Chapitre 10. Liban

Les fondements de la politique en faveur des PME : définitions, statistiques et institutions

Le Liban doit encore développer une politique à part entière de soutien aux PME et à l’entreprenariat. Bien que le ministère de l’Économie et du Commerce ait élaboré une stratégie pour les PME, le document manque de détails sur la mise en œuvre et les ressources et plusieurs de ses stipulations, sinon toutes, semblent être des propositions plutôt que des lignes directrices. Tout d’abord, une définition des PME est proposée (mais pas fixée) dans la stratégie et elle n’a jusqu’à présent été adoptée que par le ministère de l’Économie (tableau 10.1).

Tableau 10.1. Définition des PME dans la Stratégie pour les PME

Type d’entreprise

Employés

Chiffre d’affaires

Micro-

< 10 employés

< 500 m LBP (271 110 EUR)

Petite

< 50 employés

< 5 md LBP

Moyenne

< 100 employés

< 25 md LBP

Source : Stratégie pour les PME au Liban : feuille de route jusqu’en 2020, p. 36.

Un projet de Loi sur les PME a également été élaboré et est en attente d’approbation par le Parlement. Toutefois, les articles 2 et 3 du projet de Loi sur les PME proposent des définitions des PME légèrement différentes de celles figurant au tableau 10.1. Les définitions de la Loi sur les PME différencient également les entreprises commerciales et de services, les entreprises industrielles et les entreprises agricoles. La définition des PME qui sera adoptée officiellement sera celle de la Loi sur les PME.

Concernant les statistiques sur les PME et l’entreprenariat, le Liban est l’une des rares économies MED à ne pas disposer d’une source officielle de données. L’Administration centrale des statistiques n’effectue pas de recensements d’entreprises et il n’existe aucune initiative visant à exploiter des sources d’informations administratives telles que les registres d’entreprises ou les informations fiscales. Le ministère de l’Industrie a lancé un formulaire statistique annuel à remplir par les PME industrielles demandant un certificat industriel (environ 2000 usines) afin de recueillir des informations générales sur les usines ainsi que des informations financières. L’objectif est de créer un système de base de données industrielles au sein du ministère de l’Industrie pour entreprendre une enquête annuelle1. Le ministère de l’Industrie mène également un recensement couvrant 8 200 usines (95 % sont des PME). Parmi celles-ci, 4 700 sont enregistrées auprès du ministère de l’Industrie et les autres ont obtenu leur licence avant la création du ministère de l’Industrie ou opèrent sans licence. Ce recensement aidera à réguler le secteur au Liban2.

Dans la même veine, le projet de Loi sur les PME en attente d’approbation parlementaire stipule également que l’unité PME au sein du ministère de l’Économie et du Commerce établira une base de données des entreprises et dressera un inventaire et une classification des micro-, petites et moyennes entreprises. De plus, la Stratégie pour les PME prévoit la création d’un Observatoire des PME qui devrait être chargé de mener et publier régulièrement des recherches, des statistiques et des analyses d’impact sur les PME et les dispositifs de soutien et de maintenir une base de données complète pour garantir un suivi continu et efficace de l’appui fourni aux PME. Le ministère de l’Économie et du Commerce collabore avec la Banque mondiale pour établir un tel Observatoire des PME dans le cadre du Programme national de création d’emplois.

En ce qui concerne le programme économique général, le Liban a été fortement affecté par les flux de réfugiés en provenance de Syrie et d’Irak. Dans ce contexte, une conférence internationale (conférence CEDRE) s’est tenue en avril 2018 pour aider le Liban à faire face aux défis importants et à la charge des retombées négatives du conflit régional. Lors de cette conférence, la communauté internationale a promis 11 milliards USD de prêts et de subventions pour aider le programme d’investissement et de réforme du Liban3. Le gouvernement a également dévoilé une Vision pour la stabilisation, la croissance et l’emploi qui comprend un certain nombre de réformes structurelles telles que la révision du Code du commerce, le développement du cadre réglementaire pour l’administration électronique et la banque en ligne, et d’autres réformes visant à améliorer l’accès au financement et au système judiciaire. Ce programme de réforme pourrait améliorer le climat des affaires et avoir un impact positif pour le développement des PME et de l’entreprenariat4.

