Chapitre 2. Assurer le dynamisme du système de formation professionnelle et de formation continue

La Suisse mobilise davantage ses ressources humaines que la plupart des autres pays de l’OCDE. Le taux d’activité y est élevé et le taux de chômage faible dans la plupart des segments de la société. La plupart des Suisses bénéficient ainsi d’un niveau de vie élevé. Néanmoins, la croissance de la productivité est relativement lente. Bien que cela soit probablement en partie imputable au fait que la Suisse est déjà une économie avancée, cela signifie également qu’elle ne doit pas relâcher sa vigilance en ce qui concerne l’éducation et les compétences. Le niveau remarquablement bas du taux de chômage des jeunes montre que la transition de l’école au marché du travail fonctionne bien. Toutefois, un nombre croissant de données indiquent qu’à mesure que la structure de l’économie évolue, sous l’effet de la mondialisation et de la transformation numérique par exemple, les emplois vacants et les problèmes d’inadéquation des compétences se multiplient. L’éventail de compétences enseignées est différent de celui enseigné dans la plupart des autres pays de l’OCDE à haut revenu, dans lesquels prédomine une filière générale d’enseignement secondaire et qui s’efforcent de doter les jeunes adultes de diplômes universitaires. Dans ce contexte, il est essentiel que le système soit suffisamment souple pour s’adapter à l’évolution de la demandede compétences, et pour que les travailleurs continuent à se former. Bien que la participation des femmes et des immigrés à l’économie soit relativement satisfaisante par rapport à d’autres pays, il reste encore de la marge pour améliorer l’équité en termes d’accumulation de compétences.

  

Il ne faut pas sous-estimer l’importance fondamentale de l’éducation pour le développement économique et social. L’éducation est le fondement d’une croissance durable à long terme. Lorsque l’investissement dans les compétences est insuffisant, les avancées technologiques ne se traduisent pas en croissance économique et les pays perdent en compétitivité dans une société mondialisée de plus en plus fondée sur les connaissances (Hanushek et Wößmann, 2008 et 2011 ; Krueger et Lindahl, 2001). En outre, les compétences cognitives ont un impact direct sur les gains individuels et la distribution des revenus. On observe non seulement en moyenne une relation monotone positive entre l’éducation et les retombées en termes de revenus, mais plus fondamentalement, l’éducation permet de faire des choix économiques et sociaux éclairés, et améliore l’engagement social et les résultats sur le plan de la santé (OCDE, 2010a ; Campbell, 2006). Des phénomènes fondamentaux et complexes comme la transformation numérique, la désindustrialisation et l’avenir du travail nécessitent des politiques de développement des compétences pour permettre aux sociétés d’être plus résilientes face aux changements qui s’annoncent – notamment en améliorant les compétences et en veillant à mieux utiliser et répartir les compétences existantes.

L’accumulation de capital humain accroît la productivité du travail ; plus généralement, elle contribue également à la productivité multifactorielle en assurant un bon fonctionnement de l’interface entre le travail et le capital. Toutefois, les types de compétences nécessaires varient au fil du temps, à mesure que la structure de l’économie se transforme du fait de l’introduction des nouvelles technologies et de l’évolution des goûts des consommateurs. Les systèmes d’enseignement doivent être suffisamment souples pour faire face à ces changements. Une approche possible consiste à s’attacher à doter les élèves des savoirs fondamentaux et de la capacité à apprendre, en leur offrant des bases solides sur lesquelles des compétences spécialisées pourront venir se greffer efficacement par la suite, en fonction des besoins. Ainsi, les travailleurs eux-mêmes sont capables de s’adapter tout au long de leur vie professionnelle. On peut aussi envisager la mise en place d’un système qui favorise la spécialisation tout en étant suffisamment souple pour s’adapter rapidement à l’évolution des besoins du marché du travail. Bien entendu, il est également possible de mêler ces deux approches (OCDE, 2012a). Les compétences doivent également être considérées comme un outil qui doit être aiguisé pendant toute la vie. Il est donc important de mettre en œuvre une approche stratégique pour évaluer l’incidence relative de différents types d’apprentissage – depuisla maternelle et la scolarité institutionnelle jusqu’à l’éducation et la formation des adultes, sous des formes institutionnelles ou non –, l’objectif étant d’équilibrer les ressources allouées afin d’optimiser les retombées économiques et sociales.

Le niveau de vie élevé de la Suisse est en partie imputable à son niveau de capital humain, qui soutient très bien la comparaison avec celui des autres pays de l’OCDE, comme le montrent le taux de scolarisation et les résultats scolaires généraux. Le système d’enseignement prépare convenablement les jeunes à la transition de l’école à l’emploi, avec un taux enviable de chômage des jeunes (graphique 2.1, partie A) et un faible nombre de jeunes sans emploi et qui ne sont ni scolarisés, ni en formation (partie B). Ce succès est partiellement imputable au système complet et bien intégré d’enseignement et de formation professionnels (EFP), qui prépare admirablement bien les élèves à l’entrée dans la vie active, quel que soit leur niveau (Hoeckel et al., 2009 ; OCDE, 2009 et 2010b ; encadré 2.1).

Graphique 2.1. Résultats des jeunes sur le marché du travail
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Source : OCDE, base de données de l’OCDE sur l’emploi ; OCDE (2017), Regards sur l’éducation 2017.

 https://doi.org/10.1787/888933623020

Encadré 2.1. Points forts de l’enseignement et la formation professionnels en Suisse

Des études précédentes de l’OCDE sur le système d’enseignement et de formation professionnels (EFP) suisse ont mis en avant un certain nombre de ses forces qui contribue aux bons résultats sur le marché du travail. Cela inclut :

  • Le système est fortement orienté vers les besoins des employeurs et du marché. Les employeurs et les associations professionnelles participent activement à l’éducation et à la formation. La collaboration entre la confédération, les cantons et les organisations professionnelles fonctionne bien.

  • L’intégration entre la formation à l’école et par le travail est efficace tandis que l’apprentissage sur le lieu de travail n’est pas trop spécifique à l’entreprise en question.

  • Le système de l’EFP tertiaire offre une palette très large d’opportunités de progression pour des apprentis qui ont obtenu un diplôme de l’EFP secondaire.

  • La variété de l’offre d’EFP tertiaire est importante.Le système propose des solutions efficaces et souples pour répondre aux besoins des étudiants, avec des études à temps partiel, le soir, le weekend et des offres modulaires. L’apprentissage par le travail est en général bien intégré avec les programmes tertiaires professionnels, proposant un travail en lien avec les études pour les étudiants à temps partiel, et des stages longs en entreprises pour les étudiants à temps plein.

  • Les enseignants et les formateurs dans les écoles professionnelles sont bien préparés à la fois dans leur champ professionnel mais aussi en pédagogie.

  • Les examens dans l’EFP tertiaire lient efficacement l’amélioration des compétences avec la reconnaissance des acquis antérieurs.

Source : Fazekas, M. et S. Field (2013), A Skills beyond School Review of Switzerland, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264062665-en; Hoeckel, K., S. Field et W. Grubb (2009), Learning for Jobs: OECD Reviews of Vocational Education and Training: Switzerland, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264113985-en

La Suisse, à l’instar de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Autriche et des pays scandinaves, se caractérise par une forte stratification de l’enseignement, avec une filière d’EFP bien établie dans l’enseignement secondaire comme dans l’enseignement supérieur. Environ deux tiers des élèves du secondaire sont scolarisés dans la filière professionnelle, où les cursus sont généralement plus courts, ce qui explique en partie le classement moyen de la Suisse en termes d’années de scolarité (graphique 2.2). Malgré une hausse rapide du nombre moyen d’années de scolarité dans les années 60 et 70 – période à laquelle le système d’EFP, apprentissage compris, a été formalisé – cette hausse s’est interrompue dans les années 2000, bien qu’elle s’est poursuivie dans de nombreux autres pays de l’OCDE.

Graphique 2.2. Durée moyenne attendue de scolarisation de la population adulte1
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1. Cet indicateur correspond à la durée moyenne de scolarisation qu’un enfant de 5 ans peut espérer atteindre au cours de sa vie, jusqu’à l’âge de 39 ans. Il est calculé sur la base des conditions d’inscription actuelles, en additionnant les taux d’inscription nets pour chaque année de vie à partir de l’âge de cinq ans.

Source : OCDE (2016), Regards sur l’éducation 2016.

 https://doi.org/10.1787/888933623039

La forte stratification et la complexité relative du système d’enseignement suisse reflètent la forte décentralisation de l’organisation du pays, fondée sur les principes de subsidiarité et de démocratie directe. Le financement est lui aussi fortement décentralisé, 96 % des financements publics provenant des administrations infranationales, même avant transferts (OCDE, 2017a). L’enseignement préscolaire, primaire et le premier cycle de l’enseignement secondaire relèvent principalement de la responsabilité des cantons. Ce n’est qu’en 2006 que la constitution a été modifiée pour donner aux autorités fédérales le droit d’édicter des dispositions sur la scolarité obligatoire, sous certaines conditions. Après la scolarité obligatoire, les responsabilités varient selon la filière concernée. Le deuxième cycle de l’enseignement secondaire général est principalement géré au niveau cantonal, alors que l’enseignement et la formation professionnels relèvent de la responsabilité du gouvernement fédéral. Dans l’enseignement supérieur, les universités relèvent de la responsabilité des cantons, les hautes écoles spécialisées de celle des régions, et les écoles polytechniques fédérales de celle de l’État fédéral. Toutefois, tous les niveaux sont étroitement coordonnés. La structure segmentée du système d’enseignement signifie que l’ensemble des élèvessont pris en charge, quelles que soient leurs aptitudes et leurs préférences, et restent donc dans le système éducatif à la fin de la scolarité obligatoire, à l’âge de 15 ans généralement. À l’âge de 18 ans, environ 83 % de la population suit toujours une forme quelconque d’enseignement (FSO, 2015). La Suisse fait également partie des pays comptant la plus forte proportion de personnes ayant atteint au moins le deuxième cycle de l’enseignement secondaire (88 % des 25-64 ans ; OCDE, 2013 et 2017a).

Rapportées au PIB, les dépenses publiques de la Suisse au titre des établissements d’enseignement, du primaire au supérieur, sont proches de la moyenne de l’OCDE (graphique 2.3). En 2014, les dépenses au titre des établissements d’enseignement représentaient 14 % des dépenses publiques, soit plus que la moyenne de l’OCDE (11 %). Après ajustement pour tenir compte des PPA, les dépenses par élève sont élevées (17 436 USD) par rapport à celles des autres pays de l’OCDE (où la moyenne des dépenses publiques et privées atteint 10 759 USD). Comme dans d’autres pays de l’OCDE, les dépenses moyennes par élève sont plus élevées dans l’enseignement supérieur que dans les niveaux d’enseignement inférieurs. Il n’y a qu’au Luxembourg et aux États-Unis que les dépenses par étudiant du supérieur sont plus importantes. Toutefois, le niveau de dépenses élevé de la Suisse est lié aux activités de recherche et développement, et il est plus proche de la moyenne lorsque l’on exclut ces activités.

Graphique 2.3. Dépenses publiques au titre des établissements d’enseignement, par niveau d’étude1
En pourcentage du PIB, 2014
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1. Y compris les subventions publiques aux ménages attribuables aux établissements d’enseignement, et les dépenses directes aux établissements d’enseignement de source internationale.

Source : OCDE (2017), Regards sur l’éducation 2017.

 https://doi.org/10.1787/888933623058

En ce qui concerne les résultats scolaires des élèves de 15 ans, la Suisse s’est classée en troisième position de l’étude PISA 2015 en mathématiques, en 12e position en science, et en 22position en compréhension de l’écrit (OCDE, 2016a). En effet, la Suisse s’est démarquée lors du cycle 2015 du fait de la dispersion de son classement dans les différentes matières. L’Allemagne, par exemple, s’est classée respectivement 11e, 10e et 9e, et les Pays-Bas se sont classés 6e, 11e et 12e. Bien que les résultats des élèves soient remarquablement homogènes d’une région linguistique à une autre, le nombre très important d’élèves qui parlent une autre langue que celle utilisée à l’école (au-dessus de la moyenne dans l’OCDE) peut expliquer les scores plus faibles en compréhension de l’écrit (OCDE, 2016b).

