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  • Lorsque le premier Livre rouge fut publié en 1965, il y avait dans le monde 29 réacteurs en exploitation cumulant une puissance installée de 4 500 MWe. En 2003, ce chiffre était passé à 435 réacteurs pour une puissance installée totale de 359 400 MWe. De 1965 à 2004, 20 éditions du Livre rouge ont été publiées, qui sont autant de témoins du développement de l’électronucléaire et de sources d’informations officielles exhaustives sur les ressources, la prospection et la production d’uranium pour le public. Le Livre rouge de 1965 présentait des informations sur les ressources en uranium de 16 pays détenant au total 993 000 t d’U de ressources raisonnablement assurées (RRA). En 2003, 43 pays ont déclaré détenir 3 169 000 t d’U de RRA. Si l’historique du Livre rouge suit le développement de l’énergie nucléaire, elle a été également marquée par les événements mondiaux. Le principal fut la guerre froide au cours de laquelle le marché de l’uranium était fortement dépendant des besoins en uranium militaire. Vient ensuite la crise du pétrole de 1973 qui a révélé au public le potentiel de l’énergie nucléaire. Ensuite, les accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl ont donné un coup de frein à la croissance de l’électronucléaire, et la fin de la guerre froide en 1989 a mis sur le marché mondial d’importantes sources secondaires d’uranium et ouvert l’accès aux informations sur les industries de l’uranium des pays d’Europe centrale et orientale à compter de 1991 et des pays de l’ex-Union soviétique à partir de 1993.

  • L’historique du Livre rouge débute au mois de janvier 1965 lorsque l’Agence européenne pour l’énergie nucléaire (AEEN) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) créa le Groupe d’étude sur l’avenir à long terme de l’énergie nucléaire. L’AEEN constitua alors un groupe de travail, l’ancêtre du Groupe sur l’uranium pour recueillir des estimations des ressources mondiales en uranium et en thorium. Ce groupe de travail qui, un an plus tard, prit la forme d’une collaboration entre l’AEEN et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), s’est vu confier la tâche de préparer une série de dix évaluations de l’offre mondiale d’uranium entre 1965 et 1982. Plusieurs groupes de travail ont été par la suite constitués sous l’égide de l’AEN/AIEA pour réunir et publier des informations sur des sujets variés touchant à la prospection, aux ressources et à l’extraction d’uranium.

  • C’est le Royaume-Uni qui, en 1957, a inauguré l’exploitation de l’énergie nucléaire à des fins civiles avec la mise en service de la tranche 1 de Calder Hall dont la puissance installée au cours de sa première année était de 50 mégawatts électriques (MWe). Depuis ce modeste début, l’industrie possédait en 2003 435 réacteurs en service d’une puissance installée supérieure à 359 400MWe assurant 16 % de la production l’électricité mondiale (figure 2.1). Par ailleurs, en 2003 également, 33 réacteurs étaient en chantier dans 11 pays. La puissance installée a augmenté à un rythme annuel moyen avoisinant 20 % entre 1956 et 2003. Bien que l’échelle de la figure 2.1 ne permette pas de le percevoir très clairement, la puissance électronucléaire installée a progressé d’environ 55 % par an entre 1957 et 1973. Par comparaison, entre 1973 et 1990, c’est-à-dire au cours de la période de construction la plus intense, le rythme de croissance n’était que de 13 % par an. Entre 1990 et 2003, le rythme de croissance annuel moyen était inférieur à 1 %. Le tableau 2.1 récapitule les principaux pays en termes de puissance nucléaire installée en 2003.

  • Dans le Livre rouge, les besoins annuels des centrales nucléaires « se réfèrent aux acquisitions d'uranium naturel, et pas nécessairement à la consommation, au cours d’une année civile ». Entre 1956 et 2003, 33 pays ont exploité des réacteurs nucléaires civils dont les besoins en uranium sont estimés à 1 513 327 t d’U. Les statistiques annuelles détaillées figurent à l’annexe 3.1. Le tableau 3.1 contient les besoins cumulés des centrales nucléaires des cinq grands pays consommateurs d’uranium et totaux au cours de cette période.

