Principales conclusions et recommandations du CAD

Avocate incontournable de la cause des pays les moins avancés (PMA) et des contextes de fragilité, la coopération belge vise à réduire la pauvreté et à prévenir les conflits, comme l’illustrent ses priorités géographiques. Ainsi, la coopération gouvernementale bilatérale se démarque par une remarquable concentration en Afrique de l’Ouest et dans la région des Grands Lacs, et 13 de ses 14 pays et territoires partenaires sont en situation de fragilité ou des PMA depuis le retrait de six pays (principalement des pays à revenu intermédiaire). Par ailleurs, avec 0.14 % de son revenu national brut versé comme aide publique au développement (APD) en faveur des PMA, la Belgique est plus généreuse que la moyenne du Comité d’aide au développement (CAD) envers ces pays.

La Belgique a su mobiliser la communauté internationale autour d’enjeux tels que : la prévention des conflits, principalement en Afrique centrale et au Sahel ; l’égalité des genres, principalement en matière de santé et droits sexuels et reproductifs via l’initiative « She decides » ; et le droit des enfants. La Belgique est également reconnue par ses pairs pour ses échanges avec les gouvernements partenaires sur les questions de droits humains et de gouvernance. Forte de son expertise géographique et thématique et d’un cadre stratégique solide, la Belgique est à même de faire valoir sa valeur ajoutée sur les questions de fragilité. La Belgique s’est également démarquée par la mise à l’ordre du jour européen d’une de ses nouvelles priorités thématiques : le numérique pour le développement.

L’importance que la Belgique accorde aux enjeux mondiaux se retrouve également dans son engagement en faveur de l’éducation à la citoyenneté mondiale. Une volonté politique affichée en accord avec le Programme à l’horizon 2030, une approche étayée par l’expérience ainsi que des partenariats inclusifs ont permis l’acquisition de connaissance, la sensibilisation et l’adhésion aux valeurs de la citoyenneté mondiale par les publics visés.

Les partenariats avec les organisations multilatérales, la société civile et le secteur privé sont au cœur de la mise en œuvre de la coopération belge. Ces partenariats mettent en valeur les mandats de chacun tout en limitant les coûts de transaction grâce, d’une part, aux mécanismes de financement – flexibles, prévisibles, et généralement sous forme de contributions aux budgets centraux – et, d’autre part, aux obligations de rapportage axées sur la pertinence, les résultats et l’apprentissage. La Belgique participe également activement aux mécanismes de coordination des bailleurs, au siège comme sur le terrain, dans un objectif d’efficience et d’efficacité.

La Belgique est une fervente avocate du cadre multilatéral, pour son rôle normatif et de coordination et sa capacité à traiter des enjeux mondiaux et à amplifier la voix du Royaume sur la scène internationale et européenne. La Belgique est notamment investie dans la réforme des Nations Unies pour en renforcer la légitimité, la représentativité et l’efficacité. La réduction du nombre de partenaires multilatéraux de 20 à 15 a facilité le dialogue stratégique. La décision d’accroître ce dialogue sur le terrain via les ambassades offre des opportunités pour amplifier la voix de la Belgique.

Les acteurs de coopération non gouvernementale (ACNG) sont des partenaires de prédilection de la Belgique bénéficiant de 21 % de l’APD bilatérale en 2017-18, soit sept points de plus que la moyenne du CAD. La Direction générale Coopération au développement et Aide humanitaire (DGD) s’est engagée dans un processus ambitieux pour rationaliser et consolider son engagement avec les ACNG belges, avec lesquels la stratégie de partenariat reste à finaliser. Au cœur du dispositif, les nouveaux cadres stratégiques communs ont permis de coordonner les partenaires autour d’objectifs partagés tout en préservant leur droit d’initiative. Le fait qu’Enabel, l’agence belge de développement, ait désormais pour mandat d’établir des accords avec des partenaires de la société civile locaux devrait permettre de mieux intégrer les dimensions sociétales et politiques de la fragilité dans ses programmes.