La Suisse n’a pas participé au Programme de l’OCDE pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC) en 2016. C’est dommage, car il aurait été instructif d’actualiser les comparaisons des résultats de la Suisse et des autres pays de l’OCDE, notamment du fait des pénuries de main d’œuvre qualifiée et des défis soulevés par la transformation numérique et d’autres autres évolutions majeures (voir plus loin). En outre, l’absence quasi-totale de données longitudinales ou de cohorte au sein du système d’enseignement suisse rend difficile toute analyse approfondie (CSRE, 2014). Cette absence de données complique l’évaluation de l’impact des dispositifs d’enseignement actuels sur l’équité et le devenir professionnel ainsi que d’autres résultats. La création d’un système d’identification des élèves dans les statistiques relatives à l’éducation apportera des améliorations à long terme sur ce plan, et permettra un meilleur suivi individuel.

Dans l’Étude précédente (OCDE, 2015a) étaient formulées plusieurs recommandations quant à la manière dont la Suisse pourrait rendre son système éducatif plus inclusif et prompt à s’adapter aux besoins du marché du travail. L’une des principales recommandations était d’accroître le taux d’inscription dans les structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, afin d’améliorer l’efficacité globale du système, notamment pour les élèves défavorisés, immigrés compris. Cette question sera approfondie dans le présent chapitre, notamment en ce qui concerne l’impact sur l’équité du système éducatif, qui répartit les étudiants entre les filières et classes professionnelles et générales en fonction de leurs capacités.

Demande de compétences et inadéquation

L’un des principaux objectifs d’un système d’enseignement, quel qu’il soit, est de préparer les jeunes à la vie active en les dotant des connaissances et des compétences demandées sur le marché du travail. Lorsque l’investissement dans les compétences est insuffisant, les individus restent en marge de la société, les avancées technologiques ne se traduisent pas en croissance économique et les pays perdent en compétitivité dans une société mondiale de plus en plus fondée sur les connaissances (OCDE, 2016a). En outre, pour que les compétences conservent leur valeur, il convient de les améliorer tout au long de la vie. La mise en concordance des compétences enseignées avec les exigences du marché du travail est un véritable défi auquel les pays sont de plus en plus confrontés à mesure que les progrès technologiques s’accélèrent.

Au cours des quinze dernières années, la Suisse a bénéficié d’une croissance de l’emploi relativement forte, de 1.1 % par an en moyenne. Comme dans la plupart des autres pays européens, cette croissance a principalement bénéficié aux emplois hautement qualifiés (graphique 2.4), alors qu’elle a été plus modérée pour les emplois faiblement qualifiés, et que le nombre d’emplois moyennement qualifiés a diminué. La demande de main-d’œuvre était clairement en faveur des travailleurs hautement qualifiés, au détriment de leurs homologues moyennement qualifiés.

Graphique 2.4. La croissance de l’emploi s’est concentrée sur les professions hautement qualifiées
Contributions à l’évolution de l’emploi entre 2000 et 20161
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1. Les pays sont classés en fonction de l’évolution de l’emploi net sur la période 2000-16. Les emplois très qualifiés désignent les cadres, les professions libérales et les techniciens et professions intermédiaires. Les emplois moyennement qualifiés désignent le personnel administratif, les travailleurs agricoles qualifiés, les artisans et ouvriers des métiers de type artisanal, et les conducteurs d’installations et de machines et ouvriers de l’assemblage. Les emplois peu qualifiés désignent le personnel des services et de la vente, et les professions élémentaires. Les forces armées et les non-réponses ne sont pas montrées.

Source : Eurostat.

Bien que globalement, les taux de chômage et de vacance d’emplois soient admirablement bas, l’évolution des compétences demandées sur le marché du travail suisse se manifeste dans la divergence des taux de vacance d’emplois d’un secteur à l’autre. C’est dans les secteurs hautement spécialisés, comme la finance et les technologies de l’information et de la communication (TIC), ainsi que l’industrie manufacturière, que les taux de vacance sont généralement les plus élevés. De même, les pénuries d’ingénieurs sont toujours d’actualité (Economiesuisse, 2017). En outre, c’est également dans ces secteurs que les taux de vacance ont augmenté le plus rapidement au cours des huit dernières années, plus particulièrement dans le secteur des TIC (graphique 2.5, partie A). Les nouveaux indicateurs des compétences pour l’emploi de l’OCDE mettent également en évidence des pénuries particulièrement marquées de techniciens des technologies de l’information et des communications ainsi que de professionnels de santé et d’auxiliaires de vie. Les pénuries de travailleurs des TIC ne sont pas propres à la Suisse, les vacances d’emploi dans le secteur des TIC augmentant dans la plupart des pays européens (partie B). Outre le fait qu’elles illustrent un déficit croissant à l’échelle nationale, les pénuries qui touchent toute l’Europe font que la Suisse n’est pas enmesure d’attirer en nombre suffisant les travailleurs européens dotés des compétences dont elle a besoin (malgré des salaires plus élevés), comme elle l’a fait dans d’autres secteurs grâce à l’Accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’Union européenne (Confédération suisse, 2017 ; SECO, 2017). C’est dans les sciences naturelles, la médecine et la pharmacie, et l’ingénierie que l’on trouve le plus de travailleurs étrangers (Economiesuisse, 2017).

Graphique 2.5. Taux de vacance d’emplois par secteur en Suisse et dans le secteur des TIC en Europe
En pourcentage
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1. Technologies de l’information et autres services informatiques est un sous-secteur de Technologies de l’information et de la communication.

Source : Office fédéral de la statistique ; Eurostat.

 https://doi.org/10.1787/888933623077

Outre la hausse des vacances d’emplois dans certains secteurs, un nombre croissant de données mettent en évidence une inadéquation accrue de l’offre et la demande sur le marché du travail. D’après le EY Mid-Market Barometer (février 2017), la pénurie de personnel qualifié demeure problématique, 61 % des entreprises interrogées déclarant rencontrer des difficultés pour recruter des employés possédant un profil adapté. Les pénuries touchent particulièrement les secteurs technique, manufacturier et des services, 65 % des entreprises indiquant qu’elles trouvent assez ou très difficile de recruter du personnel suffisamment qualifié. En outre, d’après les données sur la population active, 37 % des travailleurs suisses possédaient des compétences inadaptées à leur emploi en 2015, qu’il s’agisse de sur- ou de sous-qualification, contre 28 % en 2006 (graphique 2.6, partie A ; OCDE, 2016c). En Suisse, l’inadéquation des compétences est principalement due à la sous-qualification, alors que dans l’Autriche voisine, la sur-qualification prédomine. La part des travailleurs à temps partiel dont les compétences sont inadéquates est supérieure de 20 points de pourcentage à celle des travailleurs à temps plein se trouvant dans la même situation (OCDE, 2017b). Le décalage est également plus élevé pourles travailleurs nés à l’étranger. À l’inverse, seuls 13 % des travailleurs étaient employés dans un secteur sans rapport avec leur spécialisation, le taux le plus bas parmi les pays participant à l’étude (partie B).

Graphique 2.6. Types d’inadéquation en Europe
En pourcentage des salariés âgés de 15 à 64 ans, 2015
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1. On parle d’inadéquation des qualifications lorsque le niveau d’études d’un salarié est supérieur ou inférieur à celui requis par son poste. Si son niveau d’instruction est supérieur à celui requis par son poste, mesuré par le niveau modal de qualification, le travailleur est considéré comme surqualifié ; dans la situation inverse, il est considéré comme sous-qualifié.

2. On parle d’inadéquation du domaine d’études lorsque les travailleurs sont employés dans un domaine différent de celui dans lequel ils sont spécialisés.

Source : Base de données de l’OCDE sur les compétences pour l’emploi.

 https://doi.org/10.1787/888933623096

Il est difficile de comprendre précisément les causes de l’inadéquation des compétences en Suisse, la façon dont cette inadéquation contribue à la divergence du taux de vacance d’emplois d’un secteur à l’autre, et le rôle de la formation professionnelle. Il est possible d’élaborer de meilleures mesures de l’inadéquation des compétences à partir du Programme de l’OCDE pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC), mais, comme nous l’avons vu, la Suisse n’y a pas participé. En 2003, elle a en revanche participé à l’Enquête sur la littératie et les compétences des adultes (encadré 2.2), qui a mis en évidence des performances relativement bonnes en calcul et en résolution des problèmes, mais moins bonnes en compréhension de l’écrit.

Encadré 2.2. Enquête de l’OCDE de 2003 sur la littératie et les compétences des adultes

La Suisse a participé à l’Enquête de l’OCDE de 2003 sur la littératie et les compétences des adultes (ALL). Les compétences mesurées par l’enquête ALL sont la compréhension de textes suivis et de textes schématiques, les capacités en calcul et l’aptitude à résoudre des problèmes, et l’enquête couvre une population âgée de 16 à 65 ans. D’autres compétences font l’objet d’une évaluation indirecte, comme la connaissance des technologies de l’information et de la communication et leur utilisation. Bien que l’éventail de pays étudiés soit très restreint (Bermudes, Canada, Italie, Norvège, États-Unis et Suisse), la Suisse n’en a pas moins obtenu des résultats relativement bons, notamment en calcul et en résolution de problèmes (graphique 2.7). De même, elle a obtenu des résultats relativement cohérents dans tous les domaines. Néanmoins, le gradient de compétences d’un groupe d’âge à l’autre était aussi élevé que dans les autres pays étudiés. Bien qu’en règle générale les femmes obtiennent de moins bons résultats que les hommes dans les différentes matières, l’écart entre femmes et hommes est moins important en Suisse que dans d’autres pays.

L’enquête a montré que les écarts individuels de formation (situation par rapport au deuxième cycle du secondaire) étaient étroitement liés aux différences observées en termes de compétences. En effet, par rapport aux autres pays, la Norvège et la Suisse affichent, en moyenne, les meilleures compétences associées à chaque année de scolarité supplémentaire au-delà du deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Cela dit, bien que la participation à la formation des adultes ait considérablement augmenté dans les années 90, les individus peu qualifiés et dotés d’un faible niveau d’instruction sont restés à la traîne.

Les modalités de récompense des compétences varient considérablement, même au sein de ce petit échantillon de pays. L’enquête ALL montre qu’en Suisse, les compétences supplémentaires sont récompensées uniquement si le niveau d’instruction est proportionnellement supérieur – en d’autres termes, chez les adultes, des compétences plus élevées ne sont récompensées qu’à la condition qu’elles s’accompagnent d’un cursus scolaire ou universitaire plus long. Cela souligne l’importance des qualifications formelles pour l’emploi en Suisse.

Globalement, les résultats de la Suisse sont assez idiosyncratiques, ce qui est probablement dû à son système d’enseignement et sa structure industrielle uniques. Il est donc difficile de tirer des enseignements spécifiques pour la Suisse à partir de la dernière enquête PIAAC en la comparant à des pays en apparence similaires.

Graphique 2.7. Enquête de 2003 sur la littératie et les compétences des adultes (ALL), scores
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1. Les États-Unis n’ont pas été interrogés sur la résolution de problèmes.

Source : OCDE (2005), Apprentissage et réussite : Premiers résultats de l’Enquête sur la littératie et les compétences des adultes, Éditions OCDE, Paris.

 https://doi.org/10.1787/888933623115

Des données plus fournies relatives à la répartition des compétences des travailleurs suisses permettraient aux responsables politiques de perfectionner le système. Une première étape consisterait à participer au prochain cycle du PIAAC. Les résultats du PIAAC se sont avérés instructifs lors de la formulation des politiques en matière de compétences dans d’autres pays de l’OCDE. Par exemple, ils ont été utilisés pour répondre à certaines questions, à savoir comment déterminer la variété et le contenu des programmes de formation professionnelle en fonction des besoins du marché du travail ; et comment intégrer les compétences générales de base (particulièrement en lecture, en écriture et en calcul) aux programmes d’enseignement professionnel. Les résultats ont permis de répondre à des questions relatives aux modalités d’établissement de passerelles efficaces entre la formation professionnelle initiale et l’enseignement supérieur professionnel et général, et au rôle de la formation en entreprise. Le PIAAC donne également des indications sur les modalités d’évaluation, de certification et d’utilisation des compétences – notamment des compétences numériques, et sur la manière dont les diplômes peuvent être en phase avec les besoins du marché du travail, cohérents au plan national mais suffisamment flexibles pour permettre des ajustements négociés à l’échelle locale.

