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  • L’économie canadienne a affiché une performance remarquable depuis une décennie et demie. La croissance du PIB réel a été robuste, les gains d’emploi spectaculaires, le taux de chômage est tombé à son niveau le plus bas sur une génération, et les effets positifs sur les termes de l’échange se sont conjugués avec la croissance réelle de la production par habitant pour stimuler le niveau de vie des Canadiens. De plus, la hausse des prix des produits de base a entraîné une appréciation rapide du dollar canadien, qui est pratiquement revenu à parité avec le dollar des États-Unis, contribuant ainsi à discipliner la fixation des salaires et des prix et à atteindre l’objectif d’inflation officielle. La hausse intérieure des prix a également été bridée par l’expansion des capacités de production, à la faveur d’une hausse du niveau d’activité des femmes et des travailleurs âgés, qui a plus que compensé la croissance relativement faible de la productivité. Cependant, la cherté des produits de base et l’appréciation consécutive de la monnaie ont imposé des ajustements économiques rapides sous la forme de redéploiements sectoriels et régionaux de main-d’oeuvre. La plupart des signes dénotent un ajustement ordonné – même les régions pauvres en ressources naturelles ont enregistré des gains d’emploi, malgré des pertes considérables dans le secteur manufacturier .

  • Une longue période de croissance record au Canada paraît aujourd’hui avoir pris fin avec les turbulences financières et le ralentissement conjoncturel que le monde connaît actuellement. Le choc positif du côté des termes de l’échange (avec un baril de pétrole bien au-dessus de 100 USD et la parité de change avec la monnaie américaine) a néanmoins gonflé les revenus et amélioré les perspectives dans le secteur de l’énergie, mais aussi freiné les exportations en valeur, surtout dans les industries manufacturières. L’un des grands enjeux macroéconomiques sera d’arbitrer entre les risques de hausse de l’inflation à moyen terme et les risques de décélération de la croissance à court terme tout en évitant d’éventuels symptômes de syndrome néerlandais. Si le Canada veut tirer pleinement parti de ses possibilités face à un vieillissement démographique imminent, il lui faudra allonger la durée de la vie active et combler un retard de productivité persistant sur les États-Unis par la mise en oeuvre de mesures structurelles. À plus long terme, le bien-être du Canada et du monde entier suppose une diminution des niveaux actuels d’émission de gaz à effet de serre. En particulier, la situation du secteur de l’énergie, gros émetteur, n’est pas tenable si rien n’est fait pour infléchir l’évolution actuelle. Dans le secteur agricole, certaines mesures dépassées faussent également l’avantage comparatif naturel du Canada pour les produits alimentaires tout en écartant du marché intérieur les nations productrices plus pauvres. Vu ses nombreux atouts, on ne voit pas pourquoi le Canada ne pourrait pas régler correctement les problèmes que posent les nouveaux termes de l’échange, le vieillissement et le changement climatique.

  • L’économie canadienne a grandement bénéficié de l’envolée des cours des produits de base observée ces dernières années, même si l’appréciation du taux de change qui en a résulté a mis à rude épreuve les régions centrales, caractérisées par une assise économique plus équilibrée. L’économie a toutefois démontré sa capacité d’adaptation et est entrée dans la phase actuelle de turbulences économiques mondiales dans une position enviable. Malgré le ralentissement attendu en 2008, l’activité devrait rebondir en 2009 et sortir de la crise du crédit relativement indemne. D’après les prévisions de référence, le taux de croissance du PIB devrait être nettement au-dessus du niveau correspondant à une récession – quoique inférieur au rythme d’expansion potentiel – tant en 2008 qu’en 2009. À un horizon plus éloigné, l’économie canadienne est exposée à des risques significatifs, liés aux déséquilibres considérables des paiements courants qui s’accentuent au niveau mondial depuis un certain temps, en particulier aux États- Unis. Néanmoins, la nécessité d’essuyer ces tempêtes macroéconomiques à court et moyen termes ne doit pas détourner les autorités des problèmes structurels à long terme cernés dans les précédentes Études. L’évolution récente des marchés du crédit est riche d’enseignements que la banque centrale et les autorités de réglementation des marchés de capitaux peuvent mettre à profit pour renforcer l’efficience, la stabilité et la transparence du système financier. En outre, compte tenu de la prochaine vague de départs en retraite des membres de la génération du « baby boom », les responsables de la politique budgétaire doivent améliorer la maîtrise des dépenses, accélérer le remboursement de la dette et mettre de côté une part plus importante des recettes tirées actuellement de l’exploitation des ressources naturelles, en vue de préparer l’économie aux conséquences budgétaires des changements démographiques.

