Russie

La forte baisse du prix mondial du pétrole a entraîné une récession prolongée. La diminution des recettes d’exportation a pour effet de réduire les importations et l’investissement et de contraindre fortement la politique budgétaire. La dépréciation du rouble a fait monter les prix, comprimé les revenus réels, en particulier des plus pauvres, et réduit la consommation privée. Le chômage continuera à augmenter. La croissance devrait redevenir positive en 2017 à mesure que l’inflation faiblira et que la progression des revenus réels soutiendra la demande intérieure. Il s’agira toutefois d’une reprise lente compte tenu du climat d’incertitude, de l’absence de réformes structurelles et des perspectives incertaines d’évolution des cours pétroliers.

Étant donné la chute des revenus réels, il est important de donner la priorité aux dépenses sociales et de protéger les revenus des personnes les plus fragiles. La politique budgétaire accommodante est judicieuse mais, à moyen terme, elle devra être adaptée à la baisse persistante des cours pétroliers. Le retour à une règle budgétaire limitant l’utilisation des recettes pétrolières pourrait faciliter cet ajustement. L’orientation restrictive actuelle de la politique monétaire semble pertinente, mais un assouplissement devrait aller de pair avec un recul des anticipations d’inflation. Il faudrait surveiller de près les bilans des banques car les créances douteuses et litigieuses ont tendance à s’accumuler.

Les mesures visant à lutter contre la corruption, à renforcer l’état de droit, à réduire le contrôle étatique et à améliorer les qualifications et l’innovation augmenteraient la productivité. Si les formalités administratives ont été simplifiées récemment, il faut aller plus loin à l’échelle régionale. À moyen terme, il sera essentiel de veiller à ce que l’économie soit moins tributaire des rentes issues de l’extraction des ressources naturelles pour assurer une croissance des revenus plus vigoureuse et plus stable.

La faiblesse du prix du pétrole pèse sur l’économie

La chute spectaculaire des cours pétroliers depuis fin 2014 a amputé sensiblement les revenus réels et l’économie reste en récession. L’incertitude géopolitique et les sanctions et contre-sanctions internationales aggravent davantage la situation. La baisse du prix du pétrole a entraîné une forte dépréciation du rouble, qui a nettement dopé l’inflation. L’atténuation de ces effets et l’atonie de l’activité économique ont fait reculer l’inflation, qui s’est établie à 7.3 % en avril 2016.

Prix du pétrole et demande intérieure
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1. En volume.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 99 ; et Thomson Reuters.

 https://doi.org/10.1787/888933372734

L’investissement s’est nettement replié en raison d’un climat des affaires défavorable, de coûts de financement élevés et d’un accès restreint aux marchés financiers internationaux. La diminution des revenus réels pèse sur la consommation privée et les importations ont reculé sensiblement en réaction à la faiblesse de la demande, à la baisse du pouvoir d’achat extérieur et aux sanctions internationales. Cependant, l’amélioration de la compétitivité externe a contribué à soutenir les exportations en valeur réelle et la substitution de produits nationaux aux importations a maintenu l’activité dans l’industrie alimentaire, la chimie et les industries extractives.

Demande, production et prix
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 https://doi.org/10.1787/888933374184

L’inflation élevée a considérablement amputé les revenus réels, des catégories vulnérables en particulier, car les salaires et les retraites n’ont pas suivi. Si cela a permis un ajustement sur le marché du travail et une hausse limitée du chômage, le taux de pauvreté est passé de 11 % en 2013 à 15 % au premier semestre de 2015. La situation a été aggravée par la hausse des prix alimentaires qui a été plus rapide que l’inflation, réduisant les revenus réels des plus pauvres qui consacrent une part plus importante de leur budget aux denrées alimentaires.

Politique monétaire et prêts improductifs
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Source : Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 99 ; Base de données des statistiques financières internationales du FMI ; Banque de Russie ; et Thomson Reuters.

 https://doi.org/10.1787/888933372749

La situation de la balance courante s’est améliorée en raison du repli des importations, imputable à l’effondrement des revenus. L’incertitude résultant des tensions géopolitiques et des sanctions a aussi engendré des sorties de capitaux. Une crise de la balance des paiements a toutefois pu être évitée, dans la mesure où les emprunteurs russes ont puisé dans leurs actifs en devises pour rembourser leur dette extérieure et où la banque centrale a fourni de la liquidité en devises à partir de ses réserves.

