants – ont été sélectionnés dans les secteurs de dénombrement échantillonnés. Le ratio visé était de 50:50 environ. Dans les pays où était prise en compte l’émigration, les ménages migrants étaient définis comme les ménages avec un émigré et/ou un migrant de retour. Dans les pays où étaient prises en compte et l’immigration et l’émigration, les ménages migrants étaient décomposés entre ménages avec un émigré et/ou un migrant de retour, d’une part, et ménages avec un immigré, d’autre part. Dans la plupart des cas, environ 20 ménages ont été sélectionnés par unité de sondage (tableau 2.5), avec quelques variations dans certains pays, en particulier les Philippines et la République dominicaine.

Tableau 2.5. Aperçu de la couverture de l’enquête sur les ménages, par pays

Pays

Couverture nationale de l’enquête (%)

Nombre moyen de ménages interviewés par secteur de dénombrement

Part des ménages des zones urbaines (%)

Part des ménages selon leur statut migratoire

Avec un émigré

Avec un migrant de retour

Avec un immigré

Ménages migrants

Arménie

100

20

50

28

25

4

501

Burkina Faso

100

22

60

15

19

12

38

Cambodge

41

20

19

41

14

n/a

50

Costa Rica

17

20

59

4

6

34

42

Côte d’Ivoire

100

24

61

19

8

30

50

Géorgie

90

32

54

36

11

n/a

43

Haïti

30

34

64

22

7

n/a

27

Maroc

30

22

56

36

14

2

50

Philippines

3

54

50

39

17

n/a

50

République Dominicaine

67

9

77

20

3

26

47

Note : Les catégories migratoires ne sont pas mutuellement exclusives. L’échantillon peut contenir des ménages comptant à la fois un ou plusieurs émigrés, un ou plusieurs migrants de retour et/ou un ou plusieurs immigrés. Les ménages migrants sont définis comme des ménages dont au moins un membre est un migrant, c’est-à-dire un émigré, un migrant de retour ou un immigré. 1 En Arménie, la part des ménages migrants atteint 50 % quand les ménages avec un immigré sont pris en compte, et 48 % quand sont seulement pris en compte les ménages avec un émigré et les ménages avec un migrant de retour.

Le tableau 2.5 donne un aperçu de la couverture et de la taille des échantillons pour l’enquête sur les ménages. Du fait du suréchantillonnage délibéré, la part des ménages migrants était relativement proche des 50 % visés, avec certaines exceptions dues aux taux de non-réponse et à la faible incidence des migrations dans certains secteurs de dénombrement. Au Costa Rica, la part des ménages avec un émigré était très faible dans l’échantillon, principalement en raison de la proportion importante de ménages ayant refusé de donner des informations sur d’ex-membres ayant émigré8. En Haïti, l’échantillonnage n’ayant pas pu s’appuyer sur une liste complète des ménages, il a été difficile de suréchantillonner les ménages avec un émigré.

Si la couverture de l’enquête a été nationale en Arménie, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, elle a été moins vaste dans des pays tels que les Philippines et Haïti, souvent en raison de contraintes financières et logistiques. Aux Philippines, en particulier, il est très difficile d’effectuer une enquête représentative au plan national, car le pays se compose de plusieurs milliers d’îles. Il a été décidé de plutôt mener l’enquête sur les ménages dans quatre régions représentatives. Au Costa Rica et au Cambodge, la faiblesse de la couverture de l’enquête s’explique par la concentration importante de migrants dans certaines zones.

L’enquête sur les communautés

Comme l’enquête sur les communautés a été menée dans les mêmes communautés que les enquêtes sur les ménages, il n’y a pas eu besoin d’un plan d’échantillonnage distinct. En général, le superviseur qui gérait et supervisait sur le terrain l’enquête sur les ménages était également responsable de l’enquête sur les communautés. Dans la plupart des pays africains et asiatiques, le répondant était le chef du village, alors qu’en Amérique latine et dans le Caucase, il s’agissait habituellement d’un représentant de l’administration publique locale.

