Chapitre 2. Étude spéciale : fiscalité et compétences1
Cette étude spéciale porte sur les effets incitatifs et dissuasifs que peut exercer le système d’imposition du revenu du travail sur l’investissement des travailleurs dans le capital humain et les compétences. Elle présente les taux effectifs d’imposition de cet investissement, calculés en tenant compte de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de la part salariale des cotisations de sécurité sociale pour un célibataire de 32 ans s’engageant dans une formation liée à l’emploi de courte durée. Elle montre que la charge fiscale sur l’acquisition de compétences est plus lourde lorsque les cotisations sont prises en compte que lorsque seul l’impôt sur le revenu intervient dans le calcul. Par ailleurs, la charge fiscale sur les compétences est progressive, les taux effectifs étant plus élevés pour les personnes les plus aisées et celles qui réalisent un investissement dans les compétences plus rentable. Lorsqu’ils s’intéressent à la fiscalité du travail, les décideurs publics devraient en analyser les effets sur l’investissement dans les compétences.
Introduction
Pour favoriser une croissance inclusive, il est indispensable de permettre à chacun d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice d’une activité productive. Parce qu’il entraîne une progression des salaires et de l’emploi, l’investissement dans les compétences est de nature à réduire les inégalités tout en augmentant les capacités de production de l’économie. L’amélioration des compétences de l’ensemble de la population a des retombées positives au niveau individuel comme sur la société dans son ensemble.
La fiscalité du revenu du travail joue un rôle décisif parce qu’elle peut créer des mécanismes de nature à inciter les individus à investir dans les compétences. En 2016, le coin fiscal sur le travail s’établissait, en moyenne dans les pays de l’OCDE, à 36 % du revenu pour un travailleur célibataire percevant le salaire moyen. Pour les travailleurs, les principaux rendements de l’investissement dans les compétences sont l’accès à de meilleurs emplois et une rémunération plus élevée, si bien que l’existence d’incitations adaptées à investir dans les compétences dépend en grande partie du traitement de ces rendements par le système d’imposition du revenu du travail.
L’OCDE a déjà utilisé les modèles de la publication Les impôts sur les salaires pour analyser l’incidence du système fiscal sur les incitations à investir dans les compétences et à les mettre à la disposition du marché du travail. Ainsi, l’étude de politique fiscale Taxation and Skills (OCDE, 2017) définit une série d’indicateurs de l’incidence du système fiscal sur les compétences. La présente étude spéciale utilise la méthodologie employée dans cette publication pour estimer les taux effectifs marginaux et moyens d’imposition des investissements dans les compétences. Ces deux indicateurs, qui permettent d’apprécier dans quelle mesure les impôts augmentent ou réduisent le rendement net de ces investissements, sont des statistiques importantes pour évaluer les politiques menées dans les pays de l’OCDE en matière de fiscalité et de compétences.
L’étude Taxation and Skills portait exclusivement sur l’impact de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, et ne tenait quasiment pas compte des cotisations de sécurité sociale et de l’effet incitatif ou dissuasif qu’elles peuvent exercer sur les décisions d’investissement. La présente étude enrichit les conclusions de cette première publication : elle présente les résultats obtenus pour les taux marginaux et moyens pour 29 pays de l’OCDE en intégrant à l’analyse les cotisations salariales de sécurité sociale pour un individu de 32 ans s’engageant dans une formation liée à l’emploi de courte durée2. Les résultats présentés se rapportent à 20113. Les cotisations salariales représentant une part non négligeable du coin fiscal sur le travail dans beaucoup de pays de l’OCDE, il est important de les analyser pour comprendre l’effet global du système fiscal sur l’investissement dans les compétences.
L’étude spéciale est organisée comme suit. La section qui vient décrit les mécanismes par lesquels l’impôt sur le revenu des personnes physiques et les cotisations sociales peuvent agir sur les incitations financières à investir dans les compétences (la méthodologie employée pour calculer les taux effectifs d’imposition de l’investissement dans les compétences est décrite en détail dans OCDE, 2017). La section suivante présente les principaux résultats obtenus pour un exemple stylisé, à savoir celui d’un travailleur de 32 ans qui investit dans une formation courte. L’avant dernière section examine l’évolution de ces taux d’imposition en fonction du revenu et la dernière section est consacrée à la conclusion.
Impôt sur le revenu des personnes physiques, cotisations sociales et incitations financières à investir dans les compétences
La politique en matière de fiscalité et de dépenses peut avoir un effet incitatif ou dissuasif sur l’acquisition de compétences et leur mobilisation à travers divers mécanismes. Ainsi, une hausse des aides publiques à la formation est de nature à alléger le coût de cet investissement pour les individus, qui sont alors encouragés à investir davantage. à l’inverse, un alourdissement de la fiscalité sur les salaires risque de réduire les effets positifs de l’investissement dans les compétences pour les travailleurs comme pour les employeurs, ce qui peut les conduire à moins investir. De même, une fiscalité sur le revenu du travail plus lourde est susceptible de réduire le rendement des investissements dans les compétences et d’avoir un effet dissuasif sur la mobilisation de ces compétences sur le marché du travail. Le tableau 2.1 présente la répartition entre les pouvoirs publics et les individus des coûts et rendements de l’investissement dans les compétences.
Influence du système fiscal sur les incitations financières à investir dans les compétences
Les taux effectifs moyen et marginal d’imposition de l’investissement dans les compétences rendent compte de manière synthétique de l’ensemble des effets positifs et négatifs du système fiscal sur les incitations à investir dans les compétences. Ils peuvent être assimilés à la différence entre le rendement de l’investissement dans les compétences en présence d’impôts et ce rendement dans un monde sans impôts. Analyser les différences de rendement de l’éducation entre un monde avec et un monde sans impôts revient à utiliser la méthode que Devereux et Griffith (2003) ont retenue pour calculer les taux effectifs d’imposition de l’investissement dans le capital physique. Cette méthode a été employée par Brys et Torres (2013), puis par l’OCDE (OCDE, 2017), pour mesurer les taux effectifs moyens et marginaux d’imposition de l’investissement dans les compétences. Elle permet de calculer, au moyen des modèles de la publication Les impôts sur les salaires, la charge fiscale sur l’investissement dans les compétences pour des scénarios stylisés dans les pays de l’OCDE.