  • Le gouvernement canadien s’est fixé pour priorité d’alléger la charge fiscale qui pèse sur l’économie. Dans un contexte d’excédents budgétaires, cette stratégie s’articule autour des objectifs suivants : réduire de manière significative l’impôt sur les sociétés et les impôts sur le capital ; multiplier les allégements fiscaux en faveur des particuliers, surtout ceux à bas revenus ; et abaisser la taxe fédérale sur les produits et services (TPS). Même si ces mesures, et notamment les baisses de l’impôt sur le revenu et sur le capital, atténuent les préjudices économiques causés par l’impôt et améliorent la compétitivité de l’économie, le Canada devrait aller plus loin dans cette direction en engageant de vastes réformes sans incidence sur les recettes visant à établir une structure fiscale plus efficiente qui conserve ses fonctions redistributives. De nombreux avantages fiscaux qui favorisent certains types d’activités, d’entreprises, de produits d’investissement et d’épargne restreignent l’assiette d’imposition et créent des failles, ce qui maintient les taux légaux à un niveau inutilement élevé et fausse la répartition des ressources. Ils devraient donc être supprimés. Il serait également judicieux de rééquilibrer la structure fiscale en faveur des droits d’utilisation et des impôts indirects – y compris la TVA, les impôts liés à l’environnement et les impôts fonciers – qui ne faussent pas les choix économiques intertemporels, contrairement aux impôts sur le revenu. Une baisse de l’imposition des ménages et des sociétés pourrait encourager la formation de capital, l’IDE, l’innovation, l’entrepreneuriat, la participation à l’activité économique, le travail et la poursuite d’études supérieures, améliorant ainsi le niveau de vie.

  • L’énergie représente pour le Canada un défi majeur en termes de développement durable. Dans l’immédiat, il faut remédier aux pénuries de main-d’oeuvre et d’infrastructure qui risquent d’entraver la réalisation des projets énergétiques. En outre, on pourrait améliorer la gestion budgétaire provinciale en adoptant des règles prudentes d’allocation et de retrait pour les recettes de ressources non renouvelables affectées à un fonds à long terme. En définitive, le principal défi consistera à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), en dépit de l’expansion rapide des secteurs gros émetteurs. L’efficacité des politiques environnementales pourrait être renforcée par une meilleure coordination entre l’administration fédérale et les administrations provinciales. Les efforts devraient se focaliser sur la conception et la mise au point d’un système d’échange de droits d’émission compatible avec les mécanismes similaires à l’étranger. Enfin, des systèmes de réglementation et d’imposition efficaces et efficients sont indispensables pour faciliter la réalisation en temps voulu des plans d’approvisionnement en énergie.

  • Le Canada dispose d’un secteur agricole relativement important, par rapport à la plupart des autres pays du G7. Ces dernières années, des réformes ont été entreprises dans plusieurs domaines, au niveau fédéral et provincial, pour surmonter les problèmes de compétitivité et d’environnement auxquels est confrontée l’agriculture. Le gouvernement fédéral a tenté de mettre fin à un monopole sur la commercialisation de l’orge et pourrait envisager la même démarche pour le blé. La nouvelle politique agricole et agroalimentaire est en cours de finalisation et la mise en oeuvre de la première partie d’un nouveau cadre stratégique, Cultivons l’avenir, a commencé. Mais les programmes ad hoc qui se sont succédé depuis peu ont pesé lourdement sur le budget, non sans créer un aléa moral pour les agriculteurs. Il est possible d’aller plus loin dans la libéralisation des filières soumises à une gestion de l’offre, qui sont largement protégées et subventionnées par les consommateurs. Par ailleurs, la production canadienne de bioénergie, notamment de bioéthanol de seconde génération (à partir de cellulose), est concurrencée par une production bioénergétique étrangère moins coûteuse. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les efforts déployés par les pouvoirs publics pour assurer la viabilité du secteur à long terme.