La véritable portée des divergences sectorielles en termes de taux de vacance d’emploi, de pénuries ou d’inadéquation des compétences est difficile à évaluer du fait de l’ouverture du marché du travail suisse aux travailleurs étrangers depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de libre circulation avec l’Union européenne en 2002. À cela s’ajoutent des problèmes méthodologiques et de données qui rendent les pénuries et l’inadéquation difficiles à mesurer. Par exemple, un faible taux de vacance d’emplois dans un secteur donné, qu’il s’agisse d’emplois très ou peu qualifiés, peut dissimuler une inadéquation entre la demande de compétences et l’offre nationale correspondante : cela peut simplement vouloir dire que dans ce secteur, la Suisse réussit plutôt à attirer des travailleurs étrangers. En effet, la Suisse a toujours attiré des flux importants de travailleurs très qualifiés (tableau 2.1 ; OCDE, 2013 et 2015a). Alors que l’immigration peu qualifiée était importante avant la crise, les travailleurs titulaires d’un diplôme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou non tertiaire contribuent désormais davantage à la croissance démographique (tableau 2.1). Des études empiriques ont mis en évidence des effets non significatifs ou faibles de l’accord avecl’UE sur les résultats généraux des autochtones sur le plan professionnel (Basten et Siegenthaler, 2013 ; Gerfin et Kaiser, 2010 ; Beerli et Peri, 2015). Certaines données indiquent que la croissance des salaires des travailleurs hautement qualifiés pourrait avoir été affectée. Globalement, le fait que le taux d’activité des autochtones ait augmenté, à l’instar des salaires réels, montre que les immigrés ont probablement contribué à satisfaire les besoins du marché du travail et ont facilité la croissance économique (Confédération suisse, 2017).

Tableau 2.1. Sources de la croissance de la population d’âge d’actif
Par niveau d’instruction et nationalité, en juin

Part de la population d’âge actif (%)

Contribution à la croissance de la population d’âge actif pendant la période indiquée (%)

1997

2017

1997-2017

1997-2007

2007-17

Suisses

81.3

76.0

11.3

5.2

5.7

Premier cycle de l’enseignement secondaire

19.1

12.2

-4.2

-1.5

-2.5

Deuxième cycle de l’enseignement secondaire

48.6

38.1

-2.2

-0.3

-1.7

Enseignement supérieur

13.7

25.7

17.7

7.0

9.8

Autres nationalités

18.7

24.0

10.6

3.3

6.7

Premier cycle de l’enseignement secondaire

 7.0

 7.5

2.1

1.0

1.0

Deuxième cycle de l’enseignement secondaire

 8.0

 8.3

2.1

0.4

1.6

Enseignement supérieur

 3.6

 8.2

6.4

1.9

4.1

Croissance cumulée de la population d’âge actif

21.9

8.5

12.4

Source : Office fédéral de la statistique.

Impact de la transformation numérique sur le travail

La transformation numérique, l’informatisation et l’automatisation vont vraisemblablement continuer à influencer considérablement la structure des économies et des marchés du travail des pays de l’OCDE dans les décennies à venir, et notamment l’emploi dans la production, les transports et la logistique, les services et la vente, ainsi qu’un grand large éventail d’emplois de soutien administratif et de bureau. Depuis la première révolution industrielle, vers 1750, les technologies innovantes ont entraîné la disparition de nombreux emplois. Aujourd’hui comme à l’époque, les nouvelles technologies créent de nouveaux métiers, tâches, et secteurs, et nécessitent de nouvelles compétences à un rythme plus soutenu que jamais. Il est indispensable de réduire le déficit de compétences numériques au sein de la population active afin que certains groupes, comme les travailleurs âgés, ne se trouvent pas dépassés (OCDE, 2017c). L’impact général sur l’emploi est donc ambigu. En effet, comme le montre la baisse tendancielle de la part du travail dans les revenus observée au cours des dernières décennies dans la plupart des pays de l’OCDE, tout porte à croire que le progrès technologique est étroitement lié à l’utilisation du capital (Berger et Frey, 2016). Cela signifie que chaque travailleur utilise une plus grande quantité de capital de meilleure qualité, et que de nouvelles compétences sont nécessaires pour travailler avec les nouvelles technologies qui ontpris corps grâce à ce capital. Toutefois, une énigme demeure dans le cas de la Suisse : l’accroissement de l’intensité capitalistique n’a pas eu lieu, du moins pas selon les données agrégées (chapitre 1).

Parmi les pays de l’OCDE, la Suisse est déjà celui qui possède l’une des parts les plus élevées d’emplois directement impliqués dans le secteur des TIC. Ces emplois représentent environ 3.8 % de l’emploi total, soit plus qu’aux États-Unis (3.1 %) et en Allemagne (2.9 %) (graphique 2.8). De même, les spécialistes des technologies de l’information représentaient 5.0 % de l’emploi total en 2016, ce qui place la Suisse au quatrième rang parmi les pays de l’OCDE. Au cours des dernières années, le secteur des TIC a joué un rôle considérable dans l’évolution de la croissance de la productivité du travail, tant du fait de la croissance du secteur dans son ensemble que du redéploiement des travailleurs en direction de ce secteur à forte productivité. En effet, c’est l’un des secteurs les plus productifs de l’OCDE (graphique 2.9). Toutefois, la baisse de la productivité du travail dans le secteur des services des technologies de l’information a contribué à freiner la croissance de la productivité du travail dans l’ensemble du secteur des TIC (chapitre 1). En outre, au cours des quinze dernières années, la croissance de la productivité du travail dans le secteur suisse des TIC n’a pas été aussi forte que dans la plupart des autres pays européens.

Graphique 2.8. Emploi dans le secteur des TIC et ses sous-secteurs1
Pourcentage de l’emploi total, 2015
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1. Le secteur des TIC est défini comme la somme des secteurs de la CITI rév. 4 26, 582, 61 et 62-63. Pour l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Lettonie, la Suède et la Suisse, les données se rapportent à 2014.

2. La décomposition des services TIC n’est pas disponible pour le Japon.

Source : OCDE (2017), Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE 2017.

 https://doi.org/10.1787/888933623134

Graphique 2.9. La productivité du travail dans le secteur des TIC est élevée
Valeur ajoutée par travailleur dans la production manufacturière et les services de TIC, 2014, en équivalents USD convertis sur la base des PPA1
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1. Les données actualisées de la Suisse pour tenir compte des révisions à la hausse de la valeur ajoutée et de l’emploi ne sont pas encore disponibles.

Source : OCDE, base de données STAN Industrie.

 https://doi.org/10.1787/888933623153

Il ne s’agit pas de nier que la transformation numérique et l’automatisation qui y est associée peuvent remplacer tout ou partie des postes, et conduire ainsi à des pertes d’emploi. De fait, d’après certaines études, 35 à 60 % des emplois de l’UE sont menacés par l’automatisation induite par la transformation numérique, les emplois moyennement qualifiés, comme les emplois de soutien administratif et de bureau, l’industrie manufacturière et les transports étant considérés comme les plus à risque (Frey et Osborne, 2013). Du fait de la structure de sa main-d’œuvre par profession, la Suisse semble particulièrement exposée à l’impact de la transformation numérique sur l’emploi au cours des décennies à venir. Selon certaines études, environ la moitié de l’ensemble des emplois suisses seraient fortement susceptibles d’être automatisés, à égalité avec les États-Unis, alors que ce taux atteint 42 % en Allemagne et 35 % au Royaume-Uni, au Danemark et en Finlande (Berger et Frey, 2016 ; Deloitte, 2015 ; ETLA, 2014 ; Frey et Osborne, 2013 et 2014).

Arntz et al. (2016), toutefois, invitent à la prudence : les études susmentionnées supposent l’automatisation de métiers entiers plutôt que de tâches isolées, une hypothèse susceptible de surestimer la possibilité d’automatisation des emplois, les professions considérées à haut risque contenant encore souvent une part considérable de tâches difficilement automatisables. En utilisant une approche fondée sur les tâches plutôt qu’une approche plus générale fondée sur les emplois, ils constatent qu’en moyenne, seuls 9 % des emplois sont automatisables dans 21 pays de l’OCDE. Malheureusement, comme la Suisse n’a pas participé au PIAAC, elle ne peut faire l’objet d’aucune évaluation de cette sorte. Néanmoins, les conclusions du PIAAC peuvent être généralisées à n’importe quel pays : les travailleurs moins qualifiés sont susceptibles de supporter la plus grosse part des coûts d’ajustement puisque leurs emplois sont davantage automatisables que ceux des travailleurs très qualifiés. En Autriche et en Allemagne, 30 % des emplois risquent de connaître une transformation majeure (outre ceux qui risquent de disparaître), contre 25 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (Arntz et al., 2016). La difficulté consiste donc à faire face aux inégalités croissantes de revenu et à garantir une formation et un reclassement suffisants, notamment pour les travailleurs moins qualifiés.

Bien que l’automatisation profite généralement aux travailleurs plus qualifiés, il apparaît qu’elle est très liée aux tâches routinières, si bien que la technologie semble plus à même de remplacer les emplois administratifs et industriels à rémunération moyenne que les emplois de services aux particuliers aux deux extrémités de l’échelle des compétences. À partir d’une analyse de l’évolution de la structure des professions au cours des deux dernières décennies en Allemagne, en Espagne, en Grande-Bretagne et en Suisse, Oesch et Menés (2010) ont constaté que la revalorisation professionnelle massive des emplois au sommet de l’échelle correspondait au développement de l’éducation. Cela signifie que l’emploi s’est surtout développé au sommet de la hiérarchie professionnelle, chez les cadres et les professionnels des services aux entreprises et des services sociaux. Toutefois, parallèlement, les professions intermédiaires (comme les employés de bureau et les travailleurs de l’industrie manufacturière) ont perdu du terrain par rapport aux professions situées au bas de l’échelle (services aux particuliers). Alors que l’essor des emplois très qualifiés correspond à l’évolution des compétences du côté de l’offre et à une version du progrès technologique valorisant les compétences du côté de la demande, les auteurs affirment que cette polarisation du marché du travail avec une évolution en Ude la revalorisation associée à un évidement de la catégorie intermédiaire est compatible avec l’hypothèse de la « routinisation ».

Il importe de ne pas perdre de vue qu’il est fort probable que le progrès technologique engendrera également de nouveaux emplois, du fait de la demande de technologies nouvelles et sous l’effet d’éventuels gains de compétitivité (sans parler des effets indirects de la hausse de la productivité et des salaires). Il y a donc un double défi à relever face à la transformation numérique et à l’automatisation. Le premier consiste à atténuer l’impact de l’évolution structurelle rapide sur la vie des individus. Le second consiste à s’assurer que ceux qui perdent de « vieux » emplois disposent des compétences nécessaires et ont la possibilité d’occuper les « nouveaux » emplois, et que ceux qui viennent d’entrer dans la population active sont correctement préparés. Cela signifie donc qu’il faut les doter d’une instruction et de compétences adéquates. Par exemple, dans un futur proche, les nouveaux emplois auront de plus en plus une composante technologique. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il faut mettre l’accent uniquement sur les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STIM) ou la programmation informatique. Ce qu’il faudra de plus en plus, c’est une bonne formation pour acquérir les compétences technologiques de base doublée de la capacité à mener une réflexion critique et analytique ainsi qu’à faire preuve d’esprit de collaboration et de souplesse dans le travail (OCDE, 2016d et 2017c). Afin d’augmenter lafréquentation des filières STIM, certains pays de l’OCDE ont modifié les programmes scolaires pour mieux préparer les élèves à de futures études en sciences et en mathématiques.