En ce qui concerne le cadre institutionnel et la coordination du développement des PME, le ministère de l’Économie et du Commerce continue de jouer un rôle moteur dans l’élaboration et la coordination des politiques tandis que le Ministère de l’Industrie se concentre sur le développement industriel dans le cadre du réseau Euro-Med d’experts en politique industrielle.

Le projet de Loi sur les PME, qui doit encore être approuvé par le Parlement, stipule que l’un de ses objectifs est d’assurer la coordination entre tous les organismes et institutions travaillant dans le domaine du développement des entreprises pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale libanaise. La Loi sur les PME précise également que l’Unité des PME au sein du ministère de l’Économie et du Commerce sera chargée d’élaborer et de mettre en œuvre un plan stratégique national relatif aux entreprises, de le mettre à jour de façon permanente et continue et de fixer les règles et réglementations nécessaires pour coordonner l’action avec les parties concernées dans les secteurs public et privé. Selon les consultations menées pour cette évaluation intermédiaire, un plan d’action concret pour la mise en œuvre de la Stratégie pour les PME sera élaboré une fois la Loi sur les PME publiée (bien qu’il n’y ait pas de détails sur le moment où cela se produira).

En ce qui concerne le dialogue public-privé, à l’époque de l’Indice des politiques en faveur des PME 2014, la principale initiative en faveur du DPP était la plateforme multipartite intitulée Améliorer l’environnement des affaires au Liban (IBEL). Cependant, la plateforme IBEL n’est plus opérationnelle et elle n’a pas atteint ses objectifs d’amélioration sur plusieurs aspects de l’environnement des affaires. De plus, il n’y a pas de documents publiés sur les réalisations de l’IBEL et plusieurs des fonctionnaires gouvernementaux et du secteur privé consultés pour cette évaluation intermédiaire ignoraient même son existence.

Le ministère de l’Industrie élabore actuellement un plan d’action en collaboration avec des experts nationaux et internationaux, sur la base des séminaires organisés dans le cadre du projet EBESM (Amélioration de l’environnement des affaires dans le sud de la Méditerranée) soutenu par l’UE. L’objectif est d’institutionnaliser le DPP dans le processus d’élaboration des politiques en faveur des PME par un décret ministériel. En outre, la stratégie pour les PME à l’horizon 2020 et son plan d’action comprennent des dispositions visant à promouvoir le DPP par le biais de tables rondes régulières5 et la création d’un portail web6 et d’une application mobile facilitant l’engagement des PME, et la tenue chaque année d’un forum des acteurs des PME.

Pour aller plus loin : Le Liban pourrait considérablement accroître ses efforts pour la mise en place d’une politique de soutien aux PME à part entière en approuvant le projet de Loi sur les PME et en mettant en œuvre une stratégie pour les PME détaillée et pragmatique, identifiant des objectifs concrets, des buts précis, les responsabilités des différentes parties prenantes et les budgets afférents (autant d’éléments qui font défaut dans l’état actuel de la Stratégie pour les PME). En outre, la Loi sur les PME et la Stratégie en faveur des PME pourraient être mieux harmonisées en s’attaquant aux divergences entre elles, telles que les définitions proposées pour les PME. Le Liban a également une grande marge d’action pour améliorer ses statistiques officielles des PME, qui sont pour la plupart absentes. L’Administration centrale des statistiques pourrait par exemple lancer un recensement économique qui pourrait à terme être remplacé par l’utilisation de sources administratives d’informations sur les entreprises, telles que les dossiers fiscaux, la sécurité sociale, le registre des entreprises, etc. Les données administratives pourraient être complétées par des enquêtes couvrant l’économie informelle. Dans la même veine, le Liban pourrait également travailler à la création d’un Observatoire des PME pour diffuser des données sur les PME et des informations utiles aux entrepreneurs et aux chefs d’entreprise. Les autorités pourraient également envisager la création d’une agence officielle des PME chargée de la coordination des politiques et de la mise en œuvre des politiques, suivant les modèles des autres économies MED et de l’OCDE. Cette agence des PME pourrait également servir de secrétariat pour la mise en œuvre d’une Stratégie en faveur des PME. En termes de dialogue public-privé, le Liban pourrait réactiver l’initiative IBEL ou créer une toute nouvelle plateforme afin de favoriser la coopération multipartite dans des domaines tels que l’amélioration de l’environnement des affaires ou le renforcement des politiques ciblées sur les PME. Poser les bases d’une politique de soutien aux PME complète pourrait être coûteux au début et nécessiterait un renforcement significatif des capacités ; les bailleurs et la communauté internationale pourraient soutenir le Liban dans cette entreprise importante, en gardant toujours à l’esprit la durabilité et la flexibilité des efforts à moyen et à long terme.

