Évaluation et recommandations

L'éducation et le développement au Maroc

Au cours des vingt dernières années, des réformes économiques et sociales majeures menées au Maroc ont favorisé une croissance économique relativement soutenue et l'éradication de l'extrême pauvreté. Les inégalités demeurent néanmoins très prononcées. Elles sont particulièrement évidentes lorsque l'on compare les zones urbaines à forte croissance situées le long de la façade atlantique et les zones rurales plus reculées où 10 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et près de la moitié est illettrée (contre respectivement 2 % et le cinquième de la population dans les zones urbaines). Un développement plus inclusif est essentiel si le Maroc veut atteindre ses objectifs de devenir une économie émergente et d’améliorer le bien-être de l'ensemble de ses citoyens (OCDE, 2017). À cet effet, il est nécéssaire de veiller à ce que tous les élèves bénéficient d'un enseignement de qualité et acquièrent les compétences de base.

Les dépenses en éducation sont relativement élevées au Maroc et ont contribué à renforcer la scolarité obligatoire, notamment au niveau du primaire. Toutefois, l’amélioration des résultats scolaires de tous les jeunes Marocains demeure un défi. Peu d'enfants scolarisés dans les premières classes du primaire acquièrent les compétences fondamentales en lecture et mathématiques pourtant cruciales à la poursuite de l’apprentissage. Une étude récente a montré que la moitié des élèves de deuxième année primaire étaient incapables de déchiffrer le moindre mot d'un paragraphe adapté à leur niveau scolaire. De profondes lacunes d’apprentissage dès les premières années signifient pour de nombreux élèves un retard progressif pris par rapport aux enfants de leur âge, ce qui conduit par ailleurs à de forts taux de redoublement et d'abandon. En 2012, environ un tiers des élèves au Maroc avaient abandonné l'école avant l'âge de 15 ans (INESEFRS, 2014) . Des résultats d’apprentissage plus faibles sont particulièrement observés parmi les élèves des établissements scolaires en zones rurales, et chez les filles en particulier. Seul un tiers des élèves âgés de 12 à 15 ans vivant dans les zones rurales suivaient des études secondaires en 2013 et moins d'un cinquième des filles âgées de 15 à 17 ans.

La « Vision 2030 pour l'éducation » du Maroc vise à améliorer les résultats scolaires et à créer une « nouvelle école marocaine » qui promeut l'apprentissage et offre la perspective d'une vie meilleure à tous les élèves. Ce rapport examine la façon dont des politiques d'évaluation bien conçues peuvent aider le Maroc à faire de sa Vision 2030 une réalité. En renforçant la responsabilisation, le suivi des progrès et en ciblant les aides, l'évaluation peut devenir un outil puissant pour relever les défis du Maroc, des faibles compétences des jeunes enfants en littératie et numératie aux taux élevés d'abandon scolaire des adolescents.

Les examens de l'OCDE du cadre d'évaluation

L'OCDE étudie les politiques et pratiques d'évaluation dans plus de 30 systèmes éducatifs pour déterminer la manière dont elles peuvent accompagner au mieux l'apprentissage des élèves dans le contexte de différents pays. Cette étude montre comment les composantes de l'évaluation (évaluation des élèves, des enseignants, des établissements scolaires, des directeurs d'école et du système) peuvent être développées en synergie pour améliorer la performance des élèves dans les écoles primaires et secondaires (Graphique 0.1). Elle met en avant trois caractéristiques principales d'un cadre d'évaluation solide.

Graphique 0.1. Interactions au sein du cadre d’évaluation
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Source : adapté de OCDE (2013), Synergies pour améliorer l'apprentissage : une approche internationale de l'évaluation, https://doi.org/10.1787/9789264190658-en.

La première caractéristique est la définition de normes claires sur ce qui est attendu des élèves, des enseignants, des écoles et du système dans son ensemble au niveau national. Les pays qui parviennent à atteindre des niveaux de qualité et d'équité élevés fixent des objectifs ambitieux pour tous mais sont également attentifs aux besoins de chacun et aux différents contextes. La deuxième caractéristique est la collecte de données et d’informations sur les performances éducatives et d'apprentissage. Cela revêt une importance particulière sur le plan de la responsabilisation des acteurs pour que les objectifs soient menés à terme, mais aussi sur celui de l'amélioration de la performance afin que les élèves, les enseignants, les écoles et les décideurs politiques disposent des retours d'information dont ils ont besoin pour porter un regard critique sur leurs propres avancées et rester impliqués et motivés.

Enfin, un cadre d'évaluation solide permet une plus grande cohérence entre ses différentes composantes. Cela signifie par exemple que les évaluations des écoles accordent de l'importance aux types de pratiques pédagogiques et aux méthodes d'évaluation qui soutiennent efficacement l'apprentissage des élèves et que les enseignants sont évalués sur la base des savoirs et savoir-faire qui contribuent à la réalisation des objectifs éducatifs nationaux. Cela est essentiel pour s'assurer que l'ensemble du système éducatif œuvre dans la même direction et que les ressources sont utilisées efficacement.

L'évaluation au Maroc

Ce rapport examine les politiques d'évaluation des élèves, des enseignants, des écoles et du système éducatif au Maroc. Chaque chapitre étudie de quelle façon l'apprentissage des élèves est accompagné et dans quelle mesure les besoins des élèves sont satisfaits. Il examine également comment les politiques se traduisent dans la pratique en étudiant les capacités, la cohérence des politiques et l'utilisation des données issues des évaluations.

Ce rapport met en évidence les fondements positifs que le Maroc a élaborés pour développer un système d'évaluation efficace. Ces fondements comprennent la Vision 2030 qui appelle au développement d'un cadre d'évaluation, ce qui témoigne d'une prise de conscience politique de son importance pour la réussite des réformes. Au cours des dix dernières années, le Maroc a également créé ou renforcé des structures dédiées à l'évaluation, notamment le Centre National de l'Évaluation, des Examens et de l'Orientation (CNEEO) pour l'évaluation des élèves, l'Instance Nationale d'Évaluation (INESEFRS) pour l'évaluation externe du système et l'Inspection Générale des Affaires Pédagogiques (IGAP) pour les audits d’établissements scolaires.

Outre cette base institutionnelle en cours d’élaboration, le Maroc a introduit des outils prometteurs pour accompagner l'évaluation. Le Programme National d'Évaluation des Acquis des Élèves (PNEA), introduit en 2008, fournit pour la première fois des données comparatives de portée nationale sur l’apprentissage des élèves. Un nouveau test diagnostique des élèves en début d'année scolaire, le Programme d'Évaluation des Pré-requis (PEP), constitue un premier pas vers l’introduction d'une évaluation plus formative dans les classes marocaines. La création de la base de données de l'éducation, MASSAR, et l'introduction d'un identifiant unique pour les élèves en 2013 ont permis de renforcer le système d'information et de gestion scolaire. Enfin, la nouvelle initiative de Projet d’Établissement qui demande aux écoles d’élaborer un projet sur trois ans pour l’école fondé sur l'examen de leurs performances est une avancée positive vers le renforcement des capacités d'auto-évaluation des écoles.

Cependant, le rapport souligne également les lacunes majeures qu'il convient au Maroc de combler pour que l'évaluation puisse appuyer l'amélioration et la responsabilisation dans le système éducatif (voir graphique 0.2). En particulier, l'évaluation a besoin de se concentrer sur les apprentissages des élèves. Définir ce qu’on entend par un enseignement et un apprentissage de qualité, au travers de normes applicables aux enseignants et dans les écoles, permettra de centrer l'évaluation de manière cohérente sur l'amélioration des apprentissages des élèves et de clarifier les responsabilités des enseignants, des établissements scolaires et des autorités éducatives en matière d'apprentissage. En même temps, élaborer des objectifs quantifiables et un cadre de planification stratégique au niveau national donnera de la cohérence aux politiques et soutiendra la durabilité du système dans le temps tout en renforçant la capacité du gouvernement à orienter les réformes.

Graphique 0.2. Renforcer l'évaluation pour améliorer l'apprentissage des élèves au Maroc
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Il est également essentiel de renforcer la capacité d'évaluation. À l'heure actuelle, la majorité des enseignants, des directeurs d'écoles et des inspecteurs n’ont pas les moyens d’évaluer efficacement les processus et les résultats des apprentissages. Cela nécessite un investissement plus important dans des outils concrets pour orienter la pratique dans des domaines clés comme la façon d’évaluer les compétences des élèves ou d’évaluer la qualité de l'enseignement et l'environnement d'apprentissage de la classe, mais aussi un investissement sur le long terme pour développer davantage et de meilleures opportunités de formation continue et de formation initiale. En particulier, les enseignants ont besoin d’accompagnement pour utiliser l'évaluation dans un but formatif. Les directeurs d’école ont besoin de beaucoup plus de formation et d'orientation professionnelles s'ils doivent dépasser leur rôle administratif pour devenir des conseillers pédagogiques capables de donner régulièrement aux enseignants un retour sur leur pratique professionnelle et de conduire des auto-évaluations d’écoles. Enfin, les inspecteurs pédagogiques et les auditeurs externes d’écoles auront besoin d'être formés et aidés pour recentrer leurs activités sur la conformité à l'examen des pratiques pédagogiques et d'apprentissage tout en fournissant à leurs enseignants des commentaires de qualité pour qu'ils s'améliorent.

Enfin, les résultats d'évaluation sont très révélateurs sur les points forts et les défis d'un système éducatif ainsi que sur la distribution idéale des ressources pour qu'elles concourent à son amélioration. Le Maroc peut faire un bien meilleur usage de ses récents investissements dans son système d'évaluation pour façonner les politiques aux niveaux régional et national. Cela est particulièrement important dans le contexte actuel où la pression est forte pour faire preuve de meilleurs résultats au vu du taux élevé des dépenses publiques dans l'éducation, et pour accélérer la décentralisation et améliorer la réponse des politiques aux besoins locaux.

Évaluation des élèves : soutenir les élèves dans leur apprentissage

L'évaluation des élèves peut être sommative pour évaluer les savoirs acquis et pour constater, noter ou certifier les performances. Elle peut aussi être formative (parfois appelée évaluation pour l'apprentissage) pour identifier les différents aspects de l'apprentissage en cours afin d'approfondir et de concevoir les apprentissages ultérieurs, par exemple en donnant des retours aux élèves (OCDE, 2013). Au Maroc, l'utilisation à la fois des évaluations en classe (contrôle continu) et des examens est majoritairement sommative et ses résultats déterminent la progression des élèves dans le système éducatif à partir de la première année du cycle primaire. Cela favorise le redoublement et l'abandon scolaire et crée l'impression que les études ne sont pas faites pour tout le monde. Cela fait peser la responsabilité de l’apprentissage sur les épaules des élèves.