  • Le prix de l’uranium sur le marché est un indicateur important de l’équilibre perçu entre l’offre et la demande d’uranium. Une brusque augmentation du prix de l’uranium laisse entrevoir des pénuries potentielles ou perçues et donc la nécessité de relever les prix pour stimuler l’offre. Inversement, une baisse des prix est révélatrice d’un excédent réel ou perçu de l’offre. L’affaissement des prix a pour effet de contraindre l’industrie à réduire sa production, et éventuellement à fermer des installations produisant à la marge de façon à aligner l’offre sur la demande. Dans les deux cas, la perception de l’équilibre entre l’offre et la demande a été mise en évidence de façon à montrer que le marché de l’uranium, comme tout marché de produits, ne réagit pas seulement à une réalité objective. À tout moment, la perception qu’a l’industrie de l’équilibre entre l’offre et la demande aura des effets sur le marché.

  • C’est Martin Klaproth qui a découvert en 1789 l’élément uranium dans de la pechblende extraite à Jachimov (Joachimsthal) dans la partie bohémienne de l’Erzgebirge dans l’actuelle République tchèque. Au 19ème siècle, les usages de l’uranium étaient peu nombreux. On s’en servait essentiellement pour fabriquer des émaux céramiques et comme colorant du cristal (pour produire le célèbre cristal vert de Bohème) jusqu’à la découverte de la radioactivité par Rutherford à la fin du siècle. Après la découverte du radium par Marie Curie, au début du 20ème siècle, on commença à extraire l’uranium pour en tirer le radium, et l’extraction de ce minerai connut son premier boom. Cette époque n’a cependant rien de comparable avec l’activité des mines d’uranium après la découverte de la fission de l’uranium par Otto Hahn en 1938 qui a marqué le début de l’exploitation de cette matière à des fins militaires et énergétiques.

  • Les ressources en uranium sont la raison d’être du Livre rouge. Avec la capacité de production, elles déterminent l’offre d’uranium et sont, de ce fait, vitales pour l’avenir de l’énergie nucléaire. Au cours des quarante années d’existence du Livre rouge, la façon de comptabiliser les ressources en uranium a considérablement évolué en fonction du marché de l’uranium et des progrès des techniques d’estimation des ressources. Les ressources comptent également parmi les aspects les plus subjectifs que traite le Livre rouge. Pour compenser cette subjectivité, divers niveaux de confiance ont été affectés aux ressources en uranium comptabilisées depuis la toute première édition du Livre rouge en 1965 jusqu’à la plus récente.

  • L’élément uranium a été découvert en 1789, mais ses applications se limitaient essentiellement aux émaux céramiques et à la coloration du cristal jusqu’à la découverte de la radioactivité par Ernst Rutherford à la fin du 19ème siècle. Lorsque le radium fut mis en évidence par Marie Curie au début du 20ème siècle, l’uranium fut exploité pour extraire le radium, et l’exploitation de l’uranium connut ainsi son premier “boom”. L’ère moderne de la production d’uranium commença avec la découverte de la fission de l’uranium en 1938 qui trouva peu après des applications militaires. À partir des premières recherches à des fins militaires, la production d’uranium connut en moins de 25 ans une série de changements spectaculaires qui firent d’Un produit de faible intérêt commercial un produit stratégique majeur avant qu’il ne devienne ce qu’il est encore aujourd’hui, un combustible pour la production d’électricité.

  • Jusqu’en 1990, la production d’uranium dépassait les besoins des centrales nucléaires. La situation s’est inversée ensuite (figure 7.5). En 2003, la production cumulée dépassait les besoins cumulés d’environ 691 400 t d’U (figure 7.6). Cependant, la production d’uranium de qualité militaire est probablement incluse dans la production totale cumulée alors que l’uranium militaire n’est pas pris en compte dans la demande cumulée. Le volume exact de matière initialement destinée à des usages militaires n’est pas connu, pas plus que la quantité qui reste dédiée aux besoins militaires, et donc la part qui deviendra disponible pour des applications civiles. Par conséquent, même si la production cumulée dépasse les besoins, cela ne donne pas une idée exacte de la matière excédentaire dont les applications civiles de l’uranium pourront finalement disposer.