Améliorer l’environnement des affaires pour les PME et les entrepreneurs

Depuis la publication de l’Indice des politiques en faveur des PME 2014, il ne semble pas qu’il y ait des efforts exhaustifs dans le domaine de la réforme de la réglementation et de la simplification administrative. Premièrement, comme mentionné ci-dessus, l’IBEL n’est plus opérationnelle. De plus, il n’y a aucune preuve d’efforts concrets pour développer et mettre en œuvre une analyse d’impact réglementaire et introduire un test PME.

Selon les consultations menées pour cette évaluation intermédiaire, certaines des 40 initiatives visant à améliorer l’environnement des affaires proposées par la Stratégie en faveur des PME sont mises en œuvre par un projet soutenu par l’UE et coordonné par le Bureau du Ministre d’État pour la réforme administrative (OMSAR), en coopération avec les ministères compétents en matière de réglementation des affaires. Pourtant, les informations fournies font référence à une initiative d’administration en ligne visant à faciliter les procédures commerciales (le programme e-gouvernement OMSAR), et non à l’établissement d’un mécanisme d’analyse de l’impact de la réglementation7.

Concernant la facilitation des procédures de création de nouvelles entreprises, le ministère de l’Économie a créé une plateforme électronique pour s’inscrire en ligne à plusieurs services8. Il n’existe toutefois pas d’enregistrement en ligne pour les nouvelles entreprises. Le registre des entreprises se trouve auprès du Registre du commerce et des Chambres de commerce et il est sur papier. Il n’y a pas eu de progrès en ce qui concerne les guichets uniques pour l’enregistrement des entreprises, bien que, selon la consultation, le projet OMSAR comprenne deux phases : 1) la simplification des réglementations et 2) la création de guichets uniques.

En ce qui concerne la faillite, l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 indiquait que le gouvernement était en train de procéder à la révision du cadre légal de l’insolvabilité et à la rédaction d’une loi moderne sur la faille par le biais de l’initiative IBEL. Il n’y a eu aucun changement à cet égard depuis.

Pour aller plus loin : Il existe une grande marge d’action pour monter des initiatives permettant d’améliorer l’environnement des affaires pour les PME et les entrepreneurs. OMSAR pourrait être le fer de lance d’une initiative visant à introduire une analyse d’impact de la réglementation et un test PME au Liban, en coopération avec les ministères concernés et les agences gouvernementales. Une telle initiative pourrait s’accompagner de la réactivation d’une plateforme de dialogue public-privé, comme on l’a vu à la section précédente. La création d’un numéro d’identification unique pour les entreprises (dont il n’existe pas de preuve) pourrait également faciliter ces efforts en permettant aux entreprises de traiter plus facilement avec différentes agences publiques. Un numéro d’identification unique pourrait également avoir l’avantage d’aider à améliorer la collecte des données, comme également indiqué à la section précédente. Des efforts beaucoup plus importants pourraient également être faits pour la modernisation du système de faillite, qui est l’un des plus difficiles dans la région MED.

Favoriser l’accès au financement

En ce qui concerne le cadre juridique et réglementaire de l’accès au financement, l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 avait noté qu’un registre de crédit était opérationnel à la banque centrale. À l’époque, le registre couvrait près de 20 % de la population adulte (ce chiffre est actuellement de 22,9 %), un chiffre supérieur à la moyenne de l’OCDE. Selon les consultations menées pour les besoins de cette évaluation intermédiaire, une annonce publique émise par la Banque centrale (BDL) stipule que les personnes physiques et morales seront désormais autorisées à demander un rapport d’information de crédit auprès de n’importe quelle succursale de la BDL et plus seulement auprès du siège. Cette initiative vise à décentraliser et à accélérer la fourniture d’informations sur le crédit. En revanche, cette évaluation intermédiaire n’a constaté aucun progrès ou projet de création d’un bureau de crédit.

L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 soulignait également le travail en cours avec l’IFC en vue de l’établissement d’un cadre juridique pour un registre des biens mobiliers. Un projet de loi a été approuvé par le conseil des Ministres le 27 mars 2018 pour permettre l’utilisation des biens mobiliers en garantie et, une fois promulgué, il devrait être suivi par la création d’un registre de garanties.