La Charte belge des Objectifs de développement durable (ODD) est au cœur du renouveau du partenariat avec le secteur privé belge. En plus de soutenir le secteur privé local, le partenariat s’étend au secteur privé belge et international pour mobiliser les capacités techniques et financières de ce dernier et contribuer à un changement des pratiques en faveur du développement durable, comme illustré dans l’initiative Beyond Chocolate, qui a facilité la prise en compte des enjeux de développement dans un secteur clé de l’économie belge.

La Belgique est un acteur humanitaire très apprécié, tant pour son plaidoyer au sein d’instances telles que le Conseil de sécurité des Nations Unies entre 2019 et 2020, que pour ses efforts pour assurer un financement flexible et prévisible. Elle a par ailleurs pris des engagements ambitieux dans le cadre du Grand Bargain, dont elle assure un suivi régulier. Ainsi, la Belgique a dépassé son objectif d’attribuer 25 % de l’aide humanitaire à des acteurs locaux d’ici 2020. Elle a également formé son personnel pour augmenter la part d’aide sous forme d’assistance monétaire. L’intérêt porté aux approches humanitaires innovantes ou en phase expérimentale est un des traits distinctifs de l’approche belge durant ces dernières années – du lancement du premier « Humanitarian Impact Bond » à l’organisation d’un « hackaton » pour développer une application numérique en soutien à des opérations d’urgence.

En raison de l’attention qu’elle porte aux contextes fragiles, la Belgique a renforcé les mécanismes de coordination pangouvernementale pour consolider le lien entre les actions de développement, paix et humanitaire. Ces mécanismes s’inscrivent dans « l’approche globale » et reposent sur la mobilisation de taskforces qui rassemblent les acteurs clés de l’administration publique à l’échelle fédérale – et dans certains cas extérieurs – autour de problématiques concrètes. Mobilisées de façon ad hoc, ces taskforces font encore peu l’objet de coordination d’ensemble et de mécanismes d’apprentissage communs.

Malgré un plaidoyer en faveur de la prévention des conflits, les moyens alloués à la consolidation de la paix, la prévention des conflits et la réforme onusienne de la paix et de la sécurité ne sont pas à la hauteur de la vision affichée par la Belgique. De plus, à l’exception d’une ligne budgétaire « consolidation de la société » qui peut être mobilisée par tous les acteurs, la programmation par canaux d’acheminements freine la mise en œuvre du Nexus développement, paix, humanitaire. Par exemple, les organisations multilatérales actives dans les contextes d’urgence prolongée se voient astreintes à un « label » d’agence humanitaire, souvent perçu comme un carcan inadapté aux réalités complexes des contextes de crise et de fragilité.

La Belgique a renforcé sa gestion axée sur les résultats et s’est dotée d’une stratégie de gestion informée des risques, évolution cruciale alors que la Belgique est principalement active dans les contextes fragiles. Néanmoins, le personnel du SPF et de l’agence Enabel ne s’est pas encore pleinement approprié la nouvelle approche d’analyse et de gestion des risques, notamment basée sur l’instrument FRAME (Fragility Resilience Assessment Management Exercice). De plus, les scenarios de contingence identifiés dans les portefeuilles pays ne sont pas mobilisés pour adapter la programmation aux changements de contexte. Alors que l’agence est dotée de processus permettant une programmation et une gestion adaptatives, l’obligation de rapporter annuellement à la DGD sa contribution à des résultats attendus pré-identifiés, comme stipulée dans le contrat de gestion, associée à la pression pour démontrer une efficacité après deux à trois ans d’interventions pourraient entrer en contradiction avec la nécessité de développer des approches non linéaires, nécessaires dans des contextes volatiles.

La Belgique s’est engagée dans un ambitieux processus de réforme institutionnelle et organisationnelle qui a renforcé l’autonomie de ses partenaires. Pour tirer pleinement profit de ces réformes, la DGD doit assumer son rôle de pilotage stratégique.

La réforme a notamment élargi le mandat de l’agence de développement, Enabel, anciennement Coopération technique belge (CTB), accru son autonomie et sa flexibilité, rapproché la prise de décision du terrain et permis d’établir des partenariats entre l’agence et un large éventail d’acteurs. Toutefois, la nouvelle flexibilité offerte par les réformes n’est pas pleinement exploitée. Notamment, malgré une gestion par portefeuille au sein de l’agence, la délégation d’autorité administrative concernant la programmation reste limitée et questionne l’efficience des procédures.

