Chapitre 5. Critères pouvant guider l’élaboration de la politique relative à l’azote

Ce chapitre décrit un cadre d’analyse des mérites des instruments de gestion de l’azote utilisables par les pouvoirs publics. Il définit une typologie des différents instruments à la disposition des décideurs et propose trois critères pour les évaluer (efficacité, rapport coût-efficacité et faisabilité). Il souligne qu’il est important de renforcer la cohérence entre la politique de gestion de la pollution azotée et les autres politiques, aussi bien environnementales que sectorielles.

    

Quelle que soit l’approche (fondée sur le risque ou de précaution), des critères d’évaluation sont nécessaires afin de sélectionner les bons instruments de gestion des risques ou de l’incertitude (Graphique 5.1). Pour commencer, il faut évaluer les effets non désirés sur l’azote des politiques sectorielles (agricole et énergétique, par exemple) et des politiques relatives à l’environnement (politique climatique, entre autres), et s’y attaquer. Il est ensuite possible de sélectionner les instruments d’action concernant l’azote qui sont efficaces eu égard à leur coût et dont la mise en œuvre ne pose pas de problèmes de « faisabilité ». Enfin, compte tenu de la cascade de l’azote, il convient d’estimer les effets non souhaités des instruments visant une forme d’azote sur les autres formes, de manière à favoriser les synergies et à éviter qu’une pollution ne soit remplacée par une autre.

Graphique 5.1. Critères d’évaluation de l’action publique
Graphique 5.1. Critères d’évaluation de l’action publique

Note : Le critère de la cohérence des politiques s’applique aux mesures qui ne visent pas au premier chef la gestion de la pollution azotée.

Source : À partir de Drummond et al., 2015.

La section 5.1 ci-dessous donne un exemple de ce que peut supposer la recherche de la compatibilité avec la politique agricole1. La section 5.2 présente les critères d’efficacité, de rapport coût-efficacité et de faisabilité à utiliser dans la conception des instruments d’action concernant l’azote. Dans le chapitre 6, ces critères sont appliqués à différents types d’instruments d’action, leurs avantages et inconvénients sont décrits de manière générale et des études de cas sur des instruments d’action relatifs à l’azote sont présentées. L’évaluation des effets non souhaités de la cascade de l’azote ne fait que commencer (voir la section 5.3) ; le Chapitre 4 présente une étude de cas sur les pratiques agricoles.

5.1 Cohérence des politiques

Avant toute chose, il convient de veiller à ce que les politiques sectorielles n’encouragent pas une production excessive d’azote. Tel peut être le cas, parfois, de celles qui visent à stimuler la production agricole ou à améliorer la sécurité de l’approvisionnement en énergie.

Bartelings et al., 2016 estime par exemple l’impact des subventions en faveur de la production et de l’utilisation d’engrais sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), à l’aide d’un modèle d’équilibre général calculable2. Tout d’abord, le montant ad valorem des subventions a été calculé à l’aide d’informations sur le coût des engrais. Ainsi, l’Indonésie et l’Inde mènent une politique visant à réduire le coût de l’énergie dans la production d’engrais de manière à fournir à leurs agriculteurs des engrais moins chers3. D’après les estimations, sous l’effet du soutien financier public, le prix auquel les agriculteurs paient les engrais azotés est inférieur aux coûts de production de 68 % en Indonésie et de 56 % en Inde (tableau 5.1). La Russie et la Chine soutiennent l’utilisation d’engrais en versant des subventions directes aux agriculteurs. Il ressort des estimations que les aides à l’utilisation d’intrants (qui prennent la forme d’un paiement à la surface en Chine) sont équivalentes à une subvention ad valorem représentant environ 28 % du coût des engrais en Russie et 12.5 % en Chine (Tableau 5.1).

Tableau 5.1. Subventions en faveur des engrais dans quelques-uns des BRIICS

Ad valorem (en % du coût des engrais)

Subventions à l’utilisation d’intrants versées aux agriculteurs

Soutien apporté aux producteurs d’engrais

Indonésie

68

Inde

56

Russie

28

Chine

12.5

Source : Von Lampe et al. (2014).

Ensuite, les émissions de GES liées à la production et à l’utilisation d’engrais ont été estimées (Tableau 5.2). Il s’agit bien entendu d’une estimation dans la mesure où les émissions d’hémioxyde d’azote (N2O) dues aux cultures sont fonction des pratiques agricoles et non pas uniquement des doses d’engrais employées. En particulier, le concept des 4B (la bonne source, à la bonne dose, au bon moment et au bon endroit)4 peut à la fois accroître l’efficacité avec laquelle les plantes absorbent l’engrais et réduire les excédents d’azote sur la parcelle, ce qui réduit les émissions de N2O (Omonode et al., 2017).

Tableau 5.2. Émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la production et à l’utilisation d’engrais azotés

Émissions de GES (g/kg)

Dioxyde de carbone (CO2)

Hémioxyde d’azote (N2O)

Méthane

(CH4)

CO2e1

Production d’engrais

2 827

10

9

5 729

Utilisation d’engrais

0

21

0

5 565

Note:

1. L’équivalent CO2, abrégé CO2e, sert à comparer les émissions de différents GES en tenant compte de leur potentiel de réchauffement global par rapport à celui du CO2 sur les cent années à venir (PRG à 100 ans). Le CO2e d’un GES est obtenu en multipliant la quantité émise par le PRG à 100 ans associé. Dans le présent rapport, nous avons utilisé un PRG à 100 ans de 265 pour le N2O et de 28 pour le CH4, suivant le Cinquième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. La valeur du PRG des gaz autres que le CO2 ne prend pas en compte les rétroactions climat-carbone.

