38. Étude de cas : ne laisser personne de côté dans un monde numérique : le programme du Royaume-Uni sur l’accès au numérique

Alessandra Lustrati
ministère des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement
Royaume-Uni
  • Dans le cadre des phases de test et de démonstration portant sur 73 modèles évolutifs de solutions offrant un accès numérique inclusif, sûr et sécurisé dans cinq pays partenaires, le Digital Access Programme (DAP) a touché en 2020-21 plus de 2.3 millions de personnes au sein de 286 communautés mal desservies, améliorant leur connectivité, leurs compétences numériques et leur accès à des contenus et des services numériques adaptés au contexte local.

  • Le modèle d’exécution souple et hybride sur lequel repose le DAP a permis d’en infléchir rapidement l’orientation et de faire de l'inclusion numérique un levier essentiel pour lutter contre la pandémie de COVID-19 et en atténuer les conséquences.

Avant 2016, le Royaume-Uni suivait une approche essentiellement sectorielle de la promotion des technologies numériques dans ses programmes de développement international, en mettant l’accent sur l’inclusion financière numérique, la santé numérique et les technologies éducatives ou agricoles, entre autres. Même si ces interventions ont permis d’obtenir des résultats utiles, la possibilité de les porter à plus grande échelle et leur viabilité étaient limitées par un manque de connectivité, de compétences numériques et de contenus et de services numériques adaptés aux communautés mal desservies, ainsi que par des problèmes de cybersûreté et de cybersécurité et un soutien insuffisant aux entreprises numériques locales.

Consacrée aux dividendes du numérique, l’édition 2016 du Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale (2016[1]) a marqué un tournant dans la réflexion internationale sur le développement numérique. Le rapport montre combien il est important, pour favoriser l’adoption des technologies numériques, d'éliminer des obstacles aussi fondamentaux que l’écart de connectivité tout en agissant sur les « compléments analogiques » que sont par exemple les cadres réglementaires et les compétences numériques. À la suite de la publication de ce rapport, le ministère du Développement international (Department for International Development, DfID) et le ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth (Foreign and Commonwealth Office, FCO) – qui ont fusionné en septembre 2020 pour former le ministère des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement (Foreign, Commonwealth & Development Office, FCDO) – ainsi que le ministère du Numérique, de la Culture, des Médias et des Sports (Digital, Culture, Media & Sports Department, DCMS) ont uni leurs forces pour faire de la transformation numérique un enjeu transversal. Le défi à relever de concert par ces entités consistait à imaginer, à concevoir et à déployer une initiative transversale à l'administration afin de mobiliser les compétences nécessaires pour promouvoir le développement numérique selon une approche intégrée et globale et pour favoriser une transformation numérique inclusive, responsable et durable dans les pays partenaires.

Le DAP a démarré en 2018. La phase actuelle devrait durer jusqu’en mars 2023. Les actions suivantes ont été menées afin de surmonter les écueils auxquels se heurtait la mise en place d’un programme complexe à l’échelle de l’ensemble de l'administration :

  • Sensibilisation de l’administration dans son ensemble à la nécessité d'adopter une vision transversale du passage au numérique, considéré comme un levier puissant d’inclusion et de transformation. La stratégie numérique 2018-20 du DfID, intitulée « Doing Development in a Digital World » (Réussir le développement dans un monde numérisé) (DFID, 2018[2]) a facilité cette sensibilisation, mais un programme spécifique était nécessaire pour montrer en quoi consistait, dans la pratique, une stratégie de développement numérique globale, applicable à toutes les composantes de l’administration.

  • Mise au point d'un programme commun mettant à profit les compétences de chaque ministère sur le plan technique et en matière de conception et d’exécution de programmes. Ce programme faisait partie du portefeuille de programmes menés par les différentes composantes de l’administration et financés par le Prosperity Fund. Il était axé sur les pays à revenu intermédiaire, qui se caractérisent en général par l’existence d’une importante fracture numérique tout en possédant les infrastructures de base et les capacités institutionnelles nécessaires à l’adoption du numérique.

  • Constitution d’une équipe interministérielle (DfID-FCO-DCMS) dotée de compétences spécialisées dans les domaines de l’inclusion numérique, de la cybersécurité, de l’entrepreneuriat numérique et de la mise en œuvre de programmes. L’équipe a réalisé en neuf mois cinq diagnostics par pays approfondis en matière d’accès numérique – au Kenya, au Nigéria, en Afrique du Sud, au Brésil et en Indonésie – afin de dialoguer avec les principales parties prenantes et d'évaluer les besoins ainsi que l’orientation stratégique que pourrait prendre une intervention globale à l’appui du développement numérique. Ces missions diagnostiques se sont appuyées sur des études documentaires approfondies réalisées en amont à partir des données disponibles et sur un questionnaire préalable.

