4. Risque de conformité et mesures d'application pour accompagner les réponses de politique et d'administration de la TVA/TPS face à l'essor de l’économie du partage/à la demande

Les chapitres 2 et 3 de ce rapport décrivent une approche globale pour concevoir une stratégie nationale en matière de TVA/TPS applicable à l'économie du partage/à la demande, et présentent une série de mesures que les autorités fiscales peuvent envisager de prendre pour mettre en œuvre cette stratégie, en tenant compte de leurs circonstances nationales spécifiques et de leurs principaux objectifs. Ce chapitre complète cette analyse en donnant un aperçu général d'un certain nombre de mesures de gestion des risques de conformité et d’application auxquelles les autorités fiscales peuvent souhaiter réfléchir dans le cadre de leur stratégie globale en matière de TVA/TPS en réponse au développement de l’économie du partage/à la demande.

Ces mesures devront s’intégrer dans la stratégie globale de conformité et d’application des juridictions, notamment pour garantir l'égalité des règles du jeu en matière de TVA/TPS entre l’économie du partage/à la demande et les secteurs concurrents de l'économie traditionnelle et de l'économie des plateformes au sens large. Cette approche globale du cadre de conformité et d'application du régime de TVA/TPS sera également nécessaire pour éviter que les prestataires de l’économie du partage/à la demande et d'autres acteurs adaptent leurs activités ou leur mode opératoire de façon à se soustraire à leurs obligations en matière de TVA/TPS.

Ce chapitre analyse en premier lieu le rôle de mécanismes de gestion de la conformité fondés sur les risques dans les stratégies de TVA/TPS applicables à l'économie du partage/à la demande, ainsi que la place essentielle qu’occupent la collecte et l'échange de données dans ce contexte. Il s’intéresse ensuite à l’importance de la coopération entre administrations et de la coopération internationale entre autorités fiscales. En conclusion, il aborde de façon succincte la conception d’une politique punitive qui sanctionne concrètement les infractions commises par les acteurs récalcitrants.

La gestion de la conformité au régime de TVA/TPS des acteurs de l'économie du partage/à la demande devra presque invariablement reposer sur une approche fondée sur les risques. Le nombre d'acteurs impliqués dans l'économie du partage/à la demande rend pratiquement impossible un traitement au cas par cas. Une telle approche fondée sur les risques devra recourir à un profilage efficace des risques posés par les différents acteurs, à partir d’indices qui reflètent notamment le risque éventuel pour les recettes publiques, l’impact possible sur l’intégrité du système fiscal et la probabilité que les risques se réalisent. Ces indicateurs de risque et le profilage associé peuvent devoir être adaptés au secteur concerné de l'économie du partage/à la demande et en fonction de l’objectif poursuivi par la juridiction en matière de TVA/TPS. Il est raisonnable de penser que les autorités fiscales peuvent souhaiter axer leurs efforts en priorité sur les secteurs de l'économie du partage/à la demande qui nécessitent l’attention la plus immédiate au regard de leur impact sur les recettes de la TVA/TPS et/ou des conséquences d'un traitement inégal au regard de la TVA/TPS sur la neutralité concurrentielle.

La mise en œuvre d’une telle stratégie de gestion de la conformité fondée sur les risques devra s'appuyer sur un recueil efficient de données relatives aux secteurs concernés de l'économie du partage/à la demande et sur une analyse de données solide. Au regard du rôle essentiel joué par la technologie et par les données numériques pour permettre aux secteurs de l'économie du partage/à la demande d’exercer leurs activités commerciales, l’utilisation des technologies par les autorités fiscales pour recueillir des données auprès de ces secteurs devrait renforcer leur capacité de gestion de la conformité fondée sur les risques. La section 3.2.6 de ce rapport examine l’utilisation de la technologie de l’information pour recueillir des données pertinentes sur la TVA/TPS par les autorités fiscales.

Les informations financières joueront nécessairement un rôle important dans la stratégie de conformité fondée sur les risques que les autorités fiscales appliqueront à l'économie du partage/à la demande. Les flux financiers reflètent les transactions effectives effectuées, et une analyse des risques et une vérification fiscale efficientes dans un secteur hautement automatisé et numérisé comme l’économie du partage/à la demande dépendront étroitement d’un contrôle croisé automatisé des informations, y compris des flux financiers. Aussi, il sera important que les administrations fiscales aient accès à des informations financières pour pouvoir gérer efficacement le respect des obligations en matière de TVA/TPS dans l'économie du partage/à la demande. La section 3.2.6 de ce rapport analyse la mise en place d’obligations déclaratives pour les intermédiaires financiers appartenant à l'économie du partage/à la demande, qui pourrait venir étayer les approches de gestion de la conformité fondée sur les risques suivies par les autorités fiscales tout en facilitant le processus global d'application des règles et d'administration.

