Résumé

Les effets néfastes du changement climatique sur les sociétés humaines et la nature sont de mieux en mieux connus et soulignent la nécessité d'accélérer la transition vers la neutralité en gaz à effet de serre (GES), en ciblant le dioxyde de carbone (CO2) mais aussi le méthane, le protoxyde d'azote et les gaz fluorés. La réduction et, à terme, l'élimination progressive des émissions de GES permettraient de limiter les effets négatifs du changement climatique sur les économies tout en améliorant d'autres aspects environnementaux tels que la qualité de l'air et de l'eau. Retarder la transition vers la neutralité en GES maintiendra la dépendance à l'égard des capitaux à forte intensité de carbone et entraînera des coûts futurs plus élevés. Pour réussir cette transition, il faut des combinaisons de mesures d'atténuation efficaces. La tarification du carbone, un instrument au bon rapport coût-efficacité qui génère également des recettes pouvant être utilisées pour financer la transition, fait partie de telles mesures.

Cette quatrième édition du rapport Taux effectifs sur le carbone offre une vue d’ensemble, pour l’année 2021, sur la tarification carbone, qui englobe les droits d’accise sur les combustibles et carburants, les taxes carbone et les systèmes d'échange de quotas d'émission (SEQE), avec des informations actualisées reflétant leurs évolutions jusqu'en 2023. Parce qu’ils ont pour conséquence directe d’accroître le coût à supporter lorsque l'on émet des GES, les moyens d'action considérés ici incitent à se tourner vers des solutions peu ou non carbonées dans les choix de production, de consommation et d’investissement.

L'analyse porte sur 72 pays, qui émettent collectivement environ 80 % des émissions mondiales de GES en 2021. L’utilisation d’une méthode uniforme de suivi des efforts de tarification carbone garantit la comparabilité entre les pays et les secteurs. Les informations détaillées et comparables ainsi obtenues sur l'état actuel de la tarification des émissions de GES peuvent aider les décideurs politiques à établir des priorités et à améliorer les politiques d'atténuation des émissions de carbone. Par exemple, ces politiques peuvent être améliorées en augmentant les prix, en élargissant élargir le champ d’application des instruments de tarification et en introduisant des politiques d'atténuation complémentaires.

Dans chacun des 72 pays, les taux effectifs sur le carbone sont calculés pour sept secteurs. Ces secteurs comprennent six secteurs économiques qui, ensemble, représentent toutes les émissions de CO2 liées à la consommation d'énergie - agriculture et pêche, bâtiments, électricité, industrie, transport non routier et transport routier. Le septième secteur englobe les autres émissions de GES, à savoir le méthane (CH4), le protoxyde d'azote (N2O), les gaz fluorés et le CO2 issu des procédés industriels. Le rapport met en évidence la structure des taux effectifs sur le carbone par pays et par secteur en 2021 ; des informations détaillées sur les taux effectifs sur le carbone sont disponibles sur l’Explorateur des données de l’OCDE.1

L'année 2021 a été marquée par des évolutions importantes en matière de tarification du carbone. La Chine et l'Allemagne ont introduit de nouveaux SEQE, tandis que le Canada a renforcé ses critères de référence fédéraux pour la tarification explicite du carbone (c'est-à-dire les taxes sur le carbone ou les SEQE). En outre, de nombreux systèmes d'échange de quotas d'émission ont connu une augmentation significative des prix des permis depuis 2021, en particulier le SEQE de l'Union européenne (SEQE-UE). De plus, la crise énergétique, aggravée par la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a poussé les pouvoirs publics et les participants du marché à intervenir pour atténuer les effets de l’envolée des prix de l’énergie, ce qui s’est traduit par une transformation du paysage de l'action publique. Ces évolutions ont eu des répercussions sur la tarification du carbone en 2022 et 2023.

En 2021, 58 % des quelque 40 milliards de tonnes d'émissions de GES n'étaient pas tarifées dans les 72 pays couverts par le présent rapport, la couverture, les prix et les instruments de tarification variant considérablement d'un secteur à l'autre et d'un pays à l'autre.

  • Environ 16 % des émissions de GES étaient soumises à un prix égal ou supérieur à 30 EUR par tonne de CO₂, et 7 % à un prix égal ou supérieur à 60 EUR par tonne de CO₂. La part des émissions visées par les dispositifs de tarification carbone est comprise entre seulement 4 % environ du total des émissions de GES hors CO2 lié à la consommation d’énergie et 93 % du total des émissions du transport routier.

