Résumé

Dans une région caractérisée par l’instabilité et la pauvreté, les institutions solides du Chili lui ont permis d'afficher une bonne stabilité macroéconomique, qui lui a permis d’affronter trois chocs majeurs. En 2019, des troubles sociaux généralisés ont révélé l’existence d'un mécontentement profond face aux inégalités économiques et sociales. En 2020, la pandémie de COVID-19 a coûté très cher au pays, en termes de vies humaines et de moyens de subsistance, et provoqué la plus forte contraction des revenus économiques depuis 40 ans. Enfin, en 2022, la guerre d'agression de la Russie contre l’Ukraine et les pénuries mondiales d'approvisionnement ont accentué des tensions inflationnistes déjà fortes, la hausse des prix touchant durement de nombreuses familles. Les prix élevés des importations de pétrole entraînent par ailleurs une détérioration des comptes extérieurs.

Portée par des mesures de soutien public exceptionnellement vigoureuses, l’économie s’est redressée rapidement après la pandémie, atteignant même la surchauffe. L’expansion budgétaire a été au plus haut en 2021, alors que l’économie s’était déjà redressée. De plus, trois cycles de retraits anticipés des comptes d'épargne-retraite individuels ont eu pour effet de mettre à la disposition des ménages des liquidités représentant environ 18 % du PIB. Cela porte à 30 % du PIB l'ampleur du soutien global, ce qui compense plus que largement les pertes de revenus du travail causés par la pandémie (Graphique 1). Il en est résulté un boum de consommation non durable qui a pris fin en 2022, tandis que le pays engageait un assainissement budgétaire marqué.

L’inflation a atteint son niveau le plus élevé depuis 30 ans, sous l’effet d’une politique budgétaire expansionniste en 2021 à laquelle sont venues s’ajouter des contraintes d'approvisionnement mondiales et la guerre d'agression russe contre l’Ukraine. Les autorités monétaires ont réagi rapidement et vigoureusement (Graphique 2). Les anticipations d'inflation, solidement ancrées depuis des décennies, ont augmenté, dépassant largement la cible. Les politiques adoptées en réponse à la pandémie vont laisser une forte empreinte sur les marchés financiers du Chili, traditionnellement profonds. Les retraits anticipés ont obligé les régimes de retraite à liquider des actifs à long terme figurant dans leur portefeuille et réduit ainsi la profondeur des marchés financiers, alors que parallèlement, de nombreux ménages puisaient dans leur épargne-retraite.

À l’avenir, la croissance devrait ralentir sensiblement (tableau 1). Dans un futur proche, le PIB trimestriel devrait continuer de se contracter jusqu’au dernier trimestre de 2022, dans un contexte où l'inflation élevée et la hausse des taux d’intérêt érodent le pouvoir d’achat des ménages. Le pays retrouvera progressivement ses niveaux d’emploi d’avant la pandémie, grâce à la poursuite des subventions à l’embauche. L’inflation ne reviendra à son objectif qu’au début de 2024.

Au cours des années à venir, le Chili devra relever d'importants défis sous-jacents concernant sa croissance. Le vieillissement rapide de la population va entraîner une contraction de la population active du pays, limitant par là-même le potentiel de croissance de l’économie, malgré l’impulsion positive de l’immigration. La productivité stagne, voire décroît, et les efforts de réforme structurelle n’ont pas réussi à la stimuler. Faute de mesures à même de susciter des gains de productivité, la marge de poursuite des progrès économiques et sociaux restera fortement limitée.

La faiblesse de la productivité s’explique en partie par le peu de pressions concurrentielles dans un certain nombre de secteurs. La lenteur et la complexité de la réglementation et des procédures d'autorisation freinent l’entrepreneuriat et la concurrence (Graphique 3). Un inventaire complet des réglementations existantes et un recours plus fréquent aux procédures « zéro autorisation » faciliteraient les entrées sur le marché et renforceraient la concurrence. Si elle était dotée de ressources financières plus importantes, l'autorité de la concurrence pourrait mieux jouer son rôle de sensibilisation, notamment mener davantage d’études de marché pour recenser les points de blocage de la concurrence.

La concurrence étrangère pâtit également des obstacles réglementaires. Ces obstacles concernent des secteurs spécifiques comme le transport par cabotage ou les marchés publics, mais il est également possible d'améliorer les mesures de facilitation des échanges et de simplifier les procédures aux frontières. Les ressources naturelles représentent toujours la plus grande part des exportations.

Globalement, les dépenses consacrées à la recherche-développement (R-D) et à l'innovation sont relativement modestes. Les autorités sont en train de renforcer le soutien public à l'innovation et à la technologie de façon à stimuler la productivité. À l’avenir, les aides à l’innovation pourraient être mieux coordonnées et alignées sur des priorités stratégiques comme la durabilité. Mener régulièrement des évaluations d'impact contribuerait à cibler en priorité les dépenses de R-D sur les mesures publiques de soutien les plus efficaces.