Les entretiens avec les parties prenantes

Les personnes retenues pour les entretiens qualitatifs ont été sélectionnées dans chaque pays en consultation avec les experts locaux, dans l’optique de former un échantillon équilibré de parties prenantes clés issues de différentes institutions et organisations, allant des ministères aux organisations de la société civile (graphique 2.10). Entre 30 et 50 répondants ont ainsi été sélectionnés dans la liste de répondants potentiels fournie par les partenaires de recherche.

Graphique 2.10. L’éventail d’institutions couvert par les entretiens avec les parties prenantes
picture

 https://doi.org/10.1787/888933478545

L’analyse des données a recouru à la fois à la méthode descriptive et à la régression

Le projet s’appuie sur les données quantitatives et qualitatives recueillies dans les enquêtes menées dans le cadre de dix études par pays ainsi que d’une analyse comparative entre les pays (présentée dans ce rapport). Le processus d’analyse employé dans les études par pays et dans l’analyse comparative entre les pays repose à la fois sur la méthode descriptive et sur la régression. La première permet d’identifier les tendances et les corrélations générales entre des variables clés des migrations et des politiques publiques, tandis que la seconde sert à approfondir la compréhension empirique de ces interactions en prenant également en compte d’autres facteurs. La façon dont l’analyse quantitative a été menée est décrite dans l’Box 2.3. La fin de cette section aborde certains défis rencontrés concernant les données et l’interprétation.

Défis et limites

Une analyse de ce type ne va pas sans défis, qu’ils soient inhérents aux données ou à la nature même des travaux d’analyse.

Les limites des données tiennent notamment au fait que la couverture de l’échantillon des enquêtes sur les ménages est souvent incomplète, cette couverture n’étant nationale que dans un petit nombre de pays. De plus, comme les données n’ont été recueillies qu’une fois, l’analyse ne permet pas de saisir d’éventuels changements survenant avec le temps.

Par ailleurs, le projet IPPMD s’étant focalisé sur les migrations internationales, la collecte de données n’a pas porté sur les migrations internes, qui peuvent avoir avec les politiques publiques des liens similaires à ceux des migrations internationales. Cette lacune se fait en particulier sentir s’agissant de l’analyse de l’impact qu’ont les politiques publiques dans les zones rurales, qui peuvent se traduire par des migrations intra-rurales ou entre zones rurales et urbaines.

Encadré 2.3. Modèles et analyse quantitatifs : aperçu

L’analyse statistique permet de déterminer la « signification statistique » d’une relation entre deux variables, c’est-à-dire la probabilité que celle-ci ne soit pas due au hasard. Cette analyse comprend à la fois des tests statistiques et une analyse de régression. Les tests statistiques, tels que le test de Student ou le test du khi carré, sont utilisés pour tester la corrélation entre deux variables, sans que d’autres facteurs soient pris en compte. Le test de Student est utilisé pour comparer les moyennes d’une variable dépendante pour deux groupes d’échantillons indépendants. Dans le chapitre 7, par exemple, ce test a servi à déterminer si le nombre moyen de visites dans les établissements de santé diffère entre les deux groupes que sont les immigrés et les personnes nées dans le pays. Quant au test du khi carré, il sert à analyser la relation entre deux variables nominales, par exemple la scolarisation dans le secteur privé (pour laquelle il y a seulement deux catégories : « oui » ou « non ») d’enfants vivant dans deux types de ménages : les ménages recevant des transferts de fonds et les ménages ne recevant pas de transferts de fonds (chapitre 5). Le test statistique permet de déterminer la probabilité que la relation entre les deux variables ne soit pas due au hasard ou à une erreur d’échantillonnage.

