Les implications pour l’OCDE du Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030

Paul Walsh Patrick
Profess eur au Département des études internationales de développement, University College Dublin, Irland e  ; Conseiller principal, Réseau des solutions pour le développement durable (SDSN) des Nations Unies

Les pays de l'OCDE doivent savoir mieux réagir, en termes de bien-être des ménages, d’égalité de revenus ou de respect de l’environnement, face aux chocs externes et aux risques associés aux migrations, aux marchés financiers, au climat, aux maladies ou à la sécurité, pour n’en citer que quelques-uns. Le Programme des Nations Unies à l’horizon 2030 appelle l’OCDE à participer à des partenariats mondiaux pour traiter ces questions. En outre, l’OCDE devrait continuer, comme elle le fait de longue date, à entretenir des relations avec le monde en développement par le biais du CAD de l’OCDE, et à faciliter la mise en œuvre de ce Programme par le monde en développement.

Outre le concours apporté à la mise en œuvre dans les pays non membres de l’OCDE, ce programme universel presse l’OCDE de prendre part à des partenariats mondiaux dans l’optique de relever ces défis de dimension mondiale et de mettre en œuvre au sein-même des États-nations membres de l’OCDE les objectifs qui y sont énoncés. L’Organisation devra réfléchir aux moyens qu’elle peut déployer pour financer et affecter des ressources et des capacités dans les trois dimensions horizontales du Programme des Nations Unies à l’horizon 2030.

Selon ce Programme, il est de la responsabilité de tous de mettre en œuvre les objectifs énoncés, qu’il s’agisse des ménages, des entreprises ou des pouvoirs publics, et quelle que soit la sphère d’activité. Des partenariats multipartites ont reçu pour mandat de mettre en œuvre le programme, et l’OCDE ne peut élaborer des politiques en y associant ces partenariats que si ces derniers sont parties prenantes à la fixation des objectifs à suivre.

L’économie, la société et l’environnement sont largement perçus par les responsables de l’action publique, à tous les niveaux, comme des thématiques transversales. Le Programme des Nations Unies à l’horizon 2030 les rend verticales. L’OCDE produit depuis longtemps des rapports qui mettent en relation les marchés des produits et les marchés du travail, et les questions économiques et sociales. Comment concilier les trois dimensions du développement durable ? La première difficulté est de faire en sorte que les départements chargés des questions économiques, sociales et environnementales travaillent verticalement à l’analyse des politiques. Cela nécessite une réforme des institutions et une amélioration des compétences des chercheurs, l’accès aux ressources nécessaires en termes de données et de capacités techniques pour intégrer les dimensions économique, sociale et environnementale dans la formulation des politiques et les conseils prodigués en matière d’action publique. La politique économique, qui faisait de la croissance économique une priorité, devra prendre en compte les problématiques de la durabilité et de l’équité. Walsh (2015) illustre comment concevoir les politiques industrielles pour qu’elles intègrent les questions sociales et la durabilité. Les pays de l'OCDE attirent des multinationales en leur ouvrant l’accès aux marchés, et ils doivent leur demander en retour de montrer leur inclusivité d’un point de vue sociétal,non seulement au plan local, mais également au plan mondial, et qu’elles prouvent qu’elles ne sont pas à l’origine d’atteintes évitables à l’environnement local et mondial.

Les économistes spécialistes de la planification économique et de la finance doivent intégrer des objectifs sociaux et environnementaux à leurs plans. Le problème, même lorsque les politiques et les technologies industrielles sont inclusives et durables, est de savoir si les économies peuvent réellement atteindre une croissance de 4 à 5 % par an. Les objectifs de croissance économique sont bien présents dans les Objectifs fixés pour le monde développé et en développement. Mais la croissance économique pousse déjà les réserves de la planète au-delà de leurs limites. Politiquement, la tâche sera très difficile. D’un autre côté, si nous voulons éviter les effets les plus dévastateurs du changement climatique, nous risquons de ne pas avoir le choix. C’est pourquoi l’OCDE doit systématiquement intégrer les questions sociales et environnementales dans la planification et le financement publics.