En revanche, des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la disponibilité des sources de financement pour les PME. En 2016, la Banque centrale a modifié le cadre réglementaire pour augmenter la marge des fonds que les banques peuvent consacrer au financement d’entreprises du secteur de l’économie du savoir en les autorisant à investir, avec une garantie de la Banque centrale de 75 %, jusqu’à 4 % de leur capital, contre 3 % précédemment. Cette mesure ferait passer les fonds disponibles à cet effet de 400 millions USD à plus de 600 millions USD. En outre, environ huit fonds de capital-risque ont été créés à la suite de cette réforme et grâce aux fonds mis à disposition lors du changement de législation.

En matière d’accès au crédit, la BDL a également incité les banques à financer des entreprises de différents secteurs et à leur accorder des prêts à des taux d’intérêt très bas (1 % de la BDL aux banques et jusqu’à 3 % des banques aux entreprises). Cette mesure, initialement lancée en tant que plan de relance d’un montant de 1,47 milliard USD en 2013, a été renouvelée pour la quatrième année consécutive, avec une moyenne de 1 milliard USD par an. Le plan de relance cible, entre autres, les PME, bien qu’il n’y ait aucune preuve de son impact. Cette mesure est destinée à financer des prêts pour investissements et non pour fonds de roulement (à moins que le prêt ne soit accompagné d’une garantie de Kafalat, le principal dispositif de garantie de crédit).

Kafalat a également lancé de nouvelles initiatives depuis 2014, notamment le programme Kafalat iSME, qui est un fonds de 30 millions de dollars emprunté par la République du Liban à la Banque mondiale et dont la gestion a été confiée à Kafalat SAL. Le programme offre des subventions pour le développement de concepts (jusqu’à 15 000 USD) pour des projets innovants, ainsi que des co-investissements en capitaux (entre 100 000 et 1,2 million USD) qui viennent s’ajouter à d’autres fonds d’investissement de fonds de capital-risque, de sociétés holding, de groupes d’investisseurs institutionnels et de banques d’investissement. À ce jour, le programme a accordé 70 subventions et 4 investissements en fonds propres9.

Une autre initiative récente visant à fournir des investissements en capital et un soutien aux start-ups est IM Capital, soutenue par l’USAID à travers la Middle East Investment Initiative et gérée par Berytech, qui est un incubateur d’entreprises et fournisseur de services aux start-ups10. IM Capital est un fonds d’investissement de 15 millions USD qui fournit des capitaux de contrepartie, des garanties des prises de participation et des programmes de soutien à un large éventail d’entreprises en démarrage d’activité et d’investisseurs qualifiés au Liban. En outre, IM Capital a créé la Masterclass Seeders pour Business Angels, programme d’un an destiné à former des investisseurs providentiels grâce à une méthodologie « apprendre et gagner » consistant en une filière formation et investissement dans les PME11. Le but du programme est de créer une communauté d’investisseurs informée. En conséquence, une communauté de business angels a vu le jour et a investi dans quatre start-ups.

Pour aller plus loin : Le Liban a réalisé au cours des dernières années des progrès impressionnants dans l’introduction de nouvelles sources d’accès au financement, en particulier dans les initiatives visant à développer les investissements en capital et à soutenir les start-ups innovantes. Ces initiatives offrent une cohérence d’ensemble, tiennent compte des synergies et semblent faire l’objet d’un bon suivi. Pour aller encore plus loin dans ce domaine, le Liban pourrait travailler à la mise en place d’un bureau de crédit et d’un registre des biens mobiliers afin de faciliter également l’accès au crédit.

Soutenir l’entreprenariat et la croissance des PME

L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 avait déjà constaté le dynamisme du marché des services d’appui aux entreprises au Liban où plusieurs acteurs gouvernementaux, privés et ONG à travers le pays offraient une diversité de programmes de soutien. Trois centres d’appui aux entreprises (Berytech, BIAT et SouthBIC) étaient les principaux organismes soutenant les PME. Un certain nombre d’espaces de co-working et d’accélérateurs avaient été mis en place (Cloud 5, ALTCITY et Co-working 961). Le Centre euro-libanais de modernisation industrielle (ELCIM) proposait des services plus avancés tels que l’évaluation des stratégies commerciales et l’assistance aux entreprises pour améliorer la technologie de production et la planification de la production. Enfin, l’Équipe Entreprise/Unité chargée de l’appui aux PME au ministère de l’Économie et du Commerce était, à l’époque, en train de mettre au point une nouvelle stratégie d’appui aux PME pour fournir un cadre stratégique (voir la première section de ce chapitre).