L’analyse de régression est utile pour vérifier l’effet quantitatif qu’une variable a sur une autre variable, en prenant en compte d’autres facteurs qui peuvent également influer sur le résultat. Les enquêtes sur les ménages et les communautés comportent de riches informations sur les ménages, leurs membres et les communautés où vivent les ménages. Ces informations servent à créer des variables de contrôle qui sont incluses dans les modèles de régression afin d’isoler l’effet de la variable étudiée des autres caractéristiques des individus, des ménages et des communautés qui peuvent influer sur le résultat.

Trois grands types de modèles de régression sont utilisés dans ce rapport : la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO), la méthode des probits et la méthode Tobit. Le choix entre ces trois méthodes dépend de la nature de la variable dépendante. On recourt à la méthode des MCO quand la variable dépendante est continue et à la méthode des probits quand elle est binaire et peut seulement prendre deux valeurs (par exemple, détenir ou non une entreprise). La méthode Tobit, également appelée « modèle de régression censuré », est utilisée lorsque la variable dépendante est limitée et qu’on a un regroupement d’observations à cette limite. C’est par exemple le cas dans le cadre d’une analyse des politiques axées sur le montant des transferts de fonds reçus par les ménages : environ la moitié, ou plus, des ménages de l’échantillon ne reçoivent pas de fonds, ce qui aboutit à une concentration importante d’observations pour lesquelles la valeur des fonds transférés est de 0.

L’analyse des interactions entre les politiques publiques et les migrations est effectuée à la fois au niveau des ménages et au niveau individuel, en fonction de la question et de l’hypothèse étudiées. Elle est divisée en deux sections, qui structurent également le contenu de la partie I du rapport :

Section I : l’impact des dimensions migratoires sur les résultats spécifiques aux secteurs

Yrésultat spécifique au secteur(C) = α + βdimension migratoire(A1) + γXcaractéristiques(D) + ε;

Section II : l’impact des politiques sectorielles de développement sur les résultats en matière de migrations

Yrésultat migratoire(A2) = α + βEpolitique sectorielle de dév.(B) + γXcaractéristiques(D) + ε.

L’analyse de régression repose sur quatre ensembles de variables :

  1. Migrations, soit : 1) les dimensions migratoires, dont l’émigration (parfois en utilisant l’approximation qu’est l’intention d’émigrer dans l’avenir), les transferts de fonds, les migrations de retour et l’immigration ; 2) les résultats en matière de migrations, ce qui couvre la décision d’émigrer, les transferts de fonds et leur utilisation, la décision de rentrer et la durabilité du retour, et l’intégration des immigrés (graphique 2.6).

  2. Politiques structurelles de développement : un ensemble de variables rendant compte de l’impact des politiques et programmes publics sur les individus et les ménages dans cinq secteurs clés : marché de l’emploi, agriculture, éducation, investissement et services financiers, et protection sociale et santé.

  3. Résultats spécifiques aux secteurs : un ensemble de variables mesurant les résultats dans les secteurs étudiés dans le cadre de ce projet, tels que le taux d’activité, l’investissement dans l’élevage, la fréquentation scolaire et la détention d’une entreprise.

  4. Caractéristiques au niveau des ménages et au niveau individuel : un ensemble de variables socioéconomiques et géographiques explicatives qui tendent à influer sur les résultats en matière de migrations.

Cependant, les principaux défis auxquels est confrontée l’analyse relèvent des trois questions suivantes :

  • Le lien de causalité : Attribuer tel résultat aux migrations ou aux politiques publiques ne va pas nécessairement de soi. Par exemple, des transferts de fonds peuvent être effectués pour atténuer les effets négatifs d’un choc agricole tel qu’une mauvaise récolte, ce qui suggère une relation négative entre le transfert de fonds et la production agricole, alors que la diminution des récoltes est un effet causé par le choc agricole et non par les transferts de fonds. De même, le sens du lien de causalité attendu peut se trouver inversé. Cela peut arriver lorsqu’on analyse l’impact des politiques publiques sur l’immigration : par exemple, face à d’importants flux d’immigration, les responsables des politiques peuvent décider de resserrer les critères d’accès aux programmes sociaux, ce qui donne l’impression qu’il existe un lien négatif entre immigration et dépenses sociales.