(www.ipcc.ch/pdf/assessmentreport/ar5/wg1/WG1AR5_Chapter08_FINAL.pdf).

Source : À partir de Bartelings et al. (2016).

Les émissions de GES des cultures sont aussi fonction du type d’engrais (les émissions de N2O dues à l’urée sont en général plus élevées que celles qui sont liées au nitrate d’ammonium) et du type de sol (les émissions de N2O étant en général importantes lorsque le sol est argileux et peu drainé (Graphique 5.2). Selon les estimations admises à l’échelle internationale jusqu’à maintenant, pour chaque kilogramme d’engrais azoté utilisé dans la production céréalière, on comptabilise une déperdition de 1 % sous forme de N2O dans l’atmosphère 5.

Graphique 5.2. Émissions de gaz à effet de serre (GES) des cultures par types de sol
Graphique 5.2. Émissions de gaz à effet de serre (GES) des cultures par types de sol

a. Émissions d’hémioxyde d’azote (N2O) des parcelles en pourcentage de la quantité d’engrais azoté utilisé ; calculées suivant le modèle de Bouwman (Bouwman et al., 2002) avec une certitude allant de - 40 % à + 70 %.

b. La teneur du sol en carbone organique et son pH sont aussi des facteurs importants.

Source : Brentrup et Pallière (2009).

Enfin, l’incidence de la suppression progressive des subventions en faveur des engrais sur les émissions de GES a été estimée. Elle varie d’un pays à l’autre. Elle est ainsi particulièrement prononcée en Inde et en Indonésie où, sous l’effet de l’élimination des subventions versées directement à l’industrie des engrais, l’azote produit localement serait moins attractif que le phosphore et le potassium importés (effet de substitution entre les trois éléments nutritifs). Le modèle indique que les émissions de GES diminueraient aussi en Chine, où la suppression des paiements à la surface liés à l’utilisation d’intrants (à savoir les terres et les engrais) entraînerait une réduction de la production agricole. Les émissions de GES dues à l’utilisation d’azote baisseraient en Russie, mais celles qui découlent de la production d’engrais augmenteraient, car la Russie commencerait à exporter de l’azote en Inde et en Indonésie.

D’après cette étude, l’abolition des subventions en faveur des engrais n’aurait qu’un effet modeste sur l’utilisation des terres agricoles dans chacun des quatre pays, excepté la Chine. Dans cette dernière, elle pourrait se traduire par un accroissement des puits de carbone, des forêts pouvant s’épanouir sur les surfaces délaissées par les agriculteurs, ce qui viendrait s’ajouter à la réduction nette des émissions de GES.

En fait, la Chine a pris des mesures en vue d’éliminer les subventions en faveur des engrais et elle projette de plafonner l’utilisation d’engrais d’ici 2020. Le Plan d'action 2020 pour une croissance zéro de la consommation d’engrais chimiques et de pesticides vise à ramener l’augmentation annuelle de la consommation d’engrais chimiques en dessous de 1 % sur la période 2015-19 et à 0 % d’ici 2020 dans les principales productions agricoles (OCDE, 2016b). Cependant, il convient de replacer ces ambitions dans le contexte de l’accroissement du soutien public apporté aux agriculteurs chinois, en grande partie sous la forme de mesures qui faussent la production agricole (Graphique 5.3).

Graphique 5.3. Chine et OCDE : évolution du niveau et de la structure du soutien à l’agriculture
Graphique 5.3. Chine et OCDE : évolution du niveau et de la structure du soutien à l’agriculture

Source : OCDE (2018a).

En résumé, certaines formes de soutien agricole peuvent fausser l’utilisation d’intrants et la production agricole, et donc avoir des conséquences environnementales négatives sur l’environnement (comme l’augmentation des émissions de N2O). Avant de concevoir des mesures ciblant la pollution azotée, il est donc essentiel de suivre et d’évaluer les politiques sectorielles et leurs effets non souhaités sur les émissions d’azote. L’OCDE a établi une typologie des mesures de soutien en faveur des agriculteurs et s’emploie à évaluer leurs impacts environnementaux (voir, par exemple, OCDE, 2018b). Elle est aussi experte en suivi et évaluation des mesures qui apportent un soutien direct à la production ou à la consommation d’énergies fossiles. Ces travaux pourraient servir de point de départ à l’évaluation des effets préjudiciables des mesures sectorielles sur les émissions de polluants azotés.

Il convient aussi de veiller à la cohérence avec les mesures environnementales qui ne visent pas au premier chef à réduire la pollution azotée. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, une mesure de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) a permis de réduire les apports de nitrate (NO3-) dans les eaux (voir OCDE, 2013). Un système d’échange d’émissions permet aux émetteurs de GES qui ne veulent pas réduire leurs émissions de passer contrat (via un organisme intermédiaire) avec des agriculteurs disposés à piéger du carbone. Moyennant une compensation financière, ces derniers convertissent des pâturages en forêts, ce qui contribue à réduire les apports de NO3- dans les eaux. Les émetteurs de GES reçoivent des crédits du système d’échange d’émissions en contrepartie de la conversion de pâturages en forêts (Graphique 5.4).