Comme identifié lors de l’examen par les pairs de 2015, bien que la DGD dispose d’une bonne visibilité des acteurs présents dans ses pays et territoires partenaires et de leurs objectifs, chaque partenariat est mis en œuvre en silo et ne s’inscrit pas dans des stratégies pays articulées autour des priorités de la coopération belge. La rationalisation de la coopération non gouvernementale autour de cadres stratégiques communs et l’élaboration de diagnostics partagés dans les contextes fragiles peuvent servir de première étape pour élaborer des stratégies pays globales, au moins pour les pays et territoires prioritaires.

Dans ce contexte d’autonomie des partenaires, la gestion des connaissances se révèle critique. Au sein de la DGD, les efforts se sont concentrés sur des approches transversales aux canaux d’acheminement, appuyés par une fonction d’évaluation, stratégique et indépendante, qui couvre tous les acteurs de la coopération. Au sein d’Enabel, la forte concentration géographique sur deux régions d’intervention offre des opportunités d’apprentissage régional. Faute de stratégie partagée et de précisions sur le type de connaissances que chacun doit produire, il y a un risque que les initiatives prises par la DGD et Enabel soient redondantes ou ne répondent pas à toutes les attentes.

La Belgique a fait d’importants efforts pour améliorer la transparence et la redevabilité de sa coopération au développement auprès du public belge et dans les pays et territoires partenaires. Attentive à l’appropriation de la coopération par l’ensemble de la société dans les pays et territoires partenaires, la Belgique s’implique dans des consultations larges, dans lesquelles le secteur privé demeure toutefois peu représenté. La programmation belge se caractérise également par une approche inclusive, basée sur des analyses contextuelles détaillées. Néanmoins, l’alignement sur les priorités de développement de ses pays et territoires partenaires, l’appropriation des partenaires et l’utilisation des systèmes nationaux sont en baisse. Les récentes réformes ont également eu un impact sur la synchronisation des consultations bilatérales avec la prise de décisions et la définition des portefeuilles de coopération bilatérale directe. Consciente de ces limites, la Belgique revoit ses modes opératoires pour assurer que ces consultations soient conduites en temps voulu.

La Belgique a lancé plusieurs initiatives pour mobiliser des ressources additionnelles au financement du développement. Ces initiatives, aux succès variables, incluent le renoncement à l’exonération d’impôt sur les dépenses d’APD dans les pays en développement, l’émission d’obligations d’impact humanitaire et la création d’un fonds d’investissement ouvert aux investissements privés au sein de l’institution financière de développement, BIO.

La place de BIO dans le système de coopération belge s’accroît et, suivant les recommandations du précédent examen par les pairs, l’institution a renforcé les mécanismes d’analyse préalable permettant d’assurer que ses investissements contribuent aux ODD et aux objectifs de la coopération belge. Ces évolutions concernent cependant davantage les principes généraux que les résultats de chaque investissement dans leur contexte. De même, les notifications au CAD rendent compte de l’effet de mobilisation de BIO mais ne comprennent pas d’informations détaillées sur ses activités.

La Belgique a modernisé son cadre stratégique en renouvelant son partenariat avec le secteur privé et en ajoutant le numérique pour le développement à ses priorités stratégiques tout en se concentrant sur les contextes fragiles. Cette réorientation a conduit à une multiplication thématique, mais elle n’a pas clarifié l’ordre des priorités, la façon dont les différents thèmes se répondent pour traiter des causes et conséquences de la fragilité, ou encore comment les questions de genre, d’environnement et de migrations sont intégrées dans le portefeuille de coopération. Il est par ailleurs difficile de mobiliser des financements stratégiques ciblant les questions de genre et de mesurer leurs impacts en dehors de l’initiative « She decides ». Clarifier les complémentarités thématiques et saisir les opportunités offertes par la concentration dans les deux sous-régions fragiles que sont le Sahel et l’Afrique centrale pourraient accroître l’ambition du cadre stratégique belge et son appropriation par les partenaires de mise en œuvre.

