Nouvelles approches face aux défis économiques au siècle des villes

Alter Rolf
Directeur de la Direction de la gouvernance publique et du développement territorial de l’OCDE

Notre siècle est celui des villes. Dans les pays de l’OCDE, deux personnes sur trois vivent aujourd’hui dans une ville de 50 000 habitants ou plus. En dehors de la zone OCDE, la part des citadins est légèrement plus faible, mais l’urbanisation progresse rapidement. Si plus de la moitié des habitants de la planète vivent en zone urbaine à l’heure actuelle, cette proportion atteindra 60 % en 2030 et 70 % en 2050 d’après les estimations des Nations Unies. Les villes sont d’importants vecteurs de la performance économique et leur apport à cet égard devrait s’amplifier. Dans les pays de l’OCDE, les zones métropolitaines de plus de 500 000 habitants sont à l’origine de 55 % du PIB et de plus de 60 % de la croissance économique. Grâce aux économies d’agglomération et à la forte concentration de capital humain, la plupart des villes affichent des niveaux de productivité plus élevés que les pays dans lesquels elles se trouvent. Alors que beaucoup de pays de l’OCDE ont vu la croissance de la productivité ralentir ces dernières années, mettre pleinement à profit le potentiel des effets d’agglomération qui font progresser la productivité peut engendrer de nouvelles sources de croissance.

Les villes n’apportent pas seulement une contribution importante aux performances économiques nationales, elles jouent aussi un rôle essentiel dans le bien-être de leurs habitants. C’est tout le sens du onzième Objectif de développement durable, qui prône des villes « ouvertes à tous, sûres, résilientes et durables ». Cette idée est également au cœur du Nouvel agenda urbain qui sera lancé à la conférence Habitat III des Nations Unies, en octobre 2016, et donnera l’occasion de redynamiser notre engagement collectif en faveur de la prise en compte des politiques urbaines à tous les niveaux d’administration.

Aujourd’hui déjà, les villes sont pour beaucoup des lieux de vie séduisants qui continuent d’attirer de nouveaux habitants. Elles offrent souvent des services meilleurs et plus spécialisés que les zones rurales, et proposent en règle générale un meilleur raccordement aux réseaux de transport et des possibilités de consommation plus diverses. Par rapport aux campagnes, la plupart des villes donnent en outre accès à une plus grande diversité culturelle et davantage d’autres aménités. Cela étant, l’agglomération induit aussi des coûts, parmi lesquels des coûts économiques directement mesurables, tels que les niveaux de prix plus élevés, mais aussi d’autres, plus difficiles à quantifier en termes monétaires, dont pâtit avant tout le bien-être des habitants. La pollution atmosphérique et les nuisances sonores, par exemple, ont tendance à être plus fortes dans les grandes villes et ont des effets néfastes sur la santé des populations. Le plus souvent, les coûts d’agglomération affectent à la fois les résultats économiques des villes et le bien-être. La pénurie de logements abordables, les encombrements, les trajets quotidiens interminables et la criminalité élevée ont clairement un coût économique et aussi un effet défavorable sur le bien-être.

Souvent, les villes d’un même pays affichent des niveaux de productivité très variables et sont confrontées à des coûts d’agglomération différents. En l’occurrence, l’action des pouvoirs publics a une influence importante sur leurs performances. La réussite d’une ville dépend en particulier du degré auquel elle peut éviter les coûts d’agglomération. Les villes des pays en développement doivent faire face à certains problèmes que leurs homologues des pays développés ont déjà réglés, comme celui de l’accès de tous les habitants à l’eau et à l’assainissement. Cependant, réduire les coûts d’agglomération est important partout et peut améliorer la productivité et le bien-être même dans les villes les plus avancées.

Les coûts d’agglomération et les politiques destinées à les alléger concernent souvent les mêmes domaines dans les pays en développement et les pays développés, même si les points de départ sont très différents dans les deux cas. Fournir des logements abordables est indispensable pour venir à bout des taudis dans les pays en développement, mais aussi pour rendre plus inclusives les villes les plus performantes dans les pays développés. De même, la réduction de la congestion fait progresser la productivité des villes dans les pays développés aussi bien que dans les pays les moins avancés.