La variabilité importante des normes d'évaluation en classe et des examens élaborés aux niveaux provincial et régional signifie aussi que les élèves dans les différentes écoles et régions sont évalués selon des normes plus ou moins exigeantes. En même temps, 15 ans après l'introduction d'un curriculum fondé sur les compétences, l'évaluation continue à se concentrer sur la capacité des élèves à mémoriser et à restituer les informations plutôt que sur des compétences telles que la pensée critique et la résolution de problèmes, compétences qui sont plus importantes dans une économie du savoir émergente. Pour soutenir l'apprentissage des élèves, la pratique de l'évaluation des élèves devra être améliorée afin de fournir une mesure valide et fiable des acquis. Elle doit également être recentrée de sorte qu’elle soit utilisée moins en tant que garde-fou à la progression des élèves et plus de manière à aider les élèves à mieux comprendre les compétences acquises et celles en cours d’acquisition et leur permettre d'apprendre de leurs erreurs.

Levier 2.1 : Fournir aux enseignants un appui pour la compréhension, l’enseignement et l’évaluation des compétences attendues des élèves

Le curriculum marocain fondé sur l’approche par compétences exige des élèves qu'ils soient capables de s'appuyer sur un ensemble corrélé de savoirs, savoir-faire et aptitudes et de les appliquer de manière intégrée. Cependant, de nombreux enseignants marocains ont été formés à une approche de l'enseignement et de l'évaluation centrée sur des connaissances distinctes et sur la capacité des élèves à mémoriser les informations. Les enseignants ont bénéficié d’un soutien pratique limité pour les aider à passer à l’enseignement et l'évaluation des compétences. En particulier, le curriculum actuel et ses supports (c.-à-d. les manuels scolaires et guides des enseignants) ne définissent pas clairement en termes de progressions ou de trajectoires d'apprentissage quelles compétences les élèves sont censés maîtriser à chaque niveau ou par matière.

Les changements actuels apportés au curriculum des classes 1 à 4 du primaire (CE1 à CE4) remédieront en partie à cette problématique : seront précisées les compétences que les enfants devront posséder en mathématiques et lecture dès le préscolaire et les premières années de primaire pour maîtriser littératie et numératie. Cette réforme devra s'accompagner de nouveaux outils destinés à aider les enseignants à évaluer le développement progressif de ces compétences chez les élèves dans la classe. À l'heure actuelle, l'évaluation en classe repose sur une note sur 10 ou sur 20 qui n’a aucun rapport avec le développement des compétences. Même si l'introduction d'un test diagnostique (le PEP) au début de certains niveaux est prometteuse car il est centré sur l'apprentissage et l'amélioration de l'élève, les items du test continuent à évaluer la maîtrise du savoir et du savoir-faire disciplinaires plutôt que les compétences du curriculum. En outre, les enseignants ne comprennent pas son objectif et la façon dont il devrait être utilisé pour améliorer leur enseignement, ce qui a jusqu'ici limité son impact.

Recommandations

2.1.1 Recentrer l'évaluation en classe sur l’évaluation des compétences

Le ministère de l'Éducation du Maroc devrait envisager d’élaborer les outils suivants pour accompagner l’allégement et la simplification prévus des curricula des classes 1 à 4 (des outils similaires peuvent être créés à l’avenir pour les niveaux supérieurs parallèlement aux changements prévus dans les curricula) :

  • Normes d'apprentissage : en mathématiques et en arabe pour définir ce que les élèves sont censés savoir, savoir-faire et le degré d’apprentissage attendu.

  • Descripteurs de performance de l'élève : qui décrivent où en est l'élève dans le développement des compétences attendues (par exemple « répond pleinement aux attentes », « répond partiellement aux attentes », « en cours d'acquisition »).

  • Descripteurs de progressions : qui définissent les étapes d'apprentissage par lesquelles les élèves passent normalement à mesure qu'ils acquièrent les compétences attendues afin d'aider les enseignants à identifier les lacunes dans l’apprentissage des élèves.

Un nouveau carnet de notes basé sur ces nouveaux descripteurs devrait également être élaboré pour guider les enseignants lorsqu’ils rendent compte du développement des compétences. En primaire, le carnet devrait évoluer progressivement vers l'utilisation des seuls descripteurs, tandis que dans le secondaire les descripteurs et les notes sur 20 existantes pourraient continuer à coexister.

Il serait décisif que le CNEEO fournisse également aux enseignants davantage d'outils d'évaluation des compétences, notamment :

  • Une banque d'items en ligne et hors ligne : elle contiendrait des exemples de différents types d'évaluation alignés sur les curricula.

  • Des lignes directrices sur les bonnes pratiques d'évaluation : notamment quant à la façon de planifier les évaluations aux moments appropriés de l'apprentissage des élèves et en classant les types d'évaluation pour définir leur adéquation avec les domaines et les compétences clés du programme.

  • Lignes directrices et modèle pour un portfolio de l'élève : définir les types d'activités ou d'évaluations pouvant être utilisés pour recueillir des éléments probants sur les compétences acquises dans différentes matières.

2.1.2 Faire du Programme d'Évaluation des Prérequis (PEP) un outil d'évaluation diagnostique plus efficace

Le Maroc devrait poursuivre ses projets de révision des instruments du PEP servant à évaluer les compétences de façon à aider les enseignants à identifier les lacunes dans le développement des compétences des élèves. Conformément à la priorité nationale donnée à l'amélioration de l'apprentissage dans les petites classes, le pays devrait envisager d'introduire le PEP au début de chaque niveau au cours des quatre premières années de primaire. Les résultats du PEP devraient être utilisés pour servir de référence dans le suivi continu de l’apprentissage des élèves tout au long de l'année.

Les enseignants auront besoin d'aide supplémentaire sur la façon d’utiliser le PEP pour orienter leur enseignement. Cela pourrait comprendre une formation au PEP intégrée aux réformes du programme dans les classes 1 à 4 ainsi qu'une aide continue en classe dispensée par les enseignants accompagnateurs et des enseignants expérimentés. Notamment, des réunions sur le PEP pourraient être organisées en début d'année scolaire afin de partager les bonnes pratiques. Les enseignants devraient bénéficier d'un retour d'information sur leur utilisation du PEP dans le cadre de l'évaluation régulière des enseignants et des écoles (recommandations 3.3.1 et 4.1.1).

Levier 2.2 : Éliminer les obstacles à l'apprentissage et à la progression des élèves à l’école

Le seuil déterminant le passage des élèves dans la classe ou au niveau d'enseignement supérieurs (appelé seuil de passage au Maroc), qui s'appuie sur les notes obtenues aux évaluations en classe et aux examens, crée des obstacles pour l'apprentissage des élèves et leur progression dans la scolarité. Les élèves qui n'atteignent pas ce seuil sont souvent contraints de redoubler et plus d'un élève sur 10 dans les trois premiers niveaux du primaire redouble. Découragés, ces élèves sont plus susceptibles d'abandonner l'école. Il n'existe en outre aucune preuve que le redoublement améliore les apprentissages. Les examens, tels que le CEP, sont également des obstacles majeurs à la progression. Par ailleurs, environ la moitié des élèves échouent chaque année au brevet, et un cinquième d’entre eux quittent l’école sans aucun diplôme ni validation de leurs études obligatoires.

Non seulement ces politiques ont un impact négatif sur les apprentissages et la fréquentation scolaire, mais elles sont aussi injustes pour les élèves. La difficulté et le classement varient considérablement parmi les évaluations en classe et les examens au niveau de l'école. Par ailleurs, les provinces et régions et de nombreuses AREF modifient le seuil de passage en fonction du nombre de places disponibles. Le Maroc devrait revoir ces pratiques s'il veut atteindre l’objectif, formulé dans la Vision 2030, de l'achèvement par tous de la scolarité obligatoire et d’un système éducatif fondé sur l'équité et l'égalité des chances.

Recommandations

2.2.1 Réviser la politique de passage au niveau supérieur afin de réduire le redoublement et l'abandon scolaire

Les situations dans lesquelles un redoublement peut intervenir devraient être réduites en supprimant le seuil de réussite dans les deux premières années de primaire pour donner le temps aux élèves d'atteindre un socle commun de connaissances. Le redoublement dans les années ultérieures de primaire doit être clairement recommandé par l'enseignant et approuvé par le directeur de l'école. Dans le secondaire, il devrait être envisagé de ne recourir au redoublement que pour les matières ou modules où l'élève a échoué et de supprimer le redoublement des classes de transition puisque les points faibles peuvent être le reflet de difficultés transitoires d'ajustement. Les enseignants devraient recevoir des lignes directrices pour ce qui est d’effectuer une évaluation globale de ce qui convient pour chaque élève plutôt que de fonder la décision du passage au niveau supérieur en ne prenant en compte que les résultats académiques. Ces mesures devraient s’accompagner d'une politique à l'échelle du système dans son ensemble afin de s'attaquer aux causes du redoublement et aux conséquences de sa suppression. Le Maroc devrait étudier les options suivantes :

  • Renforcer les aptitudes des enseignants à enseigner dans des classes de niveau hétérogène.

  • Accorder aux enseignants du temps et des ressources supplémentaires telles que des assistants pédagogiques afin qu'ils soient en mesure d'aider les élèves qui ont du mal à se mettre au niveau.

  • Créer des possibilités d'apprentissage supplémentaires, avant ou après l'école ou durant l'été pour les enfants en difficulté.

  • S'assurer que chaque enseignant est formé dans l’idée que tous les enfants peuvent réussir et qu’il sait comment inculquer cette confiance à ses élèves.

  • Renforcer l'obligation de rendre des comptes localement à l'AREF et à l'école en cas de redoublement pour cibler les efforts locaux sur sa diminution.

2.2.2 Revoir le rôle des examens dans la détermination du passage au cycle d’études suivant

Le Maroc devrait remplacer le Certificat des études primaires (CEP) à la fin du primaire par une évaluation nationale standardisée des apprentissages sans enjeux de passage pour les élèves. Le CEP envoie aux élèves dès leur plus jeune âge le message selon lequel l'école n’est pas faite pour tout le monde et contredit l’objectif de scolarisation obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans du système éducatif. L’introduction d'une évaluation nationale standardisée en primaire, sans enjeux pour l’élève, fournirait aux écoles, aux enseignants et aux élèves des informations fiables sur les apprentissages en adéquation avec les normes nationales (recommandation 5.2.1).

Le Maroc devrait également envisager de réformer le brevet afin qu'il reconnaisse un éventail plus large de compétences des élèves. À cette fin, le Maroc pourrait :

  • Introduire des devoirs ainsi que des options modulaires pour donner aux élèves qui sont généralement moins performants dans un contexte d’examen à haute pression la possibilité de faire la preuve de leurs capacités.

  • Créer un diplôme qui reconnaît la fin de la scolarité obligatoire et la maîtrise des domaines principaux comme les mathématiques, la lecture et l'écriture.

  • Clarifier et certifier les options professionnelles au niveau du secondaire collégial de sorte que les élèves entamant un nouveau cursus d'enseignement professionnel puissent accéder aux mêmes types d'options dans le secondaire qualifiant.

  • Poursuivre les projets d’élaboration d'un cadre national de certification pour faciliter la transition des élèves entre différentes filières et clarifier les attentes en matière de compétences.