  • Le biais d’auto-sélection : Les migrants peuvent différer de façon systématique des non-migrants au regard de certaines caractéristiques. Par exemple, les personnes plus ambitieuses et en meilleure santé peuvent être plus portées à émigrer, ce qui traduit une auto-sélection positive. Cela peut avoir une incidence quand les non-migrants servent de groupe témoin pour déterminer l’impact de l’émigration sur un résultat tel que les salaires. En effet, si les émigrés sont systématiquement plus ambitieux et en meilleure santé que les non-migrants, se fonder sur les salaires des non-migrants pour estimer les salaires hypothétiques que les émigrés auraient touchés dans le pays d’origine s’ils n’avaient pas émigré aboutit vraisemblablement à une estimation non fiable, et amène à surestimer l’impact des migrations sur les salaires.

  • Le biais d’omission : Certaines caractéristiques humaines sont difficiles à mesurer et souvent impossibles à inclure dans les modèles. De plus, faute de données de panel permettant de suivre les individus dans le temps, on ne dispose pas toujours de données sur la période précédant les migrations. Des variables telles que l’aversion pour le risque, les compétences entrepreneuriales ou le revenu avant la migration peuvent influer à la fois sur la propension à émigrer et sur la probabilité de détenir une entreprise. Ainsi, il peut sembler y avoir une corrélation positive entre investissement entrepreneurial et migrations, bien qu’il n’y ait aucune relation de cause à effet entre les deux, ce qui induit des biais dans l’interprétation des résultats.

La littérature suggère plusieurs méthodes pour faire face à ces défis (McKenzie et Sasin, 2007), notamment le recours aux changements aléatoires et naturels, aux expériences avec groupe témoin, aux données de panel et aux variables instrumentales. Compte tenu de l’ampleur de ce projet et de sa dimension transnationale, il y avait peu de marge de manœuvre pour adopter des solutions méthodologiques sur mesure pour chaque contexte national. Partant, il n’est pas toujours possible de déterminer les effets de causalité, et les résultats doivent être interprétés avec prudence. Cependant, dans la conception de l’enquête et de l’analyse, une méthode de triangulation s’appuyant sur plusieurs sources a été appliquée :

  • Des questions rétrospectives sur les expériences passées des ménages en termes de participation aux politiques publiques et de migrations ont permis d’isoler les décisions d’émigrer prises après que les ménages ont bénéficié d’une politique spécifique.

  • Consacrer des modules détaillés aux expériences de migration et de transferts de fonds a permis de distinguer l’effet des migrations de l’effet des transferts de fonds. C’est important pour analyser l’effet des migrations sur des résultats tels que la fréquentation scolaire : l’absence des parents peut pousser l’enfant à abandonner l’école, tandis que les transferts de fonds stimulent les investissements dans l’éducation (pour plus de détails, voir chapitre 5).

  • De nombreuses sources de données, telles que les enquêtes sur les communautés et les entretiens avec les parties prenantes, ont enrichi les données recueillies grâce aux enquêtes sur les ménages.

  • La coopération étroite avec les responsables pertinents des politiques dans les pays partenaires ainsi que les séminaires de consultation ont aidé à mieux contextualiser et expliquer les résultats.

Les résultats de l’analyse empirique de chacun des secteurs couverts par le projet sont présentés dans la partie I de ce rapport.

Références

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CE-NU ICMD (2010), From Migration to Development: Lessons Drawn from the Experience of Local Authorities, Initiative conjointe pour la migration et le développement CE-NU.

McKenzie, D.J., et M.J. Sasin (2007), « Migration, remittances, poverty, and human capital: conceptual and empirical challenges », World Bank Policy Research Working Paper, n° 4272.

Melde, S. (2012), Indicators of the Impact of Migration on Human Development and Vice Versa, Observatoire de la région Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP) sur les migrations, Organisation internationale pour les migrations.