L’économie suisse est également très exposée à la demande étrangère, dont dépendent 36 % des emplois, contre 29 % dans un pays moyen de l’OCDE. Dans l’industrie manufacturière et l’intermédiation financière, cette part est légèrement supérieure à 60 %. Des compétences similaires à celles requises pour faire face à la transformation numérique seront nécessaires pour s’adapter aux changements engendrés par la mondialisation, à savoir des compétences de bases comme la lecture, l’écriture, le calcul et la résolution de problèmes, ainsi que des compétences de gestion et de communication et une volonté de formation continue (OCDE, 2017d). En continuant à investir dans le développement des compétences, les pays pourront également tirer davantage profit d’une participation accrue aux chaînes de valeur mondiales.

Aperçu du système éducatif suisse

Il est intéressant d’examiner si le système d’enseignement suisse est bien conçu pour faire face au processus de changement structurel induit par la transformation numérique et l’automatisation. Dans la présente section, on donnera d’abord un aperçu du système d’enseignement dans son ensemble, avant de mettre plus particulièrement l’accent sur l’éventail de compétences qu’il permet d’acquérir, et de déterminer s’il est adapté et suffisamment souple pour faire face à des changements rapides.

L’un des traits caractéristiques du système éducatif suisse, qui témoigne de la nature décentralisée du système politique, est l’absence d’un seul et unique ministère fédéral de l’Éducation. Cependant, au niveau fédéral, les responsabilités principales relèvent du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche. Les cantons sont pour leur part responsables de l’enseignement obligatoire, ce qui engendre des différences entre les cantons et rend la coordination plus difficile. De la même façon, le partage des responsabilités de l’éducation non obligatoire entre les niveaux fédéral et cantonal pose des problèmes de coordination (tableau 2.2). Pour faire face à ces difficultés, il existe plusieurs organismes de coordination, comme la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (entre les cantons), la Conférence suisse des hautes écoles (entre la confédération et les cantons), la Conférence des recteurs des hautes écoles suisses et le Conseil suisse d’accréditation. La loi sur la formation continue entrée en vigueur en 2017 vise à améliorer la coordination dans ce domaine.

Tableau 2.2. Responsabilités en matière d’enseignement non obligatoire

Confédération1

Cantons

Deuxième cycle de l’enseignement secondaire

Réglementation et cofinancement (SEFRI) de l’enseignement et de la formation professionnels (financement principalement d’origine privée)

Formation initiale et continue des enseignants, formateurs, instructeurs et examinateurs (IFFP)

Responsable avec les cantons de la reconnaissance de la maturité gymnasiale à l’échelle nationale

Offre, supervision et financement

Les réglementations intercantonales s’appliquent à la reconnaissance des écoles spécialisées de deuxième cycle de l’enseignement supérieur et de leurs diplômes

Enseignement supérieur professionnel

  • Examens fédéraux

  • Écoles supérieures

Planification stratégique, réglementation (SEFRI)

Formation initiale et continue des enseignants, formateurs, instructeurs et examinateurs (IFFP)

Cofinancement

Majeure partie du financement

Offre éducative par le biais des écoles supérieures

Enseignement supérieur

  • Hautes écoles spécialisées

  • Hautes écoles pédagogiques

  • Universités

  • Écoles polytechniques fédérales

Cofinancement de projets

Réglementation et cofinancement

Co-financement partiel

Réglementation, financement et gestion

Réglementation et majeure partie du financement

Majeure partie du financement

Réglementation, financement et gestion

Formation continue

Réglementation et promotion (mais financement majoritairement privé)

Quelques programmes de formation

1. SEFRI : Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation ; IFFP : Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle.

Source : Différents sites Internet, dont ceux du SEFRI et de educa.ch.

Étant donné que les cantons sont responsables de l’enseignement obligatoire, le système varie quelque peu à travers le pays. En général, les enfants suivent deux années d’école maternelle à partir de l’âge de quatre ans, et dans la plupart des cantons, ces deux années d’école maternelle sont désormais obligatoires. L’école primaire débute à l’âge de six ans. Au total, les deux cycles de scolarité obligatoire (enseignement primaire et premier cycle de l’enseignement secondaire) durent neuf ans dans la plupart des cantons. Une initiative de 2009, le programme HarmoS, a été élaborée pour harmoniser l’enseignement cantonal à travers le pays. Toutefois, il existe encore des divergences entre les cantons, et certaines régions ont voté contre l’application de ces réglementations.

L’enseignement public obligatoire est gratuit pour tous les enfants, et 95 % des enfants fréquentent les établissements publics, une petite minorité seulement (en hausse toutefois) fréquentant les écoles privées. Les élèves suivent tous le même enseignement, malgré des différences en termes de stade de développement, de capacités, de caractéristiques sociales, de bagage linguistique et de caractéristiques comportementales. Cette hétérogénéité au regard des capacités et des talents, ainsi que l’hétérogénéité culturelle dans les classes, représentent un défi pour les écoles. Bien que des difficultés similaires existent dans tous les pays de l’OCDE, elles sont particulièrement marquées en Suisse, où les enfants d’origine non suisse représentent environ un quart des élèves dans le système obligatoire.

Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, vers l’âge de 12 ans, les classes sont généralement constituées en fonction des capacités des élèves. Cette décision repose largement sur les compétences scolaires des élèves, évaluées par le biais des résultats scolaires, auxquels s’ajoutent l’évaluation subjective des enseignants et parfois la contribution des parents. Un examen peut également être organisé. Ensuite, dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, vers l’âge de 15 ans, le système d’enseignement est divisé en deux filières, l’une générale et l’autre professionnelle, comme en Allemagne et en Autriche.

À l’âge de 15 ans, les élèves suisses obtiennent de bons résultats dans les comparaisons internationales, bien que comme au Luxembourg, le coût par point soit plus élevé que dans la plupart des autres pays de l’OCDE, ce qui indique que les retombées diminuent fortement passé un certain niveau de dépenses par élève (graphique 2.10). Les étudiants suisses obtiennent de bons résultats en mathématiques et en science, mais pas en lecture. Et comme dans beaucoup d’autres pays, les garçons obtiennent de meilleurs résultats que les filles en mathématiques et en science, alors que ces dernières obtiennent de meilleurs résultats en lecture (tableau 2.3).

Graphique 2.10. Résultats de l’enquête PISA rapportés aux dépenses par élèves
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1. Moyenne des scores en lecture, science et mathématiques.

2. Dépenses cumulées par élèves des établissements d’enseignement au cours de la scolarité primaire et du premier cycle du secondaire. En équivalents USD convertis sur la base des PPA.

Source : OCDE (2016), Regards sur l’éducation 2016.

 https://doi.org/10.1787/888933623172

Tableau 2.3. Scores PISA et écart entre filles et garçons dans certains pays

Mathématiques

Lecture

Science

Niveau

Écart entre les filles et les garçons

Niveau

Écart entre les filles et les garçons

Niveau

Écart entre les filles et les garçons

Suisse

521

12.0

492

-25.3

506

 6.1

Danemark

511

 9.4

500

-22.2

502

 6.0

Allemagne

506

16.6

509

-20.8

509

10.5

Autriche

497

27.0

485

-20.2

495

18.8

France

493

 6.0

499

-29.1

495

 1.9

Moyenne de l’OCDE

490

 7.9

493

-26.9

493

 3.5

Italie

490

19.9

485

-16.0

481

17.0

Luxembourg

486

11.3

481

-21.3

483

 7.6

Note : La différence entre les filles et les garçons correspond au score moyen des garçons auquel est soustrait celui des filles.

Source : OCDE (2016), Regards sur l’éducation 2016.

Enseignement secondaire du second cycle et enseignement supérieur

À l’issue des neuf années de scolarité obligatoire, la grande majorité des jeunes Suisses entrent dans le second cycle de l’enseignement secondaire, que ce soit en apprentissage et dans des écoles professionnelles pour la filière professionnelle, ou dans des écoles de maturité gymnasiale préparant principalement à l’entrée à l’université pour la filière générale. Selon plusieurs études empiriques, une fois le niveau général de compétences cognitives pris en compte, les années d’enseignement pré-supérieur et supérieur semblent avoir peu ou pas d’effet empirique indépendant sur la croissance (Hanushek et Wößmann, 2008). À l’inverse, différents modèles, comme ceux de Vandenbussche et al. (2006) et Aghion et Howitt (2009) montrent que l’enseignement supérieur est particulièrement important pour les pays proches de la frontière technologique, où la croissance nécessite de nouvelles inventions et innovations. Toutefois, ces études ne font pas la distinction entre les types d’enseignement supérieur : général ou professionnel, ou un mélange des deux.

En Suisse, l’orientation suivie par les élèves pendant leurs études secondaires du second cycle est déterminée par le groupe d’aptitudes scolaires qu’ils ont fréquenté dans le premier cycle de l’enseignement secondaire. Comme c’est le cas dans de nombreux pays d’Europe du Nord et de l’Est, l’enseignement et la formation professionnels jouent un rôle important dans l’enseignement secondaire du second cycle, plus de deux tiers des élèves optant pour cette filière. Environ 12 % optent pour un dispositif de transition, qui retarde l’entrée dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Seuls 41 % des jeunes Suisses obtiennent un diplôme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire général, contre 52 % en moyenne dans l’OCDE (OCDE, 2017a). En effet, en 2016, 46 % des Suisses âgés de 25 à 64 ans ont quitté l’école avec seulement un diplôme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou un diplôme post-secondaire non tertiaire, la grande majorité d’entre eux étant titulaires d’un diplôme professionnel plutôt que général (graphique 2.11). Toutefois, la part des 25-34 ans diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire est passée à 45 %, contre 64 % en 2000, ce qui montre qu’un nombre croissant d’étudiants suisseschoisissent d’investir dans l’enseignement supérieur, une tendance également visible en Allemagne et en Autriche, bien qu’à un degré bien moindre (OCDE, 2015b).

Graphique 2.11. Pourcentage d’individus âgés de 25 à 64 ans avec au plus un diplôme du secondaire, selon la filière, en 20161
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1. Diplôme du deuxième cycle du secondaire ou du post-secondaire non tertiaire. Danemark, Finlande, Irlande, Lettonie, Luxembourg et Slovénie : les données ventilées en fonction de l’orientation des programmes couvrent uniquement les 15-34 ans. L’année de référence est 2015 pour le Chili et l’Irlande.

2. Royaume-Uni : les données concernant les diplômés du deuxième cycle du secondaire incluent la réussite d’un volume et d’un niveau suffisant de programmes qui seraient classés individuellement dans la catégorie réussite d’une formation intermédiaire du deuxième cycle du secondaire (18 % des adultes se classent dans cette catégorie).

Source : OCDE, Base de données Regards sur l’éducation.

 https://doi.org/10.1787/888933623191

En 1997, la Confédération suisse a commencé à adopter des lois relatives à la formation des adultes, et notamment à la formation et à l’enseignement professionnels. Depuis la mise en œuvre en 2004 de la Loi fédérale et de l’Ordonnance sur la formation professionnelle, tous les secteurs de la formation et de l’enseignement professionnels s’inscrivent dans un cadre légal uniforme. Cette loi tient compte du nombre croissant de parcours professionnels et met en place de nouvelles procédures de certification. En outre, de nombreux travaux ont été menés au cours des dernières décennies pour donner la possibilité aux personnes inscrites dans la filière professionnelle de poursuivre dans l’enseignement supérieur.

Jusqu’au milieu des années 1990, la transition entre les programmes d’enseignement et de formation professionnels (EFP) et les programmes de l’enseignement supérieur général était quasiment impossible en Suisse. Des réformes menées dans les années 90 ont eu pour effet de transformer certains établissements et programmes d’EFP au niveau de l’enseignement supérieur en hautes écoles spécialisées, ouvertes aux titulaires de la maturité professionnelle mise en place récemment. La maturité professionnelle, qui complète le certificat fédéral de capacité, prolonge généralement d’un an la durée de l’EFP (graphique 2.12). De même, au cours des dernières années, on a tenté de remédier au manque perçu de perméabilité entre les filières professionnelle et générale avec la mise en place de passerelles entre les deux systèmes parallèles, pour permettre aux étudiants de passer de l’un à l’autre à mi-parcours. Toutefois, ces passerelles restent rarement utilisées, car elles coûtent cher en termes de temps perdu et de coût d’opportunité. Aujourd’hui, environ un huitième de chaque cohorte obtient une maturité professionnelle, et la fréquentation des hautes écoles spécialisées a largement contribué au relèvement du nombre des inscriptions dans l’enseignement supérieur, qui avait commencé à prendre du retard par rapport aux niveaux observés dans d’autres pays. Depuis la mise en place de ces réformes, la Suisse a pris de l’avance sur ses homologues en termes de durée moyenne des études supérieures (graphique 2.13).

