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  • Plus de cinq ans après le déclanchement du Printemps arabe, la trajectoire de transition et de transformation de la Tunisie demeure la plus prometteuse dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). Les résultats de cette transformation sur le volet politique sont impressionnants. De même, la gestion de la transition qui a été exemplaire, comme l’illustre le Prix Nobel de la Paix attribué aux quatre principales organisations de la société civile tunisienne ayant parrainé le dialogue national. À présent, la Tunisie est engagée dans une nouvelle voie, celle d’un développement politique, économique et social plus inclusif et équitable, basé sur l’état de droit, la bonne gouvernance et la transparence.

  • La Tunisie a toujours été pionnière en matière de réformes et d’innovations. Ainsi, elle fut le premier pays arabe à abolir l’esclavage en 1848, à promulguer une Constitution en 1861, à donner le droit de vote aux femmes en 1957 et enfin à s’intégrer depuis 2011, dans un processus de transition démocratique.

  • La Tunisie et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) entretiennent des relations de longue date. Leur collaboration s’étend à de multiples domaines : la lutte contre la corruption, le renforcement de l’intégrité, la transparence et le gouvernement ouvert, la réforme du système bancaire, la fiscalité, l’emploi, le développement régional, l’investissement, les partenariats publics-privés, et l’intégration dans les chaînes de valeurs mondiale.

  • La gestion budgétaire par objectifs (GBO) tend à réformer en profondeur le budget et la gestion de l’État tunisien et y à instaurer la recherche de la performance, afin d’optimiser la dépense publique et accroître l’efficacité de l’action publique pour le bénéfice de tous. Entamée en 2004, sa mise en oeuvre a connu une accélération importante en 2012, à la suite de la Révolution pour la dignité, et de la décision politique d’entreprendre une expérimentation de grande ampleur.

  • L’évaluation de la mise en oeuvre de la gestion budgétaire par objectifs (la GBO) en Tunisie a conduit l’OCDE à examiner les politiques publiques ainsi que les institutions et administrations particulièrement concernées par cette technique de gestion. Elle a porté sur le cadre réglementaire et les pratiques relatives à la dépense publique, en partant de la préparation de la loi des finances et allant jusqu’aux contrôles de son exécution. Elle a intégré les aspects législatifs, fonctionnels et organisationnels.

  • Depuis la Révolution pour la dignité de 2011, la Tunisie a engagé une transformation considérable de son État et de son organisation administrative qui a porté aussi sur sa gestion financière. Ce mouvement de mutation des finances publiques apparaît comme la concrétisation de la volonté exposée en 1996 d’introduire la gestion par objectifs dans le pays (GBO), renouvelée en 2004 par une modification de la loi organique du budget (LOB). En effet, malgré ces annonces, les actions conséquentes d’introduction de la GBO ont tardé, en raison des efforts considérables qu’elle exige et des conséquences lourdes qu’elle produit.

  • Le chapitre examine le rôle fondamental de l’Assemblée des représentants du peuple dans l’adoption du budget et le droit budgétaire tunisien à la lumière des dispositions de la Constitution de 2014 qui instaure un régime parlementaire rationnalisé. Il montre le fonctionnement parallèle du droit budgétaire et de l’expérimentation de la GBO qui se sont manifestés par la transmission pour information du parlement d’un projet de loi de finances programmatique. Ce chapitre insiste également sur la nécessité d’adopter rapidement, d’une part, une nouvelle loi organique du budget, en accord avec la gestion budgétaire par objectifs, d’autre part, de poursuivre l’approche programmatique, et, enfin, d’avancer méthodiquement dans la préparation et l’adoption de la législation financière subséquente.

  • Le chapitre examine la préparation, l’examen et le vote de la loi de finances. Il expose que la préparation du projet de loi de finances reste de la responsabilité exclusive du gouvernement et repose encore de manière implicite sur la distinction entre les dépenses de fonctionnement et celles de développement. L’exercice du pouvoir budgétaire de l’Assemblée des représentants du peuple demeure très encadré et est rendu plus difficile par ses moyens matériels et humains réduits. Ce chapitre propose donc, dans l’esprit de la GBO, d’une part, de renforcer le comité général de l’administration du budget de l’État, et, d’autre part, d’associer davantage le parlement à la préparation du projet de loi de finances, de lui accorder plus de latitude pour faire évoluer le projet de loi de finances et d’accroître ses moyens.

