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  • L’intégration des immigrés au niveau local est un sujet qui présente un intérêt considérable pour les pays de l’OCDE. En effet, avec le développement de l’économie du savoir, la lutte pour les compétences devient aussi importante que la lutte pour l’investissement étranger, et les immigrés qualifiés peuvent conférer aux marchés locaux du travail un avantage comparatif substantiel dès lors que l’on sait exploiter leur potentiel. La demande d’immigrés non qualifiés est également forte, surtout dans les régions où, du fait de l’augmentation du coût de la vie, les emplois peu rémunérés n’attirent pas la population autochtone et où, sous l’effet conjugué de l’évolution et des mouvements démographiques, l’autonomie des marchés du travail locaux s’amenuise. Pour optimiser les avantages potentiels des migrations, il est néanmoins capital que l’immigration aille de pair avec l’intégration, à savoir des mécanismes opérants qui permettent d’intégrer efficacement les immigrés aux marchés du travail locaux. Paradoxalement, alors même que les migrations gagnent en importance au plan mondial, il est inquiétant de constater que plusieurs pays affichent des résultats apparemment moins satisfaisants qu’auparavant en matière d’intégration.

  • À la question de l’intégration des immigrés, de leurs familles et de leurs descendants correspondent deux problèmes de gouvernance. Dans de nombreux pays, le décalage entre les politiques d’immigration et d’intégration est manifeste, les politiques de gestion de l’immigration étant rarement accompagnées de mesures éprouvées à l’appui de l’intégration. L’intégration des immigrés est par ailleurs une question pluridimensionnelle qui relève de différents domaines de l’action publique, d’où un problème d’action collective et l’absence de mesures publiques efficaces. Les intervenants locaux, comme les ONG, peuvent certes s’efforcer de combler les lacunes des services publics, mais cette démarche a souvent pour effet d’accroître la fragmentation à l’échelon local. Pour mieux lutter contre les obstacles auxquels sont confrontés les immigrés, il est plus important, à terme, d’assouplir la gestion des politiques d’intégration au marché du travail (à savoir celles qui ont trait à la formation et à l’éducation, à la politique du marché du travail et au développement économique) que de créer de nouveaux programmes et partenariats locaux.

  • L’intégration locale des immigrés est essentiellement une question de gestion du changement. Pour assurer leur intégration effective sur le marché du travail, il faut les aider à gérer les mutations rapides qui surviennent dans leur propre vie et veiller parallèlement à ce que la collectivité locale évolue et s’adapte aux transformations consécutives pour sa population et son tissu urbain, ce dont devront tenir compte des mesures de gouvernance efficaces. Les immigrés ont notamment besoin d’indications claires pour s’orienter entre les différents services qui faciliteront leur adaptation à une nouvelle vie. Les localités doivent aussi être conscientes des transformations touchant la population immigrée et élaborer de nouveaux mécanismes pour tirer le meilleur parti de leurs compétences et supprimer simultanément les obstacles superflus à l’emploi. Le présent chapitre examine les activités des intervenants locaux dans chacun des cinq pays étudiés; il s’attarde sur l’innovation et les bonnes pratiques et recense par ailleurs les problèmes courants et les lacunes persistantes.

  • Le Canada s’enorgueillit d’être un « pays d’immigration »; or, les taux d’intégration des immigrés sur le marché du travail sont moins remarquables aujourd’hui qu’ils ne l’ont été par le passé. Étant donné la décentralisation des services de l’emploi, les ONG jouent un rôle capital dans cette intégration, mais leur action est bridée par les formalités administratives liées à leur dépendance à l’égard de plusieurs flux de financements distincts. Si les trois villes de Montréal, Toronto et Winnipeg offrent des exemples notables de pratiques locales innovantes, souvent fondées sur des partenariats avec le secteur privé, d’aucuns craignent que les interventions locales actuelles ne soient de trop modeste envergure pour venir à bout de la réticence persistante des employeurs et des organismes professionnels à accepter des qualifications et une expérience acquises à l’étranger.