Graphique 2.12. Le système d’enseignement post-obligatoire
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Source : SEFRI (2016), La formation professionnelle en Suisse: Faits et chiffres 2016.

 https://doi.org/10.1787/888933623210

Graphique 2.13. Durée moyenne des études supérieures dans la population totale, 1950-2010
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Source : Barro et Lee, Educational Attainment Dataset (2016).

 https://doi.org/10.1787/888933623229

La filière professionnelle

Le système suisse d’enseignement et de formation professionnels est complexe, et l’est d’autant plus avec la prolifération des passerelles et des extensions qui multiplient les possibilités d’obtenir de meilleures qualifications pour les étudiants de cette filière (Meyer, 2009). En outre, des programmes certifiés d’EFP existent dans le second cycle du secondaire pour quelque 230 professions différentes. Cela dit, le système suisse offre un réel avantage : la filière professionnelle est très prompte à s’adapter aux exigences du marché du travail, ce qui contribue grandement à faciliter l’entrée des jeunes dans la vie active (Geel et Backes-Gellner, 2011). Alors que selon les estimations, 59 % des Britanniques diplômés de l’enseignement supérieur finissent par occuper un emploi non qualifié (un taux d’inadéquation parmi les plus élevés d’Europe), moins d’un dixième des diplômés suisses occupent un tel emploi – les meilleures performances européennes à cet égard, avant l’Allemagne, les Pays-Bas et la Slovénie (CIPD, 2015). Ce n’est peut-être pas une coïncidence si tous ces pays ont mis en place de longue date un EFP de qualité.

À l’issue des trois années du premier cycle de l’enseignement secondaire, les élèves de la filière professionnelle peuvent commencer un apprentissage d’une durée de deux à quatre ans. Les candidats doivent suivre une procédure de recrutement, et conclure un contrat de formation avec l’entreprise proposant l’apprentissage. Ce contrat est contrôlé par les autorités cantonales, et l’apprenti touche un salaire mensuel modeste, inférieur au salaire d’un employé qualifié mais qui augmente d’année en année. Le programme prévoit généralement une formation théorique et pratique. La formation théorique se déroule dans les écoles professionnelles et prend généralement une à deux journées par semaine.

Pour terminer l’apprentissage, les apprentis doivent passer un examen final. La formation initiale professionnelle de trois ou quatre ans est sanctionnée par un certificat fédéral de capacité, et la formation professionnelle initiale de deux ans par une attestation fédérale de formation professionnelle (graphique 2.12). En complétant le certificat fédéral de capacité par une maturité professionnelle, les étudiants peuvent obtenir un certificat fédéral de maturité professionnelle qui leur permet de s’inscrire dans une haute école spécialisée ou de préparer l’examen complémentaire, qui leur donne accès à une université cantonale ou à une école polytechnique fédérale.

À l’issue de leur apprentissage, les étudiants peuvent également choisir de poursuivre leurs études dans une école professionnelle supérieure. Ces écoles offre un large éventail de cours techniques, qui permettent aux étudiants d’acquérir les compétences nécessaires pour assurer des responsabilités professionnelles et de gestion dans leur domaine. L’organisation professionnelle du secteur concerné est chargée d’organiser les examens en fin de cursus.

L’offre d’EFP

En Suisse, les bons résultats de l’enseignement et de la formation professionnels en termes d’adéquation au marché du travail sont largement imputables au rôle central joué par les entreprises dans la gestion du système. Tout d’abord, l’offre de contrats d’apprentissage est par définition déterminée par les besoins des employeurs. Ensuite, les programmes pédagogiques d’EFP sont réglementés par une commission composée de représentants de la profession. Chaque année, cette commission certifie des programmes d’EFP supplémentaires, y compris leur programme d’enseignement et les qualifications nécessaires. Ces programmes pédagogiques doivent être révisés tous les cinq ans et actualisés au moins tous les dix ans. Une commission professionnelle peut créer de nouveaux programmes en consultation avec le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation. Si nécessaire, elle ajuste le contenu du programme avant et après les consultations avec les parties prenantes. L’approbation finale revient au Secrétariat d’État.

La collaboration avec les employeurs garantit une bonne adéquation entre la demande du secteur et l’offre de travailleurs qualifiés, mais on ne sait pas si ce système est suffisamment prompt à s’adapter aux changements rapides que la transformation numérique devrait engendrer (SEFRI, 2017 ; Ecoplan, 2017). La création ou la modification des programmes peuvent prendre du temps et pourraient être accélérées par la fixation d’échéances ou une rationalisation des processus. Dans le système d’EFP en milieu scolaire où la transition de l’école au marché du travail est plus rude en raison de liens plus distendus avec les entreprises, il convient de renforcer les liens avec les organisations patronales afin de s’assurer que la formation répond aux besoins actuels et futurs du marché du travail. Plus généralement, les représentants des employeurs qui siègent dans les commissions professionnelles sont habituellement issus d’entreprises ayant pignon sur rue, et risquent de se concentrer sur les besoins immédiats plutôt que d’anticiper suffisamment les évolutions à venir. À cet égard, il pourrait être utile de compléter le cadre existant avec un mécanisme pour aider les acteurs de l’éducation et de la formation, notamment ces commissions d’EFP, à mieux prédire et anticiper les variations de la demande de compétences. Plus généralement, cela permettrait également d’éclairer les politiques de l’éducation et du marché du travail, et de compléter les évaluationsexistantes des compétences qui mettent l’accent sur les besoins actuels. L’encadré 2.3 présente les pratiques en vigueur dans d’autres pays de l’OCDE en ce qui concerne la prévision des besoins en compétences.

Encadré 2.3. Prévoir les besoins en compétences

Les prévisions relatives à l’emploi et à l’éducation sont utilisées depuis longtemps dans de nombreux pays de l’OCDE, notamment en Allemagne, en Australie, au Canada, aux États-Unis, en France, en Italie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, et, plus récemment, en Finlande, en Israël et en Nouvelle-Zélande. Elles sont réalisées par des organismes universitaires ou publics, par le secteur privé et, de plus en plus, à l’échelle multinationale (par exemple, au niveau européen). La plupart des prévisions reposent sur des modèles macroéconomiques dynamiques et adoptent une démarche descendante pour prévoir la demande de main-d’œuvre. Les modèles macroéconomiques dynamiques sont considérés comme les plus fiables pour les prévisions internationales en matière de compétences, mais leur efficacité a ses limites. Pour que ces modèles fonctionnent, il faut spécifier un grand ensemble de paramètres extérieurs liés au développement économique mondial, tels que les prix du pétrole et les taux de change. Un problème commun à bon nombre des prévisions étudiées réside dans la difficulté qu’il y a à prévoir les migrations futures et les compétences qu’elles apporteront.

En Angleterre, la Commission for Employment and Skills a mené en 2010 un audit national stratégique des compétences (National Strategic Skills Audit), en associant des méthodes quantitatives et qualitatives, de manière à intégrer une approche plus vaste fondée sur des scénarios à l’évaluation des futurs besoins en compétences. L’objectif global du projet est de fournir à l’administration, aux employeurs, aux individus et aux prestataires des informations sur les besoins nationaux en compétences stratégiques, de faire le point sur des enjeux clés et d’actualiser régulièrement les résultats. Le projet comporte trois volets :

  • Activités prospectives : consiste en des prévisions quantitatives des perspectives de l’emploi par secteur et activité, niveau de qualification, sexe et statut au regard de l’emploi à l’échelle du Royaume-Uni, de chaque province et des régions anglaises. Il vise à dresser un tableau global du marché du travail à l’horizon 2020.

  • Élaboration de scénarios à l’horizon 2020 : a pour objectif de mettre au jour les principaux enjeux et changements qui interviennent au Royaume-Uni et à l’échelle mondiale, susceptibles d’influer sur l’emploi et les compétences à long terme. Ce volet a recours à diverses techniques de prospective, dont le développement de scénarios, et à des entretiens avec des experts de renom afin d’examiner les différents scénarios envisageables à l’horizon 2020.

  • Rapports ciblés sur l’évaluation des compétences : évaluations approfondies des compétences dans les principaux secteurs émergents, destinés à améliorer la compréhension de pans importants de l’économie en plein essor, tels que les activités à faible intensité de carbone, les économies numériques et le secteur manufacturier de pointe.

Malgré les différentes méthodes de prévision utilisées, les résultats sont souvent proches. En règle générale, l’emploi des travailleurs peu qualifiés décline, tandis que celui des actifs hautement qualifiés augmente, bien que certaines prévisions signalent un excès de l’offre future de travailleurs hautement qualifiés dans certains secteurs. Il est prévu que l’emploi continue de diminuer dans les secteurs primaire et secondaire et de progresser dans le secteur tertiaire.

Les entreprises peuvent également être sollicitées pour prévoir les besoins en matière de compétences. Par exemple, en Finlande, le projet Oivallus – littéralement « aperçu » – a été lancé par la Confédération des industries finlandaises (EK) et a pris fin en décembre 2011. Ce projet, financé par l’EK, le Fonds social européen et le Conseil national finlandais de l’éducation, était axé sur les besoins futurs en compétences des entreprises nationales. Des représentants des entreprises et des universités, des enseignants et d’autres experts ont examiné l’hypothèse selon laquelle la vie professionnelle en 2020 sera encore plus qu’aujourd’hui organisée en réseaux. Le projet Oivallus a révélé que les besoins en compétences évoluent car nos modes de travail se modifient : les emplois comportent de moins en moins de tâches systématiques et n’ont plus que des aspects théoriques. Il conviendra à l’avenir d’envisager la vie professionnelle comme l’élaboration d’un scénario, à savoir que le travail sera de plus en plus mené sur la base de projets, en collaboration avec divers contributeurs (on parle généralement de « gig economy » ou économie à la demande). De même, les tâches deviennent généralement plus variables. La capacité à mettre en application des compétences de réseau sera à labase de toute activité à l’avenir, et ces compétences se traduisent par l’aptitude à trouver, à utiliser et à diffuser la connaissance. Un réseau d’apprentissage peut permettre de mettre au jour de nouvelles opportunités et de trouver des solutions aux problèmes, dans les situations où la réussite dépend de la capacité des individus possédant des compétences différentes de travailler ensemble. Travailler en réseau, savoir tirer des enseignements de l’expérience des autres et faire fructifier des idées existantes sont des compétences qui réclament de la pratique et qui doivent être cultivées précocement et tout au long des années d’éducation. Pour plus d’informations, voir: http://ek.multiedition.fi/oivallus/en/index.php.

Les exercices d’anticipation des compétences prévoient généralement les besoins en compétences et/ou l’offre de compétences à moyen terme (deux à cinq ans), mais un certain nombre de pays établissent des scénarios sur 10 à 100 ans. En Autriche par exemple, l’AMS-Qualifikations-Barometer établit des prévisions sur trois ou quatre ans maximum. Des exercices à plus long terme sont particulièrement fréquents dans les pays nordiques.

Source : OCDE (2016), Getting Skills Right: Assessing and Anticipating Changing Skill Needs, Éditions OCDE, Paris ; OCDE (2012), Des compétences meilleures pour des emplois meilleurs et une vie meilleure : Une approche stratégique des politiques sur les compétences, Éditions OCDE, Paris ; E. Lüdemann (2012), Review of Recent Projections of Skill Supply and Demand at the National and European Level, Institute for Economic Research (Ifo), Munich.