Graphique 5.4. Système d’échange d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de la Nouvelle-Zélande
Graphique 5.4. Système d’échange d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de la Nouvelle-Zélande

Source : Ministère néozélandais de l’Environnement, www.mfe.govt.nz/climate-change/reducing-greenhouse-gas-emissions/about-nz-emissions-trading-scheme ; consulté le 29 mars 2018.

Ce mécanisme est appliqué au lac Taupo, le plus grand du pays, menacé par la pollution azotée. Pour réduire cette dernière dans le lac, un système de plafonnement et d'échange de droits d'émission d’azote a été mis en place à l’intention des agriculteurs du secteur. Au lieu de vendre leurs droits de pollution par l’azote, les exploitants peuvent opter pour la réduction permanente de l’azote, en contrepartie de laquelle ils reçoivent une compensation financière versée par l’organisme intermédiaire. Ce dernier est lui-même financé par les émetteurs de GES qui achètent des crédits d’émission dans le cadre du système d’échange. Les agriculteurs sont ainsi rémunérés pour réduire les émissions d’azote et, en même temps, ils tirent un revenu de crédits forestiers.

Cette mesure environnementale qui, sans viser la pollution azotée, concourt à sa gestion, est un exemple qui montre pourquoi il faut aussi veiller à la cohérence des politiques environnementales elles-mêmes. L’évaluation des arbitrages opérés entre les objectifs d’atténuation du changement climatique et la gestion de la pollution azotée peut cependant être plus délicate, par exemple dans le cas de la fertilisation des forêts6, laquelle accroît la quantité de carbone stockée, mais aussi les risques liés à l’azote. D’après de Vries, 2017, les dépôts d’azote ne sont pas étrangers à l’accroissement notable de la quantité de carbone contenue dans les forêts et dans les sols forestiers en Europe depuis 1950. Néanmoins, ces dépôts peuvent aussi concourir à une diminution de la tolérance des arbres à la sécheresse en réduisant l’ouverture des stomates7 de leurs feuilles (Burkhardt et S. Pariyar, 2014 ; Grantz et al., 2018).

5.2 L’efficacité, l’efficience et la faisabilité des instruments d’action8

5.2.1 Typologie des instruments d’action

Des instruments d’action de formes et aux applications pratiques très variées peuvent être employés pour lutter contre la pollution par l’azote. Selon la classification établie par l’OCDE (2008), ils peuvent être rangés dans les catégories suivantes :

  • Tarification : taxes et redevances liées à l’environnement, et systèmes de permis négociables

  • Réglementation directe dans le domaine de l’environnement

  • Soutien financier : soutien financier public et paiements au titre des services écosystémiques

  • Information

  • Dispositifs volontaires

Les taxes liées à l’environnement sont des prélèvements effectués par une autorité compétente (nationale, régionale ou locale), acquittés par des personnes morales et frappant certains produits, activités ou transactions, dans le but de décourager les comportements préjudiciables à l’environnement en les rendant payants. Les redevances environnementales sont versées par les consommateurs aux prestataires de services environnementaux, comme le traitement des eaux usées.

Les systèmes de permis négociables sont des instruments quantitatifs qui associent des droits de propriété à des unités d’externalités positives (services écosystémiques, par exemple) ou négatives (polluants, notamment) réelles ou potentielles, ces droits, une fois alloués, pouvant être échangés comme des marchandises sur de nouveaux marchés, entre entités assujetties. Ils prennent le plus souvent la forme de mécanismes de « plafonnement et d’échanges » dans lesquels le volume d’un polluant est plafonné globalement (en dessous du niveau qui serait atteint en l’absence de plafond) et des permis sont associés à chaque unité de polluant en-deçà du plafond et donnent à leur titulaire un « droit » d’émettre ou de rejeter les unités de polluant correspondantes, ce qui crée de la rareté et une valeur de marché. Au lieu de définir un plafond et un nombre limité de permis négociables, d’autres systèmes reposent sur un niveau de référence et créent des crédits (permis), lesquels sont attribués à des entités qui ramènent la pollution en dessous du niveau de référence préétabli et peuvent ensuite être échangés comme dans le cas précédent (moyennant un plafond global défini par le niveau de référence préétabli). Une démarche similaire peut être appliquée aux services écosystémiques : des crédits sont émis pour protéger ou restaurer les services en question, et ils peuvent être cédés à d’autres entités en contrepartie d’une augmentation de la quantité de services fournis (par exemple, du reboisement destiné à accroître le volume de CO2 stocké, pour compenser une hausse des émissions de CO2 ; ou de la création de zones humides pour maximiser la dénitrification dans les bassins enrichis en NO3-) (Hansen et al., 2016).

La réglementation directe dans le domaine de l’environnement consiste à appliquer à certains produits, pratiques ou niveaux de performance (« meilleures techniques disponibles », par exemple) des normes minimums ou maximums, des limites, des interdictions, des conditions ou d’autres obligations similaires telles que les permis d’activité.

Le soutien financier public consiste à utiliser des fonds publics pour encourager des pratiques qui réduisent les impacts sur l’environnement (ou décourager celles qui ont des impacts importants), pour stimuler l’innovation technologique ou organisationnelle, ou pour financer des infrastructures. Il peut passer par de nombreux canaux, dont les aides ou dotations budgétaires directes, les prêts sans intérêts ou à taux réduit, les garanties d’emprunt ou les régimes fiscaux préférentiels (OCDE, 2008).