La différence entre le taux moyen et le taux marginal dépend des rendements de l’éducation avec et sans impôts. Dans le cas du taux effectif marginal, elle est mesurée dès lors que le rendement de l’investissement réalisé par une personne est juste suffisant pour en compenser le coût (le rendement après impôts est égal au coût supporté). La charge fiscale appliquée à cet investissement financièrement neutre correspond au taux effectif marginal d’imposition. Le taux effectif moyen est égal à la différence entre le rendement d’un investissement dans les compétences en l’absence d’impôts et en présence d’impôts, pour un autre niveau de rendement (en général plus élevé).
Ces deux taux d’imposition varient en fonction de la subvention que le système fiscal accorde au titre du coût d’un investissement dans les compétences et des impôts qu’il prélève sur son rendement. Le coût est allégé par l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales parce que ces prélèvements diminuent le montant du manque à gagner salarial, qui constitue une composante importante du coût de l’investissement. Les investissements dans les compétences mobilisent en effet du temps, réduisant d’autant celui qui peut être consacré au travail et diminuant ainsi le revenu. S’il constitue souvent une part importante du coût de l’investissement, le manque à gagner subi pendant la durée de la formation est compensé par le fait que l’État renonce aux prélèvements qui auraient été effectués sur ce revenu. En d’autres termes, le système fiscal réduit le coût de l’investissement par rapport à ce qu’il aurait été dans un monde sans impôts, si bien que le taux d’imposition qui aurait été appliqué au revenu auquel la personne a renoncé joue un rôle déterminant dans les taux effectifs marginal et moyen.
Les dépenses fiscales destinées à compenser le coût direct de l’acquisition de compétences constituent le deuxième mécanisme à travers lequel le système fiscal influe sur les incitations financières à investir dans les compétences. Ce coût direct, qui correspond au coût hors manque à gagner salarial, est composé des droits d’inscription et des dépenses de livres et fournitures. Les dépenses fiscales peuvent revêtir la forme d’une déduction des dépenses de formation du revenu imposable ou d’une réduction de l’impôt dû égale à un certain pourcentage de ces dépenses, mais aussi d’une exonération totale ou partielle des bourses d’études ou de l’application de taux d’imposition ou de cotisation réduits au revenu salarial des personnes en formation. Le système fiscal peut donc réduire le coût de l’acquisition de compétences de deux manières : en compensant le manque à gagner salarial par une diminution de l’impôt dû et en compensant une partie des coûts directs par des dépenses fiscales. Plus le montant de ces compensations est élevé, plus les taux effectifs marginal et moyen sur l’investissement dans les compétences diminuent.
Le système fiscal exerce une influence sur les incitations à travers un troisième mécanisme, à savoir qu’il réduit le rendement de l’investissement en l’imposant. Suivre une formation peut entraîner une augmentation de la rémunération (la personne bénéficie d’une « prime salariale » au titre des compétences supplémentaires qu’elle a acquises). Cette rémunération supplémentaire peut être en partie absorbée par l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales, ce qui réduit le rendement des compétences. De surcroît, lorsque le système fiscal est progressif, les personnes dont le revenu augmente de manière relativement importante après une formation voient leur taux d’imposition augmenter davantage. En d’autres termes, en plus d’absorber une partie du rendement de l’investissement – ce que fait également un système fiscal proportionnel –, un système fiscal progressif prélève un impôt toujours plus élevé. L’augmentation du taux d’imposition appliqué au supplément de rémunération se traduit par une hausse des taux effectifs marginal et moyen d’imposition. Par ailleurs, l’acquisition de compétences supplémentaires peut améliorer les perspectives professionnelles d’un travailleur, mais ce mécanisme n’a pas été intégré aux modèles de la publication Les impôts sur les salaires.
En somme, l’influence du système fiscal sur les incitations financières à investir dans les compétences est à la fois négative et positive. La fiscalité réduit en effet le coût de l’acquisition de compétences, mais aussi son rendement : elle abaisse le coût à travers le taux d’imposition du manque à gagner salarial et à travers des dépenses fiscales, et elle réduit le rendement à travers le taux d’imposition appliqué à la hausse de rémunération. Chacune de ces composantes peut être calculée au moyen des modèles précités et contribue dans une large mesure à expliquer les résultats présentés dans les prochaines sections.
La valeur relative de ces trois composantes dépend des barèmes de l’impôt et des cotisations sociales, qui conditionnent eux-mêmes les taux effectifs d’imposition des compétences. Ainsi, dans un système fiscal proportionnel, le taux marginal d’imposition du travail est le même quel que soit le montant du revenu, si bien que le taux d’imposition du manque à gagner et celui de la hausse de rémunération sont identiques. Si le coût direct de l’investissement dans les compétences est totalement déductible fiscalement, le système fiscal est neutre pour les investissements dans les compétences : le taux effectif marginal est donc nul, le taux de subventionnement par le système fiscal du coût de l’investissement étant identique au taux d’imposition de son rendement. Il en va ainsi que le taux d’imposition soit faible ou élevé : s’il est élevé le taux d’imposition du manque à gagner et celui de la hausse de rémunération sont élevés, et s’il est faible ces deux taux le sont également. Dans les deux cas, la réduction du coût que permet le système fiscal étant égale à la fraction du rendement qu’il prélève, la fiscalité est neutre pour l’investissement dans les compétences. En pareil cas, un investissement qui, du point de vue de l’individu, serait rentable en l’absence d’impôts le reste en présence d’impôts (Brys et Torres, 2013).
