Résumé
La croissance économique reste dynamique
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Le Canada se caractérise par un niveau élevé de bien-être
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La croissance économique a reflué vers son niveau potentiel depuis la mi-2017, à la suite de problèmes concernant les capacités de transport par conduites
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Les politiques macroéconomiques deviennent moins expansionnistes
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La croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait rester assez vigoureuse
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La principale incertitude qui pèse sur les perspectives est liée à l'accentuation des restrictions aux échanges mondiaux
Les prix élevés des logements constituent une source de risques
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Ces dernières années, les prix des logements ont grimpé en flèche
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La dette des ménages a cru parallèlement à l’augmentation des prix des logements, pour franchir la barre des 170 % du revenu disponible
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Une série de mesures macroprudentielles adoptées depuis 2008 a atténué les risques liés au marché du logement
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Les phénomènes d’inaccessibilité financière et le manque de logements abordables soulèvent des problèmes d’inclusivité
Il est possible d’améliorer l’inclusivité du marché du travail
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Le gouvernement fédéral s’emploie résolument à améliorer la situation des femmes au regard de l’emploi.
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Les initiatives en cours visant à améliorer l’information sur le marché du travail sont positives, en particulier pour les jeunes,
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Il est possible de favoriser des départs en retraite plus tardifs par une modulation du temps de travail et le développement des compétences
L’insertion des immigrés sur le marché du travail laisse à désirer
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Les immigrés ont des revenus d’activité plus faibles que les personnes comparables nées au Canada
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La politique migratoire a été modifiée de manière à sélectionner des immigrants ayant de meilleures perspectives de rémunération.
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Le Canada dispose de toute une palette de programmes destinés à faciliter l’intégration des immigrés
Il faudrait déployer davantage d’efforts pour améliorer la productivité
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La productivité horaire du travail reste inférieure à celle de la moitié supérieure des pays de l’OCDE
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La mise en œuvre des recommandations antérieures de l’OCDE permettrait de rehausser la productivité
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Les autorités consacrent à juste titre davantage de ressources aux investissements en infrastructures, mais il sera crucial de bien sélectionner les projets.
La croissance économique reste dynamique
Le Canada se caractérise par un niveau élevé de bien-être, qui repose sur le bon état de santé de la population, la solidité de son niveau de formation et de ses compétences ainsi que la qualité élevée de l’environnement. Les inégalités de revenu sont proches de la moyenne de l’OCDE, mais le taux de pauvreté des personnes d’âge actif est nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE. Par ailleurs, il ne sera pas évident pour le Canada de tenir ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique.
La croissance économique a reflué vers son niveau potentiel depuis la mi-2017, à la suite de problèmes concernant les capacités de transport par conduites. La forte expansion économique de 2017 a soutenu l’emploi, le chômage atteignant des points bas records (graphique A). La vigueur du marché du travail commence à se répercuter sur la progression des salaires.
Les politiques macroéconomiques deviennent moins expansionnistes. L’orientation accommodante de la politique monétaire a déjà été réduite, mais étant donné que l’économie fonctionne quasiment à plein régime et que l’inflation fondamentale1 est proche du point médian de la fourchette cible de la Banque du Canada, de nouvelles hausses de taux d’intérêt seront nécessaires. De même, l’orientation budgétaire globale devrait devenir moins expansionniste.
La croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait rester assez vigoureuse (graphique B). La progression de la consommation privée devrait ralentir parallèlement à la poursuite de la montée des taux d’intérêt, au ralentissement de la hausse des prix des logements et à la modération de la croissance de l’emploi. L’augmentation des taux d’intérêt et la baisse de l’impôt sur les sociétés aux États-Unis freineront l’investissement. La croissance des exportations a été entravée par la vigueur du taux de change, mais elle est étayée par l’amélioration de la demande mondiale.
La principale incertitude qui pèse sur les perspectives est liée à l'accentuation des restrictions aux échanges mondiaux. L’évolution de la situation à cet égard dépendra de décisions politiques, notamment aux États-Unis, mais l’incertitude qui en découle risque de décourager l’investissement canadien. Une dénonciation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) aurait un effet modeste mais sensible sur le PIB (de l’ordre de -0.5 %, mais entouré d’une incertitude considérable). L’autre risque majeur réside dans une correction désordonnée du marché du logement, qui réduirait l’investissement résidentiel, le patrimoine des ménages et la consommation.