Aucune des diverses définitions des paiements au titre des services écosystémiques ne fait consensus (Schomers et Matzdorf, 2013). Il s’agit toutefois, globalement, de transactions dans lesquelles les gestionnaires d’un écosystème (propriétaires terriens, par exemple) reçoivent des bénéficiaires des services écosystémiques (notamment des pouvoirs publics, lorsque la collectivité est le bénéficiaire générique) une rétribution en contrepartie des coûts additionnels occasionnés par le maintien des services en question au-dessus du niveau requis par la loi.

L’information passe par les campagnes de sensibilisation, les systèmes d’étiquetage et de certification, des programmes d’enseignement et de formation, la diffusion de directives sur les « meilleures pratiques » et les mécanismes d’établissement de rapports et de publication de données.

Les dispositifs volontaires comprennent les systèmes de gestion environnementale, les accords volontaires négociés entre les pouvoirs publics et certains secteurs économiques, et les accords sectoriels unilatéraux ou intersectoriels visant à atteindre un objectif environnemental donné.

Aucun instrument ou type d’instruments ne permet, à lui seul, de s’attaquer à toutes les sources de pollution dans tous les secteurs. Cette section décrit les différents types d’instruments individuellement, mais il est probablement préférable de les conjuguer, sous la forme d’une « panoplie ». Chaque instrument et chacune de leur combinaison a des avantages et des inconvénients eu égard aux trois critères d’évaluation examinés ci-dessous. C’est inévitable dans un monde où il n’existe pas de remède parfait, caractérisé par de multiples incertitudes et défaillances du marché.

5.2.2 Critères de l’efficacité, de l’efficience et de la faisabilité

En général, les méthodes existantes d’analyse des politiques évaluent la performance d’un instrument d’action à l’aune du critère de l’efficience économique, en particulier de l’efficience statique (équilibre le plus productif entre l’allocation des ressources et le résultat, ou, si le résultat est prédéfini, obtention de celui-ci au coût le plus bas à un moment donné (rapport coût-efficacité statique)). Les analyses de cette nature recommandent souvent de recourir à des outils de tarification pour minimiser les coûts de la réduction des émissions polluantes, en particulier lorsque toutes les sources (anthropiques) sont visées sur le territoire concerné. Cependant, cette optique ne rend pas justice aux complications du « monde réel » qui, souvent, limitent l’efficacité des mesures et empêchent de mettre en place les instruments de la façon la plus souhaitable du point de vue théorique. Ces facteurs sont les suivants (Görlach, 2013).

  • Défaillances du marché s’ajoutant à l’externalité du polluant concerné. Il peut s’agir, par exemple, de défaillances de l’information, de problèmes d’agence (intérêts divergents) ou encore de problèmes liés au seuil de satisfaction de l’individu9, qui peuvent avoir pour effet d’empêcher le marché de produire un résultat « optimal ».

  • La mise au point des moyens de lutte. Elle peut être stimulée dans une certaine mesure par la politique des prix, mais elle est incertaine et un prix élevé peut être nécessaire pour encourager l’investissement privé dans le développement de technologies et pratiques nouvelles.

  • La faisabilité administrative, notamment le suivi du polluant et de la conformité et l’action à mener en cas de manquements. Dans le cas de certaines sources de pollution, il peut se révéler impossible ou exagérément onéreux d’administrer certains instruments. Les gains d’efficience découlant d’un instrument de tarification peuvent alors être effacés par les coûts de transaction qu’entraînent l’administration, le suivi et les contrôles.

  • Une absence d’acceptabilité politique et publique qui, de même qu’une incompatibilité juridique, peut empêcher de mettre en place un instrument au demeurant adapté.

  • Des effets redistributifs et des problèmes d’équité, qui peuvent aussi empêcher de mettre en œuvre un instrument s’il n’est pas possible d’y remédier convenablement.

  • La dimension mondiale de certaines substances nocives, comme les GES. Les instruments dont l’action se limite à déplacer ailleurs la pollution et ne la réduisent pas à l’échelle planétaire ne peuvent pas être considérés comme réellement efficaces.

Des critères d’évaluation plus larges sont donc nécessaires pour rendre compte de ces nuances et pour pouvoir estimer de façon plus poussée s’il est souhaitable de recourir, dans différentes applications, à tel instrument plutôt qu’à tel autre.

L’« efficacité » concerne l’aboutissement d’une intervention des pouvoirs publics, lequel peut être défini soit comme un résultat (par exemple, l’utilisation de convertisseurs catalytiques dans les véhicules), soit comme un impact (la diminution de la perturbation du cycle de l’azote, par exemple), selon les objectifs particuliers de l’instrument d’action considéré et de l’évaluation entreprise. Par exemple, même si l’objectif ultime des instruments de lutte contre la pollution azotée est la réduction de la perturbation du cycle naturel de l’azote, il peut être matériellement impossible de relier cet impact à une seule intervention des pouvoirs publics. Dans ces cas, les objectifs de ces derniers (s’ils sont explicités) sont souvent définis en termes de « résultat » de l’action publique (Görlach, 2013).