Le taux effectif marginal et le taux effectif moyen correspondent l’un et l’autre à des moyennes pondérées des effets positifs et négatifs du système fiscal sur les incitations à investir dans les compétences, la pondération dépendant du montant de la hausse de rémunération consécutive à l’investissement. Lorsque l’acquisition de compétences a un rendement élevé, la fiscalité appliquée à ce rendement joue un rôle plus important : le taux d’imposition de la hausse de rémunération est la composante qui influe le plus sur le taux d’imposition effectif total appliqué à l’acquisition de compétences. à l’inverse, lorsque le rendement est faible, le coût de l’acquisition des compétences devient prépondérant et l’incidence du système fiscal sur le manque à gagner est un paramètre plus déterminant. Ces différents effets sont récapitulés dans le tableau 2.2.
Effet potentiel des cotisations salariales de sécurité sociale sur les incitations financières à investir dans l’acquisition de compétences
Il est important de tenir compte des cotisations sociales dans l’analyse des incitations financières à investir dans les compétences. La présente étude montre qu’en 2016 dans les pays de l’OCDE, la part salariale de ces cotisations représentait en moyenne 9.8 % du revenu avant impôt perçu par un célibataire sans enfant rémunéré au salaire moyen, tandis que l’impôt sur le revenu des personnes physiques en représentait 15.7 %. Compte tenu de leur poids dans le coin fiscal sur le travail, les cotisations salariales peuvent exercer une influence non négligeable sur les incitations financières à investir dans les compétences.
Certains des mécanismes par l’intermédiaire desquels elles peuvent exercer cette influence sont les mêmes que ceux décrits pour l’impôt sur le revenu. Elles peuvent augmenter le taux d’imposition du manque à gagner et alléger ainsi la charge fiscale qui pèse sur l’acquisition de compétences. Elles peuvent aussi accroître le taux d’imposition de la hausse de rémunération et, partant, la fiscalité imposée à l’acquisition de compétences. Il peut en outre exister des dépenses fiscales spécifiquement associées aux cotisations sociales, par exemple l’application de taux de cotisation réduits au revenu des personnes en formation.
L’effet des cotisations salariales sur les incitations à investir dans les compétences peut également différer de celui de l’impôt sur le revenu sur divers points. Souvent prélevées à taux fixe, les cotisations être moins progressives que l’impôt. Une étude spéciale parue dans une précédente édition de la publication Les impôts sur les salaires montre que pour un contribuable célibataire, la progressivité du système d’imposition du revenu du travail n’est pas la même selon que l’on tient compte de l’impôt sur le revenu uniquement ou de l’impôt et des cotisations sociales (OCDE, 2013a).
La progressivité des barèmes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et des cotisations sociales entraîne une hausse de l’imposition effective de l’investissement dans les compétences. Les taux appliqués sont en effet d’autant plus élevés que le rendement de l’investissement est important, ce qui réduit ce rendement et les incitations à investir dans les compétences. L’étude fiscale de l’OCDE parue sous le titre Taxation and Skills (OCDE, 2017) souligne que pour évaluer l’effet du système fiscal sur les incitations à investir dans les compétences, il faut mesurer la progressivité « locale » de ce système. C’est donc l’effet cumulé de l’impôt et des cotisations sociales sur la progressivité locale (c’est-à-dire la progressivité mesurée pour différents niveaux de revenu) qui influe sur les incitations financières à investir dans les compétences.
L’importance des cotisations sociales tient également au fait qu’elles ouvrent droit au paiement de prestations sociales. L’impôt sur le revenu modifie le rendement des investissements dans les compétences notamment parce qu’il en absorbe une partie, réduisant le montant après impôt de la hausse de rémunération consécutive à l’amélioration des compétences. Les cotisations sociales agissent de la même manière, puisque le montant prélevé augmente lorsque la rémunération progresse, ce qui réduit le rendement net. Toutefois, la hausse des cotisations versées va souvent de pair avec une amélioration des droits aux prestations sociales, par exemple à celles versées par les régimes d’assurance chômage, vieillesse et invalidité. Cet effet positif de l’amélioration des compétences lié aux prestations plus généreuses auxquelles des cotisations sociales plus élevées donnent accès n’est pas pris en compte dans le modèle. Il est par conséquent possible que l’effet négatif du système de cotisations sociales sur les incitations financières à investir dans les compétences soit surévalué. Ce risque vaut plus particulièrement pour les pays où les cotisations sociales représentent une part importante du coin fiscal sur le revenu du travail et où les prestations sociales perçues sont étroitement liées aux cotisations acquittées. Les résultats présentés ici doivent donc être interprétésavec prudence. La prise en compte de ces effets pose cependant de nombreux problèmes, le lien entre prestations et cotisations étant complexe et très peu linéaire dans beaucoup de pays de l’OCDE. Ces aspects devront faire l’objet de travaux ultérieurs.
Enfin, les cotisations sociales peuvent agir sur les incitations financières à investir à travers leurs conséquences sur l’emploi, ce qui constitue une autre différence avec l’impôt sur le revenu. Il est établi que des prélèvements élevés sur le travail peuvent faire obstacle à la mobilisation des compétences sur le marché du travail parce qu’ils réduisent les rendements du travail et de l’embauche de nouveaux salariés (OCDE, 2011). Cependant, l’offre de main-d’œuvre peut ne pas réagir de la même manière à l’égard de l’impôt et à l’égard des cotisations sociales, comme le montrent par exemple Lehmann et al. (2013). Cet effet dissuasif des impôts sur l’exercice d’une activité sur le marché du travail formel peut également réduire sensiblement les incitations à acquérir des compétences. En conséquence, l’effet des cotisations sociales sur l’activation des travailleurs et sur les incitations à investir dans les compétences peut ne pas être le même que l’effet de l’impôt sur le revenu.
Taux effectifs marginal et moyen calculés en tenant compte des cotisations salariales de sécurité sociale
Cette section présente les principaux résultats de l’étude spéciale, à savoir les taux d’imposition du rendement de l’investissement dans les compétences obtenus en tenant compte des cotisations de sécurité sociale. Les résultats présentés se rapportent à un contribuable rémunéré au salaire moyen. Dans la prochaine section, les résultats sont présentés pour une rémunération égale à 70 %, 100 % et 170 % du salaire moyen. Ces niveaux de revenu ont été choisis parce qu’ils permettent d’obtenir des résultats comparables avec ceux présentés dans l’étude Taxation and Skills et sont proches de ceux retenus dans la publication Les impôts sur les salaires. Cette édition de l’étude spéciale porte sur la part salariale des cotisations sociales, à l’exclusion de la part patronale, notamment parce que les cotisations patronales ont des conséquences économiques plus complexes sur le travail et, partant, sur les décisions en matière de financement de l’acquisition de compétences.