De même, le nombre de places de formation professionnelle est désormais un enjeu crucial. La part des entreprises proposant une formation a diminué, passant de 23 % en 1985 à 18 % en 2008, notamment en raison d’une hausse rapide du nombre de très petites entreprises (CSRE, 2014). D’après le SEFRI (2016), sur l’ensemble des entreprises susceptibles de proposer des contrats d’apprentissage, seules 40 % le font réellement. Des données plus anciennes montrent que la hausse du nombre de places de formation a bénéficié à l’artisanat et aux professions industrielles, alors que les professions du secteur des services, notamment des TIC, demeurent sous-représentées (Meyer, 2009). Ces conclusions sont confirmées par des données plus récentes : selon les dernières éditions du « Baromètre des places d’apprentissage » publié en avril (enquête réalisée auprès d’entreprises et de jeunes au début de la période d’attribution des places d’apprentissage), la demande de places d’apprentissage est constamment supérieure à l’offre dans les catégories suivantes : « santé et action sociale », « information », « imprimerie, design et arts ». La hausse du nombre de petites entreprises est en partie responsable du déclin du nombre de places de formation offertes, du fait de leur plus grande spécialisation et du manque de formateurs qualifiés pour les jeunes(SEFRI, 2016 ; CSRE, 2014). Faciliter l’apprentissage partagé entre les petites entreprises, comme en Allemagne et en Autriche, permettrait d’abaisser les coûts d’administration (Kuczera, 2017). Pour ce faire, il faudrait renforcer le rôle de coordination des centres de formation ou promouvoir plus activement l’apprentissage conjoint, dans le cadre duquel l’une des entreprises dirige l’apprentissage, sans en endosser l’entière responsabilité.

Le rôle croissant joué par les entreprises étrangères dans l’économie est également considéré comme un risque pour l’offre de places de formation professionnelle (Ecoplan, 2017 ; Hoeckel et al., 2009). D’après Muehlemann (2014), les grandes multinationales (plus de 100 salariés) affichent un taux de formation supérieur à celui des entreprises suisses correspondantes, alors que dans les petites multinationales (moins de 50 salariés), ce taux est inférieur de plus de moitié à celui de leurs homologues suisses. Cela s’explique notamment par le fait que les petites multinationales sont plus spécialisées, mais également que nombre d’entre elles utilisent l’anglais. En 2014, le canton de Zoug a lancé un programme pilote bilingue d’EFP avec l’aide du gouvernement fédéral, qui se poursuivra jusqu’en 2019. S’il s’avère qu’il est rentable, d’autres cantons pourraient recevoir une aide pour lancer des programmes similaires.

Les données de recensement montrent que même en 2000, plus de la moitié des travailleurs ayant suivi une formation professionnelle n’exerçaient pas le métier pour lequel ils avaient été initialement formés (Meyer, 2009). La longévité accrue combinée aux progrès technologiques signifie que les travailleurs seront de plus en plus amenés à changer de métier. Comme évoqué ci-dessus, les travailleurs ont plus de chances de passer du secteur de la production des biens au secteur des services au cours de leur vie. Ce phénomène est lié à l’idée de « déprofessionnalisation » (Entberuflichung), également postulée en Allemagne, et imputable à l’avènement du secteur des services, de la société de la connaissance, de la transformation numérique et de la mondialisation (Meyer, 2009). Bien que les compétences propres à une activité donnée paraissent utiles dans le cadre de la transition de l’école au marché du travail, l’employabilité au cours de la vie semble déterminée par les compétences générales (Hanushek et al., 2016 ; Hampf et Woßmann, 2016 ; Forster et al., 2016). Toutefois, on ne sait pas si cet effet est plus important dans les pays où l’enseignement et la formation professionnels prédominent. La Suisse n’est pas inclus dans ces études, basées sur les données PIAAC ; d’autres informations suggèrent que le déclin de l’employabilité serait moinssévère en Suisse (OCDE, 2017a). Néanmoins, les résultats pour un certain nombre de pays ainsi que le rythme des changements sur le marché du travail, impliquent que bien que l’EFT soit l’une des pierres angulaires de la réussite sur le marché du travail suisse, il convient d’évaluer l’équilibre entre formation professionnelle et universitaire pour s’assurer que la main-d’œuvre est en mesure de continuer à s’adapter à l’évolution de la demande de compétences. Pour améliorer la flexibilité et l’adaptabilité de son système de formation professionnelle, l’Autriche a mis en place des apprentissages modulaires composés d’un module de base, de plusieurs modules principaux et d’un module spécial approfondi, qui garantit que les apprentissages reposent sur une base commune de compétences fondamentales, et favorise la mobilité entre les professions (OCDE, 2017e).

L’éventail de formations post-secondaires

Les indicateurs du marché du travail montrent qu’en dépit de l’insuffisance des places d’apprentissage, la demande de main-d’œuvre hautement qualifiée dépasse considérablement l’offre nationale. Comme nous l’avons vu plus haut, les taux de vacance d’emplois dans les secteurs de la haute technologie, des industries manufacturières et de la finance sont très supérieurs à la moyenne nationale, et augmentent (voir graphique 2.5 ci-dessus). Au cours des dernières décennies, la Suisse s’est appuyée sur les travailleurs immigrés pour pourvoir ces emplois, plus de la moitié des migrants arrivant en Suisse étant titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. En effet, comme nous l’avons déjà observé dans l’Étude de 2013, la Suisse attire un grand nombre de travailleurs peu et très qualifiés, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Toutefois, en raison du récent ralentissement de la croissance et de l’incertitude engendrée par le référendum de 2014 sur l’instauration de quotas d’immigration, les entrées de travailleurs très qualifiés ont diminué. Il existe un risque que cette tendance se poursuive, et le nombre de résidents nés à l’étranger qui quittent le pays continue d’augmenter à mesure que la reprise se consolide dans la zone euro. En outre, dans de nombreux secteurs hautement qualifiés, le taux de vacance d’emploisdemeure élevé, malgré les flux d’immigration. La Suisse doit donc s’efforcer de renforcer l’offre nationale de compétences.

Malgré la tendance en faveur d’une tertiarisation croissante de l’enseignement post-scolaire en Suisse, la participation apparaît toujours faible par rapport aux niveaux observés dans les autres pays de l’OCDE. Le taux de première inscription des jeunes Suisses en licence ou dans des cursus équivalents est faible en comparaison internationale : il s’établissait à quelque 38 % seulement des moins de 25 ans en 2015 (à l’exclusion des étudiants internationaux). Mais pour tous les groupes d’âge, ce taux se situe autour de la moyenne de l’OCDE, à 54 % (graphique 2.14, partie A). Le taux d’obtention de la licence (ou d’un diplôme équivalent) s’établit à 45 %, hors étudiants internationaux – plaçant la Suisse au troisième rang parmi les pays de l’OCDE. Même avec le développement des hautes écoles spécialisées, la probabilité de poursuivre des études dans l’enseignement supérieur après avoir suivi une formation professionnelle est toujours bien plus limitée que pour les diplômés de l’enseignement général. Au niveau post-licence, le taux d’inscription suisse se situe autour de la moyenne (partie B). Il est intéressant de noter que la Suisse se classe en première position en termes d’études doctorales générales et d’autres études de recherche de niveau supérieur, du faitde l’importance des étudiants internationaux, qui représentent 54 % des doctorants, plaçant la Suisse au deuxième rang parmi les pays de l’OCDE, après le Luxembourg (87 %) (OCDE, 2017a). L’offre pourrait être étendue si le passage entre les filières professionnelles et les filières générales était facilité, par exemple en développant à la fois le contenu général de l’enseignement professionnel et le contenu technique de l’enseignement général. Resserrer les liens entre les établissements d’enseignement supérieur et les employeurs, notamment en instaurant une coopération plus étroite en matière de conception des cursus et en facilitant les contacts entre les étudiants et les employeurs, pourrait contribuer à ce que les étudiants des filières générales puissent y acquérir les compétences nécessaires pour s’adapter à l’évolution des besoins du marché du travail.

Graphique 2.14. Enseignement supérieur, pays de l⁉OCDE, 20151
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1. Taux de première inscription, sauf pour les étudiants internationaux. Les taux de première inscription correspondent à la proportion de jeunes adultes qui devraient intégrer ce type de programme de l’enseignement supérieur.

Source : OCDE (2017), Regards sur l’éducation 2017.

 https://doi.org/10.1787/888933622431

La formation continue

Outre le cadre institutionnel des études qui préparent les jeunes à la vie active, la formation continue des adultes a un rôle important à jouer dans le contexte de l’évolution de la structure de l’économie. En moyenne à travers la zone OCDE, et en tout temps, seul un cinquième environ de la population d’âge actif suit un enseignement formel. Les autres doivent être pris en charge afin d’actualiser leurs compétences, la demande évoluant à mesure que la structure de l’économie se transforme. C’est non seulement valable pour les personnes occupant un emploi, mais également pour celles qui ne travaillent pas et cherchent à entrer ou à revenir sur le marché du travail – comme les mères qui envisagent de reprendre une activité, les immigrés, les personnes possédant un faible niveau en lecture et en écriture et de faibles compétences de base, ou simplement les personnes victimes du chômage structurel en raison de la disparition de leur emploi précédent (Windisch, 2015). Du fait de l’évolution rapide des TIC et de la transformation numérique, la formation continue sous la forme de cours, séminaires et autres types de formations non institutionnelles joue, en plus de l’enseignement formel, un rôle de plus en plus important dans l’amélioration des compétences des travailleurs.

Jusqu’à récemment, la formation continue ne semblait pas prioritaire dans la politique suisse en matière d’éducation, peut-être parce que le pays affichait des taux de formation continue relativement élevés par rapport à ceux d’autres pays. Elle ne bénéficie toujours que de financements publics limités. Les dépenses individuelles sont déductibles des impôts, mais cela profite principalement aux ménages ayant des revenus imposables élevés. Les employeurs prennent en charge une part importante du coût de la formation continue, que ce soit sous la forme d’une subvention financière des coûts directs, ou de la possibilité d’utiliser les heures de travail rémunérées. La contribution des employeurs à la formation continue est répandue, environ trois quarts des participants déclarant qu’ils ont bénéficié d’une aide partielle de leur employeur (CSRE, 2014).

En 2016, environ un tiers de l’ensemble des résidents suisses âgés de 25 à 64 ans interrogés avaient participé à un cursus de formation continue au cours des quatre semaines précédentes (graphique 2.15, partie A). Ce chiffre moyen est élevé en comparaison internationale. Toutefois, comme dans d’autres pays, la formation est généralement concentrée dans certains groupes : les plus jeunes, les plus éduqués et les personnes travaillant dans des grandes entreprises. La participation inférieure des groupes moins avantagés à la formation continue en Suisse est davantage imputable à un manque d’incitations à participer et d’aide des employeurs qu’aux contraintes financières elles-mêmes (CSRE, 2014). Par exemple, en 2016, la participation des adultes (25-64 ans) à l’enseignement général et professionnel (dans les quatre semaines précédentes) atteignait 45 % pour les titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, mais seulement 11 % pour ceux ayant suivi uniquement la scolarité obligatoire, soit l’écart le plus important d’Europe (partie B). Même si la part de la population ayant suivi seulement la scolarité obligatoire est faible, il faudrait faire en sorte de renforcer sa participation, car elle en tirerait probablement des bénéfices considérables, comme une meilleure capacité d’adaptation aux futures évolutions du marché du travail. Il est aussi possible que ces travailleurs soient moins conscients des avantages de la formation continue. Les modifications apportées au cadre juridique (décrites ci-après) donneront au gouvernement fédéral la capacité de contribuer à réagir à l’insuffisance de la participation à certains types de formation continue. Ceux qui exercent une profession différente de celle à laquelle leurs études les ont préparés peuvent également rencontrer des obstacles lorsqu’ilsveulent suivre un enseignement formel, parce que leurs qualifications ne sont pas reconnues.

Graphique 2.15. Participation à la formation continue en Europe par niveau d’instruction
Pourcentage de la population âgée de 25 à 64 ans ayant participé à un cursus de formation au cours des quatre semaines précédentes, 2016
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Source : Eurostat, Enquête sur les forces de travail 2016.

 https://doi.org/10.1787/888933623248

Selon le canton, la formation continue générale (non liée à l’emploi) peut faire l’objet d’une réglementation différente, fondée p. ex. sur une loi spécifique sur la formation continue, dans le cadre des réglementations relatives à la formation continue liée à l’emploi, des lois sur l’enseignement et la culture, ou en vertu d’une autre base juridique. Le financement de la formation continue liée à l’emploi diffère également d’un canton à l’autre. Les cantons coordonnent les programmes de formation continue transrégionaux via la Conférence intercantonale de la formation continue (CIFC). La CIFC est une conférence spécialisée de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CIDP) et agit dans l’intérêt de la formation continue.

