Résumé

Les pouvoirs publics prennent peu à peu conscience des opportunités et des défis qui naissent de la révolution numérique

La transformation numérique figure en bonne place dans les programmes d’action des pouvoirs publics du monde entier, conscients du potentiel qu’elle recèle pour leurs économies. Les pays de l’OCDE ont formulé leurs objectifs lors de la Réunion ministérielle sur l’économie numérique, qui s’est tenue en 2016 à Cancún. Pour tirer le meilleur parti de la transformation numérique au service de l’innovation, de la croissance et de la prospérité sociale, ils concentrent leurs efforts sur les incidences de la révolution à l’œuvre sur l’action des pouvoirs publics, l’amélioration de la mesure, et la mise en place d’un cadre d’action intégré à l’appui d’une approche à l’échelle de l’ensemble du gouvernement. Bien que la mise en œuvre des stratégies numériques nationales soit en bonne voie dans la zone OCDE, des progrès restent à faire en matière de coordination. De fait, rares sont les pays dans lesquels la coordination de la stratégie numérique nationale a été confiée à un haut responsable ou un organisme dédié au numérique.

Malgré les effets persistants de la crise, les services informatiques continuent de progresser et les perspectives sont prometteuses

Depuis la crise économique mondiale, la valeur ajoutée dans le secteur des technologies de l’information et des communications (TIC) a globalement diminué dans la zone OCDE, une évolution conforme à celle de la valeur ajoutée totale. En revanche, au sein du secteur des TIC, elle a certes fléchi dans les services de télécommunications et la fabrication de matériel informatique et électronique, mais a progressé dans les services informatiques, et est restée stable dans l’édition logicielle. Ces tendances, qui transparaissent dans les chiffres de l’emploi TIC dans les pays de l’OCDE, devraient se confirmer dans les années à venir, la part des investissements en capital-risque dans les TIC – un indicateur des perspectives des entreprises – ayant renoué avec le pic de 2000. Le secteur des TIC reste un moteur d’innovation essentiel ; il représente la part la plus importante des dépenses de R-D des entreprises de la zone OCDE et plus d’un tiers des dépôts de brevet dans le monde.

Les infrastructures et services de communication se mettent à niveau afin de faire face à l’explosion des données

Les marchés des communications progressent sous l’effet de la demande et, dans de nombreux pays, de l’évolution des cadres réglementaires, qui favorisent la concurrence, l’innovation et l’investissement. La part des revenus consacrés à l’investissement dans les télécommunications a augmenté et les opérateurs continuent de déployer la fibre optique. Les tarifs moyens du haut débit fixe et mobile ont diminué, tandis que le nombre d’abonnements a progressé ; dans certains pays, l’utilisation des données mobiles a connu une croissance exponentielle. La convergence des télécommunications et de la radiodiffusion donne lieu à des opérations de fusion-acquisition et à des réformes des cadres réglementaires et des institutions. Les débits d’un gigabit par seconde (Gbit/s) sont devenus monnaie courante, et l’on voit désormais apparaître les premières offres commerciales proposant 10 Gbit/s, de quoi prendre en charge la croissance exponentielle des données, avec, notamment, l’arrivée des véhicules connectés et autonomes.

L’utilisation des TIC poursuit sa progression, mais demeure inégalement répartie selon les pays, les entreprises et les individus

Si, en moyenne, l’utilisation des TIC par les individus bat des records, des disparités demeurent selon les pays et les catégories sociales, notamment pour les usages plus avancés de l’internet mobile (achats en ligne ou services bancaires, par exemple). Les personnes âgées et les moins instruits accusent les retards les plus marqués. Les pouvoirs publics mettent l’accent sur la formation professionnelle, ainsi que l’enseignement primaire ou secondaire, et investissent en priorité dans l’achat de matériel et la connectivité des établissements scolaires. Les utilisateurs s’inquiètent de la sécurité et de la protection de leur vie privée dans l’environnement numérique, deux obstacles majeurs à l’utilisation de l’internet, y compris parmi les plus instruits. Du côté des entreprises, les PME affichent un retard dans l’utilisation des TIC, que ce soit pour des tâches élémentaires ou plus avancées. L’infonuagique et l’analyse des données massives progressent rapidement, quoique partant de niveaux relativement bas. Si l’utilisation des robots dans la production augmente, elle se concentre pour l’heure dans un nombre limité de pays.