En dehors de ces initiatives, qui sont toujours actives12, la Banque mondiale a mis en place en 2016 un mécanisme de subvention, le Fonds d’assistance technique au Liban pour les MPME (Lebanon MSME TA Facility), afin de promouvoir les prestataires de services d’appui aux entreprises (SAE). L’aide financière a été dépensée dans un délai d’un an et a accordé une subvention de contrepartie 50/50 aux fournisseurs de SAE établis et enregistrés afin qu’ils puissent renforcer leurs capacités dans des domaines institutionnels spécifiques, notamment l’innovation de produits, le suivi et l’évaluation des services. Cette subvention de 400 000 USD a été gérée par Kafalat et visait à soutenir des projets très spécifiques (à l’exclusion d’une aide générale et des nouveaux fournisseurs de SAE). La subvention a profité à huit fournisseurs de services de développement commercial, dont la Business Angels Masterclass et le Tripoli Entrepreneurs Club Program visant à permettre l’emploi des programmeurs informatiques. D’après les consultations menées pour cette évaluation intermédiaire, l’instrument était censé être un programme pilote pouvant être reproduit dans d’autres pays et poursuivi au Liban mais il n’y a pas eu d’autres actions ultérieures.

En outre, pour faciliter l’accès des PME aux informations sur les nombreux services disponibles, le ministère de l’Économie a publié le guide Qu’y a-t-il au Liban pour les PME 2017 (What’s in Lebanon for SMEs 2017)13. Outre les services d’appui aux entreprises, le guide contient des descriptions des programmes de soutien dans les domaines de l’innovation, des finances et de l’accès au marché. Ce guide pourrait représenter une bonne pratique pour la diffusion de l’information à un coût raisonnable.

L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 indiquait que le système de passation des marchés publics au Liban était relativement ouvert à la participation des PME. L’information sur les marchés publics a été centralisée au niveau national et mise à disposition en ligne et dans les journaux. Cependant, des efforts supplémentaires étaient nécessaires pour généraliser la passation électronique des marchés publics. Une loi réglementant les retards de paiement existait mais la sanction n’était pas appliquée de manière efficace. La présente évaluation intermédiaire ne constate aucun progrès significatif dans ce domaine. Cependant, la Vision pour la stabilisation, la croissance et l’emploi présentée par le Premier ministre libanais lors de la conférence CEDRE à Paris en avril 2018 note qu’il existe des projets de lois présentés au Parlement pour la modernisation du système de passation des marchés14. Ces lois visent à améliorer la transparence et l’efficacité des marchés publics, ce qui devient encore plus important compte tenu de la forte augmentation des activités d’achats publics qui devrait résulter de la mise en œuvre du Programme d’investissement en capital (Capital Investment Programme, CIP). Le CIP est un programme à long terme visant à utiliser les prêts consentis et les promesses de dons faites lors de la conférence CEDRE (voir la première section de ce chapitre).

En ce qui concerne les mesures visant à promouvoir l’accès des PME aux marchés internationaux, l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 mentionnait l’existence d’initiatives ponctuelles (par opposition à des mesures stratégiques) telles que des missions commerciales et des salons. L’Agence de développement des investissements (IDAL) soutenait la promotion et la commercialisation des produits libanais, en particulier des produits agricoles et des matériaux utilisés dans l’agro-industrie. Un projet de loi portant création d’une agence de promotion des exportations était en cours de discussion au parlement, mais rien n’indiquait l’existence d’une stratégie claire de promotion des exportations.