NU (2015a), The Addis Ababa Action Agenda of the Third International Conference on Financing for Development, Nations unies, New York, https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/2051AAAA_Outcome.pdf.

NU (2015b), Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030, Nations unies, New York, https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/21252030%20Agenda%20for%20Sustainable%20Development%20web.pdf.

OCDE (2011), Tackling the Policy Challenges of Migration: Regulation, Integration, Development, Éditions de l’OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264126398-en.

OCDE (2007), La cohérence des politiques au service du développement : Migrations et pays en développement, Études du Centre de développement, Éditions de l’OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264027039-fr.

OIM (2010), Mainstreaming Migration into Development Planning: a handbook for Policy-makers and Practitioners, Organisation internationale pour les migrations, Genève, https://publications.iom.int/fr/books/mainstreaming-migration-development-planning-handbook-policy-makers-and-practitioners

PNUD (2015), Global Project on Mainstreaming Migration into National Development Strategies – Phase II, rapport annuel d’avancement, https://info.undp.org/docs/pdc/Documents/H70/Annual%20Project%20Report%20on%20UNDP%20SDC%20Migration%20and%20Development%20-%202015.pdf.

ANNEXE 2.A1. Aperçu des outils de l’enquête
Tableau 2.A1.1. Aperçu du questionnaire sur les ménages

Module 1

Liste des membres du ménage

Ce module comprend des questions sur les caractéristiques du ménage, notamment le nombre de membres du ménage, leur lien avec le chef du ménage, leur sexe, leur âge et leur situation maritale, ainsi que, pour tous les membres du ménage âgés de 15 ans et plus, sur l’intention d’émigrer. Le module comporte également des questions visant à identifier les migrants de retour et les immigrés.

Module 2

Études et compétences

Le module sur l’éducation réunit des informations sur la scolarisation et le travail des enfants. Il comprend des questions sur les compétences linguistiques et le plus haut niveau d’études terminé, pour tous les membres du ménage, ainsi qu’une série de questions sur les programmes liés à l’éducation. Les programmes abordés dans le questionnaire sont notamment les bourses d’études, les transferts monétaires conditionnels (TMC) et la distribution de fournitures scolaires.

Module 3

Marché de l’emploi

Le module sur le marché de l’emploi réunit des informations sur les caractéristiques liées au travail pour tous les membres du ménage âgés de 15 ans et plus, notamment le statut d’activité, l’activité et le principal secteur d’activité, ainsi que les méthodes de recherche d’emploi, ce qui comprend les agences gouvernementales pour l’emploi. Des questions portent également sur la participation des membres du ménage à des programmes d’emploi publics ou de formation professionnelle.

Module 4

Dépenses, biens, revenus

Ce module comprend des questions sur les dépenses de base du ménage, les biens qu’il possède et ses diverses sources de revenu.

Module 5

Investissement et services financiers

Le module sur l’investissement couvre des questions liées à l’inclusion financière du ménage, à sa formation financière ainsi qu’à ses activités à titre d’entrepreneur. Il recueille également des données sur les obstacles rencontrés par le ménage dans l’exploitation de son entreprise, ainsi que sur les aides du gouvernement dont il peut bénéficier, par exemple sous la forme de subventions ou d’exonération fiscale.

Module 6

Activités agricoles

Le module sur l’agriculture concerne les ménages impliqués dans des activités agricoles telles que la pêche, l’élevage de bétail et l’aquaculture. Les données recueillies portent sur les parcelles agricoles (nombre, superficie, cultures pratiquées, mode d’acquisition et potentiel sur le marché) ainsi que sur le type d’animaux élevés et leur nombre. Le module réunit également des informations sur les politiques agricoles dont le ménage a pu bénéficier, notamment subventions, formation liée à l’agriculture et assurance agricole.