  • Utilisation des rapports établis à la suite de ces diagnostics pour élaborer un argumentaire à l’appui de chaque programme par pays et mobiliser le soutien des dirigeants et des ministres en faveur de ce type de programme innovant et inédit.

  • Conduite dedeux projets pilotes dans deux pays partenaires pour renforcer l’adhésion, de manière à apporter rapidement la preuve du potentiel du programme, données factuelles à l’appui, et de lui donner une visibilité sans qu’un investissement important soit nécessaire. Les deux projets pilotes ont servi à affiner le modèle d’exécution adaptatif du programme. Ce modèle reposait notamment sur l’externalisation du renforcement des capacités en cybersécurité ; la coopération avec des centres de ressources techniques (« tech hubs ») situés dans les ambassades et chargés de soutenir l’entrepreneuriat numérique ; et l’utilisation d'une formule hybride combinant mise en œuvre en interne, directe et externalisée pour les composantes plus complexes et plus vastes axées sur l’inclusion numérique (connectivité, compétences numériques, contenus et services destinés aux populations mal desservies).

  • Obtention d’une approbation ministérielle pour le DAP et son déploiement dans les cinq pays partenaires. Après la phase de diagnostic et la phase pilote, la phase de mise en œuvre a débuté en juillet 2019. Il s’agissait de mettre en place des équipes spécialisées dans les ambassades ou les hauts commissariats, de dialoguer directement avec des parties prenantes clés dans le pays (autorités de réglementation des télécommunications et autorités chargées des technologies de l’information et de la communication (TIC), par exemple) et de concevoir des projets conjointement avec divers partenaires locaux et internationaux.

  • Selon le rapport annuel officiel 2021 du DAP (FCDO, 2021[3]), le DAP a obtenu la note A+ pour avoir dépassé les attentes en matière de mise en œuvre et renforcé les écosystèmes numériques. Il avait obtenu la note A dans les rapports de 2019 (FCDO, 2020[4]) et 2020 (FCDO, 2020[5]).

  • Dans le cadre des phases de test et de démonstration portant sur 73 modèles évolutifs de solutions offrant un accès numérique inclusif, sûr et sécurisé dans cinq pays partenaires, le DAP a touché en 2020-21 plus de 2.3 millions de personnes au sein de 286 communautés mal desservies, améliorant leur connectivité, leurs compétences numériques et leur accès à des contenus et des services numériques adaptés au contexte local.

  • Le DAP a permis l'établissement de 18 plans, politiques, stratégies et réglementations au niveau national, dont, par exemple, le plan national pour les TIC (ICT Authority of Kenya, 2020[6]) et les règles relatives à l’utilisation de fréquences télévisuelles libres (TV White Space) (Communications Authority of Kenya, 2020[7]) pour assurer la connectivité du dernier kilomètre et un cadre de partage du spectre au Kenya (Communications Authority of Kenya, 2021[8]), l’élaboration d’un cadre d'action relatif aux réseaux communautaires au Brésil, le plan national pour le haut-débit au Nigéria (Nigerian Communications Commission, 2020[9]) et la stratégie pour améliorer l'inclusion numérique dans le domaine de la télémédecine en Indonésie.

  • Parmi les initiatives menées à bien avec succès en Indonésie dans le cadre du DAP figurent la création d'un site web sur la sécurité en ligne en bahasa indonésien et un projet de sensibilisation à la violence sexiste en ligne mené en coopération avec l’organisation non gouvernementale (ONG) SAFEnet.

  • Au Nigéria, le DAP a formé aux bases de la cybersécurité plus de 6 000 employés de plus de 3 000 petites et moyennes entreprises (PME) et a mené avec succès dans les médias sociaux et à la radio une campagne de sensibilisation à la cyberhygiène qui a touché plus de 46 millions de personnes.

  • Le gouvernement du Kenya et le « tech hub » du DAP ont lancé la boîte à outils sur la réglementation des entreprises (Business Regulatory Toolkit) (Kenya National Chamber of Commerce & Industry, 2021[10]) pour aider les dirigeants d’entreprises du numérique locales à accéder à des informations claires et faciles à comprendre sur l’environnement réglementaire. Cette boîte à outils en ligne a enregistré plus de 300 000 connexions durant les trois premiers mois qui ont suivi son lancement, un chiffre passé à plus d’un million en juin 2021.

  • Les diagnostics par pays en matière d’accès numérique se sont révélés un bon moyen d’acquérir de nouvelles données factuelles dans un domaine nouveau comme celui du développement numérique à travers des interventions conçues en fonction du contexte.