Pour interpréter ces résultats, il faut comprendre certaines des principales hypothèses retenues dans le modèle. Par hypothèse, l’acquisition de compétences est financée, non pas par les employeurs, mais par les individus, qui utilisent à cette fin leurs économies au lieu d’emprunter. L’étude fiscale Taxation and Skills présente un examen approfondi des hypothèses sur lesquelles reposent les calculs du modèle.
Les taux effectifs d’imposition de l’investissement dans les compétences dépendent de facteurs très divers et sont influencés par différents mécanismes. Il s’ensuit que les caractéristiques des exemples stylisés examinés auront également une forte influence sur les résultats. Il conviendra donc d’interpréter ces résultats en gardant à l’esprit qu’ils sont spécifiques au scénario stylisé envisagé concernant l’acquisition des compétences et qu’un autre scénario pourrait aboutir à d’autres résultats. Par exemple, les taux effectifs d’imposition dépendant du rendement des compétences, ils varient en fonction de la durée pendant laquelle la personne restera dans la population active. De même, ils dépendent dans une large mesure du manque à gagner salarial, qui détermine en grande partie la compensation du rendement des compétences par le système fiscal. La rémunération supplémentaire perçue à la suite d’une formation joue également un rôle. L’imposition peut aussi différer selon que les personnes concernées sont célibataires ou mariées, ont ou non des enfants ou des personnes à charge, ce qui a aussi une incidence sur les taux effectifs d’imposition des compétences.
L’étude spéciale présente les résultats obtenus pour un célibataire de 32 ans sans enfant qui s’engage dans une formation liée à l’emploi de courte durée et percevait, avant cet investissement, une rémunération égale au salaire moyen. Les résultats ont été calculés sur la base des systèmes fiscaux tels qu’ils existaient en 2011. Pour tenir compte du temps que mobilise la formation, on suppose que l’individu perçoit un salaire égal à 95 % du salaire moyen durant l’année au cours de laquelle il suit sa formation (autrement dit, il subit un manque à gagner de 5 %).
Le choix de faire porter l’analyse sur la formation en cours d’emploi vise notamment à permettre d’examiner les incitations qui peuvent encourager la formation tout au long de la vie. La formation tout au long de la vie est en effet essentielle pour permettre aux individus de s’adapter au progrès technologique et à la mondialisation (OCDE, 2012), en particulier ceux dont les emplois sont menacés par ces évolutions. Elle est également importante pour favoriser l’avènement d’une économie du savoir reposant sur une forte productivité. Faire en sorte que les fruits de cette productivité profitent à tous constitue une dimension essentielle des actions visant à promouvoir une croissance inclusive (OCDE, 2016). C’est pourquoi l’analyse présentée ici porte plus particulièrement sur la formation tout au long de la vie.
Ce choix se justifie également par les dispositions fiscales applicables dans les pays de l’OCDE. Plus précisément, l’utilisation dans le modèle d’une formation liée à l’emploi permet d’examiner les formes les plus courantes de soutien fiscal en faveur de l’acquisition de compétences. Nombre de pays qui accordent des avantages fiscaux au titre de la formation exigent que cette formation soit en lien avec l’emploi occupé au même moment. Ces dispositions ont pour but d’éviter de subventionner à mauvais escient des dépenses qui sont en réalité des dépenses de consommation et non des dépenses liées à l’acquisition de compétences. Elles impliquent cependant aussi que dans beaucoup de pays de l’OCDE, la formation non liée au travail n’est pas déductible du revenu imposable ou du montant de l’impôt.
Taux effectif marginal calculé en tenant compte des cotisations salariales de sécurité sociale
Le taux effectif marginal d’imposition de l’acquisition de compétences est égal à la charge fiscale qui pèse sur un investissement dont le coût et le rendement s’équilibrent pour l’auteur de l’investissement. Les taux effectifs marginaux obtenus pour le même scénario mais en ne tenant compte que de l’impôt sur le revenu ont été présentés dans l’étude Taxation and Skills (OCDE, 2017). Comme le montre le graphique 2.1, la prise en compte des cotisations salariales dans le modèle se traduit, en moyenne dans les 29 pays étudiés, par une hausse des taux effectifs marginaux. Ainsi, pour une personne suivant une formation en cours d’emploi, le taux effectif marginal s’établit à 9.1 % lorsque seul l’impôt est inclus dans le modèle et atteint 19.7 % lorsque les cotisations salariales sont également prises en compte.
Lorsque seul l’impôt est pris en compte, c’est le Danemark qui affiche le taux effectif marginal le plus élevé, à 41.7 %. Cette fiscalité élevée appliquée à l’acquisition des compétences est liée au fait que les cotisations sociales ne comportent pas de part salariale, tandis que l’impôt sur le revenu est élevé et progressif. Lorsque les cotisations salariales sont également prises en compte, c’est la Hongrie qui affiche le taux effectif marginal le plus élevé, à 52.4 %. Lorsque seul l’impôt sur le revenu est inclus dans le modèle, le taux effectif marginal le plus faible est observé au Mexique, où il s’établit à -49.7%. La prise en compte des cotisations salariales entraîne une légère augmentation de ce taux, qui passe à -47.1 %, mais n’empêche pas le Mexique de rester classé en dernière position4.
L’ampleur de la hausse du taux effectif marginal induite par la prise en compte des cotisations salariales de sécurité sociale varie selon les pays. Elle dépend du poids des cotisations dans le système d’imposition du revenu du travail d’un pays, mais aussi de la forme du barème des cotisations et de l’impôt aux alentours du salaire moyen (niveau auquel les résultats sont mesurés). La hausse la plus élevée est constatée en Autriche, où le taux effectif marginal passe de -16.2 % lorsque seul l’impôt est pris en compte à 13.5 %, ce qui constitue cependant l’un des taux effectifs marginaux les plus faibles parmi les pays étudiés.