Si l’on creuse un peu plus, qu’en sera-t-il de nos bureaux statistiques et des données que nous utilisons ? Les responsables de l’action publique auront besoin de données intégrées sur les entreprises, les ménages ainsi que sur le capital naturel et la dégradation de l’environnement. Même si les microdonnées ne manquent pas, l’interopérabilité n’est pas suffisante pour que les ensembles de données soient mis au service de l’élaboration des politiques. Si nous avons à mettre en place une politique économique dans une région en particulier, nous avons besoin de connaître les avantages qui en découleront pour la société et pour l’environnement. Si nous ne disposons pas de données incluant des données sur l’eau, l’utilisation des terres, l’énergie et le climat, il est impossible d’étudier l’impact des mesures envisagées sur la productivité et leurs retombées sociales. De nombreuses entreprises disposent de données sur leurs activités, du pont de vue de l’efficience. Mais les pouvoirs publics ne disposent généralement pas de statistiques sociales et environnementales corrélées permettant de formuler des politiques aptes à bâtir l’avenir que nous voulons. Et, si fiables que soient les ensembles de données de l’OCDE, ils ne sont pas reliés entre eux pour étayer des approches véritablement intégrées du développement durable.

Si les 17 Objectifs de développement durable (ODD) et les 169 cibles sont applicables à tous les pays, le Programme 2030 est assez prescriptif au niveau mondial tout en étant ouvert et flexible aux niveaux régional et national. Cela n’est évidemment pas sans risque. Ainsi, les pays africains peuvent décider de cibler les ODD 8 et 9, de nature essentiellement économique, et négliger le développement social et environnemental. En réalité, il est clair que nous pouvons établir nos propres priorités, dans l’esprit du Programme, pour atteindre autant d’objectifs que possible, mais ces priorités doivent être en phase avec celles du pays et de la région.

Le Programme peut être conduit par les pays membres de l’OCDE et pourrait s’inscrire dans un cadre juridique formel, où les gouvernements mettraient en œuvre leurs plans et les mesures prévues et légiféreraient, veilleraient à l’application des textes et demanderaient des comptes en vertu de la loi. Une telle approche descendante supposerait une réelle adhésion de la part de l’administration, des parlementaires et du système judiciaire. Les exigences concernant les capacités en matière de données, de connaissances et de réglementation seraient élevées. Cela étant, les pays membres et les partenariats devraient être encouragés à mettre en œuvre le Programme à leur gré. Chaque pays a des institutions du marché du travail différentes. Certains pays peuvent cibler leur action sur des questions d’équité en mettant en place des politiques du marché du travail et des systèmes fiscaux progressifs « intelligents ».

En Europe, où existe une tradition d’État fort, la préférence pourrait être donnée à des politiques publiques descendantes. Mais dans d’autres pays, où l’État n’est ni aussi légitime ni aussi puissant, ce ne serait peut-être pas l’option à retenir. Les marchés des capitaux, les entreprises, les ONG, les organisations de la société civile peuvent être encouragés à modifier leurs politiques et leur structure de gouvernance pour favoriser un mouvement partant de la base favorisé par une gouvernance et une institution mondiales.

L’OCDE se distingue certes par l’élaboration de politiques conduites par les pouvoirs publics, mises en œuvre par les pouvoirs publics et examinées par les pouvoirs publics. Mais pourquoi n’assumerait-elle pas une fonction de facilitation et ne chercherait-elle pas comment inciter les entreprises, les ménages, les ONG et d’autres parties prenantes à être des acteurs de ce Programme, afin de leur donner les moyens de le faire, de les récompenser, et de les épauler ? Tout comme le Programme des Nations Unies, l’OCDE devrait suivre un plan qui permette une participation et une innovation constantes de la part des partenariats, aux niveaux local, national, régional et mondial, à l’appui du développement durable.

Liens utiles

Article original publié sur le blog OECD Highlights : http://wp.me/p2v6oD-2sa.

Plate-forme de connaissances des Nations Unies sur le développement durable, www.un.org/sustainabledevelopment/fr/.

Walsh, P.P. (2015), Industrial Policy and Sustainable Development GSDR Policy Brief, https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/6459101-Industrial%20policy%20and%20sustainable%20development.pdf.