La pandémie de COVID-19 a eu pour effet d'annuler le recul de la pauvreté et des inégalités obtenu antérieurement. Environ un tiers de la population est économiquement vulnérable, autrement dit risque toujours de se retrouver en situation de pauvreté et ne dispose que de peu d’amortisseurs financiers pour se protéger d’éventuels aléas. Les inégalités de revenu demeurent élevées par rapport aux normes de l’OCDE, tandis que l’emploi informel concerne plus d'un quart des Chiliens.

La pandémie a mis en évidence des lacunes notables en matière de protection sociale. Il est nécessaire d’élaborer un système de protection sociale de meilleure qualité ne faisant pas de différence entre les travailleurs du secteur formel et ceux du secteur informel. Garantir à tous une forme ou une autre de couverture sociale, notamment en matière de retraite, d’assurance maladie et d’assurance chômage, tout en réduisant le coût de l’emploi formel, sont autant de mesures qui permettraient de réduire l’emploi informel.

Peu de personnes bénéficient d’une pension de retraite adéquate, du fait d'un faible niveau de cotisations et des écarts contributifs dus à l’emploi informel. Le régime de retraite universelle de base récemment mis en place permettra d'améliorer sensiblement le niveau des prestations de retraite de nombreuses personnes à faible revenu. Les mécanismes d'aide au revenu sont très fragmentés, et fusionner les différents programmes d'aide sociale en un système unique de prestations monétaires permettra d'accroître les taux de couverture et les prestations.

Les cotisations sociales peuvent avoir un impact sur la création d’emplois dans le secteur formel, surtout pour les bas salaires. Lors de la définition des futures réformes des retraites, il faudra veiller particulièrement aux incitations à la régularisation, et relever parallèlement les taux de remplacement des pensions.

L'éducation est indispensable aussi bien à la réduction des inégalités qu’à la progression de la productivité. Les résultats de l’enseignement restent bien en deçà de la moyenne OCDE, et les fermetures d’établissements scolaires pendant la pandémie n’ont fait qu’aggraver ces difficultés de longue date, car les étudiants issus de milieux vulnérables sont moins nombreux à utiliser des outils numériques pour rester connectés. Élargir l’accès à des services d’éducation des jeunes enfants de qualité permettrait de réduire les écarts observés très tôt, et souvent décisifs, entre les progrès cognitifs et sociaux, et permettrait à un plus grand nombre de femmes de travailler. Les conditions de travail des enseignants sont inférieures aux normes moyennes de l’OCDE, avec des salaires moins élevés et des horaires de travail plus longs.

Ne représentant que 21 % du PIB, les recettes fiscales sont insuffisantes pour satisfaire des revendications sociales grandissantes tout en préservant les investissements publics nécessaires dans les infrastructures, l’enseignement et la santé (graphique 4). Le fait que l’impôt sur le revenu des personnes physiques ne soit acquitté que par 20 % des Chiliens seulement est l’une des raisons de cette faiblesse des rentrées fiscales. Augmenter les recettes publiques de 4 points de pourcentage du PIB, comme le prévoient actuellement les autorités, est un objectif ambitieux, mais atteignable moyennant une réforme fiscale d’envergure.

Le pays a adopté une stratégie à long terme pour atténuer le changement climatique et s’adapter à ses effets ; juridiquement contraignante, elle vise la neutralité carbone d’ici 2050 et devrait commencer à entraîner une réduction des émissions avant 2025, permettant ainsi de se placer sur une trajectoire descendante ne dépassant que très légèrement la fourchette compatible avec un réchauffement de 1.5 degrés.

Les sources d’énergie renouvelable représentent actuellement 47 % de la production d’électricité, après un recul régulier du rôle des combustibles fossiles à mesure que l’énergie solaire et éolienne gagnait en importance. Cette évolution devrait s'accélérer au cours des prochaines décennies (Graphique 5) pour permettre d’exploiter un potentiel tout à fait unique de production d’électricité à partir de sources renouvelables, dont on estime qu'il représente plus de 70 fois l'offre actuelle. De ce fait, le Chili est bien placé pour produire et exporter de l’hydrogène vert, seule technologie permettant pour l’instant de décarboner certains processus de l’industrie lourde dont les émissions sont difficiles à réduire.

Malgré ce potentiel offert par les énergies renouvelables, la combustion de charbon reste à ce jour une source majeure d’électricité. Les plans visant à son abandon progressif d’ici 2030 sont ambitieux mais nécessaires, et permettront de réduire les émissions liées à l’énergie. Les émissions liées aux transports vont diminuer grâce à l'électrification du parc automobile, car à compter de 2035, les ventes de véhicules neufs seront exclusivement limitées aux modèles à zéro émission.

Les prix du carbone sont encore très éloignés des meilleures pratiques internationales. Le niveau actuel de la taxe carbone est trop faible pour favoriser les sources d’énergie renouvelables, et le niveau modeste du prix du carbone empêche la mise en place d'un mécanisme d'échanges de quotas d’émission. Les effets potentiels d'une hausse des prix de carbone sur les ménages à faible revenu pourraient être atténués par des aides monétaires ciblées, sur le modèle de mesures récemment prises avec succès dans ce domaine.

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