Cette évaluation intermédiaire constate peu de progrès dans ces domaines. Un certain nombre d’initiatives en faveur de l’internationalisation des PME ont été introduites au cours des dernières années, mais sans un cadre global ou cohérent clair. L’agence de promotion des exportations n’a pas été établie et il n’y a pas de stratégie de promotion des exportations. L’IDAL continue de jouer un rôle dans la promotion des produits libanais sur les marchés étrangers. Cependant, aucun résultat publié n’est disponible sur l’impact des activités de l’agence. De plus, bien que l’IDAL publie en ligne des informations précieuses sur les opportunités d’investissement et les incitations existantes dans les principales industries exportables (agro-alimentaire, technologies de l’information, etc.), les brochures disponibles ne sont pas présentées d’une manière facile à utiliser (par ex. classées par sujet)15. En termes de promotion stratégique des exportations, la Vision intégrée pour le secteur industriel libanais 2025 comprend une section sur l’augmentation des exportations industrielles indiquant une série d’actions dans ce domaine et les différentes parties responsables16. La vision, cependant, manque de détails sur les ressources, les calendriers et les initiatives concrètes pour mettre en œuvre les actions prévues. Plus récemment, la Vision pour la stabilisation, la croissance et l’emploi présentée lors de la conférence CEDRE comprend un pilier spécifique pour la diversification des secteurs productifs et des services du Liban et la réalisation du potentiel d’exportation du pays. Pour la mise en œuvre de ce pilier, la Vision prévoit le développement d’une stratégie dans ce domaine fondée sur une évaluation réalisée par le cabinet de conseil McKinsey.

Pour aller plus loin : Il y a eu des développements positifs au cours des dernières années en termes de disponibilité des services d’appui aux entreprises, mais moins en ce qui concerne l’internationalisation des PME et encore moins sur les marchés publics. De nouvelles initiatives ont été entreprises pour renforcer le marché des SAE déjà bien développé au Liban et pour faciliter l’accès des PME aux informations sur les différents dispositifs de soutien disponibles. L’élaboration et la mise en œuvre d’une véritable stratégie pour les PME pourraient donner encore plus de cohérence et d’impact à ces efforts. Il en va de même pour les mesures de soutien à l’internationalisation des PME, dont le nombre a augmenté, mais qui manque encore d’approche stratégique. Enfin, le Liban pourrait redoubler d’efforts pour accroître la participation des PME aux marchés publics, notamment en mettant en place une plateforme de passation électronique des marchés.

Investir dans le capital humain entrepreneurial

Depuis 2014, peu de progrès ont été réalisés dans le domaine de l’apprentissage entrepreneurial dans le second cycle de l’enseignement secondaire. Il n’existe pas de vision nationale de l’apprentissage entrepreneurial tout au long de la vie, qui devrait être intégrée dans les discussions en cours sur le futur plan national d’éducation. À ce propos, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEHE) a récemment reconfirmé qu’il souhaitait intégrer l’entrepreneuriat en tant que compétence clé dans le système éducatif national, ce qui constitue l’engagement politique nécessaire.

Un projet pilote a été finalisé en 2014 pour développer des modules d’apprentissage entrepreneurial à destination des établissements secondaires généraux et des établissements d’enseignement technique et professionnel (EFTP), ainsi que du matériel de formation pour les enseignants17. Le Comité de pilotage établi dans le cadre de ce projet pilote révise actuellement son plan d’action pour y inclure la manière d’intégrer les compétences clés de l’entrepreneuriat dans le programme national, avec estimation du budget nécessaire.

Il existe un certain nombre d’exemples ad hoc de coopération école-entreprise, principalement pilotés par INJAZ18. Il faudrait cependant redoubler d’efforts pour accroître la coopération entre école et entreprise dans l’enseignement secondaire général, dans le but de développer l’esprit d’entreprise des jeunes. Dans le cas des établissements d’EFTP, la coopération école-entreprise est principalement abordée par le biais de la formation en entreprise. Toutefois, il est important qu’outre l’apprentissage des compétences professionnelles, il y ait de la place pour le développement des compétences entrepreneuriales, y compris l’état d’esprit entrepreneurial.

Des progrès significatifs ont été réalisés dans le domaine de la formation à l’entrepreneuriat féminin. La Stratégie nationale pour les femmes au Liban (2011-2021), supervisée par la Commission nationale pour les femmes libanaises (NCLW)19, vise à assurer l’égalité hommes-femmes et à autonomiser les femmes par le développement de leurs compétences en affaires. La stratégie pour les PME 2015-2020 promeut également l’entrepreneuriat féminin. Pourtant, selon l’enquête réalisée en 2016 dans la région MENA, les femmes d’affaires libanaises estiment qu’elles ne bénéficient pas du même soutien aux entreprises que les hommes.