  • Avant le Livre rouge de 2003, les ressources d’uranium étaient classées en ressources « classiques » et « non classiques ». Par « ressources classiques », on entendait les ressources qui permettaient de récupérer l’uranium comme produit primaire, co-produit ou sous-produit important (dans les mines de cuivre ou d’or, par exemple). Par « ressources non classiques », on entendait les ressources à très basse teneur et celles qui ne permettaient de récupérer l’uranium que comme un sous-produit d’importance secondaire.

  • La première édition du Livre rouge, publiée en 1965, était intitulée « Ressources mondiales d’uranium et de thorium ». Les informations sur les ressources de thorium publiées entre 1965 et 1982 reprennent la même classification que celles des ressources d’uranium, à savoir Ressources Raisonnablement Assurées (RRA) et Ressources Supplémentaires Estimées (RSE). À la suite de la subdivision des RSE en deux catégories (RSE-I et RSE-II) en 1983, les ressources de thorium ont été logiquement classées en RSE-I et RSE-II dans les éditions de 1983 et 1986. Dans les éditions suivantes, les estimations des ressources de thorium n’ont pas été revues. Un panorama des gisements et des ressources de thorium a été publié en 1991.

  • S’assurer que les ressources d’uranium suffisent à alimenter le cycle du combustible nucléaire, telle était la motivation première à l’origine du Livre rouge. En 1970, l’importance d’une capacité de production adaptée tout autant que de ressources adéquates a été reconnue lorsque des données sur les capacités de production ont été publiées pour la première fois dans le Livre rouge sous forme de rapports par pays. L’édition de 1973 a étendu les informations sur les capacités de production en présentant les capacités disponibles en 1973 et en faisant des projections pour 1975 et 1978. Les éditions ultérieures du Livre rouge ont allongé l’horizon des projections de capacité de production. Ainsi, l’édition de 1988 présentait des projections de capacité allant de 1990 à 2030.

  • L’impact environnemental du cycle du combustible nucléaire présente deux volets différents. Comme l’indique l’édition 1989 du Livre rouge, l’énergie nucléaire offre une alternative à l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre. L’extraction et le traitement du minerai d’uranium, qui font partie du cycle du combustible nucléaire, contribuent donc aux avantages de la filière nucléaire. Cependant, il y a un autre volet environnemental de la production de l’uranium qui retient davantage l’attention du public, l’impact physique de l’exploitation minière et de l’élimination des résidus de traitement du minerai d’uranium sur le paysage.

  • Depuis ses débuts au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie moderne de l’uranium a subi une évolution caractérisée par le passage d’une activité exclusivement destinée à satisfaire les besoins militaires à une activité principalement tournée vers la fabrication de combustible pour alimenter les réacteurs nucléaires civils producteurs d’électricité. Le Livre rouge a suivi la même évolution. La terminologie utilisée pour définir les ressources a évolué définir de façon plus robuste les catégories de ressources et mettre à la disposition des planificateurs, tant dans le secteur public que privé, des outils permettant de mieux évaluer la capacité des ressources d'uranium à répondre aux besoins futurs. Les tranches de coût de production ont été ajustées périodiquement pour tenir compte de l’évolution des prix de marché et des sections du Livre rouge ont été ajoutées ou supprimées dans les éditions successives au fur et à mesure que le secteur devenait plus mature et s’adaptait à l’évolution des contraintes du marché, des contraintes réglementaires ainsi que des attentes de la société. L’essor du nucléaire civil a conduit à s’interroger sur la capacité des ressources à satisfaire les besoins d’uranium futurs. En réponse, le Livre rouge a livré des projections de la puissance nucléaire installée et des besoins d’uranium à long terme. Un regard rétrospectif sur ces projections appelle à beaucoup de modestie quand on mesure l’influence d’événements de portée mondiale ou d’origine sectorielle sur la justesse de ces projections. La crise du pétrole de 1973 a propulsé brutalement l’énergie nucléaire au rang de substitut des énergies fossiles et conduit à livrer des projections trop optimistes de croissance de la puissance installée et des besoins en uranium. Plus tard, les accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl survenus respectivement en 1979 et 1986 ont douché les enthousiasmes pour plusieurs décennies.