Les informations détenues par les autorités fiscales à d'autres fins fiscales que la TVA/TPS ainsi que par d’autres organismes nationaux (section 4.1.2 ci-dessous) pourraient aussi être utiles. Ainsi, les informations réunies et échangées en vertu des Règles types de déclaration applicables aux vendeurs relevant de l’économie du partage et de l’économie à la demande (détaillées à la section 3.3.4) devraient ouvrir de multiples opportunités en matière d’identification et de gestion des risques liées à la TVA/TPS (OCDE, 2020[1]). Activités ciblées de vérification et de suivi, comme des évaluations mystère effectuées par l’administration fiscale sur des plateformes spécifiques, peuvent renforcer l’efficacité des stratégies de conformité à la TVA/TPS appliquées par les autorités.

Le Forum de l’OCDE sur l’administration de l’impôt a produit une série de documents d’orientation et de rapports1 à l’intention des autorités fiscales qui peuvent éclairer la mise en œuvre de solutions d'analyse des risques fondées sur l’expérience pratique dans les pays.

Ces approches peuvent permettre aux administrations nationales d'adopter une réponse ciblée et proactive plutôt que réactive face aux risques en matière de conformité, associée à une stratégie globale propre à faciliter le respect des obligations liées à la TVA/TPS pour les acteurs légitimes de l'économie du partage/à la demande.

Pour accroître l’efficience de leurs systèmes d'analyse de volumes considérables de données provenant de différentes sources, les autorités fiscales pourraient envisager de prendre des mesures susceptibles de faciliter la coopération et l'échange de renseignements entre organismes publics nationaux. Il peut s'agir des caisses de sécurité sociale, des registres de propriété, des autorités responsables de la circulation routière, des cellules de renseignements financiers, etc. Ces données peuvent être très utiles à l’administration fiscale pour identifier les activités commerciales non déclarées dans la sphère de l'économie numérique. À titre d’exemple, les données détenues par une cellule de renseignements financiers pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont déjà utilisées dans certaines juridictions pour déceler les manquements d'acteurs de l'économie du partage/à la demande, en permettant à l'administration fiscale de déterminer l’origine de fonds destinés à des chauffeurs et des loueurs de biens immobiliers fraudeurs et transitant depuis des banques à l'étranger vers des banques locales.

Pour assurer l’égalité des conditions de concurrence avec les acteurs respectueux des règles, les autorités fiscales peuvent compléter leur stratégie de conformité en matière de TVA/TPS par des sanctions justes qui exposent les contrevenants (résidents et non résidents) à des conséquences réelles en cas d’infraction. Ces conséquences réelles peuvent impliquer, selon le cas, la publication de listes de contrevenants (une « liste de la honte ») ; la dissuasion de toute transaction avec les acteurs en question, par le biais de plateformes ou autres ; l’imposition d'amendes proportionnées ; l’utilisation de prestataires de services de paiement et d'autres intermédiaires financiers comme auxiliaires pour traiter les infractions, notamment en bloquant les paiements sur les comptes détenus par de tels acteurs.

En dernier ressort, les juridictions peuvent envisager la possibilité d'appliquer des sanctions plus sévères, par exemple en interdisant l’accès aux plateformes ou aux applications déployées par les contrevenants. Cette mesure peut passer pour une solution de dernier recours lorsque toutes les autres options ont été épuisées. Les autorités fiscales devront s'assurer qu’une mesure coercitive de ce type est légitime du point de vue juridique et réglementaire, en prenant en compte les obligations commerciales et internationales au sens large de la juridiction, et en consultant les fournisseurs d’accès internet sur les aspects techniques et opérationnels. L’expérience montre que les contrevenants trouvent parfois les moyens de contourner une telle mesure en utilisant des noms de domaines alternatifs sur internet, mais l’annonce publique du blocage du site web d’un opérateur de l'économie du partage/à la demande par les autorités d’une juridiction peut dissuader les utilisateurs.

De manière générale, les autorités fiscales devront veiller à ce que les sanctions pour non-respect des règles de TVA/TPS dans l’économie du partage/à la demande soient équilibrées et proportionnées, notamment en laissant suffisamment de temps pour remédier aux infractions et en prévoyant la possibilité de faire appel d’une sanction.

L'application de sanctions à l’encontre d'acteurs non résidents devrait supposer une coopération administrative internationale adéquate. C’est sur quoi porte la section suivante.

