1887

Le cheminement prudent de la Finlande vers l’adhésion à l’OCDE

Écrit par : Peter Carroll, Tasmanian School of Business and Economics, University of Tasmania
Dernière mise à jour : 6 janvier 2019

La Finlande prépare son adhésion : le Secrétaire général de l’OCDE Thorkil Kristensen (à droite) salue Tankmar Horn, Sous secrétaire d’État, ministère finlandais des Affaires

La Finlande a célébré le 50e anniversaire de son adhésion à l’OCDE le 28 janvier 2019. Bien qu’elle n’ait pas été membre fondateur à la naissance de l’OCDE en septembre 1961, la volonté de la Finlande de rejoindre l’Organisation n’a jamais fait de doute. Elle a toutefois suivi une approche prudente.

Dès les années 1947-1948, puis en 1957-1958, le gouvernement finlandais avait manifesté son intérêt pour les fonds alloués par le Plan Marshall pour reconstruire l’Europe de l’après-guerre, qui étaient gérés par le prédécesseur de l’OCDE, l’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE). Néanmoins, ce n’est qu’une vingtaine d’années plus tard, en 1967-1968, que la Finlande a finalement soumis sa candidature, avec succès, pour devenir membre de l’OCDE.

À la différence du Japon (qui a adhéré en 1964), de l’Australie (1971) et de la Nouvelle Zélande (1973), dont l’adhésion a été repoussée pour diverses raisons d’ordre national et à cause de la réticence initiale plus ou moins grande de certains membres, s’agissant de la Finlande, c’est la forte opposition de l’Union soviétique, non membre de l’OCDE, qui explique la durée du processus.

La Finlande, qui partage une frontière de 1 340 km avec son grand voisin, s’est trouvée dans une impasse lorsque le gouvernement soviétique a clairement indiqué qu’il considérerait une participation de la Finlande au Plan Marshall et à l’OECE comme un acte hostile. D’où la décision de la Finlande de ne pas demander à adhérer à l’OECE à sa création, même si elle a communiqué dès le début à l’Organisation des informations détaillées sur son économie.

Au fil des années 50, les gouvernements finlandais successifs se sont progressivement et prudemment rapprochés de l’OECE, avec l’appui de la Suède, de la Norvège et du Danemark, déterminés à faire en sorte que l’économie finlandaise ne soit pas pénalisée par l’intégration croissante de l’Europe occidentale. Les travaux de l’OECE étaient conduits, comme aujourd’hui à l’OCDE, par un ensemble de comités d’experts qui s’intéressaient à des problématiques contemporaines et émergentes, suscitant l’intérêt des gouvernements finlandais. En 1956, la Finlande a été invitée à dépêcher un observateur auprès du Comité des pâtes et papiers, puis du Comité des transports maritimes et enfin du Comité du bois en 1959. La Finlande a également conclu une série d’accords commerciaux avec la plupart des membres de l’OECE, et notamment le Protocole du Club d’Helsinki, signé en juillet 1957.

En janvier 1958, le Président Urho Kekkonen a demandé à l’ambassadeur de Finlande à Paris d’étudier formellement les conditions d’adhésion à l’OECE. Un groupe de travail a été mis sur pied et des discussions informelles et très fructueuses se sont tenues avec les principaux membres de l’OECE pour s’assurer de leur soutien à la candidature finlandaise. Ce groupe de travail a conclu que la Finlande avait la capacité de satisfaire aux obligations de membre, et le Conseil de l’OECE a donné son feu vert à l’adhésion.

Le gouvernement soviétique n’était pas de cet avis. La baisse continue des achats finlandais de marchandises soviétiques, conjuguée à l’opposition soviétique au nouveau gouvernement finlandais dirigé par le social-démocrate Karl-August Fagerholm, a débouché sur la crise du Gel de nuit de 1958, ainsi qualifiée par Nikita Khrouchtchev pour décrire l’état de glaciation des relations entre les deux pays. Moscou a gelé les relations diplomatiques avec Helsinki et fait pression sur le gouvernement pour qu’il démissionne, provoquant la chute du cabinet Fagerholm et brisant l’élan en faveur de l’adhésion à l’OECE.