  • Les procédures complexes à respecter pour obtenir les approbations nécessaires au lancement de programmes innovants ont obligé l’équipe à décomposer le processus en plusieurs phases – phase de diagnostic, phase pilote et phase de mise en œuvre. L’organisation de points réguliers tout au long du programme et l’impact tangible des projets pilotes ont été essentiels pour rallier le soutien des dirigeants et des ministres.

  • Un modèle d’exécution adaptatif et innovant était nécessaire pour s'adapter aux évolutions rapides de l’espace numérique. Cet objectif a été atteint à la fois en faisant appel à des organisations spécialisées extérieures et en adoptant de nouvelles manières d'utiliser les compétences de l’ensemble de l’administration en matière de développement numérique, de cybersécurité et de technologie, et en concevant conjointement certains projets directement avec des parties prenantes et des partenaires d’exécution locaux.

  • La gestion centralisée du programme a permis de garantir une cohérence (entre les pays, entre les composantes et entre les politiques) et de fournir une orientation consultative et stratégique, de faciliter l’apprentissage entre pays et de favoriser la participation au dialogue mondial sur le développement numérique. Toutefois, la mise sur pied d’équipes pays dans les ambassades a été essentielle pour assurer un niveau suffisant de connaissance du contexte, le suivi étroit des projets et des liens au quotidien avec les principales parties prenantes.

  • Le modèle d’exécution souple et hybride sur lequel repose le DAP a permis d’en infléchir rapidement l’orientation et de faire de l'inclusion numérique un levier essentiel pour lutter contre la pandémie de COVID-19 et en atténuer les conséquences en concevant et en déployant dans un laps de temps court des projets de courte durée liés à la connectivité inclusive, à la culture numérique, aux compétences en matière de cyberhygiène, à la télémédecine et à l'apprentissage à distance, ce qui a apporté une aide précieuse à beaucoup de populations mal desservies ou isolées pendant la pandémie.

Cette étude de cas est également publiée sur la plateforme en ligne d'apprentissage mutuel de l’OCDE consacrée aux Outils, enseignements et pratiques de la coopération pour le développement, dans les pages En pratique. Celles-ci décrivent des exemples de réponses concrètes à divers défis auxquels fait face la coopération et mettent l’accent sur les résultats obtenus et les enseignements tirés.

Références

[1] Banque mondiale (2016), World Development Report 2016: Digital Dividends, https://www.worldbank.org/en/publication/wdr2016 (consulté le 29 November 2021).

[8] Communications Authority of Kenya (2021), Licensing and Shared Spectrum Framework for Community Networks, http://ca.go.ke/wp-content/uploads/2021/05/Licensing-and-Shared-Spectrum-Framework-for-Community-Networks-May-2021.docx.pdf (consulté le 29 November 2021).

[7] Communications Authority of Kenya (2020), « Authorisation of the Use of TV White Spaces », Dynamic Spectrum Access Framework, https://www.ca.go.ke/wp-content/uploads/2020/03/Authorisation-of-the-use-of-TV-White-Spaces.pdf (consulté le 29 November 2021).

[2] DFID (2018), DFID Digital Strategy 2018 to 2020: Doing Development in a Digital World, https://www.gov.uk/government/publications/dfid-digital-strategy-2018-to-2020-doing-development-in-a-digital-world (consulté le 29 November 2021).

[3] FCDO (2021), « Digital Access Programme (DAP) Annual review 2021 », DAP Development Tracker, https://devtracker.fcdo.gov.uk/projects/GB-1-204963/documents (consulté le 29 November 2021).

[4] FCDO (2020), « Digital Access Programme (DAP) Annual review 2019 », DAP Development Tracker, https://iati.fcdo.gov.uk/iati_documents/54173438.odt (consulté le 29 November 2021).

[5] FCDO (2020), « Digital Access Programme (DAP) Annual review 2020 », DAP Development Tracker, https://iati.fcdo.gov.uk/iati_documents/56521351.odt (consulté le 29 November 2021).

[6] ICT Authority of Kenya (2020), ICT Authority Strategic Plan 2020-2024, https://icta.go.ke/pdf/ICTAStrategicPlan.pdf (consulté le 29 November 2021).

[10] Kenya National Chamber of Commerce & Industry (2021), Kenya, UK Launch Business Regulatory Guide, https://www.kenyachamber.or.ke/2021/03/22/kenya-uk-launch-business-regulatory-guide/ (consulté le 29 November 2021).

[9] Nigerian Communications Commission (2020), Nigerian National Broadband Plan 2020 ??? 2025, https://www.ncc.gov.ng/documents/880-nigerian-national-broadband-plan-2020-2025/file (consulté le 29 November 2021).

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