La plupart des défis que doivent relever les villes sont complexes et comportent de multiples dimensions. Pour y faire face, il faut donc des mécanismes de gouvernance qui facilitent l’élaboration et l’application de politiques publiques complexes et pluridimensionnelles dans les zones urbaines. On ne peut pas gérer une grande ville en se contentant d’agir au jour le jour dans quelques domaines qui posent des problèmes. Il faut au contraire un ensemble de politiques coordonnées qui soient synergiques et complémentaires.

Des politiques urbaines et régionales efficaces nécessitent une coordination entre de nombreux acteurs différents, domaine dans lequel beaucoup de pays n’étaient guère performants jusqu’à une époque récente. Auparavant, les politiques urbaines définies au niveau national dans les pays de l’OCDE avaient souvent une portée restreinte et se limitaient au traitement d’une ou deux problématiques, telles que la mise en place d’infrastructures ou la revitalisation des quartiers en difficulté.

Or, beaucoup de politiques nationales ont une profonde influence sur le développement des villes, même si les décideurs nationaux ne les envisagent pas dans cette optique. En les coordonnant mieux, on peut éliminer les tensions qui existent entre différentes politiques à orientation sectorielle, envoyer des signaux plus clairs aux responsables urbains et leur donner les moyens de collaborer plus efficacement entre eux, avec les niveaux d’administration supérieurs, avec les citoyens et avec le secteur privé.

L’autonomisation des villes exigera dans bien des cas une gouvernance urbaine et métropolitaine plus efficiente. Alors que les limites administratives sont généralement le résultat de modes de peuplement antérieurs qui ne reflètent pas les réalités socio-économiques des grandes agglomérations urbaines de plus en plus interconnectées, le morcellement communal complique la coordination des politiques au niveau local et freine la croissance. Dans les pays de l’OCDE, les zones métropolitaines dotées d’un système de gouvernance approprié affichent non seulement une plus forte productivité que les autres, mais se caractérisent aussi par un étalement moindre et par une plus grande satisfaction des citoyens, en particulier à l’égard des systèmes de transport.

D’après les Nations Unies, la population urbaine ne devrait progresser que légèrement au cours des deux prochaines décennies dans les pays à haut revenu, pour passer de 920 millions à un peu plus de 1 milliard de personnes. Par conséquent, les villes et leur forme urbaine ne connaîtront que des évolutions marginales.

Dans les pays en développement, en revanche, les enjeux sont d’une tout autre ampleur. Les villes existantes devront être modifiées et agrandies, et de nouvelles villes devront sortir de terre. Les mesures prises aujourd’hui auront des effets importants bien au-delà des 15 années qui constituent l’horizon temporel des Objectifs de développement durable (OMD). Les logements et les infrastructures qui seront construits pour accueillir les milliards de nouveaux citadins détermineront pendant de nombreuses décennies la forme urbaine. Ni les autorités municipales ni les autorités nationales ne pourront relever seules ce défi. C’est pourquoi il est primordial que les mécanismes retenus pour mettre en œuvre les OMD et le Nouvel agenda urbain tiennent compte de l’effet qu’auront les choix urbains d’aujourd’hui sur l’ampleur et les répercussions des grands problèmes mondiaux comme le changement climatique, de l’aptitude à faire baisser les émissions et de la capacité d’adaptation à des évolutions comme le vieillissement de la population.

La mise en place d’une croissance inclusive passe par la coordination des politiques macroéconomiques et locales afin d’édifier des villes à la fois écologiquement viables et capables d’offrir des opportunités d’accomplissement personnel par l’éducation, les compétences et l’emploi. L’enjeu est l’évolution vers un monde plus juste et plus prospère que nous appelons de nos vœux. À nous de faire en sorte que nos villes répondent à nos attentes.

Liens utiles

Article original sur le blog OECD Insights : http://wp.me/p2v6oD-2qF.

Travaux de l’OCDE sur les villes : www.oecd.org/fr/gov/cities.htm.

Travaux de l’OCDE sur le développement régional : www.oecd.org/fr/gov/politique-regionale/.

Comment va la vie dans votre région ? : www.oecdregionalwellbeing.org.