Levier 2.3 : Améliorer les pratiques d’évaluation des élèves en classe

L'évaluation en classe permet un suivi régulier et fréquent de l'apprentissage des élèves et, en fournissant aux élèves des commentaires spécifiques en temps réel, elle les aide à comprendre de quelle manière ils peuvent s'améliorer. En particulier, l’évaluation formative produit certains impacts sur la performance des élèves parmi les plus positifs de toutes les interventions éducatives possibles lorsqu'elle est bien conçue (Black et William, 1998). Cependant, peu d’enseignants que l'équipe d'examen de l'OCDE a rencontrés au Maroc étaient capables de décrire des techniques d'évaluation formative. Les enseignants ont déclaré en revanche qu'ils font rarement, voire jamais de commentaires aux élèves sur leur travail. L'évaluation en classe au Maroc repose également largement sur des tests de type papier-crayon basés sur la reproduction de l'information, plutôt que sur l'encouragement au développement de compétences d'ordre supérieur formulées dans le curriculum national.

Cette situation reflète un manque de formation initiale des enseignants aux techniques d'évaluation, en particulier aux techniques formatives, et les rares opportunités qui leur sont offertes de recevoir des commentaires en retour sur leurs pratiques d’évaluation dans une classe. Une fois dans la classe, les enseignants ont très peu d’opportunités de développement professionnel, que ce soit par formation formelle ou par un accompagnement collaboratif au sein de l'école, qui leur permettrait de continuer à développer leur savoir-faire en matière d'évaluation. Cette situation reflète également le cadre réglementaire actuel de l'évaluation en classe au Maroc. Celui-ci impose des contraintes de temps et d’espace aux enseignants, et par conséquent limite leur choix d’évaluations et leur capacité à fournir des commentaires aux élèves sur leur travail.

Recommandations

2.3.1 Renforcer la capacité d’évaluation formative des enseignants

Le développement professionnel initial et continu devrait fournir des cours sur les approches efficaces pour réaliser une évaluation formative pour les différentes matières et les différents niveaux. Les techniques spécifiques à mettre en avant comprennent : les techniques de questionnement, pour obtenir des preuves d'apprentissage ; équiper les enseignants des savoir-faire et des ressources permettant de faciliter le développement des compétences des élèves en auto-évaluation  et en évaluation par les pairs ; et communiquer efficacement avec les parents, afin que ces derniers soient mieux à même de comprendre et d’accompagner l'apprentissage de leur enfant. Pour encourager les enseignants à utiliser des pratiques formatives en salle de classe, l'obligation de rendre compte de l'évaluation formative devrait être introduite dans MASSAR. L'obligation hebdomadaire de réaliser une évaluation en classe sommative et d'entrer ses résultats pourrait être réduite à une fois par trimestre ou par unité d'apprentissage dans chaque matière.

2.3.2 Utiliser la formation initiale et la formation professionnelle continue des enseignants pour renforcer leur capacité d'évaluation

Le Maroc devrait définir les compétences d'évaluation qui sont attendues de la part des enseignants à la fin de leur formation initiale, afin d’orienter les progrès à réaliser. Cela devrait inclure l'aptitude à évaluer le développement des compétences et les savoir-faire pour l'évaluation formative. Les enseignants auront également besoin de plus nombreuses et de meilleures possibilités de perfectionnement professionnel afin de développer leur capacité d'évaluation tout au long de leur carrière. Pour ce faire, le Maroc pourrait:

  • Développer des cours de formation continue portant sur l'évaluation, avec une forte composante pratique, pour familiariser les enseignants avec les nouveaux outils d'évaluation tels que le PEP.

  • Fournir des programmes de développement professionnel sur l'évaluation pour l’ensemble de la scolarité.

  • Fournir des cours sur l’évaluation aux responsables scolaires afin de les encourager à assumer un rôle moteur dans les efforts réalisés au niveau des écoles pour améliorer l'évaluation.

  • Utiliser des groupes collaboratifs d'enseignants pour discuter des pratiques d'évaluation, qui seraient créés et gérés par des enseignants expérimentés.

  • Utiliser les données d'évaluation nationales pour améliorer les pratiques de classe. La nouvelle évaluation nationale standardisée recommandée (Recommandation 5.2.1) fournirait aux enseignants des exemples de la façon dont les compétences peuvent être évaluées, ainsi qu’une référence fiable pour l'apprentissage des élèves par rapport aux normes nationales.

Levier 2.4 : Veiller à ce que les examens soient fiables et justes

L'enjeu élevé des examens de fin de secondaire collégial et de secondaire qualifiant rend essentiel qu'ils fournissent une mesure fiable et valide de ce que les élèves sont censés savoir et savoir-faire. Cependant, l'ensemble du brevet et les deux tiers du baccalauréat sont élaborés au niveau local et, bien que le CNEEO produise un cadre de référence, la difficulté des examens varie selon la localité. Cela a conduit les universités à appuyer leurs décisions d'admission uniquement sur la composante nationale du baccalauréat.

Il y a également des inquiétudes concernant le caractère limité de ce qui est évalué dans les examens par rapport au large éventail de compétences que les élèves sont censés acquérir dans le curriculum. Cela est lié à la fois au contenu et au format des sujets proposés. Une analyse récente du CNEEO a montré que les examens mettent l’accent sur l'évaluation mécanique du savoir académique plutôt que sur des compétences d'ordre supérieur. Il est important de réformer ces examens sur le moyen terme pour qu'ils évaluent les compétences de façon à encourager l'enseignement et l'apprentissage en classe à se concentrer sur les résultats plus larges attendus du curriculum. Cela nécessitera cependant un investissement conséquent dans le développement des capacités du CNEEO et des CREs.

Recommandations

2.4.1 Veiller à ce que les examens fournissent une mesure fiable de l'apprentissage des élèves

Les comités locaux d'examen devraient se référer aux normes d'apprentissage nationales pour que les examens reflètent bien les attentes nationales en matière d'apprentissage des élèves (recommandation 2.1.2). Afin de compléter la banque de sujets existante (épreuves) pour le brevet régional, le CNEEO pourrait développer une banque de sujets nationale pour tous les examens. Le Maroc doit également introduire une certaine harmonisation de la notation des examens entre les provinces et les régions, de sorte que les élèves soient évalués de façon juste et cohérente. Les options à considérer incluent:

  • Harmonisation statistique

  • Envoi d'un échantillon de copies notées pour vérification dans une autre école, province ou commune

  • Création d'une commission nationale de la notation avec des représentants des comités d'examen opérant au niveau de l’école, de la province et de la région pour discuter d'un échantillon de copies notées

  • Nommer des personnes responsables de la notation dans chaque région pour vérifier à nouveau un échantillon de copies.

2.4.2 Veiller à ce que les examens évaluent ce que les élèves sont censés savoir et savoir-faire, et à ce que leurs résultats soient utilisés de façon appropriée

La capacité d'évaluation, en particulier au niveau local, devra être développée afin de permettre la création de questions d’évaluation de haute qualité. Ceci est d’autant plus important pour le développement d’items qui mesurent de manière fiable et juste les compétences prescrites par le curriculum. Le CNEEO et les comités locaux d'examen devraient également introduire progressivement quelques sujets d’examen basés sur les compétences. Des lignes directrices centralisées pour la notation des examens pourraient être fournies pour centrer la notation sur l'évaluation des compétences. Ces dernières établiraient des descripteurs de performance de l’apprentissage attendu des élèves sur l'échelle de notation chiffrée existante sur 20. Il serait également utile d'examiner différentes approches compensatoires et conjonctives, et d’étudier les options de pondération pour les matières principales par rapport aux autres matières, au regard de la façon dont est développée la notation globale pour chaque composante de l'examen. Cela aiderait à corriger la situation actuelle où une faible performance dans une des matières principales, comme les mathématiques, peut être compensée par une forte performance dans d’autres matières.

2.4.3 Promouvoir l'amélioration continue de la qualité de l'évaluation

Au minimum, le CNEEO et les comités d'examens locaux devraient employer des enseignants n'ayant pas été directement impliqués dans l'élaboration de chaque examen pour tester les sujets. Les items peuvent également être testés avec des élèves pour s'assurer qu'ils sont accessibles à des élèves de niveaux de compétence et de contexte différents. L'absence d'analyse régulière des résultats des examens est une lacune majeure, car il s'agit d'un moyen pour suivre les acquis des élèves au fil du temps. Le CNEEO devrait publier un rapport annuel pour chaque examen, comprenant le taux de réussite global et une ventilation des résultats par région. À l'avenir, pour surveiller l’équité, le rapport devrait également inclure les résultats par groupes d'élèves, en distinguant par exemple selon le genre, le milieu rural ou urbain, la langue maternelle et le statut socioéconomique.

Encadré 0.1. Actions prioritaires pour l’amélioration de l’évaluation des élèves au Maroc
  • Rendre le PEP obligatoire au début des années 1 à 4 pour identifier et soutenir les élèves en risque de décrochage et fournir des directives plus claires aux enseignants sur la façon d’intégrer le PEP dans leur enseignement.

  • Remplacer le certificat d’étude primaire (CEP) par une évaluation standardisée des apprentissages sans enjeux pour les élèves afin de suivre la progression des acquis.

  • Interdire le redoublement dans les deux premières années du primaire et renforcer les mesures de soutien scolaire.

  • Introduire des mécanismes d’assurance qualité pour veiller à la qualité et à l’équité des examens du brevet et du baccalauréat aux niveaux central et local en testant les items avant de les appliquer aux élèves.

Note : Un résumé des recommandations du rapport sur l’évaluation des élèves est présenté dans le tableau 2.2 (chapitre 2).

Évaluation des enseignants : fournir un retour d’information et des lignes directrices pour rehausser les normes professionnelles

L'évaluation des enseignants se réfère à la façon dont ces derniers sont évalués et reçoivent des commentaires sur leurs performances et leurs compétences. Une évaluation efficace peut améliorer les apprentissages des élèves en agissant sur les attitudes, la motivation et les pratiques de classe des enseignants (OCDE, 2013). Au Maroc, certaines parties du système d'évaluation sont sous-développées, ce qui signifie qu’il n’accompagne pas la pratique pédagogique aussi efficacement qu'il ne le pourrait. Les lacunes concernent l'absence de critères pour orienter l'évaluation des enseignants de manière à qu’elle se concentre sur ce qui est le plus important pour un enseignement efficace, l’absence de processus d'évaluation au sein des écoles qui apporterait aux enseignants des commentaires formatifs réguliers, et la faiblesse du lien entre l'évaluation externe et la progression de carrière des enseignants.