Module 7

Émigration

Le module sur l’émigration réunit pour tous les ex-membres du ménage âgés de 15 ans et plus qui vivent actuellement à l’étranger des informations portant sur leur sexe, leur âge, leur situation maritale, leur lien avec le chef du ménage, leurs compétences linguistiques et leur niveau d’études. Les données concernent également le pays de destination, les raisons du départ et le statut d’activité du migrant à la fois au moment de quitter le ménage et dans le pays de destination.

Module 8

Transferts de fonds internationaux

Le module sur les transferts de fonds réunit des informations sur les transferts de fonds effectués par les émigrés actuels, la fréquence à laquelle le ménage en reçoit, les montants reçus, les canaux utilisés pour les transferts et la façon dont les fonds reçus sont utilisés.

Module 9

Migrations de retour

Le module sur les migrations de retour réunit des informations sur les membres du ménage âgés de 15 ans et plus qui ont vécu auparavant à l’étranger pendant au moins trois mois consécutifs et qui sont revenus dans le pays. Les informations portent sur le pays de destination, la durée de la migration ainsi que sur les raisons de l’émigration et les raisons du retour.

Module 10

Immigration

Le module sur l’immigration concerne tous les membres du ménage âgés de 15 ans et plus qui sont immigrés et réunit les informations touchant la citoyenneté, les raisons de l’immigration, le statut d’activité, ainsi que l’activité principale avant le départ et les investissements effectués dans le pays d’accueil. Des questions portent également sur les discriminations dans le pays d’accueil.

Module 11

Protection sociale et santé

Le module sur la protection sociale et la santé concerne tous les membres du ménage âgés de 15 ans et plus et réunit des informations touchant les visites dans les établissements de santé, l’assurance-santé et la protection sociale associée à l’emploi.

Tableau 2.A1.2. Aperçu des entretiens qualitatifs avec les parties prenantes

Thèmes abordés

Questions directrices / informations fournies

Répondants

Introduction

Informations générales sur la partie prenante et le répondant

Recueillir les informations générales sur la partie prenante (siège social, année de la fondation, nombre d’employés) et quelques renseignements de base sur le répondant (âge, sexe, ancienneté dans l’organisation).

Toutes les parties prenantes

Sujet 1

Appréhension globale des migrations

Aborder deux questions générales touchant la situation migratoire du pays, ainsi que la façon dont les migrations affectent le domaine de travail du répondant.

Toutes les parties prenantes

Sujet 2

Mesures, programmes et politiques directement liés aux migrations

2.1 Examiner les politiques et les programmes du ministère ou de l’institution publique qui ciblent directement les migrations, les migrants ou les migrants potentiels.

Ministères et autres institutions publiques

2.2 Aborder les mesures de l’organisation qui ciblent directement les migrations, les migrants ou les migrants potentiels, ainsi que la question de la prise en compte des migrations dans la conception des politiques.

Société civile, syndicats et entreprises privées, institutions académiques et organisations internationales

Sujet 3

Mesures, programmes et politiques principaux pouvant avoir un lien avec les migrations

Examiner le principal domaine d’action du ministère ou de l’institution publique et la façon dont ses politiques peuvent avoir un impact sur les migrations.

Ministères et autres institutions publiques

Sujet 4

Perception des questions liées aux migrations

4.1 Aborder la vision que l’organisation a des migrations, notamment concernant la façon dont elles affectent la vie des gens dans le pays, leurs interactions avec les politiques, ainsi que leur lien avec le développement.

Société civile, syndicats et entreprises privées, et institutions académiques

4.2 Aborder la vision globale de l’organisation concernant l’émigration dans le pays, les interactions entre les migrations et les politiques, ainsi que ses recommandations pour améliorer le lien entre migrations et développement.

Organisations internationales

Sujet 5

Coordination avec d’autres parties prenantes en matière de migrations

5.1 Examiner la vision de la partie prenante sur le niveau de coordination entre le ministère ou l’institution publique et d’autres organisations concernant les questions liées aux migrations.