  • En Italie, les collectivités locales jouent un rôle important dans l’intégration, en gérant notamment les situations d’urgence et en proposant un accès au logement à un prix abordable. Les ONG locales, souvent associées à l’Église catholique, occupent également une place prépondérante en favorisant la mise en place des réseaux sociaux indispensables dans un pays où les offres d’emploi sont très peu diffusées de manière formelle. Au niveau régional, le Fonds social européen offre un moyen non négligeable de financer l’accès à la formation et les chambres de commerce soutiennent activement la création d’entreprises par les immigrés et l’élaboration de programmes de formation bilatéraux innovants avec des régions des pays d’origine. Bien que ces initiatives locales et régionales aient permis aux immigrés de trouver du travail, leur capacité à garantir une intégration sur le long terme s’avère plus incertaine, notamment parce qu’elles n’accordent pas suffisamment de place à l’évolution et à la planification des carrières à longue échéance.

  • Londres, qui compte parmi les « villes globales », constitue le moteur du système migratoire britannique. De nombreux projets y ont été élaborés pour favoriser l’intégration des immigrés au marché du travail et pour accueillir les réfugiés. Au niveau local, ces derniers sont souvent aidés par des associations d’immigrés et des organismes de proximité susceptibles d’offrir un soutien aux nouveaux arrivants. Ces organisations ont mis en place, en partenariat avec le secteur public, des programmes novateurs d’enseignement et de formation, dont des projets de reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger. Cependant, l’étalement de ces services sur plusieurs années a conduit à un système relativement morcelé dont le financement s’effectue à relativement court terme et dont le renouvellement demeure incertain. Les partenariats et les réseaux jouent par conséquent un rôle majeur pour garantir la coordination et la pérennité des programmes de soutien aux réfugiés dans la capitale britannique.

  • Avant peu, en Europe, l’Espagne se classera au tout premier rang parmi les pays d’immigration. Son taux d’immigration élevé s’accompagne d’une nouvelle stratégie nationale d’intégration et d’un vaste programme de régularisation. Des partenariats associant ONG, autorités locales et service public de l’emploi ont permis la mise en place de systèmes d’intégration efficaces à Madrid, Barcelone et Lleida, ainsi que la définition d’une notion plus fédératrice de la citoyenneté dans certaines régions. Cela a permis de rationaliser les services proposés aux immigrés. L’exemple de Lleida a démontré que les organisations patronales avaient les moyens d’améliorer les conditions de travail des ouvriers agricoles saisonniers. Cependant, malgré ce dynamisme tout neuf, beaucoup de projets élaborés au niveau local se heurtent à des difficultés pour aider les immigrés à s’intégrer à un marché du travail comptant un nombre croissant d’emplois temporaires et précaires, sans réelles perspectives d’évolution.

  • En Suisse, le système d’apprentissage représente un mécanisme essentiel d’intégration au marché du travail, et est considéré comme un passage indispensable pour les jeunes immigrants arrivant sur le territoire. Les établissements de formation professionnelle jouent un rôle prépondérant à Genève, Neuchâtel et Zurich en associant employeurs, immigrés et institutions publiques. La constitution de réseaux et le mentorat sont en outre fréquemment pratiqués pour favoriser les placements. Toutefois, l’apprentissage ne répond pas à tous les besoins de formation. À cet égard, une organisation à but non lucratif de Neuchâtel propose un autre type de formation permettant de combler les déficits de compétences dans une optique de plus court terme. Par ailleurs, la discrimination persiste parmi les employeurs. D’aucuns craignent même qu’une meilleure prise en charge des besoins de formation ne suffise pas à améliorer l’intégration au marché du travail si une législation rigoureuse de lutte contre la discrimination n’est pas mise en place dans le pays.