L’importance de l'échange de renseignements et d'autres formes de coopération administrative internationale dans les stratégies des juridictions pour assurer le respect des règles en matière de TVA/TPS ciblant l'économie du partage/à la demande a été mise en lumière tout au long de ce Rapport. La nécessité d’une coopération internationale entre administrations fiscales est d'autant plus grande que les plateformes de l'économie du partage/à la demande peuvent souvent ne pas être physiquement établies dans la juridiction d’imposition, une caractéristique partagée par les fournisseurs dans un certain nombre de secteurs (finance participative, par exemple), à mesure que cette sphère de l'économie continue d'évoluer. Cette section présente un certain nombre d’outils qui peuvent être mobilisés pour favoriser cette coopération administrative internationale.

Les Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS décrivent les outils dont les autorités fiscales disposent pour donner corps à cette coopération bilatérale et multilatérale (OCDE, 2017[2]). Ils mentionnent les possibilités de coopération multilatérale offertes par la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale2 qui a été élaborée conjointement par l’OCDE et le Conseil de l’Europe en 1988 et modifiée par un Protocole en 2010. Cette Convention et le Protocole sont en principe applicables à la TVA/TPS et prévoient un large éventail de modalités de coopération administrative entre les Parties concernant le calcul et le recouvrement des taxes, notamment en vue de combattre la fraude et l'évasion fiscales. Cet aspect est d'autant plus important que les plateformes qui facilitent les activités des opérateurs de l'économie du partage/à la demande peuvent de plus en plus accéder aux marchés d'autres juridictions sans y avoir de présence physique. Tel peut aussi être le cas des fournisseurs de services qui opèrent à distance depuis une autre juridiction.

Les Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS (OCDE, 2017[2]) soulignent également les possibilités de coopération bilatérale, notamment au moyen des dispositions relatives à l'échange de renseignements énoncées à l'article 26 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2017[3]). Elles peuvent constituer une base appropriée pour l'échange de renseignements entre autorités fiscales, à la fois sur des dossiers individuels et pour des catégories plus larges d'affaires impliquant la TVA/TPS. Aussi, les conventions fiscales bilatérales peuvent offrir un mécanisme de renforcement de la coopération et d'élaboration de solutions à des problèmes communs. Dans ce contexte, les Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS font état des possibilités que recèle le Modèle d'accord de l’OCDE sur l'échange de renseignements.3

Les Règles types de déclaration à l’intention des vendeurs relevant de l’économie du partage et de l’économie à la demande constituent l’outil le plus récent mis à la disposition des autorités fiscales pour faciliter l'échange de renseignements spécifiquement axés sur l'économie du partage/à la demande (OCDE, 2020[4]). La section 3.2.4 de ce rapport examine comment les renseignements échangés en vertu de cet instrument peuvent aider les juridictions à appliquer leur stratégie de de respect des règles en matière de TVA/TPS à l'économie du partage/à la demande. Les autorités fiscales sont fortement incitées à utiliser ces Règles types de déclaration comme fondement de leur politique de collecte et d’échange de renseignements, notamment pour garantir une cohérence internationale et atténuer les risques de doublon dans les obligations déclaratives (OCDE, 2020[4]). Ce poit est important notamment pour faciliter le respect des règles fiscales par les plateformes de l'économie du partage/à la demande qui devront faire face à des exigences déclaratives dans plusieurs juridictions.

Globalement, l'échange de renseignements devrait être une priorité en matière de coopération administrative internationale pour faire respecter les règles de TVA/TPS par les acteurs de l'économie du partage/à la demande, notamment pour permettre d’identifier ces acteurs, de suivre le volume et la valeur des transactions, d'évaluer la TVA/TPS due et le respect des obligations de déclarer et de payer le montant approprié de TVA/TPS sur ces transactions. Une assistance mutuelle au au recouvrement des taxes, ainsi qu’un mécanisme approprié de règlement des différends pourraient être nécessaires dans certains cas.

Références

[1] OCDE (2020), Règles types de déclaration à l’intention des vendeurs relevant de l’économie du partage et de l’économie à la demande, https://www.oecd.org/fr/fiscalite/echange-de-renseignements-fiscaux/regles-types-declaration-intention-des-vendeurs-relevant-economie-du-partage-et-economie-a-la-demande.pdf (consulté le 4 avril 2021).

[3] OCDE (2017), Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune : Version abrégée 2017, OCDE Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/mtc_cond-2017-fr.

[2] OCDE (2017), Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264272958-fr.

Notes

← 1. Pour en savoir plus sur une série de documents d’orientation et de rapports du Forum de l’OCDE sur l’administration fiscale, consultez le site http://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/publications-and-products/.

← 2. Pour plus d’informations sur la Convention, voir la page internet dédiée : https://www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements-fiscaux/convention-concernant-l-assistance-administrative-mutuelle-en-matiere-fiscale.htm

← 3. Modèle d'accord de l’OCDE sur l'échange de renseignements est disponible à l'adresse http://www.oecd.org/ctp/exchange-of-tax-information/2082215.pdf.

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE 2021

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : http://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.