Une priorité immédiate est l'élaboration d'un cadre cohérent pour l'évaluation des enseignants, incluant des normes professionnelles d’enseignement qui peuvent orienter les politiques et guider l’évaluation en définissant ce qu'un bon enseignement signifie. Une autre priorité à court terme est de mettre en place des processus plus rigoureux de sélection et de certification des nouveaux enseignants. Cela aidera à tirer le meilleur parti possible de l'augmentation du recrutement des enseignants en s'assurant que l'ensemble des nouveaux enseignants démontrent et développent les attitudes et les compétences importantes pour l'enseignement. Créer une évaluation plus efficace, fournissant à la fois un accompagnement et une supervision, prendra du temps et demandera des ressources à moyen et à long terme. Un principe de base qui devrait guider ce travail est la nécessité de mettre en place deux processus d'évaluation distincts : l'un axé sur l'école et sur le développement professionnel ; et un autre mené par des évaluateurs externes pour mieux gérer et récompenser la performance.

Levier 3.1 : Établir un cadre cohérent pour l'évaluation des enseignants

Il existe deux lacunes majeures dans le cadre de référence pour l'évaluation des enseignants au Maroc. Premièrement, il n'existe pas de législation qui reconnaît que les exigences de la profession enseignante diffèrent de celles des autres fonctionnaires dans des domaines clés comme les procédures disciplinaires, les critères de promotion et de développement professionnel. Deuxièmement, il n'existe pas de normes professionnelles pour les enseignants qui définissent les connaissances et compétences requises pour un enseignement efficace. Les normes fournissent une référence centralisée pour l'évaluation, afin d'en assurer à la fois la qualité et l'équité. Elles permettent également de guider de nombreux aspects de la politique applicable aux enseignants, tels que la conception de la formation initiale, les critères de sélection et le contenu de leur formation continue. Alors que le Maroc a récemment tenté de développer un référentiel de compétences pédagogiques (le Référentiel d’emplois et de compétences) pour son personnel éducatif, ce référentiel n’a pas encore reçu le soutien des syndicats. S'assurer que toutes les nouvelles normes soient élaborées avec la profession enseignante et qu’elle se les approprie sera essentiel à leur légitimité.

Recommandations

3.1.1 Compléter, améliorer, valider et mettre en œuvre les normes professionnelles d’enseignement

Des normes orienteraient l’élaboration de critères d'évaluation, concernant les savoirs, les savoir-faire et les attitudes que les enseignants sont censés démontrer pour que les élèves atteignent les objectifs d'apprentissage nationaux. Elles devraient reconnaître les différences d'attentes en matière de compétence pédagogique aux différentes étapes de la carrière d'un enseignant (par exemple, enseignant débutant, expérimenté et accompli) et être claires sur la façon dont ces compétences peuvent être mises en évidence. Les nouvelles normes devront fortement se concentrer sur les pratiques en classe, car elles sont essentielles à l'apprentissage des élèves, et reconnaître l'importance des devoirs professionnels des enseignants en dehors de la salle de classe comme la participation au développement professionnel et la contribution à la vie de l'école.

3.1.2 Obtenir le soutien des enseignants pour les nouvelles normes

Le Maroc devrait tirer parti de son expérience antérieure en consultant plus largement et plus directement les enseignants, directeurs et inspecteurs pédagogiques. En amont, les enseignants devraient pouvoir partager leurs idées sur ce qui pourrait être inclus dans les normes et fournir des commentaires sur le projet. Le Maroc pourrait s'inspirer de la pratique de pays tels que le Mexique qui a impliqué de manière directe les enseignants dans la rédaction des normes, en créant une équipe multidisciplinaire d'enseignants, de directeurs d'établissement, d'inspecteurs et de décideurs politiques. La participation de chercheurs permettrait également de s'assurer que les normes s’appuient sur des pratiques pédagogiques dont l’efficacité a été prouvée.

3.1.3 Établir un cadre juridique pour un corps enseignant professionnel

Le Maroc devrait accélérer ses projets d’introduction d’un nouveau statut enseignant qui reconnaîtrait les attributs professionnels des enseignants par rapport à d’autres postes de la fonction publique. En plus de préciser les dispositions clés relatives à l'enseignement, telles que les conditions requises pour entreprendre un développement professionnel et la fonction de l'évaluation dans le déroulement de carrière d'un enseignant, le nouveau statut devrait faire référence au rôle central des normes applicables aux enseignants dans l'orientation de tous les aspects de la politique qui s’applique à eux relatifs à la pratique professionnelle. Il devrait également clarifier les droits et les responsabilités des enseignants contractuels, notamment la manière dont les procédures disciplinaires, l'évaluation et le développement professionnel s'appliquent à eux. Le nouveau statut peut être progressivement mis en place, par exemple en étant appliqué à tous les nouveaux enseignants et en donnant aux enseignants déjà en poste l'opportunité d'y adhérer.

Levier 3.2 : Veiller à ce que l’évaluation permette de s’assurer que l’ensemble des nouveaux enseignants ont acquis les compétences pédagogiques requises

La motivation des candidats pour l’enseignement est bien peu évaluée par les nombreuses procédures pour la sélection, la certification initiale et la titularisation des nouveaux enseignants. Conscient de l’importance de sélectionner des candidats motivés, le Ministère a revu en 2016 le concours de recrutement des enseignants du secteur public pour renforcer ce point mais des efforts similaires restent à faire dans les autres procédures. La grande majorité des nouveaux enseignants ont également des lacunes importantes dans leur connaissance du contenu et de la pédagogie, car actuellement, la plupart des candidats au métier d'enseignant n’obtiennent pas la nouvelle licence en éducation avant d'entrer dans le programme de formation des enseignants proposé par les Centres régionaux des métiers d'éducation et de formation (CRMEF) qui fait partie de leur cursus de formation initiale.

Le pic actuel de demande de nouveaux enseignants rend le renforcement de la formation et la certification initiales particulièrement important pour améliorer la qualité de l'enseignement dans son ensemble. Il est tout aussi important que les enseignants contractuels supplémentaires qui sont recrutés pour répondre à cette demande soient habilités et encouragés via la formation et les évaluations à atteindre le même niveau de compétence pédagogique que les autres enseignants. Au fil du temps, relever la barre pour entrer dans l'enseignement aidera à faire en sorte que la profession attire des personnes talentueuses et motivées avec de solides compétences académiques.

Recommandations

3.2.1 S'assurer que la certification initiale garantit des standards de qualité minimaux

Pour axer davantage les procédures de sélection et de certification initiale sur les savoirs, les savoir-faire et les attitudes qui indiquent un potentiel à enseigner, le Maroc devrait :

  • Inclure une évaluation des compétences en littératie et en numératie des candidats dans le processus de sélection pour la formation des enseignants

  • Renforcer la qualité et l'uniformité de l'évaluation pour obtenir la certification initiale à la fin du programme des CRMEF grâce à des lignes directrices et des critères communs, ainsi que par une formation pour les tuteurs qui supervisent et évaluent les candidats enseignants pendant leur stage pratique.

  • Mettre en œuvre les projets d’élaboration d’une évaluation standardisée des personnes qui souhaitent enseigner dans le secteur public afin d'avoir un contrôle de qualité fiable.

Le programme des CRMEF devrait inclure des cours supplémentaires ou être prolongé pour la majorité de candidats enseignants qui n’ont pas obtenu au préalable la licence en éducation. Cela aidera à s'assurer qu'ils reçoivent une préparation adéquate en matière de connaissance du contenu et de la pédagogie, ce qui n'est pas le cas actuellement (USAID, 2014).

3.2.2 Fournir aux enseignants une supervision et un accompagnement suffisants pendant leurs premières années

Le Maroc devrait réviser les critères d'évaluation de la période d'essai et se concentrer sur l’évaluation de compétences et attitudes considérées par les nouvelles normes comme étant essentielles chez les nouveaux enseignants. Les avis des directeurs d'établissement sur la pédagogie des enseignants stagiaires, ainsi que sur leur potentiel et leur intérêt à enseigner, devraient systématiquement être pris en compte dans les décisions à l’issue de la période d'essai. C'est le cas dans la plupart des pays de l'OCDE, car les directeurs d'établissement peuvent effectuer des observations de classes avec la fréquence requise pour une évaluation précise de la performance pédagogique. La période d'essai pourrait également être prolongée d'un an ou deux ans, de sorte que les nouveaux enseignants reçoivent un accompagnement et une supervision accrus sur une plus longue durée. Les enseignants stagiaires devraient également recevoir un accompagnement sur le terrain de la part des enseignants accompagnateurs. À moyen terme, le Maroc pourrait envisager d'élaborer un programme structuré d’intégration pour veiller à la cohérence et maximiser son impact sur le développement des nouveaux enseignants.

3.2.3 S'assurer que tous les enseignants contractuels sont certifiés et évalués

Tous les enseignants contractuels sont censés obtenir un Certificat d'aptitude professionnelle (CAP), mais, en réalité, la forte demande d’enseignants fait que nombre d'entre eux enseigne sans l'avoir. Le Maroc devrait se fixer un objectif réalisable, de cinq ans par exemple, pour retirer des classes tous les enseignants contractuels sans CAP. Cela devra être accompagné d'un plan permettant de fournir un accompagnement et une formation supplémentaires à ceux qui échouent au CAP la première fois, et de recruter davantage d'enseignants contractuels afin de compenser ceux qui ne réussissent pas le CAP dès la première fois.

Au cours de leur premier contrat de deux ans, les enseignants contractuels devraient être évalués annuellement de la même manière que les enseignants stagiaires afin de confirmer leur compétence pédagogique et de déterminer tout besoin particulier d’accompagnement ou de formation. Pour chaque renouvellement de contrat subséquent, ils devraient faire l'objet d'une évaluation externe de renouvellement de certification. Pour assurer équité et normes communes, les enseignants contractuels devraient bénéficier d’une évaluation annuelle à des fins de développement professionnel et pouvoir postuler à un statut permanent s’ils le souhaitent.

Levier 3.3 : Recentrer l'évaluation de la performance sur l'apprentissage et le développement professionnel

Pour améliorer la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage, l'évaluation doit permettre aux enseignants de recevoir régulièrement des commentaires sur leur travail et un accompagnement. Ces dispositions leurs permettront de s’améliorer grâce à des passerelles vers le développement professionnel. Alors que les enseignants marocains sont censés recevoir une évaluation de leur performance réalisée par des inspecteurs pédagogiques, ces dernières semblent se concentrer, selon les inspecteurs pédagogiques rencontrés par l’équipe de l’OCDE, principalement sur la conformité administrative. De plus, du fait du nombre limité d'inspecteurs, leurs visites sont peu fréquentes, certains enseignants rencontrés par l'OCDE n'ayant pas passé d'évaluation en 15 ans.

Si les évaluations de performance sont destinées à accompagner le développement professionnel des enseignants, ces derniers doivent se sentir suffisamment à l'aise pour discuter de leurs points forts et des défis qu'ils rencontrent dans un cadre de confiance où les enjeux sont faibles. Pour ce faire, il est d’autant plus important de bien distinguer les évaluations à des fins de développement des évaluations sommatives (OCDE, 2005). Le Maroc devra créer cette distinction, de sorte que les inspecteurs externes chargés des évaluations à fort enjeu comme les périodes d'essai et les promotions ne soient pas également responsables des évaluations plus régulières à des fins de développement, ces dernières pouvant être menées au niveau de l'école.