L’innovation par le numérique et les nouveaux modèles économiques changent la donne, y compris dans les domaines de l’emploi et des échanges

L’innovation fondée sur les données, les nouveaux modèles économiques et les applications numériques bouleversent les modes de fonctionnement de la science, des administrations, des villes et de secteurs comme la santé et l’agriculture. Les politiques en faveur de l’innovation par le numérique tendent à mettre l’accent davantage sur les réseaux d’innovation, l’accès au financement et l’utilisation (et la réutilisation) des données, que sur l’investissement dans les TIC, le capital intellectuel et l’analytique des données. La transformation numérique se traduit par des destructions et des créations d’emplois dans différents secteurs, et donne lieu à l’émergence de nouvelles formes de travail et à un remodelage des échanges commerciaux, en particulier dans les services. Face à ces bouleversements, les pouvoirs publics de nombreux pays ont entrepris de revoir leur législation du travail et leurs accords commerciaux.

L’utilisation efficace des TIC dans la sphère privée comme professionnelle ne peut se faire sans un renforcement non seulement des compétences TIC génériques et spécialisées, mais aussi des compétences de base

L’utilisation efficace des TIC, au travail comme dans la vie quotidienne, nécessite des compétences adaptées. Le « personnel informatique » figure en deuxième position dans le classement des dix principaux types de profils que les entreprises peinent à recruter, en particulier dans les services, même si seule une poignée de pays (du moins en Europe) semble confrontée à des pénuries de compétences TIC spécialisées. Autre constat, de nombreux travailleurs utilisant les TIC quotidiennement ne disposent pas de compétences TIC génériques suffisantes ; il en va de même pour les compétences de base, telles la résolution de problèmes et la communication, dont les travailleurs ont pourtant de plus en plus besoin pour s’adapter à l’évolution des emplois. Quelques pays mettent actuellement en œuvre des programmes destinés à aligner les priorités en matière de formation aux TIC et les besoins en compétences attendus ; en revanche, rares sont ceux qui ont à ce jour adopté une stratégie complète de développement des compétences TIC.

Les inquiétudes quant à la sécurité numérique et à la protection de la vie privée freinent l’adoption des TIC et le développement des entreprises

L’utilisation de plus en plus intensive des TIC expose les entreprises et les individus à des risques accrus en termes de sécurité numérique et d’atteinte à la vie privée. Les PME doivent notamment mettre en place ou améliorer les pratiques de gestion de ces risques. Si de nombreux pays se sont dotés d’une stratégie nationale de sécurité numérique, ils sont peu à en avoir fait de même pour la protection de la vie privée. Or ces risques, conjugués aux inquiétudes suscitées par la fraude en ligne, les mécanismes de recours et la qualité des produits vendus sur l’internet, peuvent saper la confiance des consommateurs et ralentir la croissance du commerce électronique entre entreprises et particuliers. La plupart des politiques en matière de protection des consommateurs restent centrées sur la question générale de la confiance dans le commerce électronique, et commencent à peine à se saisir des nouvelles problématiques liées aux marchés des plateformes mettant en relation les particuliers.

L’intelligence artificielle ouvre certes de nouvelles perspectives, mais soulève également d’importantes problématiques en termes de politique et d’éthique

Sous l’effet de la généralisation de l’intelligence artificielle (IA), les machines sont désormais capables d’exécuter des fonctions cognitives imitant le comportement humain. Grâce à l’apprentissage automatique, aux données massives et à l’infonuagique, les algorithmes peuvent identifier des schémas d’une complexité croissante dans des ensembles de données volumineux, voire surpasser les capacités humaines dans certaines fonctions cognitives. Si l’IA offre des perspectives de gains d’efficience et de productivité, elle pourrait ajouter aux défis auxquels sont confrontés les pouvoirs publics. Et soulever des questions d’ordre politique et éthique, notamment pour ce qui est de ses effets potentiels sur l’avenir du travail et le développement des compétences, ou de ses incidences en termes de transparence et de surveillance, de responsabilité, d’obligations, et de sûreté et de sécurité.

La concrétisation du potentiel des chaînes de blocs dépend de la capacité à surmonter les obstacles techniques et à relever les défis stratégiques pour les politiques publiques

La technologie des chaînes de blocs permet de mener à bien des transactions sans l’intervention d’un intermédiaire de confiance. Par exemple, le Bitcoin, monnaie virtuelle mettant en application cette technologie, fonctionne indépendamment de toute banque centrale ou autre institution financière. Au-delà du Bitcoin, la technologie des chaînes de blocs crée des opportunités dans de nombreux domaines, de la finance au secteur public, en passant par l’éducation et l’internet des objets. Et pour cause : elle contribue à réduire les coûts de transaction, favorise la responsabilisation et permet de garantir l’exécution des obligations par le biais des contrats intelligents. La concrétisation de ce potentiel dépend encore, dans une large mesure, de la capacité à surmonter les contraintes techniques et les questions stratégiques, notamment : comment faire appliquer la loi en l’absence de tout intermédiaire, ou encore comment et à qui imputer la responsabilité juridique en cas de préjudice causé par les systèmes basés sur les chaînes de blocs ?