Dans les pays qui ne prélèvent pas de cotisations salariales, comme l’Australie, le Danemark et la Nouvelle-Zélande, la hausse du taux effectif marginal induite par la prise en compte des cotisations sociales est nulle. C’est aux Pays-Bas que la hausse liée à cette prise en compte est la plus faible, s’établissant à 0.5 %.
La prise en compte des cotisations salariales peut influer sur le taux effectif marginal à travers le taux d’imposition du manque à gagner et celui de la hausse de rémunération, en d’autres termes à travers le subventionnement du coût de l’investissement et la réduction de son rendement par le système de cotisations sociales. Lorsque les cotisations sociales sont forfaitaires, leur prise compte dans l’analyse ne modifie pas la charge fiscale effective globale. Ce cas de figure est cependant rare. Par exemple, certains pays appliquent un plafond au-delà duquel la rémunération ne donne pas lieu au paiement de cotisations supplémentaires. La prise en compte des cotisations peut alors entraîner une hausse du taux d’imposition du manque à gagner sans avoir d’incidence sur le taux d’imposition de la hausse de rémunération, et se traduire ainsi par une baisse sensible de la charge fiscale sur l’investissement dans les compétences. Ce phénomène n’est pas observé sur le graphique 2.1 mais peut se produire à d’autres niveaux de salaire, en fonction du montant du plafond prévu par le barème des cotisations.
Dans d’autres pays, le montant des cotisations à payer augmente en fonction du revenu. Les cotisations sociales peuvent être progressives, soit parce qu’un taux plus élevé s’applique aux tranches de revenu supérieures, soit parce que le salaire est exonéré de cotisations ou soumis à un taux plus faible en-deçà d’un certain seuil. En pareil cas, le taux d’imposition de la hausse de rémunération augmente davantage que le taux d’imposition du manque à gagner lorsque les cotisations sont prises en compte, si bien que le taux effectif global d’imposition des compétences peut être plus élevé.
Les dépenses fiscales peuvent aussi expliquer que l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales n’aient pas le même effet sur les incitations financières à investir dans les compétences. Dans beaucoup de pays, elles revêtent la forme d’une déductibilité des dépenses de formation de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Elles réduisent donc les coûts liés à l’acquisition de compétences et, partant, le taux effectif marginal d’imposition de cette acquisition. Il est en revanche rare que ces coûts soient déductibles de l’assiette des cotisations, si bien que lorsque les autres facteurs sont maintenus constants, les taux effectifs marginal et moyen peuvent être plus élevés quand les cotisations sont prises en compte.
Il importe aussi de tenir compte des interactions entre les cotisations sociales et l’impôt sur le revenu. Dans beaucoup de pays, les cotisations sont déductibles de l’assiette de l’impôt. Dans cette étude spéciale, les résultats présentés pour l’impôt sur le revenu tiennent compte de cette déductibilité. Cette méthode est conforme à celle adoptée dans l’ensemble de la publication Les impôts sur les salaires. La prise en compte des cotisations salariales augmente la charge fiscale sur le supplément de rémunération. Toutefois, la déductibilité des cotisations versées se traduit par un allègement de l’impôt qui compense en partie cet effet. On ne peut donc pas partir du principe que les cotisations s’ajoutent toujours directement à l’impôt sur le revenu, le prélèvement de cotisations salariales ayant également une incidence sur le montant de l’impôt dû. Les barèmes de l’impôt étant plus progressifs en bas de l’échelle des revenus, les cotisations salariales réduisent sensiblement l’impôt dû à ces niveaux de revenu. La baisse du taux d’imposition du manque à gagner liée à leur prise en compte est donc plus faible que l’augmentation du taux d’imposition de la hausse de rémunération, si bien que le taux effectif marginal d’imposition des investissements dans les compétences augmente.
Taux effectif moyen calculé en tenant compte des cotisations sociales de sécurité sociale
La différence entre le taux effectif moyen et le taux effectif marginal d’imposition des compétences réside dans le fait que le taux marginal correspond à la charge fiscale observée dans le cas d’un investissement dont le coût et le rendement s’équilibrent, tandis que le taux effectif moyen correspond à la charge fiscale observée lorsqu’une personne dégage un rendement fixe sur son investissement. Dans le scénario présenté ici, on calcule le taux effectif moyen en supposant que l’investissement dans les compétences est suivi d’une hausse de 15 % du revenu d’activité. Ainsi, une personne qui perçoit 100 % du salaire moyen avant cet investissement, en perçoit 115 % après.
Lorsque le calcul ne tient compte que de l’impôt sur le revenu, le taux effectif moyen s’établit à 16.1 % en moyenne dans les pays étudiés dans l’exemple stylisé choisi. Ce taux est supérieur au taux effectif marginal, comme dans l’ensemble de l’étude fiscale Taxation and Skills. La raison en est que le travailleur bénéficie d’une prime salariale de plus en plus élevée à la suite d’un investissement et passe ainsi dans des tranches de revenu supérieures. Le rendement de ses compétences est donc imposé à un taux plus élevé. En outre, un investissement moyen est censé offrir un rendement avant impôt supérieur à celui d’un investissement marginal. Pris ensemble, ces deux facteurs expliquent que le taux effectif moyen soit en moyenne supérieur au taux effectif marginal.
Comme le montre le graphique 2.2, après prise en compte des cotisations salariales en plus de l’impôt sur le revenu, le taux effectif moyen passe de 16.1 % à 24.9 % en moyenne pour les pays étudiés. Les raisons de cette hausse sont similaires à celles exposées dans le cas du taux effectif marginal. L’inclusion des cotisations fait cependant moins augmenter le taux effectif moyen que le taux marginal. Lorsque seul l’impôt sur le revenu est pris en compte, c’est, comme dans le cas d’un investissement marginal, le Danemark qui affiche le taux effectif moyen le plus élevé, à 41.7 %. Lorsque les cotisations salariales sont prises en compte, le taux effectif moyen le plus élevé est observé en Hongrie – comme dans le cas du taux marginal –, où il s’établit à 52.2 %. Lorsque seul l’impôt sur le revenu est pris en compte, le taux effectif moyen le plus faible est observé au Mexique, où il s’établit à -11.7%. La prise en compte des cotisations salariales entraîne une légère augmentation de ce taux, qui passe à -10.1 %, même si le Mexique reste classé en dernière position.