Les possibilités de relance sont limitées pour cause d’inflation élevée et de recettes pétrolières faibles

La banque centrale est confrontée à des conditions difficiles dues à la concomitance d’une croissance négative et d’une inflation élevée. Pour faire face à la faiblesse du rouble et aux perspectives incertaines concernant le prix du pétrole, la banque centrale a laissé le taux d’intérêt inchangé à 11 % depuis août 2015. Le rythme de l’assouplissement est aussi influencé par le fait qu’il y a moins de pénuries de liquidité sur le marché monétaire car les autorités financent le déficit budgétaire essentiellement à partir du Fonds de réserve (financé par les recettes pétrolières) plutôt que par l’emprunt. Pour stimuler l’économie, la banque centrale devrait abaisser les taux d’intérêt lorsque l’inflation et les anticipations d’inflation se réduiront.

La banque centrale doit se montrer vigilante eu égard aux liquidités en devises qu’elle fournit aux banques et se garder de soutenir des établissements insolvables. Elle devrait surveiller de près la détérioration du bilan des banques car les créances douteuses et litigieuses ont tendance à s’accumuler.

Si la faiblesse des cours pétroliers a amenuisé les recettes budgétaires, la dépréciation du rouble les a maintenues en valeur nominale. La politique budgétaire a pris une orientation expansionniste pour conforter l’activité et le déficit s’est creusé du fait que les dépenses consacrées aux programmes sociaux, aux subventions économiques et à la défense nationale ont augmenté en valeur nominale. En revanche, les dépenses publiques ont diminué en valeur réelle.

Dans le contexte de récession, il convient de laisser jouer les stabilisateurs automatiques et de protéger les revenus des populations pauvres. Les autorités projettent de continuer à financer le déficit budgétaire par le Fonds de réserve. Cependant, il faudra peut-être s’adapter à une nouvelle réalité possible, à savoir la baisse persistante des cours pétroliers et le vieillissement rapide de la population, en réduisant et en restructurant les dépenses publiques. Le retour à une règle budgétaire limitant l’utilisation des recettes pétrolières pourrait contribuer à orienter la politique pendant cet ajustement difficile. Il faudrait mettre davantage l’accent sur l’éducation et veiller à instaurer un environnement propice à l’innovation. Une transparence et des contrôles accrus dans le secteur public et le système judiciaire, une réduction des obstacles administratifs et une moindre intervention de l’État pourraient contribuer à une croissance inclusive.

La récession se poursuivra en 2016

L’économie devrait rester en récession en 2016 et ne renouera avec la croissance qu’en 2017. Une plus grande stabilité macroéconomique et un recul de l’inflation contribueront à un rétablissement progressif de la demande intérieure. La croissance mondiale, le regain de compétitivité et l’assouplissement des conditions de financement parallèlement à la baisse des taux d’intérêt favoriseront les exportations et l’investissement. Le chômage devrait rester plus élevé qu’avant la crise à cause des marges de capacités inutilisées.

Les prévisions sont fondées sur l’hypothèse de cours pétroliers aussi bas qu’aujourd’hui, d’une stabilité de la valeur du rouble et d’une poursuite des sanctions. Toute amélioration de l’un ou l’autre de ces paramètres renforcerait sensiblement la croissance. Si les tensions géopolitiques s’exacerbent, alors l’investissement et la croissance seront soumis à des pressions à la baisse supplémentaires et les sorties de capitaux s’intensifieront. L’inverse aurait un impact bénéfique sur les perspectives de croissance. Dans les circonstances actuellement difficiles, les actifs douteux et litigieux risquent de s’accroître rapidement, ce qui nuirait à la stabilité financière et à l’expansion du crédit. Un ralentissement mondial, notamment en Chine, mais aussi en Europe, serait préjudiciable aux exportations et à la croissance en Russie.