Inde
À la faveur d’une croissance qui repart, l’Inde s’affiche comme l’économie la plus dynamique parmi les pays du G20. L’investissement et les exportations, soutenus par une mise en œuvre plus simple de la nouvelle taxe sur les produits et services (TPS), s’imposent comme deux moteurs de croissance majeurs. L’inflation devrait fluctuer à l’intérieur de la fourchette cible, avec des risques à la hausse liés à l’évolution des cours du pétrole et à l’augmentation des allocations logement versées aux agents de la fonction publique. Le déficit de la balance courante devrait se creuser. Les créations d’emplois dans le secteur formel resteront modérées, laissant la grande majorité des travailleurs cantonnés dans des activités à faible productivité et mal payées.
L’orientation des politiques budgétaire et monétaire devrait rester globalement neutre. Il est essentiel de maîtriser les éléments de passif éventuel, notamment par une meilleure gouvernance des entreprises publiques, afin de réduire le ratio dette publique/PIB, relativement élevé. Une meilleure évaluation des risques au sein du secteur bancaire permettrait d’orienter les financements vers les projets les plus intéressants, tout en évitant une nouvelle hausse de l’encours des créances douteuses et litigieuses. Accroître les investissements dans l’éducation et la formation, tout en modernisant le droit du travail, contribuerait à créer des emplois de meilleure qualité et à rendre la croissance plus inclusive.
L’économie redémarre après une période transitoire compliquée par la démonétisation et l’introduction de la TPS
Les réformes commencent à porter leurs fruits, ainsi que le confirme le redémarrage de la production industrielle et de l’investissement après plusieurs années moroses. L’investissement est reparti, tiré par un taux d’utilisation des capacités en hausse, un redressement des bénéfices des entreprises et la recapitalisation des banques publiques. La consommation privée a souffert des effets de la démonétisation sur l’emploi et la confiance. Une reprise est toutefois en cours, comme en témoigne le dynamisme des ventes de deux-roues et de véhicules autres. Le nombre des assurés sociaux a augmenté, grâce aux mesures d’amnistie prises en faveur des entreprises, mais reste inférieur à 10 % de l’ensemble des salariés. Les données sur l’emploi sont incomplètes, mais indiquent que dans l’ensemble, la création d’emplois a été médiocre.
La contribution négative des exportations nettes à la croissance s’atténue sous l’effet de la hausse de la demande étrangère et d’un aménagement des procédures de mise en conformité avec la nouvelle taxe sur les produits et services, destiné à alléger les contraintes de liquidités auxquelles sont confrontés les exportateurs. Les tensions qui pèsent sur la balance courante sont dues à l’augmentation rapide des importations, qui accompagne la reprise des investissements à forte intensité d’importations, et au renchérissement des cours du pétrole. Le taux de l’inflation sous-jacente se situe légèrement au-dessus de l’objectif, mais s’avère relativement stable malgré les chocs de grande ampleur sur les prix liés à la démonétisation et à l’application de la TPS.
Des réformes structurelles sont indispensables pour favoriser une croissance plus soutenue et plus inclusive
Le gouvernement central a mis en œuvre une stratégie d’assainissement budgétaire à moyen terme, même si l’objectif de déficit pour l’exercice 2018-19, de 3.3 % du PIB, a été légèrement assoupli pour accompagner la reprise en cours. Le déficit cumulé des États de l’Union n’a pas diminué, grevé par la hausse des rémunérations des fonctionnaires et l’alourdissement de la charge du service de la dette des compagnies publiques de distribution d’électricité (State Electricity Boards), en difficulté. L’orientation générale de la politique budgétaire est appropriée étant donné que la dette publique indienne est soutenable à moyen terme. La qualité des finances publiques pourrait cependant être améliorée et promouvoir une croissance plus inclusive si davantage de ressources étaient consacrées à la santé, à l’éducation et aux transports. Pour financer des services publics de meilleure qualité, il conviendrait d’élargir l’assiette de l’impôt sur la propriété immobilière et le revenu des personnes physiques afin d’accroître les recettes fiscales, de renforcer la discipline budgétaire des États de l’Union et de mieux gérer les risques dans les entreprises publiques.