Globalement, le critère du « rapport coût-efficacité » met en relation les moyens (coûts) et l’aboutissement (résultat/impact) d’une intervention des pouvoirs publics et vise à déterminer si l’objectif est atteint au moindre coût pour la collectivité. Il se décompose en deux sous-critères. Le premier est le rapport coût-efficacité statique, qui est satisfaisant lorsque toutes les sources visées d’un polluant donné sont confrontées au même coût marginal de réduction de la pollution et donc sont incitées de la même manière à la réduire, de façon à ce que cette réduction, quel que soit son niveau, soit obtenue par ces sources au moindre coût pour la collectivité dans son ensemble, à l’aide des solutions existant à un moment donné. C’est ce que l’on appelle parfois le principe d’équimarginalité. Le deuxième sous-critère est le rapport coût-efficacité dynamique, qui est satisfaisant lorsque la réduction de la pollution s’opère au moindre coût pour la collectivité pendant une période donnée, moyennant des incitations permanentes encourageant l’innovation et la mise en œuvre de solutions toujours moins chères (Duval, 2008). Le rapport coût-efficacité dynamique suppose donc que les solutions de réduction et leur coût sont variables au fil du temps et non pas fixes. De ce point de vue, encourager le déploiement d’une technologie de réduction coûteuse à un moment donné pour permettre l’innovation et engendrer une réduction de la pollution à bas coût plus tard, contrairement à la perspective statique, peut être préférable à une solution moins onéreuse mais présentant moins de potentiel de réduction des coûts à long terme (Görlach, 2013).

Les instruments de tarification sont statiquement efficaces par rapport à leur coût si le prix explicite ou implicite est applicable à toutes les sources de pollution qui entrent dans leur champ et équivalent entre elles. Une taxe ou un système de permis négociables peuvent avoir un champ sectoriel et géographique étendu et porter sur de multiples « produits » (polluants) fongibles, par exemple des polluants qui ont le même impact (ou des impacts comparables), comme l’eutrophisation des eaux due à l’azote et au phosphore. Des polluants dont l’impact a un niveau stable mais différent de l’un à l’autre, comme les GES présentant des potentiels de réchauffement global différents, peuvent aussi faire l’objet d’un seul et même système de permis négociables. Par exemple, le nombre de permis requis pour émettre une unité d’un GES affichant un potentiel de réchauffement élevé peut être majoré par rapport au nombre de permis nécessaires pour émettre une unité du GES présentant le potentiel de réchauffement le plus faible et entrant dans le champ de l’instrument.

La « faisabilité » de la mise en œuvre est bien entendu essentielle à une mise en place et à un fonctionnement efficaces de l’instrument. Ce concept revêt globalement cinq aspects. Le premier est la faisabilité administrative, qui repose entre autres sur la facilité d’administration, les coûts de transaction et la rigueur du régime de contrôle de conformité. Le deuxième concerne la capacité à remédier aux effets secondaires, intentionnels ou non et positifs ou négatifs. Il peut s’agir de retombées négatives sur la distribution des revenus/l’équité et d’impacts sur la compétitivité de l’industrie, mais aussi d’effets sur la création d’emplois, la sécurité de l’approvisionnement en ressources et d’avantages connexes sanitaires et environnementaux (Encadré 5.1). Liées à ces deux aspects, l’acceptabilité politique et l’acceptabilité publique sont elles-mêmes indissociables l’une de l’autre. Le quatrième aspect est la faisabilité juridique et institutionnelle, qui décrit la compatibilité d’un instrument d’action avec le cadre légal et les doctrines constitutionnelles existants. Le dernier est en rapport avec la flexibilité de l’instrument et avec sa façon de réagir à des informations nouvelles, aux risques et aux incertitudes. Il reflète aussi l’aptitude de l’instrument à prendre en compte les comportements stratégiques (induits par l’asymétrie de l’information, la recherche de rente, la captation réglementaire, voire la fraude) (Görlach, 2013).

Encadré 5.1. Exemple de retombées positives de mesures environnementales destinées avant tout à réduire la pollution azotée

Les activités provoquant des émissions d’azote et de GES d’origine agricole se recoupent en grande partie. Ainsi, lorsque les émissions d’azote d’origine agricole sont réduites, les émissions de GES de l’agriculture diminuent elles aussi. La directive cadre de l’UE sur l’eau (2000/60/CE) fixe des objectifs de bon état écologique de toutes les eaux de surface et de bon état pour les eaux souterraines, qui doivent être atteints au plus tard en 2027. Au Danemark, ils ont été déclinés en divers objectifs géographiquement différenciés de réduction des charges azotées dans les eaux côtières et dans les eaux souterraines. D’après les projections, la réalisation de ces objectifs devrait se traduire par une diminution des émissions agricoles de GES de 2 millions de tonnes d’ici 2027.

Aux termes de ses engagements actuels, le Danemark devra avoir réduit ses émissions de GES dans les secteurs non couverts par le système d'échange de quotas d'émission de l'UE (SEQE) de 39 % en 2030 par rapport à 2005. D’après une projection effectuée en 2017 par l’Agence danoise de l’énergie, on estime que, pour y parvenir, les émissions en 2030 doivent être réduites de 2.5 millions tonnes. De ce fait, si la directive cadre de l’UE sur l’eau est appliquée en bonne et due forme, la diminution qui devra encore être obtenue dans les secteurs hors SEQE au Danemark pour atteindre l’objectif sera modeste. Même si l’estimation de l’effet de l’application de la directive est relativement incertaine, les résultats montrent que le niveau de la réglementation visant l’azote peut avoir une influence notable sur les émissions totales de GES.

