Résumé exécutif

Réduire les inégalités socio-économiques et réaliser la justice sociale est un objectif prioritaire pour le développement durable du Maroc. Le Nouveau Modèle de Développement place le renforcement de l’inclusion économique des femmes au cœur de ses choix stratégiques et vise à accroitre leur taux d’activité à 45 % à l’horizon 2035, contre 22 % en 2021. Combler l’écart de taux d’activité entre les femmes et les hommes pourrait ainsi induire une augmentation du produit intérieur brut (PIB) de 39.5 %.

Après avoir consacré l’égalité sur le plan juridique, le Maroc s’est engagé à répondre aux considérations économiques à travers l’élaboration d’un pilier AEF dans les trois Plans Gouvernementaux pour l’Égalité successifs et la stratégie GISSR (Green Inclusive Smart Social Regeneration) du ministère de la Solidarité, de l’Insertion Sociale et de la Famille (MSISF). Depuis 2017 (date de la dernière étude de l’OCDE) des politiques publiques ont été mise en place pour développer un environnement propice à l’autonomisation économique des femmes (AEF), favoriser leur accès à une éducation de qualité, améliorer leur employabilité et soutenir leurs activités entrepreneuriales.

D’importants progrès ont été réalisés, notamment dans l’éducation. En effet, les taux de scolarisation des filles se sont améliorés à tous les niveaux sur l’ensemble du territoire. Celles-ci représentaient 49.5 % des élèves du préscolaire, 48.1 % des effectifs du primaire, 47.5 % du secondaire collégial et 52.8 % des élèves du secondaire qualifiant en 2023. C’est dans l’enseignement supérieur que les progrès sont les plus importants : 51.7 % des étudiants fréquentant les bancs des universités marocaines étaient des étudiantes en 2021, contre 41.2 % en 2000 ; 59.1 % des inscriptions dans les instituts et écoles supérieures concernaient des jeunes femmes en 2021, contre seulement 27.6 % en 2000.

Cependant, l’AEF – et plus particulièrement l’intégration économique des mères de jeunes enfants – continue d’être confrontée à des obstacles structurels qui empêchent les femmes de pleinement contribuer au développement durable du Maroc et de bénéficier équitablement de ses retombées économiques et sociales. Le pays enregistre un taux d’activité des femmes équivalent à 22 % en 2021 - contre 65.9 % pour les hommes - qui varie au cours de leur cycle de vie pour atteindre son niveau le plus faible après le mariage et la naissance d’enfants. Ces chiffres s’expliquent notamment par :

  • Des discriminations légales perdurent dans le droit statutaire et coutumier – qu’il s’agisse du Code Général des Impôts, de la Famille ou du Travail – restreignant les opportunités d’emploi et entrepreneuriales des femmes. À titre d’exemples, certaines occupations sont interdites aux femmes (Article 179 du Code du Travail) et la loi ne garantit pas l’égalité des droits successoraux et de garde parentale (Art. 231 et 351 du Code de la Famille).

  • Les normes sociales discriminatoires et stéréotypes de genre engendrent une ségrégation horizontale et verticale, excluant les femmes des métiers et secteurs d’activités les plus prometteurs, et réduisant leur rôle dans les transitions verte et numérique. En 2021, seules 9 % des femmes actives occupées travaillaient en tant que responsables hiérarchiques et cadres supérieurs; 15 % des conseils d’administration ou de surveillance étaient présidés par une femme.

  • Le développement des compétences des femmes et des filles reste contraint par le mariage précoce et la fracture numérique. En 2020, 12 600 mariages de mineurs étaient célébrés au Maroc sans compter les mariages coutumiers qui n’entrent pas systématiquement dans les statistiques officielles.

  • Les pratiques discriminatoires et l’absence de politiques et programmes sensibles aux disparités de genre résultent en un accès restreint des entreprises dirigées par des femmes au financement, mentorat et réseaux nécessaires pour lancer ou développer leurs activités. Ainsi, seules 12.8 % des entreprises marocaines étaient dirigées par des femmes en 2018.

  • Les responsabilités familiales des femmes couplées à l’accès restreint aux structures d’accueil préscolaires et extrascolaires, ou de soin pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées restreignent les opportunités d’emploi et entrepreneuriales des femmes ayant des personnes à charges. En effet, les femmes consacraient sept fois plus de temps que les hommes aux activités domestiques et quatre fois moins au travail professionnel.

Les femmes – et notamment les plus vulnérables d’entre elles – doivent alors redoubler d’efforts pour ne pas être confinées dans des emplois informels, vulnérables, peu qualifiés et peu rémunérés, ou développer leurs activités entrepreneuriales au-delà de la très petite entreprise, dans des secteurs à forte valeur ajoutée – lorsqu’elles ont accès au marché du travail. Fortes de leur résilience, certaines réussissent à s’imposer au prix de lourdes charges de travail, d’une difficile conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et de la stigmatisation sociale entourant les mères actives et les femmes transgressant la norme sociale. Plus des deux-tiers de la population marocaine considèrent que les enfants de moins de 6 ans souffrent du fait d’avoir une mère qui travaille, contre moins de la moitié de la population mondiale.