La Ligue libanaise des femmes d’affaires (Lebanese League for Women in Business, LLWB) est un partenaire actif de la promotion de l’entrepreneuriat féminin puisqu’elle fournit une plateforme pour le networking, le partage d’expériences, le développement des compétences et l’accès aux financements. La LLWB est dotée d’un comité de développement des compétences qui est responsable de l’offre de formation, y compris le mentorat, et qui prévoit de développer des formations en ligne. La Fondation Cherie Blair pour les femmes et l’Association libanaise pour le développement, Al Majmoua, ont mis en œuvre en 2016 le projet d’Autonomisation économique des femmes dans la région de la Bekaa, où plus de 250 femmes libanaises ont accru leur confiance en elles et renforcé leurs capacités. Le ministère de l’Agriculture a coordonné plusieurs projets de sensibilisation à l’entrepreneuriat féminin dans les zones rurales.

Malgré l’engagement politique du Liban à soutenir les entreprises exportatrices, l’accent reste peu mis sur la formation à l’internationalisation des PME. Un dialogue politique est en cours sur la manière de mieux préparer les entreprises libanaises à améliorer la compétitivité de leurs produits, et la Stratégie pour les PME 2015-2020 constitue une bonne base pour renforcer les capacités des PME dans ce domaine. La stratégie pour les PME prévoit la création d’une agence libanaise de promotion des exportations, qui pourrait jouer un rôle important en assurant la cohérence et en améliorant l’offre de formation à l’appui de l’internationalisation des PME, ainsi que la collecte de données et le suivi des services d’aide.

Le ministère de l’Économie et du Commerce a publié un guide à l’intention des PME (MOET, 2017) qui donne un aperçu des différents dispositifs de soutien financier et dresse la liste de toutes les institutions dispensant une formation aux jeunes entreprises et aux PME désireuses de développer leurs activités et d’exporter.

Les plus importants organismes de formation sont le Centre de formation libanais (LTC) au sein de la Chambre de commerce, la BIAT (Association d’incubation des entreprises à Tripoli), les Institutions libanaises de normalisation (LIBNOR) et plusieurs incubateurs et accélérateurs. L’IDAL, l’agence nationale de promotion des investissements, aide également les entreprises libanaises à développer leurs activités sur le marché international. Plusieurs grands projets qui soutenaient l’internationalisation des PME par la formation se sont terminés et n’ont pas encore été remplacés par d’autres projets. La prochaine phase du projet QUALEB (Programme Qualité financé par l’UE) soutiendra les PME dans le secteur alimentaire à travers la formation pratique, le mentorat et le coaching.

Pour aller plus loin : Le gouvernement devrait introduire l’apprentissage de l’entrepreneuriat dans les discussions en cours sur le plan national d’éducation afin d’intégrer l’entrepreneuriat en tant que compétence clé dans les programmes nationaux d’enseignement général et d’EFTP. Cela nécessiterait l’adoption d’un nouveau décret et l’allocation de ressources financières et humaines suffisantes pour la mise en œuvre, ainsi qu’un mécanisme de suivi. Afin de mettre en œuvre la Stratégie nationale pour les femmes au Liban, le prochain rapport d’étape du Plan d’action national devrait comporter un chapitre consacré à la formation des femmes entrepreneurs ainsi qu’une collecte de données pour évaluer les programmes de formation. Un accent plus fort devrait être mis sur la formation des PME (y compris le mentorat et le coaching) pour les aider à se préparer aux marchés internationaux dans différents secteurs tels que l’agriculture, l’agroalimentaire, les TIC ou l’industrie.

Recommandations pour l’avenir

Le Liban a vu l’introduction d’un nombre important d’initiatives pour promouvoir la compétitivité et l’innovation des PME et des start-ups, y compris la création et l’expansion de dispositifs d’investissement en capital et l’amélioration des services d’appui aux entreprises. Il reste cependant une grande de marge de manœuvre pour améliorer l’environnement des affaires pour les PME à travers l’AIR et la mise en place d’un test PME, ainsi que dans les domaines des procédures de faillite et de la passation électronique des marchés publics notamment. En outre, comme c’était déjà le cas en 2014, le Liban pourrait accroître ses efforts pour renforcer la coordination et le dialogue multipartites. La recommandation formulée par l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 sur l’introduction d’un comité consultatif sur la politique de soutien aux PME, ouvert à toutes les parties prenantes, y compris aux experts indépendants, aux bailleurs et aux représentants du secteur privé, reste très pertinente. Dans cette optique, cette évaluation intermédiaire recommande les principales actions suivantes :

  • Approuver le projet de loi sur les PME et mettre en œuvre une stratégie détaillée et pragmatique pour les PME qui identifie des objectifs concrets, des buts précis, les différentes parties responsables et les budgets alloués (autant d’éléments qui font défaut à la Stratégie pour les PME dans son état actuel).