Source : Danish Economic Councils, 2018

Par exemple, d’après Jacobsen et al., 2017, dans le cadre de la mise en œuvre de la directive cadre de l’UE sur l’eau au Danemark, les instances politiques centrales ont sous-estimé la complexité juridique et réglementaire de l’adoption, au niveau national, de mesures agricoles obligatoires (liées à l’utilisation des terres) visant des objectifs environnementaux locaux. Les mesures obligatoires en question, qui étaient ambitieuses mais accentuaient des contraintes réglementaires déjà fortes, soulevaient des problèmes juridiques, et risquaient par exemple d’entraîner une violation des droits de propriété privée. Leur acceptabilité politique et leur légitimité s’en sont trouvées sapées, ce qui a peu à peu abouti à leur retrait. Les auteurs estiment que l’adoption de mesures plus souples, applicables à l’échelle locale, aurait pu limiter les difficultés du point de vue économique et légal, car les dispositions auraient dès lors pu être déployées là où elles pouvaient manifestement avoir des avantages environnementaux et, éventuellement, à un coût plus modeste.

En général, les taxes liées à l’environnement et les instruments de tarification présentent une faisabilité administrative élevée : les institutions et systèmes administratifs requis existent déjà dans la plupart des pays. Malgré tout, plusieurs exceptions et nuances sont à signaler. Il y a des chances qu’une taxe, une redevance ou un système de permis négociables soit plus faisable, du point de vue administratif, qu’une mesure applicable en aval, car ils visent moins d’acteurs, ce qui abaisse les coûts de transaction et accroît la possibilité de procéder à un suivi et à des contrôles efficaces. De plus, compte tenu de leur nature, les possibilités d’évasion ou de fraude sont limitées (Matthews, 2010). Néanmoins, que les instruments s’appliquent en amont ou en aval, ils soulèvent des difficultés techniques. Si les émissions de polluants comme le CO2 et le dioxyde de soufre (SO2) sont en grande partie fonction de la teneur en carbone et en soufre du combustible ou du carburant, les émissions d’oxydes d’azote (NOx) et de N2O dues aux processus de combustion sont quant à elles largement déterminées par la technique de combustion employée, ce qui rend infaisable l’application en amont d’un instrument de tarification efficient. Inversement, le suivi de la pollution azotée au point d’émission des petites sources de combustion statiques ou mobiles (habitations et moyens de transport, par exemple) ou des voies de transfert multiples et diffuses des sources de pollution non ponctuelles du secteur agricole peut être infaisable aussi bien techniquement qu’administrativement. En ce qui concerne ces sources, l’application d’un instrument de tarification à l’état du milieu (concentration d’un polluant dans l’eau, par exemple) peut être une solution pratique. Toutefois, cette méthode risque de n’être efficace que si les différents acteurs sont convaincus que leurs propres émissions ont un impact sensible sur l’ensemble, ce qui les incite à les réduire. Il peut en être ainsi dans le cas de la pollution de l’eau dans un petit bassin hydrographique comptant peu de producteurs agricoles, mais non, par exemple, dans une zone urbaine où pénètrent et dont sortent de nombreux véhicules ne contribuant chacun que très marginalement à la pollution globale (Karp, 2005).

5.3 Effets non désirés liés à la cascade de l’azote

Outre les critères « génériques » comme, d’une part, la cohérence des politiques et, d’autre part, l’efficacité, l’efficience et la faisabilité des instruments d’action visant l’azote, il en est un autre dont il faut impérativement tenir compte pour définir l’action publique en la matière. Ce dernier prend en considération la réalité de la cascade de l’azote, c’est-à-dire le fait que cet élément, une fois fixé et compte tenu de sa nature labile, a tendance à changer de forme jusqu’à ce qu’il finisse par revenir à l’état de diazote (voir, dans le chapitre 1, la description de la cascade). L’objectif est de parvenir à une conception plus fine des instruments d’action (comparativement à celle qui s’appuie uniquement sur les deux premiers critères) en évaluant leurs effets non désirés sur les autres formes de l’azote, dus à la cascade de l’azote.

Quelle que soit la démarche (de précaution ou fondée sur le risque), l’évaluation des instruments d’action visant l’azote doit prendre en compte les effets accessoires sur les différentes formes de l’élément, positives comme négatives. Il faut notamment veiller à ce que les efforts déployés pour réduire les impacts de l’azote dans un domaine (i) n’aient pas de répercussions non souhaitées dans d’autres (remplacement d’une pollution par une autre10) et (ii) exploitent les occasions de réduire d’autres impacts dus à l’azote (effets de « synergie »). Il est donc nécessaire de peser les risques11 inhérents à différentes mesures ou meilleures pratiques de gestion12, qu'elles concernent l'agriculture, la combustion d’énergie fossile, les processus industriels ou le traitement des eaux usées.