  • Les signaux-prix du carbone procèdent principalement des accises sur les combustibles et carburants, qui visent davantage d’émissions et imposent un niveau de prix plus élevé que les deux instruments de tarification explicite du carbone, à savoir les taxes carbone et les systèmes d’échange de quotas d’émission. On observe toutefois une grande hétérogénéité selon les pays et les secteurs. Les accises sur les combustibles et carburants représentent plus de 80 % du niveau des taux effectifs sur le carbone appliqués dans les transports (routier et non routier) ainsi que dans le secteur de l’agriculture et de la pêche. La part des taxes carbone est généralement plus importante dans le secteur des bâtiments. Les SEQE dominent dans les secteurs de l’électricité et de l’industrie. Les pays dotés des taux effectifs sur le carbone les plus élevés sont plus susceptibles d’avoir au moins une partie de leurs émissions visées par un SEQE et appliquent les niveaux les plus élevés de taxe carbone.

Les systèmes d’échanges de quotas d'émission restent le principal instrument de tarification explicite du carbone en 2021.

  • En 2021, les mécanismes de tarification explicite du carbone ont concerné davantage d'émissions de GES à l’échelle mondiale qu'en 2018. Par ailleurs, les systèmes d’échange de quotas d’émission ont conduit à une plus forte augmentation du taux de couverture et du niveau des prix sur le carbone que les taxes carbone : la couverture des émissions par les SEQE a plus que doublé entre 2018 et 2021 (passant d'environ 13 % à 27 % des émissions de CO2 liées à la consommation d'énergie dans les 72 pays inclus dans ce rapport) tandis que la moyenne des prix des permis échangeables a augmenté de presque de 40 % (passant d'environ 11,2 EUR par tonne de CO2 à 15,5 EUR par tonne de CO2). En revanche, la couverture (environ 7 % des émissions) et la moyenne des taux de taxes carbone (environ 12 EUR par tonne de CO2) sont restés pratiquement inchangés pour les taxes sur le carbone.

  • Entre 2018 et 2021, plusieurs SEQE ont vu le jour et d'autres sont entrés dans de nouvelles phases. En 2021, la Chine et l'Allemagne ont mis en place des SEQE sectoriels à l'échelle nationale, tandis que plusieurs provinces canadiennes se sont dotées d’un SEQE à la suite de la mise en place du système de filet de sécurité fédéral sur la tarification de la pollution par le carbone. En 2020, le Mexique a lancé la phase pilote d'un SEQE national avec une phase opérationnelle prévue à compter de 2023. Les nouvelles phases ou périodes de conformité des SEQE existants ont entraîné des conséquences notables sur les niveaux de plafonnement, les facteurs de réduction annuelle ou de conformité, la couverture sectorielle et les calculs et règles régissant l'allocation gratuite de quotas, ce qui a globalement renforcé la rigueur des systèmes.

  • En 2021, les SEQE couvraient entre 99% (Nouvelle-Zélande) et 1.7% (Japon) des émissions nationales de CO2 liées à la consommation d’énergie.

  • Les SEQE s’appliquent le plus souvent aux émissions issues du secteur de l'électricité et de l'industrie. On constate toutefois que ceux nouvellement mis en place s’appliquent de plus en plus à des activités d’amont (c'est-à-dire aux fournisseurs de carburants et de combustibles) et donc aux émissions des secteurs des bâtiments et des transports.

Contrairement à la plupart des taxes carbone et droits d’accise sur les carburants et combustibles, les SEQE se caractérisent souvent par une divergence entre prix marginaux et moyens. C’est la conséquence de l’allocation à titre gratuit de quotas (ou quotas gratuits), qui peut influer sur les incitations à investir et sur le montant des recettes générées.

  • La part des quotas alloués gratuitement dans les pays étudiés est comprise entre 19 % et 100 % des émissions vérifiées et s’élève en moyenne à 55 %. Cet écart tient à l’hétérogénéité des tissus industriels, à la diversité du degré de maturité atteint par les SEQE, aux contraintes politiques et aux préférences nationales, entre autres facteurs. Dans le SEQE-UE, les secteurs industriels considérés comme les plus exposés au risque de fuite de carbone reçoivent la plus grande partie des quotas gratuits. Aux États-Unis, la RGGI (Regional Greenhouse Gas Initiative) et le SEQE du Massachusetts, qui visent essentiellement les émissions du secteur de l’électricité, ne prévoient que très peu de quotas gratuits, voire pas du tout.

  • Dans les secteurs de l'électricité et de l'industrie, l'allocation à titre gratuit affaiblit le signal-prix moyen des SEQE, créant un écart entre les taux effectifs moyens et marginaux sur le carbone. Même si les prix des permis dans les secteurs de l'électricité et de l'industrie sont respectivement de 11,5 EUR par tonne de CO2 et de 27,1 EUR par tonne de CO2 en moyenne, ces secteurs reçoivent respectivement 88 % et 84 % de leurs quotas à titre gratuit.

Contrairement aux taxes, les prix des permis peuvent être très volatils, même au cours d'une année, ce qui peut faire obstacle à la pérennité de l’investissement dans les technologies bas carbone et non carbonées.