Enfin, le lien avec un développement professionnel continu est essentiel. Cependant, au Maroc, le développement professionnel a tendance à ne pas refléter les besoins des enseignants au niveau local et s’apparente surtout à une formation formelle qui sort les enseignants de la classe. L’introduction des enseignants accompagnateurs constitue une étape positive vers la création d’un développement professionnel plus axé sur l’école. Cette initiative est en effet plus centrée sur la pratique de classe de l'enseignant, encourage la collaboration et fait le lien avec les priorités de l'école.

Recommandations

3.3.1 Centrer l’évaluation régulière sur la pratique pédagogique

Le Maroc devrait développer des critères et des descripteurs de performance pour une évaluation régulière basée sur les nouvelles normes professionnelles d’enseignement afin d’orienter les évaluateurs pour qu’ils fournissent des commentaires de qualité, à la fois constructifs et concrets. Pour cette évaluation régulière, les évaluateurs devraient pouvoir s'appuyer sur de multiples instruments et sources axés sur la pratique de classe, notamment :

  • Des observations de classe, qui fournissent certains des éléments concrets les plus pertinents sur la pratique pédagogique. L'élaboration d'une checklist et de lignes directrices servira de guide aux évaluateurs selon le type d'information qu'ils doivent essayer de recueillir au cours de l'observation.

  • Un entretien entre l'évaluateur et l'enseignant, pendant lequel l’enseignant se fixe ses propres objectifs et réfléchit à comment les atteindre, afin d'intégrer l'auto-évaluation dans le processus.

  • Des éléments probants de l'apprentissage des élèves, comme des exemples de travaux d’élèves et de commentaires donnés par l'enseignant en retour. Il est essentiel de relier l'évaluation des enseignants à l'apprentissage des élèves, mais cela doit être pensé avec soin. Il faut éviter d'encourager des distorsions dans l'enseignement et fournir au contraire une mesure équitable de la contribution de l'enseignant.

  • Des enquêtes menées auprès des élèves, ce qui peut inclure des interventions peu coûteuses, comme d'encourager les enseignants à demander aux élèves à la fin d'une unité d'apprentissage ce qu'ils ont pensé de l'enseignement reçu.

3.3.2 Clarifier les responsabilités de l'évaluation régulière à des fins de développement professionnel

Le Maroc devrait transférer la responsabilité de l'évaluation régulière des enseignants aux acteurs présents dans les écoles, tels que les directeurs d'établissement, qui peuvent conduire fréquemment des observations de classe et relier les points forts et les besoins d'apprentissage des enseignants aux objectifs de développement plus larges de l'école. Le nombre limité d'inspecteurs pédagogiques fait aussi que c’est la seule option réalisable. Cela permettra également de créer une distinction importante avec les évaluations externes à fort enjeu.

Un élargissement de la formation initiale et du développement professionnel sur la façon de mener des évaluations régulières et de fournir des commentaires formatifs aidera les directeurs d'école marocains à assumer ce rôle. Au Maroc, il n’est pas habituel que les directeurs d'établissement commentent la pratique pédagogique de leurs enseignants. Utiliser des évaluateurs choisis parmi les pairs comme des enseignants expérimentés et les enseignants accompagnateurs, individuellement ou en groupes comme lors du conseil pédagogique, pourrait aider les enseignants à percevoir la légitimité de la nouvelle évaluation à des fins de développement. Les inspecteurs peuvent également examiner et fournir des commentaires sur l'évaluation menée par l'école, dans le cadre d'une nouvelle évaluation externe de l'école (recommandation 4.1.2).

3.3.3 Lier l’évaluation au développement professionnel

Fournir aux enseignants des commentaires plus spécifiques et plus détaillés dans le cadre de l’évaluation régulière les aiderait à comprendre leurs points forts et comment remédier à toute faiblesse identifiée. Le Maroc devrait mettre en œuvre ses projets d'élaboration de plans de formation professionnelle pour les enseignants, ce qui renforcerait le lien entre l’évaluation et le développement professionnel. L’offre de formations pertinentes devrait être améliorée par les AREF qui devraient jouer un rôle plus important dans l'identification des besoins des enseignants. Les établissements devraient être encouragés à jouer un rôle plus important dans le développement d'opportunités d'apprentissage collaboratif. Par exemple, les discussions entre enseignants sur les bonnes pratiques en classe pourraient être coordonnées par des enseignants expérimentés, en tant que complément essentiel à des types plus formels de développement professionnel.

Levier 3.4 : Refondre l'évaluation externe pour mieux gérer et récompenser la performance

Au Maroc, l'évaluation à des fins de promotion entraîne une responsabilisation extérieure des enseignants et des incitations en termes d’augmentation de salaire. Toutefois, étant donné qu'il est possible de progresser automatiquement dans l'échelle de salaire en fonction de l'ancienneté, tous les enseignants ne font pas l’objet d’une évaluation externe périodique. Cela signifie qu'il n'existe aucun mécanisme pour s’assurer de la compétence de tous les enseignants. En outre, depuis que l'évaluation à des fins de promotion est liée à une possible augmentation de salaire, mais pas à de nouveaux rôles et responsabilités, elle ne porte avec elle que des opportunités limitées de reconnaître et de développer des compétences pédagogiques supérieures.

Recommandations

3.4.1 Utiliser l'évaluation à des fins de promotion pour encourager de meilleurs standards d'enseignement

L'évaluation à des fins de promotion devrait être liée aux différentes étapes d'une carrière d'enseignant, qui impliquent des rôles et des responsabilités de plus en plus exigeants au fil du temps et reflètent l’augmentation de la compétence pédagogique. En parallèle, la structure salariale de l’enseignement devrait être révisée pour refléter ces nouveaux rôles, et le quota actuel sur les promotions devrait être supprimé, de sorte que la performance de tous les enseignants puisse être reconnue et récompensée. Sur la base des nouvelles normes professionnelles d’enseignement, de nouveaux critères d’évaluation devraient être développés sur les compétences nécessaires pour permettre la promotion de l’enseignant. Enfin, la possibilité d'une promotion automatique basée sur les années d’expérience devrait être supprimée. Les enseignants qui ne demandent pas de promotion devraient également faire l’objet d’une évaluation à des fins de renouvellement de certification qui serait assurée par un inspecteur pédagogique une fois tous les six ans pour vérifier leur compétence pédagogique.

3.4.2 Identifier et remédier à la sous-performance

Les critères d'évaluation révisés (recommandations 3.2.2, 3.3.1 et 3.4.1) permettront d'identifier les enseignants qui ne satisfont pas aux normes pédagogiques minimales. Un processus juste et standard devrait être développé afin que les enseignants qui s’avèrent moins performants lors des évaluations de fin de période d'essai et de renouvellement de certification reçoivent un accompagnement supplémentaire visant à les aider à atteindre le standard requis. Il devrait également y avoir un processus pour veiller à ce que les enseignants qui continuent à ne pas satisfaire les normes minimales soient exclus de la profession ou affectés sur un poste non enseignant.

3.4.3 Développer la capacité d'évaluation externe

Les inspecteurs pédagogiques auront besoin d'un accompagnement supplémentaire pour développer leur capacité à évaluer de manière fiable les enseignants en utilisant les nouveaux critères, d'autant plus que l'évaluation externe aura maintenant des enjeux plus élevés pour la carrière d'un enseignant. La sélection des inspecteurs devrait s’appuyer sur les normes professionnelles applicables aux inspecteurs et veiller à ce que les candidats comprennent les complexités de l'enseignement. Une révision de la formation initiale et du développement professionnel des inspecteurs pour y inclure plus de mises en situation concrètes de conduite d’évaluations, leur permettrait de jouer le rôle qui leur est confié dans le nouveau processus d’évaluation. Par ailleurs, il serait souhaitable d’accroître le nombre d'inspecteurs, et de les répartir équitablement dans tout le pays. Les ambiguïtés concernant le cadre de redevabilité devraient également être clarifiées de sorte que les inspecteurs soient gérés par les AREF où ils travaillent.

Encadré 0.2. Actions prioritaires pour l’amélioration de l’évaluation des enseignants au Maroc
  • Établir un cadre juridique pour un corps enseignant professionnel incluant des normes professionnelles d’enseignement mettant l’accent sur les pratiques d’enseignement et d’apprentissages en classe.

  • Mettre en place des processus plus rigoureux de sélection et de certification des nouveaux enseignants.

  • Mettre en place deux processus d'évaluation distincts : l'un axé sur l'école et sur le développement professionnel ; et un autre mené par des évaluateurs externes pour mieux gérer et récompenser la performance.

  • Abolir la possibilité d'une promotion automatique basée sur les années d’expérience.

  • Mettre en place une stratégie pour que tous les enseignants contractuels obtiennent un Certificat d'aptitude professionnelle (CAP) dans les 5 premières années de leur entré en service.

  • Évaluer les enseignants contractuels au cours de leurs deux premières années de la même manière que les enseignants stagiaires en période d’essai et faire en sorte qu’ils soient évalués à chaque renouvellement de contrat.

Note : Un résumé des recommandations du rapport sur l’évaluation des enseignants est présenté dans le tableau 3.2 (chapitre 3).

Évaluation des établissements scolaires : renforcer leur capacité d’amélioration

Lorsqu’elle est effectivement mise en œuvre, l’évaluation de l’école contribue à améliorer la qualité de l’environnement d’apprentissage de l'établissement scolaire et les résultats des élèves (OCDE, 2013). Les évaluations d’écoles menées par l’école elle-même (auto-évaluation de l’école) et par une agence d’évaluation extérieure (évaluation externe de l’école) fournissent des informations sur la performance de l’école. Elles aident les écoles à mieux comprendre leurs points forts et leurs faiblesses pour se fixer des objectifs d’amélioration et planifier efficacement. Une évaluation d’école bien conçue se concentre sur les processus scolaires qui influent sur le résultat des élèves tels que la pédagogie et l’apprentissage, le leadership, l’administration, l’environnement d’apprentissage et la gestion des ressources humaines. Elle analyse également les résultats des élèves, à la fois leur performance et leurs progrès, ainsi que l’équité des résultats des élèves et tient compte du contexte scolaire qui comprend par exemple les infrastructures, le financement et le profil du personnel de l’école.

Le Maroc a très récemment introduit certaines pratiques relatives à l’auto-évaluation et l’évaluation externe des écoles. Les écoles sont encouragées à examiner leur performance dans le cadre de la définition des priorités dans les projets d’établissements. Depuis 2013, les audits externes des écoles veillent à ce qu’elles se conforment à la réglementation et aux procédures nationales. Cependant, la portée de ces pratiques a tendance à se concentrer étroitement sur le degré de conformité et à se dissocier des efforts visant à améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans les écoles. La capacité des écoles à s’autoévaluer et à utiliser les résultats pour façonner le travail de l’école au jour le jour, reste aussi très limitée.