L’ampleur de la hausse du taux effectif moyen induite par la prise en compte des cotisations salariales varie selon les pays. Comme pour le taux effectif marginal, elle dépend du poids des cotisations dans le système d’imposition du revenu du travail d’un pays. La hausse la plus forte est observée en Slovénie, où le taux effectif moyen augmente de 21.7 points de pourcentage lorsque les cotisations sont incluses dans le modèle, passant de 20.6 % quand seul l’impôt est intégré au calcul, à 42.4 %. La Slovénie est l’un des pays où la part des cotisations de sécurité sociale dans la fiscalité du revenu du travail est la plus élevée, ce qui, d’après l’analyse, accroît la charge financière qui pèse sur l’investissement dans les compétences.
Comme dans le cas du taux effectif marginal, dans les pays de l’OCDE où les cotisations sociales ne comportent pas de part salariale, la hausse des indicateurs est nulle. Les Pays-Bas sont, des pays où une augmentation est observée, celui où cette augmentation est la plus faible, s’établissant à 0.6 %. La raison en est qu’aux Pays-Bas, le salaire moyen est supérieur au plafond de l’assiette de la plupart des cotisations salariales. Certaines cotisations sont prélevées sur le revenu des deux premières tranches du barème de l’impôt, mais une personne qui perçoit le salaire moyen et voit sa rémunération augmenter de 15 % franchit le plafond pour ces cotisations aussi. Ces résultats montrent à quel point les caractéristiques locales du barème fiscal peuvent influer sur les incitations à investir dans les compétences pour améliorer son revenu. à l’inverse, les plafonds existant au sein du système de cotisations sociales peuvent se traduire par des taux effectifs d’imposition plus faible pour les personnes relativement aisées que pour celles dont les ressources sont modestes.
Progressivité des taux effectifs d’imposition de l’investissement dans les compétences
Cette section examine la variation des résultats en fonction du revenu du contribuable qui effectue l’investissement. La section précédente portait sur un contribuable percevant le salaire moyen, mais montrait que les caractéristiques locales du barème fiscal pouvaient influer sur les incitations à investir dans les compétences, ce qui laisse penser qu’il pourrait être intéressant de comparer la charge fiscale pour différents niveaux du barème de l’impôt sur le revenu. De plus, il importe également d’étudier différentes incitations à investir dans les compétences pour différents niveaux de revenu. Des travaux de l’OCDE ont déjà montré que les personnes relativement aisées et celles qui ont un niveau d’études initial relativement élevé étaient plus susceptibles d’investir dans l’acquisition de compétences (OCDE, 2013b). Bien souvent, les compétences engendrent les compétences. Cette situation soulève des questions sur la capacité du système fiscal à permettre à tous d’acquérir des compétences. L’examen des taux d’imposition des compétences à différents niveaux de revenu pourrait apporter un élément de réponse.
Progressivité du taux effectif marginal lorsque les cotisations de sécurité sociale sont prises en compte
D’après le graphique 2.3a, le taux effectif marginal est modérément progressif lorsque seul l’impôt sur le revenu est pris en compte, mais cette moyenne dissimule d’importantes variations entre les pays. Ce graphique montre l’augmentation de la charge fiscale pesant sur l’investissement dans les compétences dans les pays de l’OCDE. En moyenne, lorsque seul l’impôt sur le revenu est inclus dans le modèle, le taux effectif marginal est de 10.4 % pour un salarié percevant 70 % du salaire moyen, 9.1 % pour un salarié rémunéré au salaire moyen et 14.2 % pour une rémunération égale à 170 % du salaire moyen. Dans 13 des 29 pays étudiés, le taux effectif augmente entre 70 % et 100 % du salaire moyen, et dans 16 pays sur 29, il augmente entre 100 % et 170 % du salaire moyen. La plus forte hausse entre 70 % et 100 % du salaire moyen est observée en Irlande, où le taux effectif marginal augmente de 22 points de pourcentage. L’Irlande est l’un des pays de l’OCDE doté du système fiscal le plus progressif, ce que signifie qu’à chaque niveau de l’échelle des revenus le taux d’imposition de la hausse de rémunération peut être supérieur à celui du manque à gagner, si bien que le taux effectif marginal augmente à mesure que le revenu progresse.
Dans plusieurs pays de l’OCDE, le taux effectif marginal diminue à mesure que le revenu augmente au sein de la fourchette de revenu étudiée. Cette baisse est forte en Belgique et aux Pays-Bas, le taux passant de 13.8 % à -14.4 % entre 70 % et 170 % du salaire moyen en Belgique et de 33.7 % à -4.9 % aux Pays-Bas. Aux Pays-Bas, cette baisse sensible de la charge fiscale est liée au plafonnement de l’assiette des cotisations salariales, les cotisations n’ayant plus d’incidence sur le taux effectif marginal au-delà du plafond. Ce plafond s’établit à un peu plus de 70 % du salaire moyen. Dès lors, lorsqu’une personne voit son revenu augmenter après avoir suivi une formation, elle ne paie pas de cotisations salariales sur ce revenu supplémentaire. Il s’ensuit également que les cotisations sociales ne sont pas déductibles du revenu imposable et que l’impôt dû augmente fortement. Le système fiscal absorbe donc une grande partie du rendement de l’investissement à un niveau de rémunération égal à 70 % du salaire moyen. Lorsque l’on s’élève dans l’échelle des revenus, cet effet du plafond disparaît. La charge fiscale diminue alors nettement, le système fiscal réduisant le rendement de l’investissement dans la même proportion qu’il en subventionne le coût. Les plafonds et seuils peuvent donc avoir un effet non négligeable sur les incitations à investir dans les compétences à diversniveaux de l’échelle des revenus.