Par exemple, recourir à la réduction catalytique sélective pour faire diminuer les émissions de NOx des véhicules soulève de nouveaux problèmes concernant les émissions d’ammoniac (NH3) et de N2O résiduels (même si, dans l'ensemble, les émissions d'azote sont fortement réduites). Dans la mesure où la réduction catalytique sélective fait appel à une solution d’urée (système dénox13), il faudrait en injecter davantage dans le système pour que la réaction élimine encore plus de NOx. Mais dans ce cas, les émissions de N2O et de NH3 augmenteraient (Suarez-Bertoa et al., 2016).

Inversement, le traitement tertiaire des eaux usées élimine le NO3- et permet ainsi de réduire radicalement (de plus de 90 %) les quantités de N2O qui en émanent en l'absence de ce traitement (encadré 5.2). Cependant, cette opération provoque la production de boues dont l’élimination, lorsqu’elle se fait par incinération (pratique habituelle en Suisse, par exemple), libère des NOx.

Encadré 5.2. Effet de synergie, sur les émissions d’hémioxyde d’azote (N2O), des pratiques d’élimination du nitrate (NO3-) des eaux usées

Le traitement tertiaire destiné à éliminer l'azote des eaux usées est un processus en deux étapes de nitrification et dénitrification (souvent menées dans deux emplacements séparés de la station d’épuration, car la première a lieu en conditions aérobies et la seconde en conditions anaérobies). Du N2O peut être formé à chacune de ces étapes14. Une enquête menée en 2011 a mis au jour de grandes disparités entre les émissions de N2O des différentes stations d’épuration étudiées (STOWA GWRC, 2011). Ces différences s'expliquent par le fait que les émissions de N2O dépendent du type et de la conception des stations (par exemple, du mode d'aération) et de la fréquence à laquelle les conditions de traitement varient pendant le processus15 (Kampschreuer et al., 2009).

Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a publié des lignes directrices sur l’évaluation des émissions de N2O des stations d’épuration dans le cadre des inventaires nationaux des émissions de GES. Ces recommandations distinguent l'élimination minimale d'azote pendant le traitement et les « moyens contrôlés de nitrification et de dénitrification ».

Dans le premier cas, on part du principe que tout l'azote entrant dans la station est transféré aux eaux réceptrices, où il est minéralisé, nitrifié et dénitrifié par des processus naturels. Au cours de ces processus, une partie de l'azote rejeté est émis sous forme de N2O, selon un facteur d’émission par défaut de 0.005 kg N-N2O/kg N rejeté, avec une incertitude comprise entre 0.0005 et 0.25 kg N-N2O/kg N rejeté (GIEC, 2006).

Le facteur d’émission par défaut retenu pour les « moyens contrôlés de nitrification et de dénitrification » est de 0.0032 kg N2O/personne/an (0.0020 kg N-N2O/personne/an), moyennant une incertitude comprise entre 0.002 et 0.08 kg N-N2O/personne/an. Si l'on suppose que la charge en azote des eaux usées est de 16 g N/personne/jour dans les pays développés, cela revient à environ 0.00035 kg N-N2O/kg N rejeté (Foley et Lant, 2009).

Par conséquent, le traitement tertiaire dans les stations d’épuration ramène la quantité de N2O libérée d'un facteur d'émission de 0.005 kg N-N2O/kg N rejeté à un facteur de 0.00035 kg N-N2O/kg N traité (soit 93 % d'émissions de N2O en moins).

L'activité microbienne peut ouvrir de nouvelles possibilités de synergie pour éliminer le N2O et d’autres formes d'azote (c'est-à-dire convertir l'azote en diazote) grâce à la dénitrification. L'utilisation de bactéries anammox dans le traitement des eaux usées peut par exemple éviter des émissions de N2O. L’anammox (oxydation anaérobie de l'ammonium) est un phénomène de dénitrification qui se produit dans les eaux (et les sédiments) naturellement pauvres en oxygène (zones anoxiques)16. Lorsqu'ils ont découvert la voie anammox (en 1999), les chercheurs ont prouvé que certaines bactéries pouvaient tirer leur énergie des nitrites (NO2-) et de l’ammonium (NH4+), au lieu du NO3-, et les reconvertir directement en diazote (sans passer par le N2O). L'utilisation de l’anammox dans le traitement des eaux usées pourrait aussi être efficace au regard des coûts, car l'oxygénation de l'eau représente la moitié des coûts d'exploitation d'une station d’épuration (Lawson et al., 2017). Les bactéries anammox présentent l'avantage supplémentaire, en comparaison avec l’épuration classique, de convertir une plus grande quantité d'ammonium (NH4+) en diazote. Le principal problème de mise en œuvre de cette solution tient au fait que ces bactéries croissent très lentement.

Outre qu’elle présente des avantages pour la biodiversité et pour le stockage de carbone, la restauration de zones humides pourrait jouer un rôle central dans la gestion des risques liés à l'azote, comme l’indique une étude menée aux États-Unis en 2011 (USEPA-SAB, 2011). Cependant, il convient d’évaluer avec soin les effets non désirés de la création de zones humides (pour maximiser la dénitrification dans les bassins hydrographiques enrichis en NO3-) sur le cycle de l’azote. Ainsi, les zones humides constamment inondées présentent un rapport d'émissions de N2O/N2 plus bas que celles qui sont inondées par intermittence. Ce rapport est également plus bas pendant la saison chaude et sous les climats chauds.