Les prix élevés des logements constituent une source de risques
Ces dernières années, les prix des logements ont grimpé en flèche dans les principaux centres urbains en croissance rapide que sont Toronto et Vancouver, où des contraintes affectent l’offre (graphique C). Ils ont augmenté plus vite que les revenus et les loyers, du fait de la faiblesse des taux d’intérêt, de la croissance de la population, des achats effectués par des étrangers et de la spéculation. Néanmoins, la hausse des prix des logements observée au niveau national s’est ralentie depuis la mi-2017, à la suite de mesures prises par les autorités fédérales et provinciales.
La dette des ménages a cru parallèlement à l’augmentation des prix des logements, pour franchir la barre des 170 % du revenu disponible. Le coût du service de la dette est resté modeste en raison de la faiblesse des taux d’intérêt, mais il pourrait atteindre des niveaux qui n’avaient pas été observés depuis au moins 1990, compte tenu de la normalisation prévue du taux directeur. Les nouveaux emprunteurs lourdement endettés sont particulièrement vulnérables et constituent un groupe où sont surreprésentées les personnes jeunes, vivant à Toronto ou à Vancouver, et ayant des revenus plus faibles que les autres personnes ayant récemment contracté un prêt hypothécaire.
Une série de mesures macroprudentielles adoptées depuis 2008 a atténué les risques liés au marché du logement. Des établissements financiers relevant de la réglementation fédérale et d’autres relevant de la réglementation provinciale cohabitent sur les marchés du crédit hypothécaire, de sorte qu’une coordination étroite est importante pour surveiller les effets du récent durcissement des règles et se préparer à intervenir de nouveau suivant l’évolution des circonstances.
Les phénomènes d’inaccessibilité financière et le manque de logements abordables soulèvent des problèmes d’inclusivité. La population sans abri est importante et le parc de logements sociaux est modeste par rapport à ceux dont disposent d’autres pays de l'OCDE à revenu élevé. Les délais d’attente pour l’obtention d’un logement social peuvent aller jusqu’à 14 ans pour les demandeurs récents dans les zones urbaines de l’Ontario caractérisées par une forte demande, par exemple. Dotée d’un budget de 40 milliards CAD, la Stratégie nationale sur le logement vise à remédier à ces problèmes via la construction de nouveaux logements sociaux et logements abordables, la réparation ou la rénovation de logements existants et une allocation pour le logement versée directement aux ménages.
Il est possible d’améliorer l’inclusivité du marché du travail
Le gouvernement fédéral s’emploie résolument à améliorer la situation des femmes au regard de l’emploi. Des progrès plus nets que prévu en matière d’accès à des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) abordables et de qualité favoriseraient un renforcement de la présence des femmes sur le marché du travail et le développement des enfants, en particulier lorsqu’ils sont issus de milieux défavorisés. Cela contribuerait également à réduire l’écart considérable de revenus d'activité entre les hommes et les femmes, lequel est particulièrement important pour les mères canadiennes. La mise en place de prestations et congés parentaux non transférables pour le second parent (généralement le père) annoncée dans le budget fédéral de 2018 devrait également contribuer à faire diminuer cet écart.
Les initiatives en cours visant à améliorer l’information sur le marché du travail sont positives, en particulier pour les jeunes, et pourraient rehausser la productivité en réduisant le taux élevé d’inadéquation des qualifications. Le Conseil de l’information sur le marché du travail (IMT) devrait s’appuyer sur le site internet du Guichet-Emplois national pour fournir aux personnes sortant du système scolaire et à celles qui sont déjà sur le marché du travail des informations précises et cohérentes à l’échelle nationale.
Il est possible de favoriser des départs en retraite plus tardifs par une modulation du temps de travail et le développement des compétences. L’âge d'ouverture des droits aux pensions contributives publiques et de base est resté inchangé malgré l’augmentation régulière de l’espérance de vie, pesant sur le taux d’activité des personnes âgées. Il faudrait qu’il soit indexé sur l’évolution de la longévité.