Comme le montre le graphique 2.3b, les résultats obtenus lorsque les cotisations salariales de sécurité sociale sont incluses sont plus contrastés. Le taux effectif marginal s’établit alors en moyenne à 19.5 % pour une rémunération égale à 70 % du salaire moyen, à 19.7 % pour 100 % du salaire moyen et à 22.5 % pour 170 % du salaire moyen. Lorsque la prise en compte des cotisations accentue la progressivité du taux effectif marginal, cette hausse est le plus souvent relativement limitée. La plus forte hausse entre 70 % et 170 % du salaire moyen est observée en Irlande, où le taux effectif marginal augmente de 22 points de pourcentage. Contrairement à beaucoup de pays qui prélèvent des cotisations sociales, l’Irlande ne plafonne pas l’assiette des cotisations, ce qui pourrait entraîner une augmentation du taux d’imposition de la hausse de rémunération lorsque le revenu est élevé dans un contexte où, comme indiqué plus haut, la progressivité de l’impôt sur le revenu est forte.
À noter que plusieurs types de progressivité peuvent exercer une influence dans le cas de l’investissement dans les compétences. Il peut y avoir progressivité de l’imposition du revenu perçu avant un investissement dans les compétences et après cet investissement. D’une part, lorsque le système fiscal est progressif pour le revenu perçu avant l’investissement, les personnes relativement aisées avant de suivre une formation sont imposées à un taux plus élevé sur leur investissement. D’autre part, si le système fiscal est progressif pour le revenu perçu après l’investissement, les investissements qui ont des rendements plus élevés sont soumis à un taux d’imposition plus élevé également. Dans beaucoup de systèmes, ces deux types de progressivité co-existent. Les graphiques présentent cette progressivité pour le revenu antérieur à l’investissement dans les compétences. Dans la plupart des pays, le taux d’imposition de l’investissement dans les compétences est plus élevé pour les personnes relativement aisées. La deuxième forme de progressivité – celle de l’imposition du rendement – se déduit de la différence entre le taux effectif moyen et le taux effectif marginal : le premier est généralement plus élevé que le second, ce qui signifie que les investissements qui ont les rendements les plus élevés sont plus lourdement imposés que ceux dont le rendement ne fait que compenser le coût.
Progressivité du taux effectif moyen lorsque les cotisations de sécurité sociale sont prises en compte
Comme exposé précédemment, le taux effectif moyen d’imposition de l’investissement dans les compétences est plus élevé que le taux effectif marginal. En d’autres termes, ces investissements sont plus lourdement imposés lorsqu’ils ont un rendement plus élevé. Comme le taux effectif marginal, le taux effectif moyen augmente à mesure que le revenu progresse, mais cette progression varie moins selon les pays et est souvent plus forte que celle du taux effectif marginal. Ces résultats sont présentés sur le graphique 2.4a.
En moyenne dans les 29 pays étudiés, lorsque seul l’impôt sur le revenu est inclus dans le modèle, le taux effectif moyen s’établit à 11.5 % pour une rémunération égale à 70 % du salaire moyen, à 16.1 % au niveau du salaire moyen et à 26.1 % pour une rémunération égale à 170 % du salaire moyen. Tous les pays sauf deux voient le taux effectif moyen progresser entre 70 % et 100 % du salaire moyen et tous sauf un le voient augmenter entre 100 % et 170 %. La hausse la plus forte entre 70 % et 170 % du salaire moyen est observée en Suède, où le taux effectif moyen augmente de 42 points de pourcentage. La hausse la plus faible – quasi nulle – dans cette fourchette de rémunération est constatée aux Pays-Bas.
Cette hausse du taux effectif moyen à mesure que le revenu augmente s’explique en partie par la proximité entre ce taux et le taux d’imposition de la hausse de rémunération. Lorsque l’acquisition des compétences a un coût faible comparativement à son rendement, le rôle de l’imposition du rendement dans l’effet global du système fiscal l’emporte sur celui du subventionnement des coûts. En pareil cas, le taux effectif moyen est proche du taux d’imposition de la hausse de rémunération, qui est lui-même progressif puisqu’il suit le barème de l’impôt dans la plupart des pays.
Comme le montre le graphique 2.4b, la prise en compte des cotisations salariales fait peu évoluer la progressivité du taux effectif moyen par rapport à ce qu’elle est lorsque seul l’impôt sur le revenu est pris en compte. Cette situation s’explique en partie par le fait qu’en moyenne, le barème des cotisations sociales n’est pas progressif à proximité du salaire moyen comparativement au barème de l’impôt. Les résultats seraient peut-être différents à d’autres niveaux de l’échelle des revenus, non examinés dans cette étude spéciale. En moyenne, lorsque l’impôt sur le revenu et les cotisations salariales sont inclus dans le modèle, le taux effectif moyen s’établit à 19.4 % pour une rémunération égale à 70 % du salaire moyen, à 24.9 % pour 100 % du salaire moyen et à 33.2 % pour 170 % du salaire moyen. Le taux effectif moyen diminue entre 70 % et 100 % du salaire moyen dans un seul pays seulement – le Mexique –, et il ne diminue entre 100 % et 170 % que dans trois pays. La hausse la plus forte entre 70 % et 170 % du salaire moyen est observée en Suède. La République slovaque est le seul pays où le taux effectif moyen diminue dans la fourchette de revenu étudiée, et cette diminution est limitée à 0.1 %.
Conclusion
Cette étude spéciale a présenté les taux effectifs d’imposition d’un investissement marginal et d’un investissement moyen dans les compétences, pour un individu parvenu au milieu de sa vie active s’engageant dans une formation liée à l’emploi de courte durée. Ces taux effectifs permettent d’évaluer dans quelle mesure un système fiscal est favorable ou défavorable à l’investissement dans les compétences. Globalement, l’inclusion dans le modèle de la part salariale des cotisations de sécurité sociale entraîne une hausse de la charge fiscale comparativement au calcul ne tenant compte que de l’impôt sur le revenu, que l’investissement soit marginal ou moyen. Lorsque la part salariale des cotisations sociales est prise en compte, le taux effectif moyen d’imposition des compétences s’établit à 24.9 % dans le scénario stylisé. Pour un investissement marginal, le taux effectif est de 19.7 %.