La nouvelle OCDE a continué de susciter l’intérêt de la Finlande qui est devenue observateur auprès du Comité de l’équipement, puis du Comité de l’industrie en 1962, suivis par d’autres comités, à tel point qu’en novembre 1965 certains délégués se sont demandé dans quelle mesure un non membre devait être autorisé à participer en qualité d’observateur sans assumer les obligations qui se rattachent au statut de membre à part entière. Aussi, lorsque le gouvernement finlandais a exprimé le souhait de participer aux travaux du Comité économique de l’OCDE en 1966, le Secrétaire général lui a suggéré de solliciter le statut d’associé ou de membre à part entière. Une fois encore, les discussions en vue de l’adhésion ont débuté, dans un climat généralement favorable, compte tenu du feu vert donné par l’OECE et des relations étroites entre la Finlande et l’Association européenne de libre échange (AELE).

Mais surtout, le gouvernement soviétique ne s’est pas montré opposé au départ, mais a affiché une attitude plus négative à mesure que les négociations progressaient, réduisant l’OCDE à un petit groupe de pays occidentaux entretenant des liens étroits avec l’OTAN. Néanmoins, l’émergence de la Communauté économique européenne (CEE) et de l’AELE a évité à l’OCDE de subir la même opposition frontale de la part de l’Union soviétique que dans le cas de l’OECE. En outre, il est probable qu’à cette époque, les Soviétiques ne voulaient pas courir le risque de briser la dynamique de détente et les progrès accomplis vers l’organisation d’une conférence multilatérale sur la sécurité en Europe, qui s’est concrétisée dans les années 70.

Le 7 juin 1968, le gouvernement finlandais a formellement décidé de solliciter l’adhésion et des discussions approfondies s’en sont suivies. Il nourrissait certaines réserves sur diverses sections des Codes de l’OCDE de la libération des opérations invisibles courantes et des mouvements de capitaux, à l’instar de la plupart des membres de l’OCDE, qui ont été rapidement levées. La Finlande a ratifié la Convention de l’OCDE et est devenue membre le 28 janvier 1969. Un processus placé sous le signe de la prudence et de la lenteur avait trouvé un heureux dénouement.

Cet article s’appuie sur des documents mis gracieusement à disposition par l’Unité Bibliothèque et Archives de l'OCDE ; Balázs Gyimesi, de l’équipe de l’Observateur de l’OCDE, a apporté son concours.

References:

  • Carroll, Peter (2017), “Shall we or shall we not? The Japanese, Australian and New Zealand decisions to apply for membership of the OECD, 1960-1973”, in Matthieu Leimgruber and Matthias Schmelzer (eds.), The OECD and the International Political Economy since 1948, Palgrave Macmillan.

  • Carroll, Peter et William Hynes (2014), « Japan and the OECD: how the sun rose on a global era », Observateur de l’OCDE n° 298, à l’adresse https://oe.cd/wI https://oe.cd/wI Carroll, Peter and Aynsley Kellow, (2011), The OECD A Study of Organisational Adaptation, Edward Elgar Ltd, Cheltenham and Massachusetts.

  • Carroll, Peter et Aynsley Kellow, (2011), The OECD A Study of Organisational Adaptation, Edward Elgar Ltd, Cheltenham and Massachusetts.

  • Jensen-Eriksen, Henri (2004), « Market, Competitor or Battlefield? British Foreign Economic Policy, Finland and the Cold War, 1950-1970 », thèse de doctorat à la London School of Economics and Political Science.

  • Yamamoto, Takeshi (2007), « The Road to the Conference on Security and Co-operation in Europe, 1969-1973: Britain, France and West Germany », thèse de doctorat à la School of Economics and Political Science.

©Observateur de l’OCDE, janvier 2019

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