Levier 4.1 : Développer une approche plus globale et systématique de l’évaluation externe de l’école

Avec l’introduction d’audits réguliers des établissements scolaires par l’Inspection générale des affaires pédagogiques (IGAP), le Maroc a pris des mesures prometteuses en vue d’une plus grande responsabilisation des écoles et du développement de leurs capacités à s’améliorer. Cependant, le pays ne dispose toujours pas de tous les aspects qui font l’efficacité d’un système d’évaluation externe des écoles. Il faut notamment un cadre de référence contenant les éléments suivants : la définition de ce qui constitue une bonne école, la façon de mesurer la qualité de l’établissement pour orienter l’évaluation de l’école et s’assurer que les audits scolaires répondent au but déclaré d’amélioration de l’école. Le manque de lignes directrices pour l’évaluation externe de l’école soulève également des questions d’équité et de comparabilité des résultats.

De plus, il existe un manque de clarté pour déterminer le corps responsable de l’évaluation externe des écoles. En effet, la responsabilité de l’évaluation externe de la pédagogie et de l’apprentissage dans les écoles marocaines est partagée entre l’IGAP qui contrôle le processus au niveau de l’école et les inspecteurs pédagogiques qui évaluent les enseignants individuellement. Aucun de ces deux corps n’a le mandat ni la capacité, en termes d’effectifs comme de compétences, de surveiller efficacement la qualité de l’éducation et fournir un retour ou un suivi significatif.

Recommandations

4.1.1 Établir un cadre de référence pour l’évaluation externe de l’école

En tant que mesure à court terme, l’IGAP devrait adapter les indicateurs qu’elle utilise actuellement pour les audits scolaires pour mieux soutenir l’amélioration des écoles. Le nombre d’indicateurs liés à la conformité à la réglementation devrait être réduit et les rapports devraient être simplifiés en utilisant davantage les ressources électroniques. De nouveaux indicateurs portant sur les dimensions suivantes devraient être introduits :

  • Leadership scolaire : pour évaluer les aspects tels que l’articulation d’une vision de l’école et de l’accompagnement des enseignants.

  • Équité des résultats des élèves : pour évaluer si l’école a mis en place des mesures destinées à réduire les disparités dans les résultats et apporter un soutien supplémentaire aux élèves de milieux défavorisés.

  • Qualité de l’enseignement: pour examiner la qualité des processus d’enseignement et d’apprentissage au niveau de l’école.

  • Auto-évaluation de l’école : pour évaluer si les écoles ont intégré des exercices d’auto-évaluation efficace à leur processus de planification.

À moyen terme, le Maroc devrait recourir à un processus consultatif et transparent pour élaborer des normes de qualité pour les écoles qui soient conformes aux objectifs de la Vision 2030 pour améliorer la qualité de l’école. Ces normes devraient prendre en compte les différents contextes des écoles marocaines (par exemple, les classes multiniveaux et les écoles satellites qui sont des écoles rurales éloignées sans directeur sur place). Ces normes devraient également refléter la définition de ce qu’est un bon enseignement, tel que défini dans les nouvelles normes applicables aux enseignants au Maroc (recommandation 3.1.1). Enfin, il sera important de compléter le nouveau cadre par des descripteurs faisant le lien entre les normes de qualité et des pratiques observables à l’échelle de l’école. La formulation des descripteurs devrait se concentrer sur une amélioration dans la durée et se référer aux principales politiques et initiatives nationales.

4.1.2 Consolider la responsabilité et la capacité d’évaluation externe de l’école

Afin de construire une base institutionnelle solide garantissant la qualité de l’école, le mandat de l’IGAP devrait être élargi pour qu’elle puisse mener l’évaluation externe des écoles en vue d’une amélioration. Ce changement dans le mandat de l’IGAP nécessitera un investissement important dans le développement de sa capacité, sous la forme de formation adaptée et de recrutement de personnel ayant l’expérience et la connaissance des domaines liés à l’évaluation des écoles tels que les pratiques pédagogiques, les normes scolaires et le développement d’outils de mesure de la qualité de l’école. Compte tenu du nombre limité d’auditeurs de l’IGAP et de leur manque d’expérience dans l’évaluation des pratiques de classe, il est recommandé que l’IGAP développe un réseau de personnes formées disposant d’un savoir-faire dans l’évaluation de la pédagogie et de l’apprentissage et qui puissent rejoindre les équipes d’inspection. Les inspecteurs pédagogiques devraient notamment être invités à se joindre aux équipes d’inspection des écoles et être chargés en particulier de mener des observations des pratiques pédagogiques en classe et d’établir un aperçu de l’enseignement et de l’apprentissage dans l’école.

4.1.3 Développer des lignes directrices et des instruments de soutien au processus d’évaluation externe de l’école

L’IGAP devrait élaborer des lignes directrices détaillant le processus d’évaluation externe, en particulier toute préparation requise par l’école avant la visite d’évaluation et le processus de retour d’information vers l’école après la visite. L’IGAP devrait élaborer les lignes directrices qui détailleront la façon dont les inspecteurs devraient utiliser les indicateurs et les descripteurs pour observer les pratiques pédagogiques et d’apprentissage durant les observations de classe et expliqueront la conduite appropriée à tenir par les inspecteurs pendant les visites de classe. L’IGAP pourrait également envisager d’élaborer des questionnaires simples à l’attention des autres acteurs concernés, questionnaires qui seraient utilisés par les équipes d’inspection des écoles pour recueillir des informations portant sur l’opinion qu’ont les parents et les élèves de leur école.

Levier 4.2 : Développer la capacité des établissements scolaires à mettre en place des auto-évaluations

Bien que certaines pratiques naissantes d’auto-évaluation fassent partie du processus d’élaboration du Projet d’Établissement, elles sont souvent considérées par les écoles marocaines comme des tâches secondaires ayant peu d’impact sur la planification stratégique ou l’amélioration. Cela résulte aussi bien du manque d’orientation et de soutien externe aux activités d’auto-évaluation des écoles que de la capacité limitée du leadership scolaire à mettre en œuvre des activités efficaces d’auto-évaluation de l’école.

Recommandations

4.2.1 Renforcer le rôle de l’auto-évaluation des écoles dans la planification scolaire

L’auto-évaluation de l’école devrait être pleinement intégrée dans le cycle de planification scolaire afin qu’elle puisse renseigner la prise de décision et aider à ajuster les priorités si nécessaire. Les écoles marocaines devraient recevoir des directives claires sur la manière de conduire un exercice d’auto-évaluation dans le cadre de l’élaboration du nouveau Projet d’Établissement et des aspects à évaluer. Dans l’immédiat, l’IGAP pourrait fournir aux écoles une courte liste de questions et indiquer des sources d’information disponibles qui pourraient être utilisées dans le processus. Le Ministère devrait également exiger que les écoles procèdent à une auto-évaluation annuelle, encourager les écoles à se fixer des objectifs annuels et définir le suivi des progrès. Les AREF et le Ministère devraient fournir aux acteurs scolaires des exemples clairs sur la manière dont ils peuvent utiliser les résultats des évaluations de l’école dans leur travail quotidien et comment ajuster régulièrement la planification en fonction de ces résultats.

4.2.2 Renforcer la capacité de leadership dans l’auto-évaluation de l’école et impliquer la communauté scolaire

Dans l’immédiat, les directeurs d’école devraient être explicitement mandatés pour conduire l’auto-évaluation de leur école en incluant ce rôle dans les normes de compétence des directeurs (profil des emplois et des compétences des directeurs d’établissements de l’éducation et de l’enseignement public). Cette mesure devra être accompagnée d’efforts destinés à renforcer leur capacité dans ce rôle, ce qui peut être fait en fournissant davantage de :

  • Retour d’information : par exemple en utilisant les évaluations externes de l’école pour examiner le degré de préparation des directeurs d’établissement à la conduite d’auto-évaluations et identifier les besoins de formation.

  • Soutien sur le terrain : en élargissant par exemple le rôle des accompagnateurs du Projet d’Établissement du Ministère pour y inclure un soutien aux directeurs d’établissement dans le domaine de l’auto-évaluation de l’école. Les « Communautés de pratiques professionnelles », créées en 2013 pour encourager la formation des directeurs par leurs pairs, peuvent également aider à ce nouveau rôle.

  • Formation : les AREF devraient organiser des ateliers de formation centrés sur des tâches spécifiques de l’auto-évaluation de l’école pour lesquels les évaluations externes de l’école ont mis en évidence des manques. Le module de la formation initiale des directeurs consacré à l’auto-évaluation de l’école devrait être étendu pour englober davantage de formation pratique aux principales compétences clés nécessaires à l’auto-évaluation (par exemple, le recueil d’éléments probants, l’analyse des données et l’observation de classe).

À plus long terme, le Maroc devrait envisager le développement d’un système distinct d’évaluation du leadership scolaire fondé sur les normes principales. Ce système serait destiné à examiner et donner un retour d’information sur les principales responsabilités dans ce domaine, telles que la conduite d’une auto-évaluation et le soutien au développement professionnel dans l’école.

En plus du renforcement des capacités des directeurs d’établissement, le Maroc devrait aussi envisager de développer des capacités de leadership plus larges dans l’auto-évaluation de l’école en attribuant un rôle explicite aux comités de pilotages des projets d’établissement dans l’auto-évaluation de l’école et en encourageant les enseignants à y participer en prenant en compte ce rôle dans le déroulement de carrière de l’enseignant (recommandation 3.4.1). Cette mesure garantirait l’implication effective du personnel scolaire et répartirait la charge d’une tâche exigeante. Elle contribuerait également à faire en sorte que les écoles satellites, qui n’ont pas sur place leur propre directeur, procèdent à leur auto-évaluation.

Le Ministère devrait encourager les écoles à recueillir, dans le cadre de l’auto-évaluation, l’opinion qu’ont de l’école les parents, les élèves et les enseignants, en fournissant des lignes directrices et des exemples sur la façon d’organiser les entretiens. Les conseils de gestion des établissements scolaires (CGES) devraient être encouragés à communiquer à la collectivité scolaire la plus large les résultats des auto-évaluations scolaires par le biais de rapports écrits et de réunions.

Levier 4.3 : Veiller à ce que l’évaluation de l’école amène des améliorations

Le caractère très centralisé du système éducatif marocain a laissé aux écoles un sens limité de leur rôle dans la conduite des améliorations et un manque de confiance en leur capacité à prendre des décisions relatives à l’utilisation des ressources et l’organisation de l’enseignement et de l’apprentissage. Dans ce contexte, il est important que les écoles reçoivent un soutien externe ainsi que des outils et des incitations en vue d’utiliser les résultats des évaluations pour améliorer leur performance.