La crédibilité et l’efficacité accrues de la politique monétaire ont permis de maintenir l’inflation à un rythme modéré. Un assouplissement de la politique monétaire n’est guère envisageable toutefois, dans la mesure où les anticipations d’inflation ne rendent pas compte pleinement du nouvel environnement de faible hausse des prix et alors que les risques sont à la hausse, notamment au vu des prix des produits de base et de l’ajustement proposé pour les prix agricoles.
Le gouvernement a mis en place en 2018 un régime national d’assurance maladie afin de fournir une couverture médicale à 100 millions de foyers pauvres et vulnérables, soit environ 500 millions de bénéficiaires, au titre de la prise en charge des soins de santé secondaires et tertiaires. Il envisage également la création de centres de soins primaires et de centres de bien-être afin d’assurer un accès financièrement abordable et équitable à la santé dans tout le pays. Si cette initiative est louable, elle doit cependant s’accompagner d’actions pour former davantage de médecins et d’infirmières, ainsi que de campagnes de sensibilisation aux maladies liées au mode de vie, notamment au tabagisme et à la consommation excessive de graisses et de sucre.
Il est essentiel d’assainir le système bancaire pour soutenir la reprise de l’investissement. La recapitalisation des banques publiques facilite la reprise de l’activité de crédit. Les mesures récentes visant à accélérer la prise en compte des actifs compromis permettront de faciliter la résolution des créances douteuses et litigieuses (CDL), dont l’encours est élevé au regard des normes internationales. Néanmoins, il conviendrait d’évaluer l’efficacité des lois sur la faillite et des nouveaux tribunaux chargés du recouvrement des créances. Des réformes destinées à améliorer la gouvernance bancaire sont également nécessaires pour éviter une nouvelle accumulation de CDL. Une protection plus efficace des intérêts des actionnaires minoritaires obligerait les banques à faire montre de plus de prudence et d’indépendance dans leur prise de décision. Une amélioration de la gestion des risques et des pratiques d’audit dans les banques publiques contribuerait à améliorer la qualité de leurs portefeuilles. Enfin, les banques publiques devraient également avoir la possibilité d’attirer et de fidéliser les talents, notamment en bénéficiant d’une plus grande liberté pour fixer la rémunération de leurs salariés.
La nouvelle approche du fédéralisme par la concurrence et la coopération favorise les réformes visant à améliorer le climat des affaires et à moderniser le droit du travail. La comparaison des performances stimule la concurrence. Une meilleure évaluation des résultats, notamment en matière de création d’emplois, serait essentielle pour identifier les meilleures pratiques et encourager la modernisation des lois. Il conviendrait aussi de poursuivre les initiatives récentes destinées à améliorer la qualité des données sur le marché du travail et la rapidité de leur publication.
La croissance devrait accélérer
L’accélération de l’investissement privé devrait permettre de soutenir la croissance, à mesure que l’excédent de capacités se résorbe, que le désendettement des entreprises et des banques se poursuit et que les projets d’infrastructure arrivent à maturité. Les exportations vont se renforcer grâce aux gains de compétitivité résultant de la mise en œuvre de la TPS. La hausse des prix agricoles devrait se traduire par une augmentation des revenus et de la consommation dans les zones rurales, mais pèsera sur le déficit budgétaire. Des retards dans l’assainissement du bilan des banques risquent de pénaliser l’investissement, au même titre qu’un relèvement plus rapide que prévu des taux d’intérêt dans les pays de l’OCDE. Une hausse des prix des produits de base pourrait engendrer des tensions sur l’inflation, la balance courante et le déficit budgétaire, et freiner la consommation privée. En revanche, la modernisation du droit du travail au niveau du gouvernement central ou des États favoriserait la création d’emplois et rendrait la croissance plus inclusive.