De récentes publications de l’OCDE montrent que la productivité est indispensable à l’installation d’une croissance à la fois inclusive et durable dans les économies de l’OCDE. La croissance de la productivité fait en effet partie des principaux éléments nécessaires pour augmenter les salaires et le niveau de vie des travailleurs (OCDE, 2016). Or, l’amélioration des compétences joue un rôle décisif dans la croissance de la productivité et a souvent des retombées positives sur l’emploi, la longévité et la santé, par exemple.
Malgré l’importance de leur rôle, les investissements dans les compétences suscitent moins l’intérêt des pouvoirs publics que les investissements dans le capital physique. Cette étude spéciale et l’étude fiscale Taxation and Skills (OCDE, 2017) tentent de remédier à cette situation. Elle montre que comme l’examen de la fiscalité du revenu du travail, l’étude des incitations à investir dans les compétences suppose d’évaluer l’effet global des cotisations de sécurité sociale et de l’impôt sur le revenu.
Dans la plupart des exemples examinés, la part salariale des cotisations sociales alourdit la fiscalité sur l’investissement dans les compétences. Alors que l’impôt sur le revenu des personnes physiques peut avoir, selon les pays et les scénarios, une incidence positive, négative voire neutre sur les incitations financières à investir dans les compétences, il en va différemment des cotisations sociales. La raison en est notamment que les dépenses de formation sont souvent déductibles du revenu imposable tandis qu’elles ne peuvent pas être retranchées de l’assiette des cotisations. Il s’ensuit une distorsion fiscale au niveau des incitations financières à investir dans les compétences. Néanmoins, dans certains pays, la prise en compte des cotisations se traduit par un allègement de la charge fiscale sur l’acquisition de compétences, parce que certains systèmes de cotisations sociales comportent des plafonds au-delà desquels le revenu n’est plus soumis à cotisation, ce qui réduit la charge fiscale sur le rendement financier des compétences. Du fait de ces plafonds, il arrive que les incitations financières à investir dans les compétences soient plus élevées pour les personnes les plus aisées.
Cette étude spéciale montre que la déductibilité des cotisations sociales du revenu imposable, l’existence de plafonds et de seuils au sein du système de cotisations et les changements au niveau des barèmes peuvent influer sur les incitations à investir dans les compétences. Ces incitations dépendent de la réduction du rendement qu’impose le système fiscal et du subventionnement du coût de l’investissement qu’il permet. En conséquence, les caractéristiques des barèmes de l’impôt sur le revenu et des cotisations de sécurité sociale peuvent avoir un effet sur les incitations à investir dans l’acquisition de compétences à un niveau de revenu inférieur et supérieur au revenu perçu par l’individu au moment de cet investissement. Ce constat montre à quel point il est important de calibrer ces deux barèmes de manière cohérente.
Il faudrait conduire d’autres travaux pour examiner les effets du système de prélèvements et de prestations sur les incitations à acquérir des compétences. Dans cette étude, les résultats ne sont présentés que pour un seul scénario stylisé. Beaucoup d’autres scénarios mériteraient d’être examinés concernant la formation des adultes, notamment les investissements dans les compétences financés par les entreprises et les investissements dans les compétences professionnelles sous la forme de dispositifs d’apprentissage. En outre, l’étude spéciale ne portant que sur la part salariale des cotisations sociales, de futurs travaux pourraient s’intéresser à la part patronale également. Enfin, l’analyse présentée ici ne tient compte que des sommes versées au système de sécurité sociale, à l’exclusion des sommes perçues, par exemple sous la forme de prestations de maladie, de pensions et d’indemnités d’assurance chômage. La prise en compte de ces prestations dans l’analyse pourrait considérablement modifier les résultats dans certains pays.
Références
Brys, B. et C. Torres (2013), « Effective Personal Tax Rates on Marginal Skills Investments in OECD Countries: A New Methodology », OECD Taxation Working Papers, n° 16, https://doi.org/10.1787/22235558.
Devereux, M.P. et R. Griffith (2003), « Evaluating Tax Policy Decisions for Location Decisions », International Tax and Public Finance, vol. 10, pp. 107-126.
Lehmann, E., F. Marical et L. Rioux (2013), « Labor income responds differently to income-tax and payroll-tax reforms », Journal of Public Economics, vol. 99, pp. 66-84.
OCDE (2011), « Taxation and Employment », Études de politique fiscale de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris.
OCDE (2012), Des compétences meilleures pour des emplois meilleurs et une vie meilleure : Une approche stratégique des politiques sur les compétences, https://doi.org/10.1787/9789264178717-fr.
OCDE (2013a), Les impôts sur les salaires 2013, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/tax_wages-2013-fr.
OCDE (2013b), Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013 : Premiers résultats de l’Évaluation des compétences des adultes, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264204096-fr.
OCDE (2014), Regards sur l’éducation 2014: Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/eag-2014-fr.
OCDE (2016), L’articulation entre productivité et inclusivité, Éditions OCDE, Paris.
OCDE (2017), « Taxation and Skills », Études de politique fiscale de l’OCDE, OCDE, Paris, vol. 24.
Notes
← 1. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L'utilisation de ces données par l'OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
← 2. L’étude porte sur les pays suivants : Autriche, Belgique, Canada, Chili, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Israël, Italie, Luxembourg, Mexique, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie. L’Allemagne, la Corée, les États-Unis, la France et le Japon sont exclus en raison de limites imposées par les données. Les données se rapportent à 2011.
← 3. Ce décalage dans le temps est en partie imputable à des limites imposées par les données relatives aux coûts de la formation. Ces données sont en effet extraites de la publication Regards sur l’éducation (OCDE, 2014), publiée avec un décalage dans le temps.
← 4. Depuis que le système de comptabilité nationale du Danemark a été révisé, en 2014, à la suite du passage à la version 2010 du système européen des comptes (SEC 2010), les cotisations d’assurance-chômage ne font plus partie des impôts parce qu’elles ne sont pas obligatoires. Ce changement a eu un effet rétroactif.