Les notes stratégiques, peu utilisées, guident peu les décisions des partenaires de mise en œuvre que sont l’agence de développement Enabel et les ACNG. Alors que la DGD réfléchit à actualiser ses notes stratégiques, notamment pour mettre en avant sa contribution aux ODD, les thèmes retenus et leur contenu influenceront sa capacité à être force de proposition vis-à-vis des acteurs politiques et des partenaires de mise en œuvre.

Bien que majoritairement définie avant les grands accords internationaux autour du développement durable, la stratégie de coopération belge s’inscrit dans la philosophie générale du Programme à l’horizon 2030 : l’approche fondée sur les droits sert de cadre analytique pour identifier les populations laissées de côté et dont les droits et libertés sont bafoués, tout en mettant l’accent sur le droit des femmes et des enfants. Le récent projet de recherche « The SDGs as a compass » doit permettre d’identifier comment renforcer cet alignement. Le discours stratégique ne précise toutefois pas quelles sont les attentes vis-à-vis d’une approche fondée sur les droits, ni comment elle doit contribuer à réduire la pauvreté et les inégalités et ne laisser personne de côté.

Bien qu’engagée en faveur de la cohérence des politiques pour le développement, la Belgique mobilise peu les instances de coordination et de suivi qui lui permettraient de mesurer l’impact de ses politiques domestiques sur les pays en développement. La recherche de cohérence passe avant tout par la mise en œuvre d’une approche globale, c’est-à-dire une cohérence interne à sa politique étrangère. La création de partenariats multi-acteurs a toutefois facilité la prise en compte des enjeux de développement dans les pratiques domestiques relatives aux secteurs clés de l’économie belge, tels que la filière chocolat, les médicaments ou le commerce diamantaire.

Après des années de forte réduction budgétaire, le budget de l’APD est relativement stable depuis 2015, atteignant 0.42 % du revenu national brut (RNB) en 2019 – soit 2.2 milliards USD – mais il demeure loin de l’engagement international de verser 0.7 % du RNB au titre de l’aide. Bien que le public et le Parlement soutiennent cet objectif, et contrairement aux recommandations du précédent examen, la Belgique ne s’est toujours pas dotée d’une feuille de route pragmatique pour revenir à des prévisions de croissance de l’aide. Or une telle feuille de route sera critique dans la situation économique post-COVID.

Par ailleurs, la part de l’aide pays programmable est relativement faible, ce qui freine les capacités de pilotage de la Belgique. En conséquence, la Belgique n’a consacré que 31.2 % de son aide bilatérale aux PMA en 2017-18, alors qu’elle s’était engagée dans son cadre stratégique à atteindre 50 %, et elle n’a pas fixé de date butoir pour atteindre cette cible comme recommandé en 2015. Néanmoins, la concentration des nouveaux engagements d’Enabel dans ces contextes met la Belgique sur la bonne voie.

Malgré une pression sur les effectifs de l’ensemble du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement qui a particulièrement impacté la DGD jusqu’en 2016, une rotation importante du personnel et la contraction générale des moyens budgétaires alloués à la fonction publique belge, la DGD a réussi à stabiliser le nombre de ses agents ces trois dernières années grâce à un dispositif d’échanges de fonctionnaires, de mobilité interne et de détachement. Toutefois, les fonctions de coopération au développement dans le réseau des postes ont chuté drastiquement, passant de 54 en 2014 à 28 en 2020. Malgré des budgets opérationnels en augmentation, l’équipe humanitaire a également vu ses effectifs diminuer, ce qui accroît les risques fiduciaires et de réputation. Enfin, l’intégration des anciens attachés de coopération internationale dans une carrière unique a eu un impact direct sur la gestion de l’expertise et de la connaissance de la DGD, notamment en ce qui concerne les enjeux de fragilité. Par ailleurs, les réformes successives, menées avec peu de consultations, ont contribué à un essoufflement et une perte de repères du personnel quant au nouveau rôle de la DGD, qui se traduisent notamment par des taux élevés d’absence de longue durée, y compris pour cause de stress accru. Alors que les fonctions de la DGD évoluent et que l’expertise technique est désormais du seul ressort de l’agence, il devient critique de faire évoluer les profils de compétence au profit de la coordination et du pilotage stratégique, et d’éviter de dupliquer les fonctions désormais du ressort de l’agence.

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE 2020

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : http://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.