Ainsi, s’ajoutent aux disparités femmes-hommes, de fortes inégalités socio-économiques entre les femmes rurales et urbaines, peu qualifiées et diplômées des filières scientifiques, des territoires enclavés et dynamiques où la création d’emploi offre des opportunités pour tous, ou selon leur statut marital et familial.

Dès lors, la mise en œuvre du PGE III et de son axe autonomisation et leadership bénéficieraient d’une approche multi-cibles (entrepreneures, salariées, étudiantes, femmes au foyer, etc.) et multi-sectorielle (agriculture, tourisme, technologie, etc.) de l’AEF, ainsi que de l’établissement de plusieurs objectifs chiffrés. En effet, l’AEF ne se mesure pas seulement en termes de taux d’activité. Elle nécessite en outre d’accéder à des emplois décents et formels, correctement rémunérés, dans des secteurs porteurs – même s’ils sont considérés comme « masculins », tels que l’automobile, l’aéronautique, la chimie-parachimie ou la pharmaceutique – avec de réelles opportunités d’évolution de carrière et d’accès aux responsabilités managériales et postes de décision. De la même façon, l’AEF signifie offrir aux femmes entrepreneures et dirigeantes des opportunités de croissance pour leurs entreprises et d’investissement dans les secteurs prometteurs.

Dans cette perspective, le cadre stratégique global présenté dans ce rapport structuré autour de quatre axes et dix-neuf recommandations de politiques publiques repose sur l’implication de tous les ministères et parties prenantes (gouvernement, secteur privé, média, société civile). Ces pistes de réflexion pour la mise en œuvre du PGE III s’appuient sur les outils et standards de l’OCDE, ainsi que sur les bonnes pratiques mises en place par ses pays membres et partenaires, à savoir :

  • Encourager la diffusion d’une culture de l’égalité entre les femmes et les hommes :

    • Établir un cadre juridique promouvant l’égalité :

      • Réviser le Code la Famille (Moudawana) : interdire le mariage des mineurs et garantir l’égalité des droits successoraux et de garde parentale.

      • Instituer la primauté du droit statutaire sur le droit coutumier.

    • Faire de toutes les parties prenantes des alliés de l’AEF :

      • Engager les hommes pour assurer une distribution égalitaire des responsabilités au sein de la famille.

      • Encourager la visibilité des modèles positifs ou « role model ».

      • Travailler au niveau local avec les organisations et leaders communautaires.

      • Faire du système éducatif un vecteur de transmission intergénérationnelle des principes d’égalité.

      • Mobiliser les médias dans la mise en œuvre du PGE III.

    • Collecter des données budget-temps et valoriser la contribution non rémunérée des femmes à l’économie.

  • Favoriser l’insertion des femmes sur le marché du travail :

    • Réformer le cadre juridique :

      • Éradiquer les discriminations légales.

      • Favoriser un cadre législatif en faveur de l’égalité professionnelle et salariale.

    • Adopter des mesures visant à formaliser davantage l’emploi.

    • Mettre en place un système fiscal en faveur de l’intégration des femmes au marché du travail.

    • Renforcer les politiques familiales et mécanismes de conciliation entre vie professionnelle et la vie familiale.

    • Faire des investissements étrangers un outil de promotion de l’égalité professionnelle et salariale.

    • Mutualiser les bénéfices de la transition écologique et de la création d’emploi pour les femmes.

  • Soutenir un entrepreneuriat féminin résilient et créateur d’emploi :

    • Adopter un processus d'élaboration des politiques entrepreneuriales plus inclusif.

    • Encourager les formations entrepreneuriales interdisciplinaires.

    • Investir dans l’économie numérique pour surmonter les freins traditionnels à l’entrepreneuriat féminin.

    • Développer une offre financière adaptée à la diversité des besoins de l’entrepreneuriat féminin.

    • Diversifier les secteurs de l’économie sociale.

    • Soutenir l’intégration des entreprises dirigées par des femmes aux chaînes de valeur.

  • Renforcer l’écosystème institutionnel de l’autonomisation économique des femmes :

    • Renforcer la coordination des stratégies nationales d’AEF :

      • Établir une institution leader coordinatrice, qui représente les différents acteurs institutionnels de l’AEF au Maroc.

      • Créer des unités dédiées à l’égalité des genres au niveau des cabinets ministériels.

    • Intégrer la voix des femmes dans le processus d’élaboration des politiques d’AEF :

      • Mettre l’AEF au cœur du dialogue social et des conventions collectives.

      • Institutionaliser les partenariats public-privé à travers une plateforme unique de dialogue.

    • Systématiser l’utilisation des données sensibles au genre dans l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques de promotion de l’AEF.

    • Renforcer la territorialisation de la budgétisation sensible au genre.

Un accent particulier mériterait d’être donné à l’élaboration de politiques de soin transformatrices permettant de créer des emplois décents, d’alléger la charge des tâches domestiques et de soin, de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle et de remettre en cause les stéréotypes de genre dans lesquels sont profondément enracinées les inégalités socio-économiques entre les femmes et les hommes. L’adjectif transformatrices tient à la capacité des politiques publiques à construire un monde du travail meilleur et plus égalitaire du point de vue du genre.

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