Recommandations

4.3.1 Prévoir des dispositions pour le suivi des évaluations externes

L’IGAP devrait s’assurer que les écoles sont bien équipées pour utiliser les résultats des évaluations externes en vue d’améliorer leur qualité. Cela commence par la formulation de lignes directrices claires destinées aux équipes d’évaluation sur le type de retour d'informations qu’elles devraient fournir aux écoles et sur la façon dont ces informations devraient être relayées sous forme écrite et orale. Compte tenu du rôle important joué par les AREF et le Ministère dans la gestion des ressources de l’école, il sera également important que les évaluateurs externes transmettent à la fois au gouvernement central et aux AREF des recommandations claires sur le financement et les besoins de développement professionnel des écoles évaluées. Les AREF devraient être tenues de fournir un suivi plus étroit et de soutenir les écoles identifiées comme étant peu performantes à la lumière de leurs résultats et du contexte. Un lien plus étroit devrait également être établi entre l’évaluation externe et l’auto-évaluation de l’école. Les comités des projets d’établissement dans les directions provinciales des AREF, qui sont censés valider chaque Projet d’Établissement, devraient être contraints de vérifier si les projets traitent les principaux problèmes identifiés par les évaluations externes.

4.3.2 Fournir des incitations et des outils pour aider les écoles à s’améliorer

Les écoles devraient progressivement bénéficier d’une plus grande souplesse dans la gestion de leurs ressources financières pour mettre en œuvre des activités visant à améliorer leur performance. Le projet d’introduire un financement basé sur la performance dans le cadre du Projet d’Établissement est un pas dans cette direction. Il sera cependant important de préciser ce qui se passera si une école atteint (ou non) les objectifs qu’elle s’est fixés et les situations où il sera important de se concentrer sur le renforcement des capacités, tout en évitant toute approche punitive.

Il faut accorder plus d’attention à la manière dont les ressources sont allouées aux écoles, afin que celles situées dans des zones défavorisées sur le plan socio-économique puissent avoir des ambitions aussi élevées pour elles-mêmes et leurs élèves que celles des zones plus riches. Des programmes ciblés de financement, ou une formule de financement avec une composante basée sur les conditions de ressources pourraient être envisagés pour y parvenir.

Pour construire leur planification, les écoles ont besoin de mesures fiables des résultats l’apprentissage des élèves. En particulier, les écoles primaires devraient disposer des outils leur permettant d’identifier les lacunes dans l’apprentissage au cours des premières années et de suivre la progression de l’amélioration afin de s’assurer que tous les élèves marocains développent les compétences de base en lecture et en mathématiques. Cet examen recommande que le Maroc introduise une évaluation nationale standardisée, normalisée et basée sur les élèves recensés en quatrième année (fin du premier cycle du primaire) et, à long terme, en sixième année (fin du cycle primaire) (recommandation 5.2.1). Le Maroc pourrait également envisager de créer un indice composite de la performance scolaire pour fournir aux écoles une vision holistique de leur performance sur des indicateurs clés tels que le rendement de l’apprentissage, l’équité, le redoublement, l’achèvement des cycles et le passage au niveau supérieur d’études. Cet indice devrait prendre en compte le contexte scolaire (contexte socio-économique, niveau de ressources, type d’école) afin de fournir une vision juste de la performance qui pourra fournir des comparaisons significatives et façonner la formation par les pairs.

Encadré 0.3. Actions prioritaires pour l’amélioration de l’évaluation des établissements scolaires au Maroc
  • Revoir et renforcer les indicateurs de la grille d’audit des établissements scolaires pour mettre l’accent plus clairement sur l’amélioration, en introduisant les dimensions manquantes (c.-à-d. la direction des établissements scolaires, l’équité et l’auto-évaluation des établissements) et des indicateurs qualitatifs pour les pratiques d’enseignement.

  • Développer des outils pour permettre aux équipes d’évaluation d’examiner la qualité de l’enseignement et des apprentissages en classes (c.-à-d. des indicateurs et des descripteurs de la qualité).

  • Donner aux inspecteurs pédagogiques la responsabilité d’examiner les pratiques d’enseignement en les intégrant aux équipes d’évaluation des établissements scolaires.

  • Fournir aux établissements scolaires des directives claires sur la manière de réaliser une auto-évaluation et les dimensions à évaluer.

Note : Un résumé des recommandations du rapport sur l’évaluation des établissements scolaires est présenté dans le tableau 4.4 (chapitre 4).

Évaluation du système éducatif : informer les politiques d’éducation et responsabiliser les acteurs

L’évaluation du système éducatif se réfère à la façon dont sont collectés des éléments probants qui permettront de fournir au public des informations sur la responsabilité à propos du fonctionnement du système éducatif et d’aider à concevoir des politiques éducatives plus efficaces (OCDE, 2013). Cette évaluation s’appuie sur des données quantitatives telles que les indicateurs nationaux de l’éducation et les données d’évaluation des élèves, ainsi que sur des informations qualitatives telles que l’analyse et l’évaluation des politiques.

Le Maroc dispose de nombre des outils nécessaires à l’évaluation du système. Le pays collecte la plupart des données administratives de base, dispose d’un Programme national d’évaluation des acquis des élèves (PNEA) et participe à des évaluations internationales pour suivre et comparer la performance de ses élèves. Il existe cependant des lacunes significatives en matière de données, en particulier en ce qui concerne l’équité et l’apprentissage. Il manque également au Maroc un cadre d’évaluation du système qui établirait les priorités de l’évaluation en conformité avec les objectifs nationaux et définirait les responsabilités de tous les acteurs du gouvernement. Les résultats ne sont pas suffisamment utilisés au niveau central et régional pour façonner les politiques ou donner un accès public à l’information, et les capacités d’analyse du gouvernement à tous les niveaux sont relativement limitées.

Levier 5.1 : Établir des fondements solides pour la gouvernance de l’évaluation du système éducatif

Les principales lacunes présentes dans le cadre de gouvernance de l’évaluation du système restreignent sa capacité à façonner l’élaboration des politiques et à responsabiliser les acteurs de l’éducation. Le Maroc ne dispose pas de plan stratégique qui décomposerait les objectifs généraux à long terme de la Vision 2030 en objectifs et cibles à moyen terme qui pourraient à leur tour orienter les politiques et les programmes vers sa réalisation. Sans ces points de référence à moyen terme, il est difficile au Ministère et à l’INESEFRS d’évaluer de manière significative les performances du système éducatif et de suivre les progrès réalisés vers la Vision 2030. L’absence de cibles claires rend également difficiles la définition d’un cadre d’indicateurs et l’identification des principales données nécessaires. Certaines lacunes et redondances relevées dans les responsabilités de l’INESEFRS et du Ministère concernant l’évaluation du système éducatif limitent encore l’efficacité des deux institutions à soutenir des politiques fondées sur des données probantes.

Recommandations

5.1.1 Développer un cadre de référence pour l’évaluation du système éducatif

Le Maroc doit définir des priorités claires pour son système éducatif afin d’en orienter la politique, la mise en œuvre et l’évaluation. Pour ce faire, il est important que le Ministère clarifie en premier lieu les objectifs généraux de la Vision 2030 en incluant des objectifs à long terme plus précis dans la future Loi-cadre de l’éducation. Ces objectifs devraient être utilisés ensuite pour élaborer un plan stratégique qui définit des objectifs et des cibles sur le moyen terme (un plan à 3 ou 6 ans aligné sur le cycle de budgétisation de la loi de finance). Ce plan constituera le document de référence à partir duquel le système éducatif sera évalué.

Le plan à moyen terme devrait être complété par un document de référence définissant les indicateurs à utiliser pour suivre les progrès réalisés pour chaque objectif et cible visés. De nouveaux indicateurs devraient être développés là où existent actuellement des lacunes, par exemple le statut socio-économique des élèves et l’allocation et l’utilisation des ressources financières dans les écoles. La Direction de la stratégie, des statistiques et de la planification (DSSP) devrait également être mandatée pour auditer régulièrement les données collectées afin d’assurer la qualité des normes.

5.1.2 Clarifier et mieux définir les rôles du Ministère et de l’INESEFRS en matière d’évaluation et de suivi du système

Il est nécessaire de clarifier les rôles de l’INESEFRS et du Ministère vis-à-vis des deux axes principaux de l’évaluation du système éducatif, à savoir le suivi continu des programmes et réformes du secteur éducatif, et l’évaluation globale des performances du système éducatif. Au sein du Ministère, il n’existe pas d’unité ni de processus en place pour suivre et évaluer le système éducatif en vue d’informer les décideurs politiques. Les responsabilités de l’évaluation des élèves et du développement des indicateurs se chevauchent entre l’INESEFRS et le Ministère, ce qui crée des redondances et limite l’efficacité des deux organismes.

Le Département de l’éducation nationale devrait développer un processus permanent de suivi régulier du système éducatif incluant l’élaboration de rapports de progression et l’évaluation des programmes et des pilotes. Un seul organisme devrait être responsable du suivi du système éducatif afin de veiller à ce qu’il devienne systématique et d’encourager la coordination entre les différents services du ministère. Cela pourrait être soit la DSSP (en renforçant ses capacités d’évaluation), soit une nouvelle unité au sein du Département.

En tant qu’agence indépendante chargée d’évaluer la performance globale du système éducatif, l’INESEFRS contribue à renforcer les capacités nationales d’évaluation et à bâtir la confiance du public dans les résultats de l’évaluation, ce qui en fait un atout pour le Maroc. Toutefois, pour qu’elle joue son rôle de façon efficace, le mandat de l’INESEFRS relatif à l’évaluation externe du système devrait être clarifié. La décision a été prise d’accorder à l’INESEFRS la responsabilité pour l’organisation et l’analyse du PNEA. Cette décision permet de stabiliser le PNEA en lui accordant un cadre de gouvernance clair. L’INESEFRS devrait également poursuivre ses activités d’examens thématiques et d’élaboration d’indicateurs du système éducatif afin d’apporter un regard externe sur le système éducatif.

Il est important d’assurer la complémentarité entre les pratiques d’évaluation de l’INESEFRS et celles du Ministère pour en optimiser l’utilisation. Pour ce faire, le Maroc peut envisager de mettre en place des procédures claires de communication entre le Ministère et l’INESEFRS en particulier dans les domaines communs aux deux institutions tels que le développement d’indicateurs et les évaluations standardisées des acquis des élèves. De telles procédures sont nécessaires pour mettre à profit les évaluations de l’INESEFRS dans la conception des politiques d’éducation et assurer l’alignement de ces évaluations avec les besoins du Ministère.

5.1.3 Informer les politiques et assurer la transparence du système éducatif

Le Maroc doit encourager une meilleure utilisation des résultats de l’évaluation du système éducatif lors de l’élaboration des politiques. Une première étape consisterait à ce que le Ministère publie chaque année ou dans un premier temps tous les deux ans un rapport analytique sur la situation de l’éducation. Ce rapport devrait inclure les informations provenant des différentes sources d’évaluation que sont les données extraites de l’évaluation des élèves, les indicateurs du système éducatif et les évaluations externes des écoles et donner une vision globale de l’éducation au Maroc. Les conclusions de ce rapport devraient être présentées aux décideurs politiques, aux ministres et aux parlementaires, et les résultats systématiquement utilisés comme point de départ des discussions portant sur les priorités politiques du Ministère. Celui-ci pourrait également envisager de créer une base de données publique contenant les informations clés sur le système éducatif, notamment les données administratives, les résultats des évaluations nationales et internationales des élèves et les résultats aux examens nationaux. Cela signifierait que les universitaires et les chercheurs pourraient effectuer des analyses indépendantes pour informer le débat national sur l’éducation et aider à responsabiliser les décideurs politiques. Le Ministère pourrait également envisager à l’avenir de lancer des programmes pilotes et revoir la partie imposée des grandes politiques afin d’encourager une approche de l’élaboration des politiques qui serait davantage fondée sur des données probantes.