  • Le chapitre traite des outils de suivi et d’évaluation de la performance dans la GBO, notamment des projets annuels de performance, des rapports annuels de performance et des indicateurs de la performance. Il démontre que les expérimentations conduites actuellement dans les ministères tunisiens sont prometteuses et qu’un travail considérable de constructions des outils a été accompli. Cependant, la mise en oeuvre des outils de la performance par les différents ministères reste hétérogène, et le parlement ne les utilise pas suffisamment. Dès lors, il conviendrait de poursuivre la généralisation des outils, améliorer la définition les indicateurs, accroître la relation entre les volets de la performance et budgétaire et créer un comité d’audit des programmes.

  • Le chapitre examine la procédure actuelle d’exécution de la dépense publique et les opérations accomplies par l’ordonnateur, le contrôleur des dépenses publiques et le comptable public et leurs interactions. Il rappelle les difficultés de celles-ci ayant conduit dernièrement à l’introduction du contrôle hiérarchisé de la dépense publique. Il relève que ces évolutions n’ont résolu qu’une partie des difficultés de la chaîne de la dépense publique.

  • Le chapitre analyse la place complexe de l’ordonnateur et la nécessité de créer un statut juridique pour le responsable de programme, lui accordant les moyens de diriger véritablement son programme. Puis, il postule que la GBO fera évoluer de manière cruciale le rôle et le statut du comptable public et recommande de conforter sa place dans le dialogue de gestion, tout en faisant évoluer son régime de responsabilité personnelle et pécuniaire.

  • Le chapitre présente des exemples de la pratique des pays membres de l’OCDE en matière de contrôle interne, de gestion de la performance et constate que le contrôle préalable de la dépense publique dans ces pays se révèle exceptionnel. Il rappelle également que le contrôle de la performance se rattache à la notion de contrôle de gestion. Il expose enfin les particularités du contrôleur des dépenses publiques en Tunisie et des options susceptibles de guider les autorités tunisiennes dans le choix de leur propre système de contrôle de la performance.

  • Le chapitre étudie l’organisation nationale du réseau comptable tunisien et son système d’information. Il constate ensuite que la technique de comptabilité de caisse et en partie simple employée dans le pays ne répond qu’imparfaitement aux besoins actuels. Il examine aussi le projet de passage à une comptabilité en partie double et droits constatés établi par les autorités tunisiennes. Il formule des recommandations pour atteindre cet objectif, tels que poursuivre et étendre les expérimentations dans ce domaine, adopter des nouvelles règles comptables, améliorer la mise en état les comptes de l’État, faire évoluer le projet de nouvelle nomenclature comptable actuellement préparé et mettre en marche le conseil national des normes des comptes publics.

  • Le chapitre constate que la GBO nécessite un système d’information (SI) budgétaire et comptable remplissant un nombre considérable d’opérations complexes. Malgré les études et expérimentations conduites, il n’a pas été possible de déterminer si le SI tunisien actuel, même modifié, serait en mesure de supporter la GBO. Dès lors, il s’avère essentiel d’adopter, dans les meilleurs délais, une gouvernance et une stratégie permettant d’effectuer des choix éclairés dans ce domaine.

  • Le chapitre traite, d’abord, des contrôles administratifs externes, principalement assurés par les trois contrôles généraux, et, ensuite, du contrôle juridictionnel de la Cour des Comptes. Il constate que les contrôles généraux pourraient être regroupés en un seul corps, afin d’améliorer leur gestion et leur efficacité, et invite à les faire s’impliquer davantage dans l’audit de la performance. Il note également que la Constitution de 2014 attribue de nouvelles missions à la Cour des Comptes, en particulier, au profit de l’ARP. Dès lors, cette institution devrait bénéficier très rapidement d’une nouvelle loi organique statutaire.

  • Le chapitre constate les progrès significatifs accomplis dans la conception et la mise en oeuvre de la GBO et insiste sur la nécessité que cette réforme aille au-delà des finances publiques et constitue un levier de modernisation de l’administration. Pour cela, il apparaîtrait nécessaire d’établir, d’abord, une gouvernance de la réforme qui soit forte, structurée et participative, et, ensuite, d’engager l’évolution des structures de l’administration et la mutation de la fonction publique. Ce chapitre suggère, partant, d’ériger une stratégie claire de réforme, associant tout le gouvernement et toutes les parties prenantes. Il conseille aussi de renforcer l’unité centrale de la GBO, créer un secrétariat général à la réforme de l’administration publique, envisager la modernisation des structures administratives, entreprendre une réflexion sur la réforme de l’administrative territoriale de l’État et des collectivités locales, et enfin, moderniser l’administration et la gestion de ses ressources humaines.