Dans les eaux côtières, la gestion de la prolifération des algues non seulement prévient la disparition des poissons (zones mortes), mais aussi réduit la transformation du NO3- en N2O. Parce qu’elle a une incidence sur la croissance du phytoplancton17, la quantité d’éléments nutritifs dans la zone euphotique des océans18 joue un rôle crucial dans la capacité de ceux-ci à séquestrer le carbone (autrement dit, dans le fonctionnement de la « pompe à carbone biologique »). Cependant, seules quelques études ont été consacrées à l’influence de la structure des populations de phytoplancton sur la pompe à carbone biologique (Samarpita et Mackey, 2018).

L’attention a dernièrement été attirée sur la possibilité d’intégrer les différentes orientations existantes de l’UE sur les pratiques agricoles (qui sont en général séparées en fonction des problèmes environnementaux et des formes d’azote), pour favoriser les retombées connexes bénéfiques sur l’air, l’eau et le climat19. Ainsi, au cours de la période 2000-2008, la réglementation des pratiques agricoles prévue par la directive de l’UE sur les nitrates a réduit de 16 % le ruissellement et le lessivage de NO3- d’origine agricole, mais elle a aussi fait diminuer les émissions agricoles de NH3, de N2O et de NOx, respectivement de 3 %, 6 % et 9 % (Velthof et al., 2014). Au Royaume-Uni, dans le cadre de l’inventaire des GES agricoles, on évalue les interactions entre les différentes formes d’azote au moment des relevés, en mesurant simultanément le lessivage du N2O, du NH3 et du NO3-, et la quantité d’azote présent dans les plantes. Cela permet de mieux comprendre les effets de la gestion des exploitations sur le cycle de l’azote et de rendre compte plus complètement de ces interactions dans l’inventaire des GES. Le chapitre 4 revient en détail sur les conséquences involontaires des pratiques de préservation sur le cycle de l’azote dans l’agriculture aux États-Unis.

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Notes

← 1. Ce type d’analyse mérite d’être étendu et approfondi à l’avenir, compte tenu de la nécessité de renforcer la cohérence des politiques.

← 2. Appelé Modular Applied GeNeral Equilibrium Tool ou MAGNET.

← 3. La production d’engrais azoté exige beaucoup d’énergie (procédé Haber-Bosch) et son coût est très tributaire des prix de l’énergie.

← 4. Le concept des 4B a été défini par le Fertilizer Institute (TFI) en collaboration avec l’International Plant Nutrition Institute (IPNI), l’International Fertiliser Association (IFA) et Fertilisants Canada, dans le cadre d’une initiative de gestion des éléments nutritifs (www.nutrientstewardship.com/). Il consiste à utiliser la bonne source d’éléments nutritifs (soit à adapter la composition de l’engrais aux besoins de la culture) à la bonne dose (celle qui correspond aux besoins de la culture) au bon moment (lorsque les plantes en ont besoin) et au bon endroit (là où les végétaux peuvent l’assimiler).

← 5. Voir www3.epa.gov/ttnchie1/ap42/ch14/final/c14s01.pdf.

← 6. Expérimentée dans certains pays, comme la Suède.

← 7. La surface des feuilles de tous les végétaux supérieurs est garnie de pores microscopiques spéciaux, appelés stomates, qui jouent un rôle important dans les échanges de vapeur d’eau, de CO2 et d’oxygène.

← 8. Auteurs : Paul Drummond, Paul Ekins et Paolo Agnolucci, University College London (UCL) Institute for Sustainable Resources.

← 9. Renvoie à la tendance des individus ou des organisations à prendre leurs décisions en fonction de l’habitude, des pratiques courantes et d’hypothèses instinctives (Grubb, 2014).

← 10. Il peut en effet arriver qu’une pollution s’aggrave en conséquence d'une mesure mise en œuvre pour en réduire une autre (Stevens et Quinton, 2009).

← 11. Un arbitrage peut s’imposer lorsque des actions menées pour réduire un risque lié à l’azote est susceptible d’en aggraver d’autres.

← 12. Évaluer l’efficacité des meilleures pratiques de gestion revient in fine à évaluer le rapport coût-efficacité des instruments utilisés pour les promouvoir.

← 13. Le terme « dénox » désigne des procédés de traitement aval des gaz d'échappement conçus pour réduire les émissions de NOx (par exemple, les catalyseurs de NOx en mélange pauvre passifs ou actifs, les absorbeurs de NOx et les systèmes de réduction catalytique sélective).

← 14. Du N2O peut aussi se former pendant les traitements biologiques secondaires classiques, qui reposent sur des processus aérobies et des bactéries qui éliminent la matière organique biodégradable soluble.

← 15. Les variations des conditions de traitement peuvent être dues à des changements dans les conditions environnementales (modification du débit ou de la charge, par exemple) et/ou liées au passage entre zone anoxique et aérobie.

← 16. Le rapport variable entre dénitrification et anammox observé dans les océans est expliqué par des variations locales de qualité et de quantité de la matière organique (Babbin et al., 2014).

← 17. Le phytoplancton constitue un groupe extrêmement divers de microalgues et de cyanobactéries photosynthétiques microscopiques.

← 18. La zone euphotique est la couche la plus proche de la surface qui reçoit suffisamment de lumière pour que la photosynthèse soit possible.

← 19. Atelier conjoint Commission européenne-CEE-ONU, « Towards Joined-up Nitrogen Guidance for Air, Water and Climate Co-benefits », Bruxelles, 11 et 12 octobre 2016.

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