L’insertion des immigrés sur le marché du travail laisse à désirer
Les immigrés ont des revenus d’activité plus faibles que les personnes comparables nées au Canada, mais l’écart s’amenuise au fur et à mesure du temps passé au Canada. Une fois prises en compte les caractéristiques pertinentes, on constate que le niveau initial des revenus d’activité des immigrés de sexe masculin a fortement diminué par rapport à ceux des personnes nées au Canada jusqu’au début des années 90, et qu’il est probablement resté trop faible après pour permettre à la plupart des immigrés de rattraper leur retard au cours de leur vie active (graphique D) ; on observe des tendances similaires pour les immigrées. Parmi les principales causes de cette diminution figurent une dégradation des compétences en langues officielles et du rendement de l’expérience professionnelle acquise à l’étranger.
La politique migratoire a été modifiée de manière à sélectionner des immigrants ayant de meilleures perspectives de rémunération. Ils sont plus nombreux à être sélectionnés pour leur capital humain, et une plus grande importance a été accordée aux compétences en langues officielles, à l’âge (qui est inversement corrélé à l’expérience professionnelle acquise à l’étranger) et à l’expérience professionnelle acquise au Canada. De nouvelles modifications permettant de donner davantage de poids aux facteurs influant sur la probabilité que les immigrés trouvent des emplois correspondant bien à leur profil contribueraient à réduire l’écart de revenus d’activité évoqué plus haut.
Le Canada dispose de toute une palette de programmes destinés à faciliter l’intégration des immigrés. La Stratégie d’emploi ciblée pour les nouveaux arrivants facilite la reconnaissance des titres de compétences étrangers et aide les immigrés à acquérir une expérience professionnelle au Canada dans leur métier. Les programmes de formation relais, qui facilitent la reconnaissance des diplômes postsecondaires dans les professions réglementées, et les programmes de mentorat, qui aident les immigrés à surmonter leur problème de sous-représentation dans les emplois de qualité en se constituant des réseaux professionnels, se sont avérés efficaces et devraient être développés. Les programmes d’établissement du gouvernement fédéral sont très largement utilisés, en particulier par les immigrants pour lesquels les obstacles à l’intégration sont les plus importants, mais on ignore si leur utilisation tient à des différences de besoin ou de disponibilité. Il existe des différences d’efficacité considérables entre les programmes publics de formation linguistique, ce qui laisse à penser qu’il serait possible de les réorganiser pour en améliorer les résultats. Les autorités ont confié au secteur privé la prise en charge de réfugiés parrainés par le gouvernement à titre d’essai, afin de déterminer si cette formule donne de meilleurs résultats.
Il faudrait déployer davantage d’efforts pour améliorer la productivité
La productivité horaire du travail reste inférieure à celle de la moitié supérieure des pays de l’OCDE (graphique E). Ces résultats décevants en matière de productivité tiennent à la faible croissance de l’intensité capitalistique ainsi que de la productivité multifactorielle.
La mise en œuvre des recommandations antérieures de l’OCDE permettrait de rehausser la productivité. Les obstacles à l’entrée dans les industries de réseau et les secteurs de services devraient être réduits, de même que les obstacles non tarifaires au commerce intérieur. Le cadre d’innovation bénéficierait d’un recentrage des dispositifs sur la correction des défaillances du marché. Par ailleurs, il faudrait réformer le système fiscal en réduisant le poids des impôts caractérisés par des coûts d’efficience élevés, et en supprimant progressivement les dépenses fiscales qui ne sont pas justifiées par des défaillances manifestes du marché ni par des objectifs d’équité, telles que le taux d’imposition préférentiel appliqué aux petites entreprises au titre de l’impôt sur le revenu des sociétés.
Les autorités consacrent à juste titre davantage de ressources aux investissements en infrastructures, mais il sera crucial de bien sélectionner les projets. À cet égard, la Banque de l’infrastructure du Canada peut permettre de réaliser des gains liés à l'accès à l’innovation et aux technologies du secteur privé, à des mécanismes d’incitation améliorés en matière de réalisation des projets, et à des gains d’efficience fondés sur l’application de redevances d’utilisation. Néanmoins, une analyse coûts-avantages rigoureuse a fait défaut à des grands projets d’infrastructure publique récents dans certaines juridictions. Il importera que la Banque élabore de solides procédures de sélection.
Note
← 1. La notion d’inflation sous-jacente (core inflation) est qualifiée d’inflation fondamentale par la Banque du Canada.