  • Des mécanismes de stabilité des prix existent dans de nombreux systèmes, de manière soit directe (par exemple, prix planchers ou prix plafonds), soit indirecte (par exemple, réserves de stabilité du marché), ou encore sous la forme d’une combinaison des deux.

Depuis 2021, la crise énergétique et la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ont poussé les gouvernements à prendre certaines dispositions, ce qui a modifié le paysage de la fiscalité de l’énergie et de la tarification carbone en 2022 et 2023. Les gouvernements ont cherché à aider les ménages et les entreprises en réduisant les taxes énergétiques, entre autres mesures. Les principales évolutions depuis 2021 sont les suivantes :

  • Malgré un contexte de prix de l’énergie élevés, de nouvelles initiatives de SEQE ont vu le jour, surtout en Amérique latine (par exemple, au Mexique) et en Asie (par exemple, en Indonésie).

  • Dans la plupart des SEQE, les prix des permis ont augmenté entre 2021 et début 2023, particulièrement entre 2021 et 2022. Le niveau des taxes dans le secteur du transport routier a diminué en valeur réelle, du fait des réductions de taux appliquées en réponse à l’augmentation des prix avant impôt et de la non-indexation des taux sur l’inflation. Cette baisse a été plus forte entre 2021 et 2022 qu’entre 2022 et 2023.

  • Au sein des pays de l’OCDE et du G20, entre 2021 et 2023, l’écart entre les taux effectifs sur le carbone du secteur du transport routier et ceux des secteurs de l’électricité et de l’industrie a diminué, sous l’effet de la baisse des droits d’accise sur les carburants et combustibles et de la hausse des prix des permis.

Dans certains pays, les émissions d’autres GES (CH4, N2O, gaz fluorés et CO₂ issu des procédés industriels) peuvent représenter une part non négligeable des émissions totales de GES. Il paraît donc nécessaire d’en tenir compte dans l’établissement des trajectoires à suivre pour atteindre zéro émission nette. Pourtant, ces émissions sont les moins visées par les mesures de tarification.

  • Dans les 72 pays analysés, les émissions d’autres GES représentent entre 8 % et 92 % des émissions totales de GES.

  • Pour traiter efficacement ces émissions au moyen de mécanismes de tarification, il faudra probablement envisager des politiques d'atténuation allant au-delà des taxes sur le carbone, qui sont principalement conçues pour traiter les émissions de CO2.

  • Les incertitudes liées à la mesure de ces autres GES constituent également un défi pour les méthodes standard de surveillance, de déclaration et de vérification utilisées pour les systèmes d'échange de quotas d'émission. Il est beaucoup plus difficile de mesurer l'assiette fiscale pour les émissions d'autres GES que pour les émissions de CO2.

  • Actuellement, les instruments de tarification couvrant les autres émissions de GES ne s'appliquent généralement qu'aux émissions générées par les processus industriels, qui sont partiellement couvertes par les SEQE et certaines taxes carbone.

  • Dans la plupart des pays, les émissions agricoles non liées à l'énergie représentent la part la plus importante des émissions d’autres GES. Trouver des moyens de tarifier ces émissions directement ou indirectement constitue un défi pour les années à venir.

La tarification carbone gagne du terrain à l’échelle mondiale, et les instruments de tarification explicite du carbone assument un rôle de plus en plus important. Les SEQE s’étendent progressivement dans les pays où ils sont déjà implémentés et sont introduits dans un nombre croissant de pays. Les prix des permis échangeables sur les marchés carbone (SEQE) se sont révélés très résilients face à la crise énergétique, en se maintenant pour la plupart à la hausse depuis 2021. Il n’empêche que le périmètre des émissions couvertes et les niveaux de prix varient considérablement selon les pays et les secteurs et que plus de la moitié des émissions mondiales échappent à tout mode de tarification du carbone. Par ailleurs, la récente crise énergétique a provoqué un choc des prix de l’énergie sans précédent, poussant les États à apporter leur soutien à travers des mesures non ciblées. Conjuguées à une stagnation, voire une diminution des tarifs nominaux des droits d’accise sur les carburants et combustibles et des taxes carbone sur fond de montée de l’inflation, ces mesures ont affaibli les signaux-prix du carbone. Renforcer la résilience face aux chocs futurs et maintenir les signaux-prix du carbone requièrent une action plus ciblée. Investir dans l’efficacité énergétique ainsi que dans les sources et technologies bas carbone offre également des solutions envisageables à moyen et long termes pour faire face au changement climatique et aux futurs chocs énergétiques. Un autre défi à relever dans les années à venir est celui posé par les émissions de méthane, de protoxyde d'azote, de gaz fluorés et de CO₂ issu de procédés industriels.

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