Ministères et autres institutions publiques

5.2 Examiner le rôle de l’organisation dans le processus d’élaboration des politiques migratoires dans le pays.

Société civile, syndicats et entreprises privées, et institutions académiques

5.3 Examiner le processus global d’élaboration des politiques migratoires dans le pays, ainsi que le rôle qu’y joue l’organisation.

Organisations internationales

Notes

← 1. Entre 2007 et 2015, le FMMD a organisé cinq tables rondes centrées sur l’importance d’intégrer les migrations dans les stratégies de développement et de renforcer la cohérence des politiques :

  • Grèce, 2009 : L’intégration des politiques de migration dans les stratégies de développement au bénéfice de tous ;

  • Suisse, 2011 : Traiter la migration irrégulière grâce à des stratégies de migration et de développement cohérentes ;

  • Maurice, 2012 : Soutenir le développement national par le biais de processus d’intégration de la migration, de profils migratoires élargis et de stratégies de réduction de la pauvreté ;

  • Suède, 2013-14 : Mettre en œuvre l’intégration et la cohérence dans les politiques de migration et de développement ;

  • Turquie, 2014-15 : Intégrer la migration dans la planification au niveau sectoriel.

← 2. KNOMAD a été conçu comme une plateforme pour synthétiser et générer les connaissances et expertises en matière de politiques sur les migrations et le développement. Le Groupe de travail thématique sur la cohérence politique et institutionnelle pour les migrations et le développement, présidé par le Centre de développement de l’OCDE et le PNUD, vise à promouvoir la cohérence politique et institutionnelle dans le domaine des migrations et du développement : http://www.oecd.org/dev/migration-development/knomad.htm.

← 3. D’autres secteurs potentiels ont été envisagés durant les consultations, notamment la justice et la culture, ainsi que des secteurs plus spécifiques liés à différentes activités économiques telles que le tourisme ou l’industrie manufacturière. En raison de la méthodologie retenue pour le projet et de la nécessité de disposer de mesures ou d’indicateurs concrets sur les politiques en vigueur, les secteurs de la justice et de la culture ont finalement été écartés. La justice est censée s’appliquer de manière similaire à tous les citoyens et il est très difficile d’identifier des programmes ciblant uniquement des groupes spécifiques. Concernant la culture, le principal obstacle résidait dans sa mesure : qu’est-ce que la culture, et comment la mesurer d’une façon pouvant s’intégrer dans les questionnaires destinés aux ménages ? C’est également une question très subjective et difficile à comparer entre les pays.

← 4. Dans le cadre de ce projet, c’est le pays où il est né qui détermine si un individu est un émigré, un immigré ou un migrant de retour. Par exemple, si un individu qui est né dans le pays A s’installe dans le pays B, il est considéré comme un immigré dans le pays B, quelle que soit sa nationalité (même s’il a la nationalité du pays B).

← 5. La taille de l’échantillon était plus faible en Haïti en raison de contraintes financières et de problèmes de sécurité.

← 6. En raison de contraintes financières et logistiques, l’enquête sur les communautés n’a pas été menée en Haïti.

← 7. Dans les pays où l’immigration a été prise en compte (Burkina Faso, Costa Rica, Côte d’Ivoire et République dominicaine), les stratégies d’échantillonnage ont été ajustées en fonction du contexte national. L’échantillon de migrants n’a en rien été limité au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, et la part des ménages avec un immigré dans l’échantillon de migrants traduit leur importance relative par rapport aux ménages avec un émigré ou un migrant de retour. Au Costa Rica et en République dominicaine, l’échantillonnage visait à obtenir une proportion identique de ménages avec un immigré, d’une part, et de ménages avec un émigré ou un migrant de retour, d’autre part.

← 8. Le faible taux de réponse chez les ménages avec un émigré a été relevé lors du travail de terrain, et l’équipe de recherche locale a effectué des rappels supplémentaires auprès d’un certain nombre de ménages avec un émigré qui avaient refusé de participer à l’enquête afin d’en apprendre davantage sur les raisons de leur refus. Les migrations irrégulières peuvent l’expliquer en partie.