  • Remettre en place une plateforme de dialogue public-privé pluripartite pour améliorer la coordination et obtenir des conseils sur la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques en faveur des PME. L’unité PME au sein du ministère de l’Économie pourrait de servir de secrétariat pour une telle plateforme. Enfin, le Liban pourrait envisager de créer une agence des PME sur la base des modèles existants dans des pays MED et de l’OCDE.

  • Améliorer la disponibilité et la diffusion des statistiques sur les PME et l’entreprenariat tout d’abord par l’établissement d’un recensement ou d’un mécanisme similaire puis par l’utilisation de sources administratives d’information (en s’appuyant également sur les pratiques internationales en la matière).

  • Mettre en place un mécanisme d’analyse de l’impact réglementaire et un test PME.

  • Créer un guichet unique pour simplifier les procédures d’enregistrement et améliorer l’accès à l’information.

  • Établir un bureau de crédit et un registre des biens mobiliers pour faciliter l’accès au crédit.

  • Approuver la loi sur les marchés publics, soit en mettant à jour le projet de loi existant, soit en élaborant une autre loi.

  • Établir une plateforme pour la passation électronique des marchés publics.

  • Introduire l’apprentissage de l’entreprenariat dans les discussions en cours sur le plan national d’éducation.

  • Inclure la formation à l’entreprenariat féminin dans le prochain rapport d’étape sur le plan d’action de la Stratégie nationale pour les femmes au Liban.

  • Renforcer la formation des PME selon leur secteur d’activité pour les aider à se préparer aux marchés internationaux.

Notes

← 1. Statistiques industrielles 2016, http://www.industry.gov.lb/Arabic/Arabic/Documents/%D9%86%D9%85%D8%A7%D8%B0%D8%AC%20%D8%A7%D9%84%D8%B7%D9%84%D8%A8%D8%A7%D8%AA/Questionnaire%20Industrielle%202015.pdf

← 2. http://www.industry.gov.lb/Arabic/Arabic/Pages/PublicationsAndStudies.aspx

← 3. Sur le montant total promis, 10,2 milliards USD ont été promis pour des prêts, dont 9,9 milliards à des conditions concessionnelles et 0,86 milliard USD sous forme de dons (y compris des dons pour subventionner des prêts).

← 4. Déclaration conjointe de la Conférence économique pour le développement à travers des réformes avec le secteur privé (6 avril 2018), https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/cedre_statement-en-_final_ang_cle8179fb.pdf

← 5. http://www.economy.gov.lb/en/services/-support-to-smes-/roundtables

← 6. http://www.economy.gov.lb/en/what-we-provide/support-to-smes/

← 7. http://www.e-gov.gov.lb/Cultures/en-us/aboutEgov/Pages/ListSubChannels.aspx et http://www.dawlati.gov.lb/

← 8. https://portal.economy.gov.lb/MOET/ApplicationTypes

← 9. www.kafalatisme.com.lb

← 10. www.im-capital.com

← 11. www.seeders.co

← 12. SouthBIC n’est plus en activité.

← 13. http://economy.gov.lb/media/10309/whats-in-lebanon-for-smes-180105-20.pdf

← 14. http://www.pcm.gov.lb/arabic/ListingAndPDFWithDropdown.aspx?pageid=11224

← 15. http://investinlebanon.gov.lb/en/InformationCenter?pageNumber=0

← 16. http://www.industry.gov.lb/Pages/Publicationsandstudies.aspx

← 17. Projet pluriannuel (2010-2014) « Appui au développement d’un cadre pour l’apprentissage entrepreneurial tout au long de la vie au Liban », élaboré par le ministère de l’ Éducation et de l’Enseignement supérieur avec le soutien de la Fondation européenne pour la formation (ETF) et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

← 18. Organisation à but non lucratif centrée sur les jeunes, établie en Jordanie en 1999 et active dans l’Union européenne et dans le monde entier, y compris au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et au Pakistan.

← 19. La NCLW est une institution officielle affiliée à la Présidence du Conseil des ministres.

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