Au niveau fédéral, les responsabilités en matière de formation continue ont été fragmentées, reflétant les différentes catégories de formation continue mais on observe une amélioration. La formation continue professionnelle dans les principaux métiers relève désormais du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI). Suite à la loi sur la formation continue, les politiques en matière de luttre contre l’illétrisme seront gérées non plus par l’Office fédéral de la culture, qui fait partie du Département fédéral de l’intérieur, mais par le SEFRI. Le Secrétariat d’État à l’économie supervise les programmes de formation continue des chômeurs. Les autres offices fédéraux sont en charge de segments spécifiques de la formation des adultes, comme la formation des personnes handicapées, des immigrés et des seniors.

En 2006, une révision des dispositions de la Constitution fédérale relatives à la formation continue (article 64a) a donné à la Confédération le pouvoir d’inscrire dans la loi les principes applicables à la formation continue. La loi sur la formation continue est finalement entrée en vigueur en 2017, et devrait améliorer le financement et la coordination du volet de la formation continue, hors enseignement supérieur formel. Elle définit la formation comme une responsabilité individuelle qui doit s’appuyer sur le marché, mais établit également que la Confédération et les cantons doivent contribuer à l’accessibilité de la formation et à l’égalité des chances. Point important, elle facilitera la collecte de données, ce qui contribuera à améliorer l’élaboration des politiques et l’accès pour tous les Suisses. Il faut accélérer la cadence. Il est essentiel de remédier à la fragmentation des responsabilités entre les ministères et les niveaux d’administration. La nouvelle loi donne la possibilité d’instaurer une approche globale. En juillet 2017, 18 des 26 cantons étaient convenu de signer des accords de performance avec le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation afin de définir un ensemble d’objectifs stratégiques communs pour aider les adultes à acquérir les compétences de base, mais cinq ont renoncé à participer. L’objectif est de s’assurerque les adultes, quel que soit leur lieu de résidence dans le pays, peuvent accéder à des formations locales pour acquérir des compétences en lecture, écriture, calcul et TIC, les financements étant disponibles jusqu’en 2020.

La formation continue va prendre de plus en plus d’importance, les gains de longévité se traduisant par un allongement de la vie active et la transformation numérique entraînant une évolution des métiers et des compétences requises. Comme reconnu dans le cadre de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié (FKI), la formation continue sera nécessaire pour améliorer le potentiel de la population active (SECO, 2017). Puisque les travailleurs et les entreprises n’internalisent pas pleinement la nécessité de poursuivre les investissements dans le capital humain, les subventions peuvent contribuer à encourager la participation des groupes pour lesquels elle est faible. Le Canada et les Pays-Bas mettent en place des comptes de formation individuels. Le gouvernement allemand consacre des fonds à la reconversion des travailleurs non qualifiés ou qui ont passé au moins quatre années dans un emploi sans lien avec leur formation initiale (OCDE, 2017f). En principe, les incitations financières doivent être simples, pouvoir être adaptées à l’évolution des besoins en compétences, et être complétées par des informations sur les compétences et les programmes et l’orientation professionnelle (ibid). L’accès à des informations et services d’orientation professionnelle est important, car les travailleurs peuvent ne pas être conscients qu’ils ont la possibilité de bénéficier d’une formation continue. En Autriche, les entreprises soumises à des changements organisationnels peuventbénéficier de conseils gratuits du service public pour l’emploi, portant notamment sur la formation continue professionnelle. Des modalités de formation plus souples, comme la formation à distance ou les formations en ligne à son propre rythme, peuvent réduire les obstacles à la participation.

Équité en matière de compétences et d’éducation

La maximisation de l’emploi des ressources humaines dans l’économie nécessite d’encourager la participation et de faciliter l’acquisition de capital humain dans tous les segments de la société, notamment par les femmes et les immigrés. Eu égard à ces deux catégories de population, la Suisse obtient de bons résultats par rapport aux autres pays (OCDE, 2017g). Néanmoins, des écarts persistent, ce qui indique que de nouveaux efforts sont nécessaires.

Égalité femmes-hommes

Comme indiqué dans l’Étude de 2013, il existe d’importantes disparités économiques fondées sur le sexe en Suisse. Alors que le taux d’activité des femmes est très élevé en comparaison internationale, il est faible par rapport à celui des hommes, et une très large proportion d’entre elles travaille seulement à temps partiel. Ce facteur, conjugué à l’écart de salaire non ajusté de 17 % constaté entre les femmes et les hommes (par rapport à la médiane des salaires masculins à plein temps), contribue à d’importantes différences de revenu annuel (OCDE, 2017g). À l’inverse, l’écart qui existait précédemment entre femmes et hommes en matière d’éducation s’est désormais complètement résorbé, et s’est même inversé, les femmes suisses cumulant désormais plus d’années de scolarité que les hommes. Toutefois, un écart important persiste en ce qui concerne les disciplines étudiées. Par exemple, dans la formation et l’enseignement professionnels, la participation des femmes aux cursus techniques, comme l’ingénierie et l’informatique, est très inférieure à celle des hommes, alors que dans les soins infirmiers, c’est tout l’inverse (graphique 2.16). Cette hétérogénéité apparaît également dans les cursus universitaires(OCDE, 2013). Elle peut également être liée aux différences d’attitudes et de compétences qui se développent tôt dans le système éducatif, comme le montrent les écarts de scores PISA entre les filles et les garçons en lecture, mathématiques et sciences (voir tableau 2.3 ci-dessus).

Graphique 2.16. Répartition des élèves de l’enseignement et de la formation professionnels
Par domaine et par sexe, 2015/161
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1. Les domaines de formation non présentés ici représentent 17 % des élèves.

Source : Office fédéral de la statistique.

 https://doi.org/10.1787/888933622488

Selon certains chercheurs, cette répartition très marquée des filles et des garçons entre les différents domaines d’études pourrait notamment s’expliquer par le système d’orientation au second cycle du secondaire en vigueur en Suisse : le système d’enseignement postobligatoire y est en effet divisé entre l’EFT, qui accueille deux tiers des étudiants, et les gymnases et établissements du second cycle du secondaire spécialisés, qui dispensent un enseignement général choisi par le tiers restant. Cette orientation en filières à l’âge de 15 ans impose aux élèves de procéder très tôt à des choix d’orientation professionnelle. L’analyse statistique (Imdorf et al., 2014) montre que, dans les cantons qui ont proportionnellement plus de gymnases, la répartition filles-garçons dans les différentes filières est globalement plus équilibrée et ce, pour plusieurs raisons : tout d’abord, les systèmes éducatifs davantage axés sur l’enseignement général offrent aux élèves plus de possibilités de changer d’orientation en fonction de leurs préférences et de leurs aptitudes. À l’inverse, le grand nombre et la diversité des filières professionnelles peut favoriser des choix filles-garçons plus traditionnels à un âge où l’identité sexuelle joue un grand rôle dans la construction de l’individu. Ensuite, la filière généralepermet aux élèves de gagner en maturité avant de faire des choix d’orientation.

Les spécificités individuelles au niveau de la pensée ou du comportement tiennent aux caractéristiques personnelles en matière d’anatomie et de connectivité du cerveau, qui se développent à un âge plus avancé (Mueller et al., 2013). Plus mûrs, les élèves sont moins influencés par leurs amis ou leur famille, susceptibles de leur suggérer des orientations types selon le sexe, et davantage par leurs propres intérêts ou leurs avantages comparatifs. Sinon, le fait que les filles soient moins nombreuses à opter pour une carrière scientifique, ou les garçons pour une carrière de soignants, tient peut-être simplement à des préférences individuelles. Les données comparatives à l’échelle internationale recueillies dans le cadre de l’Initiative 2012 de l’OCDE pour la parité indiquent toutefois que les caractéristiques individuelles, le contexte familial et socioéconomique jouent un rôle dans le choix de l’orientation post-secondaire (OCDE, 2012b). Développer le mentorat et confronter très tôt les élèves à des modèles atypiques auxquels ils peuvent s’identifier dans leur famille, le système éducatif ou la sphère professionnelle peut aider des garçons et des filles à faire des choix d’orientation indépendants de leur sexe, ce qui en incitera d’autres à faire de même.

L’école peut contribuer à lutter contre les stéréotypes de genre en informant mieux sur les possibilités de carrière (OCDE, 2016b). Actuellement, les élèves doivent rencontrer un conseiller d’orientation en dernière année du premier cycle de l’enseignement secondaire, mais ce service pourrait être développé. On a constaté que les interventions des employeurs sont un moyen efficace d’aider les élèves à mieux comprendre les métiers (Kashefpakdel et Percy, 2016). Elles pourraient également contribuer à lutter contre les stéréotypes de genre, ce qui pourrait permettre de réduire les pénuries dans les STIM et les professions de santé.

Immigrés

La Suisse est l’un des pays de l’OCDE qui compte la part d’immigrés la plus importante, et le pays s’est longtemps appuyé sur la main-d’œuvre et les compétences étrangères pour pourvoir les postes vacants sur le marché du travail. Entre 2005 et 2015, la plupart des immigrés étaient originaires d’Allemagne, du Portugal, de France et d’Italie, qui relèvent tous de l’accord avec l’UE sur la libre circulation des personnes. Les immigrés originaires de l’ex-Yougoslavie constituent un autre groupe important de la population. Dans l’ensemble, les performances des enfants d’immigrés sur le marché du travail sont bonnes en comparaison internationale, ce qui est en partie dû aux bonnes conditions générales du marché du travail, et à d’autres facteurs tels que l’importance de l’apprentissage, qui semble particulièrement bénéfique pour les enfants d’immigrés dans le processus de transition de l’école vers le travail (Liebig et al., 2012). Toutefois, il est manifeste que la Suisse ne tire pas le meilleur parti possible de sa population issue de l’immigration.

En Suisse, les jeunes immigrés obtiennent des résultats significativement inférieurs à ceux des jeunes autochtones, une tendance observée dans l’ensemble des derniers cycles de l’enquête PISA, ce qui suggère que les possibles problèmes de suréchantillonnage lors du dernier cycle PISA en Suisse n’ont pas faussé ce résultat particulier. En science par exemple, les jeunes immigrés, mais également les jeunes nés de parents immigrés, obtenaient des résultats inférieurs d’environ 12 % à ceux des jeunes dont les parents sont nés en Suisse. Globalement, contrairement à d’autres pays de l’OCDE comptant une part importante d’immigrés, comme l’Australie et le Canada, l’écart avec les élèves ayant des parents autochtones était équivalent pour les élèves nés à l’étranger et ceux nés de parents immigrés, ce qui indique que les mauvais résultats semblent persister au fil des générations de familles immigrées.

Des recherches récentes conduites par l’OCDE montrent que, malgré des améliorations, être issu de l’immigration augmente les risques de mauvais résultats scolaires, avec des conséquences durables pour les individus lorsqu’ils quittent l’école et entrent dans l’enseignement post-secondaire, la formation ou sur le marché du travail (OCDE, 2012a et 2015b). Parallèlement, des données montrent que quasiment les trois quarts des résultats scolaires des immigrés obéissent à des déterminants socioéconomiques, plutôt qu’au statut d’immigré en soi (Cattaneo et Wolter, 2015). Le gouvernement devrait par conséquent renforcer les aides destinées directement aux familles défavorisées. Il devrait également faciliter la fréquentation, par les enfants issus de l’immigration, des structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, notamment en augmentant les dépenses, comme recommandé dans l’Étude précédente. Il est possible que les familles concernées soient relativement moins informées des avantages de l’enseignement préscolaire. Des mécanismes de transferts en espèces sous condition de ressources pourraient être testés pour encourager la fréquentation de ces structures, et mis en place dans le cadre d’un programme pilote dans un premier temps.

Le problème de l’insuffisance des résultats des élèves issus de l’immigration mais nés en Suisse, déjà relevé dans l’Étude de 2009 (OCDE, 2009), se pose tôt. Le fait de ne pas apprendre une langue nationale à un jeune âge est un obstacle majeur à la réussite scolaire. Une enquête réalisée auprès de parents à Bâle et dans ses environs a montré que les enfants issus de l’immigration avaient le moins de chances d’accéder à des structures extrafamiliales, ce qui freine leur capacité à maîtriser une langue officielle à un jeune âge (CSRE, 2014).