Levier 5.2 : Mettre l’évaluation du système éducatif au service de l’amélioration des apprentissages

Bien que la Vision 2030 insiste fortement sur l’amélioration de l’apprentissage de tous les élèves, aucune stratégie n’a été élaborée pour suivre l’équité et la qualité de l’apprentissage des élèves ni pour utiliser les données d’évaluation afin d’améliorer les politiques. L’évaluation nationale de l’apprentissage des élèves au Maroc s’effectue à intervalles irréguliers et à différents niveaux et la conception et l’analyse des tests d’évaluation ne tiennent pas compte des priorités politiques. Il existe aussi une analyse nationale très limitée des résultats aux évaluations internationales, qui constitue aujourd’hui la seule source de données longitudinales fiables sur l’apprentissage des élèves au Maroc.

Recommandations

5.2.1 Mieux aligner l’architecture du PNEA sur les priorités nationales en matière d’éducation

Le Maroc doit revoir le cycle des tests du PNEA et les stratégies d’échantillonnage afin de renforcer la capacité du programme à informer les politiques d’éducation. Le choix des classes et des cycles devrait être déterminé par les priorités nationales. Compte tenu de l’importance d’améliorer les résultats d’apprentissage dans les premières années du primaire, la priorité devrait être donnée aux tests de mathématiques et de lecture dans l’enseignement primaire et les résultats mesurés par une évaluation annuelle (ou tous les deux ans) qui remplacerait le CEP, de tous les élèves recensés en 6e année (voir levier 2.2) et une évaluation tous les deux ou trois ans d’un échantillon d’élèves de 3e année. À moyen terme, le Maroc pourrait développer l’évaluation d’un échantillon d’élèves du secondaire collégial afin d’évaluer une plus large partie du programme. L’échantillonnage devrait aussi être revu afin de s’assurer qu’il prend en compte les principales caractéristiques du système éducatif (par exemple, les écoles satellites).

5.2.2 Développer une analyse pertinente des résultats des évaluations des apprentissages pour informer la prise de décision

Le Maroc devrait veiller à ce que l’analyse des résultats de l’évaluation des élèves apporte aux décideurs politiques un aperçu utile sur ce qui influence le rendement de l’apprentissage et de l’équité, tel que les facteurs associés à l’environnement des élèves et à l’environnement d’apprentissage. Pour ce faire, l’INESEFRS pourrait:

  • Faire un meilleur usage des données contextuelles relatives à l’environnement socio-économique des élèves et des écoles pour analyser l’équité dans les résultats

  • Introduire plus de questions portant sur la motivation et l’attitude à l’égard de l’apprentissage dans les questionnaires des élèves et des enseignants afin de mieux comprendre leur relation avec le rendement de l’apprentissage

  • Réviser le contenu du rapport d’analyse du PNEA afin d’y inclure davantage d’analyses politiques d’éducation influant sur les apprentissages et réduire les explications techniques

  • Publier les analyses nationales des évaluations internationales qui restent une source sous-utilisées d’informations précieuses et fiables sur le système éducatif.

La capacité analytique de l’INESEFRS doit être renforcée afin qu’elle puisse analyser les résultats de l’évaluation des élèves. Dans l’immédiat, l’INESEFRS pourrait travailler avec des experts extérieurs en sciences de l’éducation et en politique publique pour développer ces analyses. À moyen terme, l’organisation devrait investir dans le développement de son propre savoir-faire en interne en créant une unité d’analyse des politiques à cet effet. La collaboration entre l’INESEFRS et le CNEEO devrait également être renforcée pour utiliser plus efficacement les capacités existantes. L’INESEFRS devrait être tenu informé des choix d’options des évaluations internationales faits par la CNEEO et avoir un accès anticipé aux données afin de préparer les analyses nationales.

5.2.3 Mobiliser les acteurs gouvernementaux et la société civile derrière l’objectif d’améliorer l’apprentissage des élèves

L’INESEFRS doit définir des stratégies claires qui permettront d’impliquer les décideurs politiques et le grand public sur le sujet des résultats des évaluations nationales et internationales des élèves. Lorsque l’INESEFRS décide des thèmes politiques que couvriront les rapports analytiques du PNEA, il faudrait consulter le Ministère pour s’assurer qu’ils reflètent les priorités nationales en matière d’éducation. L’INESEFRS devrait également développer des outils de communication ciblés tels que notes ministérielles ou parlementaires et communiqués de presse destinés à répondre aux besoins des différents publics tels que les décideurs, les acteurs du système éducatif et les médias et veiller à ce que les principaux messages de l’analyse des évaluations internationales et du PNEA soient communiqués aux acteurs du système éducatif et au grand public. Au-delà des stratégies ciblées de communication, l’INESEFRS devrait également veiller à ce que le public ait un accès facilité aux données afin d’encourager plus d’études et de recherches secondaires et accroître ainsi l’utilisation des résultats dans le débat sur l’éducation.

Levier 5.3 : Renforcer le rôle des AREF dans l’évaluation du système éducatif

Malgré une forte pression en faveur de la décentralisation au cours des deux dernières décennies, la capacité des AREF à fixer des objectifs et des politiques régionaux adaptés aux besoins de leurs communautés reste limitée. Alors que les AREF sont théoriquement responsables de la qualité de l’enseignement dans leurs régions respectives, elles ne sont en pratiques que très peu redevable de cette qualité vis-à-vis du Ministère ou des communautés locales. La capacité des AREF à utiliser les résultats des évaluations du système éducatif qui pourraient renseigner leur travail est également limitée.

Recommandations

5.3.1 Renforcer la responsabilité des AREF vis-à-vis du gouvernement central et des communautés locales

Les AREF devraient progressivement devenir plus responsables de la qualité de l’éducation dans leur région. Pour ce faire, les AREF devraient être encouragées à se fixer des objectifs à moyen terme alignés sur les priorités nationales et présenter les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs. Les AREF devraient également tenir informées les communautés locales, y compris les parents, les élèves, les écoles et les autorités locales, de la performance du système éducatif régional. Les AREF pourraient par exemple être mandatées pour communiquer sur les indicateurs clés de l’éducation et sensibiliser à la performance de l’éducation dans la région.

5.3.2 Améliorer la capacité des AREF à évaluer les systèmes éducatifs régionaux

Les AREF doivent faire un meilleur usage des résultats des évaluations du système éducatif afin de développer une analyse régionale du système éducatif et façonner leur politique. Les AREF devraient être tenues de produire un rapport annuel ou, au début, bisannuel sur leur système éducatif, rapport élaboré à partir de différentes sources d’information, notamment le rapport de synthèse régional résultant des évaluations externes des écoles (voir Recommandation 4.3.1). Ce rapport doit être rendu public pour que les communautés locales soient informées de la performance du système éducatif. Compte tenu de la capacité d’analyse limitée au niveau des AREF, le Ministère pourrait envisager de les seconder par des statisticiens du DSSP qui fourniraient le support technique nécessaire à l’analyse des données et la production de rapports régionaux. La mise en place de forums de discussion formels ou informels et de collaboration sur l’évaluation du système entre les AREF peut également être un moyen efficace d’améliorer la qualité.

Encadré 0.4. Actions prioritaires pour l’amélioration de l’évaluation du système éducatif au Maroc
  • Établir un plan stratégique définissant des objectifs et des cibles chiffrées sur le moyen terme pour l’amélioration du système éducatif, aligné sur les cycles budgétaires.

  • Publier un rapport annuel ou biannuel sur l’état du système éducatif.

  • Établir des protocoles de partages de l’information et de consultation pour renforcer la communication entre l’INESEFRS et le Ministère.

  • Établir des rapports nationaux analysant les résultats du Maroc dans PISA, TIMSS et PIRLS.

  • Établir un cadre de référence qui définit les niveaux d’éducation à tester et la cyclicité des tests du PNEA et accorder la priorité au développement de l’évaluation régulière des apprentissages dans les premières années du primaire.

  • Exiger des AREFs qu’elles définissent leurs propres objectifs d’éducation régionaux et les modalités de suivi de ces objectifs.

Note : Un résumé des recommandations du rapport sur l’évaluation des établissements scolaires est présenté dans le tableau 4.4 (chapitre 4).

Créer un cadre d’évaluation cohérent au Maroc

Afin de mieux mettre à profit les recommandations de ce rapport, il est important que le Maroc emploi une approche holistique et développe un cadre d’évaluation cohérent (voir graphique 0.4). En accord avec la Vision 2030, l’ensemble des composantes du cadre d’évaluation devraient avoir pour ultime objectif de permettre à l’ensemble des élèves de développer les compétences de base. Pour ce faire, le Maroc devrait se doter de normes pour l’apprentissage des élèves, l’enseignement et les établissements scolaires ainsi que d’un plan stratégique qui reflètent cet objectif (voir leviers 2.1, 3.1, 4.1 et 5.1).

Un bon alignement des politiques et pratiques entre elles permettraient également d’assurer leurs efficacités. Par exemple, les pratiques d’évaluation des enseignants et des établissements scolaires devraient être employées pour identifier les besoins des enseignants en formation pour renforcer leurs capacités à évaluer les compétences des élèves et à développer l’évaluation formative (voir leviers 2.3, 3.3 et 4.1). Certaines pratiques d’évaluation peuvent également servir plusieurs buts. Ainsi, la mise en place d’une évaluation nationale normalisée des apprentissages à la fin du primaire peut non seulement permettre le suivi de la performance des élèves au niveau national mais aussi informer la planification pédagogique des écoles et les pratiques d’enseignement (voir leviers 2.2, 4.3 et 5.2).

Graphique 0.3. Aligner les pratiques et politiques d’évaluation pour améliorer les apprentissages des élèves
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Références

Black, P. et D. Wiliam (1998), “Assessment and classroom learning,” Assessment in Education: Principles, Policy and Practice - Assessment and classroom learning, Vol. 5/1, pp. 7–73.

OCDE (2017), Examen multidimensionnel du Maroc : Vol.1. Évaluation initiale, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264274945-fr.

OCDE (2013), Synergies for Better Learning: An International Perspective on Evaluation and Assessment, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264190658-en.

OCDE (2005), Teachers Matter: Attracting, Developing and Retaining Effective Teachers, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264018044-en.

INESEFRS (2014), La mise en œuvre de la Charte nationale d’éducation et de formation 2000-2013 : Acquis, déficits et défis, Conseil Supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche scientifique, Rabat.

USAID (2014), Research on Reading in Morocco: Analysis of Initial Teacher Training, Final report: Component 2, http://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PA00M2WM.pdf.

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