Pour remédier à l’insuffisance des résultats des jeunes issus de l’immigration, ils étaient auparavant orientés vers des « programmes d’enseignement spéciaux ». Les enfants issus de l’immigration y étaient largement surreprésentés : bien qu’environ un quart de tous les élèves scolarisés dans le système obligatoire (jusqu’à l’âge de 15 ans) soient issus de l’immigration, ils représentaient la moitié des élèves inscrits dans ces programmes. Toutefois, même après deux ans passés dans ces programmes et dans d’autres classes spéciales pour débutants, la plupart des enfants issus de l’immigration n’étaient toujours pas jugés capables d’intégrer des classes normales, du fait de leur niveau de développement cognitif et de connaissance de la langue officielle inférieur à la moyenne (Field et al., 2007). Ces programmes d’enseignement spéciaux sont aujourd’hui utilisés de manière plus resserrée.

Les élèves issus de l’immigration sont fortement concentrés dans certains établissements scolaires. Quelque 60 % des élèves issus de l’immigration fréquentent des écoles où au moins la moitié des élèves sont issus de l’immigration. Toutefois, bien qu’il semble élevé, ce degré de concentration est inférieur à la moyenne de l’OCDE, et inférieur à celui de pays comparables, comme la Suède, le Danemark et le Canada et ce, bien que la Suisse compte une part particulièrement importante d’élèves issus de l’immigration (OCDE, 2015c). Toutefois, en Suisse, le regroupement des élèves issus de l’immigration est particulièrement délétère en termes de résultats scolaires. Par exemple, l’écart entre les scores PISA en science des élèves scolarisés dans des établissements enregistrant une forte concentration d’élèves issus de l’immigration, et de ceux scolarisés dans des établissements enregistrant une faible concentration de ces élèves, est particulièrement important en Suisse (graphique 2.17).

Graphique 2.17. Différences dans les scores en sciences au PISA en fonction de la proportion d’élèves issus de l’immigration accueillis dans l’établissement scolaire fréquenté1, 2015
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1. Les élèves issus de l’immigration sont ceux qui sont nés à l’étranger ou dont les parents sont nés à l’étranger. Les établissements où la concentration d’élèves issus de l’immigration est faible (élevée) sont ceux qui se situent dans la moitié inférieure (supérieure) de la distribution.

Source : OCDE, Base de données PISA 2015.

 https://doi.org/10.1787/888933622469

La hausse des dépenses d’éducation au profit des enfants issus de l’immigration promet des retombées supérieures à la moyenne. En 2006, la Confédération suisse et les cantons se sont donné comme objectif que 95 % de l’ensemble de personnes âgées de 25 ans soient titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Au cours des 20 dernières années, ce taux a fluctué entre 90 et 92 % (CSRE, 2014). Cet objectif est désormais atteint pour les autochtones, mais c’est encore loin d’être le cas pour les personnes nées à l’étranger (Wolter et al., 2014). Toutefois, certains progrès ont été faits. L’écart entre le score PISA en lecture des jeunes issus de l’immigration et celui des autochtones est passé de 86 à 48 points entre 2000 et 2009. En mathématiques, il a également baissé et est passé de 76 à 63 points entre 2003 et 2012. Mais environ trois quarts de cette réduction, qui concerne principalement les élèves immigrés, c’est-à-dire des jeunes qui ne sont pas nés en Suisse, est imputable à une hausse de l’immigration en provenance de pays comme la France et l’Allemagne, qui partagent une langue avec la Suisse (Cattaneo et Wolter, 2015). Étant donné les problèmes d’échantillonnage dans l’enquête PISA 2015, il est difficile d’évaluer l’ampleur des récents changements.

En outre, il apparaît que l’obtention d’un diplôme universitaire augmente les revenus des hommes issus d’un milieu familial défavorisé en Suisse, notamment ceux issus de l’immigration, encore plus que ceux des hommes issus de milieux plus favorisés (Perini, 2014). La hausse du taux d’emploi est toutefois moindre (OCDE/Union européenne, 2015). Si la hausse des dépenses dans l’enseignement préprimaire contribue à accroître la probabilité que ces enfants obtiennent un diplôme universitaire, le rendement net sera encore plus élevé.

Autre facteur contribuant aux résultats inférieurs des enfants issus de l’immigration : l’absence de diversité parmi les enseignants. Un quart de la population suisse est née à l’étranger, mais les élèves nés à l’étranger ne représentent que 8 % de ceux prévoyant d’enseigner au niveau obligatoire. Le manque de diversité linguistique et culturelle au sein de la profession enseignante peut poser problème, en Suisse comme dans d’autres pays de l’OCDE, et une part plus élevée d’enseignants issus de l’immigration faciliterait l’intégration d’élèves issus de ce milieu. Des mesures spécifiques, comme celles mises en œuvre en Allemagne dans le cadre du projet MigraMENTOR, pourraient être instaurées avec succès en Suisse, afin de rendre la profession d’enseignant plus attractive pour les élèves étrangers en particulier.

Orientation précoce et équité

La plupart des cantons répartissent les élèves en fonction de leurs capacités dans le premier cycle de l’enseignement secondaire. Le deuxième cycle est ensuite divisé en écoles professionnelles et générales. Les résultats de l’étude PISA 2015 montrent que 29 % des élèves suisses fréquentaient des écoles où toutes les classes sont constituées en fonction des capacités, ce qui place la Suisse au troisième rang parmi les pays de l’OCDE. La constitution des classes en fonction des capacités semble de plus en plus fréquente d’un pays à l’autre, mais les données PISA démontrent que cela n’améliore pas la part de bons et de mauvais élèves dans un système d’enseignement, et que cela peut accroître les inégalités (OCDE, 2016e et 2012c ; Causa et Johansson, 2010 ; Field et al., 2007). Le risque est que les élèves restent dans une filière, et que des élèves initialement faibles soient tout naturellement orientés vers une la filière professionnelle dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, plutôt que dans la filière générale qui donne accès à l’enseignement universitaire.

Les Études précédentes et d’autres travaux de l’OCDE montrent depuis longtemps les avantages d’un système plus général dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, pas seulement en Suisse mais également dans les pays dotés de systèmes similaires. Ils mettent également en évidence que lorsqu’elle existe, la répartition des élèves par filières doit avoir lieu plus tard, bien que cela soit difficile du fait du lien avec le système d’apprentissage. Au cours des dernières années, on a quelque peu remédié à la rigidité de ce système – à savoir le manque de perméabilité entre les filières – par la mise en place de la maturité professionnelle et des hautes écoles spécialisées, qui sont ouvertes aux élèves de la filière professionnelle. Des passerelles ont été mises en place pour que les élèves puissent passer de la filière professionnelle aux universités traditionnelles. Toutefois, ces passerelles sont encore peu utilisées, car elles coûtent cher en termes de temps perdu et de coût d’opportunité. Renforcer le volet général de l’enseignement dans la filière professionnelle (et réciproquement) au cours des premières années pourrait améliorer globalement la perméabilité et donc la flexibilité et l’équité du système.

L’une des principales objections à la répartition précoce par filières est qu’elle renforce l’immobilité intergénérationnelle en termes de réussite scolaire, de parcours scolaire et de résultats économiques ultérieurs. Des études empiriques indiquent qu’il existe une corrélation positive entre l’inscription dans l’enseignement et la formation professionnels et l’influence du milieu familial sur les résultats des élèves dans l’enseignement secondaire (Falcon, 2013 ; Jann et Seiler, 2013 ; Felouzis et Charmillot, 2013). L’influence du milieu familial sur les résultats dans l’enseignement secondaire est généralement moindre dans les pays où la répartition par filières se déroule à un stade ultérieur et/ou dans des systèmes généraux ayant moins recours au regroupement des élèves en fonction de leurs capacités (Causa et Johansson, 2010). Bauer et Riphahn (2005) se sont appuyés sur les différences entre les cantons en termes d’âge au moment de la répartition par filières, et ont constaté qu’une répartition précoce renforce l’avantage relatif des enfants de parents très instruits par rapport à ceux de parents peu instruits (la répartition par filières avait lieu à un âge plus précoce à cette époque, mais ce principe est sans aucun doute toujours valable). En outre, la répartition précoce par filières semble exacerber lesdifférences de résultats liées à la répartition socioéconomique des élèves, sans améliorer les résultats généraux (Causa et Johansson, 2010).

Les recherches montrent également l’influence considérable du sexe et des milieux culturel et familial sur le type de filière affectée aux élèves (Kronig, 2007). Enfin, les recherches menées par Pekkarinena et al. (2009), qui s’appuient sur l’abandon progressif de la répartition par filières sur une période de six ans dans les communes finlandaises au profit d’un système général, montrent que cette réforme a réduit l’élasticité intergénérationnelle du revenu de 0.30 à 0.23. La répartition des élèves par filières allonge également la durée totale de la scolarité du fait des « années de transition » entre le premier et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Jaik et Wolter (2016) indiquent que le « locus de contrôle » – le fait de croire que les résultats d’une personne dépendent de ses actions plutôt que de facteurs extérieurs – est corrélé négativement au fait de retarder l’entrée dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Le niveau d’études des parents et le statut d’immigré sont également liés à la décision de retarder l’entrée en second cycle du secondaire. Cela montre qu’il pourrait être nécessaire de renforcer l’orientation professionnelle au sein du système actuel. Mais cela confirme également que la répartition par filièrespourrait avoir lieu à un âge où les élèves sont mal préparés à prendre des décisions importantes.

Recommandations pour améliorer la réactivité de l’enseignement et de la formation professionnelle

(Recommandations principales en gras)

Accroître la capacité d’ajustement du système à l’évolution de la demande

  • Collecter des données plus précises sur les compétences pour faciliter l’adaptation du système d’enseignement à l’évolution des besoins du marché du travail. S’engager à participer aux prochains cycles du PIAAC.

  • Améliorer la disponibilité de données longitudinales ou de cohorte au sein du système éducatif suisse afin de mieux ajuster le système dans le cadre de l’évolution rapide de la structure de l’économie.

  • Entreprendre un examen de l’offre d’enseignement et de formation, étant donné le taux de vacance d’emplois élevé dans les secteurs économiques hautement qualifiés.

  • Accroître l’efficacité des passerelles entre les filières professionnelle et générale en renforçant le volet d’enseignement général du cursus professionnel, et réciproquement.

  • Resserer les liens avec les associations patronales dans les cantons où l’enseignement professionnel est dispensé en milieu scolaire. Réduire les retards d’adaptation des programmes dans le système d’apprentissage en alternance.

  • Encourager les petites entreprises à participer davantage à l’apprentissage en favorisant le partage des places entre les entreprises et les centres de formation prenant en charge une partie de la formation.

  • Compléter le cadre actuel par un mécanisme aidant les acteurs de l’enseignement et de la formation à mieux prévoir et anticiper l’évolution de la demande de compétences.

  • Resserrer les liens entre les établissements d’enseignement supérieur et les employeurs, notamment par le biais d’une coopération plus étroite pour la conception des cursus et en facilitant les contacts entre les étudiants et les employeurs.

  • Recourir à des subventions pour favoriser la participation à la formation continue pour les groupes qui en profitent peu.

  • Réduire la fragmentation entre les autorités compétentes et les ministères chargés de la formation continue et accélérer la collecte de données.

Garantir l’équité dans l’éducation et la formation

  • S’assurer que les élèves du deuxième cycle de l’enseignement secondaire sont évalués, afin qu’ils puissent passer d’une classe à l’autre lorsque ces dernières sont fondées sur les capacités.

  • Accroître les efforts pour encourager un meilleur équilibre entre femmes et hommes dans les différentes professions, et réduire les stéréotypes de genre, notamment par un renforcement de l’orientation professionnelle et des interventions des employeurs dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire.

  • Encourager la fréquentation d’établissements d’éducation et d’accueil des jeunes enfants dans les milieux socioéconomiques défavorisés, notamment chez les personnes issues de l’immigration, par exemple en testant des mécanismes de transferts en espèces sous condition de ressources.

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