Chapitre 1. Vue d’ensemble : Performances et contraintes au développement du Sénégal

Ce chapitre présente les performances récentes du Sénégal et les principales contraintes au développement du pays. La première section décrit l’objectif de l’émergence à l’horizon 2035 et le rôle de l’Examen multidimensionnel dans l’atteinte de cet objectif. La deuxième section met en avant le contexte sénégalais, notamment au regard du poids démographique, et ses répercussions sur la sphère économique. Les performances du Sénégal sont ensuite passées en revue à travers les trois axes de développement du Plan Sénégal émergent (PSE). La quatrième section analyse la viabilité des finances publiques sénégalaises compte tenu des besoins de financement des réformes et projets. Au regard de ces différents éléments, la dernière section présente les trois contraintes au développement du Sénégal que sont l’éducation, la fiscalité et les capacités d’impulsion de l’État.

  

L’Examen multidimensionnel du Sénégal se déroule en trois phases, donnant lieu à trois rapports. Ce rapport, le premier volume de l’Examen multidimensionnel du Sénégal, présente les trois plus grandes contraintes au développement du Sénégal. Ces trois contraintes sont définies comme ayant un fort impact sur le développement du pays, étant transversales et multidimensionnelles. Le prochain rapport formulera des recommandations de politiques pour chacune des contraintes identifiées. Partant des recommandations, le dernier rapport développera un plan d’action et un tableau de bord.

Le Sénégal aspire à l’émergence à l’horizon 2035

La vision nationale du développement est définie par un « Sénégal émergent en 2035 avec une société solidaire dans un État de droit » (République du Sénégal, 2014). Pour réaliser cette vision, une stratégie décennale, le Plan Sénégal émergent 2014-23 (PSE), a été adoptée en février 2014. Elle s’articule autour de trois orientations stratégiques, ou axes, comme décrit dans le graphique 1.1. Ces axes définissent l’émergence :

  1. L’axe 1 vise à une transformation structurelle de l’économie à travers le renforcement des moteurs actuels de la croissance et le développement de nouveaux secteurs créateurs de richesses, d’emplois, d’inclusion sociale, et à forte capacité d’exportation et d’attraction des investissements privés.

  2. Avec l’accroissement de ses richesses, le Sénégal réunira, à travers l’axe 2, les moyens d’améliorer significativement les conditions de vie des populations, de lutter contre les inégalités sociales, tout en favorisant l’émergence de territoires viables.

  3. La réalisation de tous ces objectifs nécessitera le renforcement de la sécurité, de la stabilité, de la gouvernance, de la protection des droits et des libertés, et la consolidation de l’État de droit, pris en charge dans l’axe 3.

Graphique 1.1. Le Plan Sénégal émergent est organisé autour de trois axes
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Source : République du Sénégal (2016a).

Dans le PSE, six conditions préalables, ou « fondements de l’émergence », doivent permettre de réaliser l’émergence : 1) La question de l’énergie devra être résolue afin de garantir un accès large et fiable à une énergie bon marché. 2) Le développement du capital humain, élément important de la productivité, doit permettre de satisfaire les exigences du marché du travail. 3) La base logistique et les infrastructures devront structurer un développement plus équilibré du territoire. 4) La diffusion et la mutation des technologies de l’information et de la communication permettront un effet d’entraînement important sur les autres secteurs de l’économie. 5) L’approfondissement du secteur financier permettra aux acteurs de saisir pleinement les opportunités de croissance. 6) Enfin, l’amélioration de l’environnement des affaires sera nécessaire.

La capacité d’impulsion de l’État est la condition du succès dans l’atteinte de l’émergence. Il s’agit d’un ensemble de compétences institutionnelles capables de soutenir le développement économique (axe 1), de contribuer au bien-être de ses populations (axe 2) et d’enraciner l’État de droit (axe 3). Plus précisément, il s’agit ici pour le Sénégal d’être en capacité d’impulser les politiques, d’exécuter les projets et programmes, et de mettre en œuvre les réformes.

Le PSE fixe six objectifs à atteindre d’ici 10 ans. Le Sénégal vise un taux de croissance moyen de 7-8 %, contre 3-4 % en 2014. Quatre nouveaux secteurs devront émerger : agriculture et agro-alimentaire ; habitat ; mines ; et tourisme. Les exportations devront être multipliées par trois pour atteindre 340 000 francs de la Communauté financière d’Afrique (FCFA) par habitant. La création d’emplois formels passera de 250 000 à 600 000, et 3 millions de personnes supplémentaires bénéficieront d’un revenu discrétionnaire. Enfin, le produit intérieur brut (PIB) par habitant sera multiplié par 1.5.

Le premier volet du PSE est réalisé à travers un Plan d’actions prioritaires 2014-18 (PAP). Le PAP 2014-18 cible six secteurs d’activités prioritaires : agriculture, produits de la mer et agro-alimentaires ; habitat social et écosystème construction ; économie sociale ; mines et fertilisants ; logistique et industrie ; services et tourisme. Quelques 27 projets et 17 réformes sont programmés, en lien étroit avec les axes du PSE (voir annexe 1.A1 pour la liste des projets et réformes). La mise en œuvre du PAP est réalisée par le bureau opérationnel de suivi (BOS).

L’Examen multidimensionnel accompagne le Sénégal dans la réalisation de sa vision nationale et des engagements du pays dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD)

Pour les Examens multidimensionnels, le développement peut se définir comme un accroissement du bien-être des citoyens d’un pays à travers un renforcement des capacités et la valorisation des ressources économiques, humaines et naturelles. La définition du bien-être des citoyens se fonde sur celle du cadre Comment va la vie ? de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2016a) et inclut des concepts relatifs à la qualité de la vie et aux conditions matérielles des personnes. Pour générer ce bien-être de façon continue, il est nécessaire de disposer d’un large éventail de capacités dans des domaines comme l’innovation, la production, la gouvernance, la finance, la protection sociale ou la gestion de l’environnement. Ainsi la levée des obstacles entravant le développement de ces capacités permet de renforcer la dynamique de développement.

Dans cette optique, l’Examen multidimensionnel du Sénégal vise à informer le second volet du PSE 2019-23. L’Examen multidimensionnel va accompagner le Sénégal à travers trois phases. La phase I dresse un bilan des performances et du premier volet du PSE à mi-parcours. Partant de ce diagnostic spécifique, l’Examen identifie les trois principales contraintes au développement du pays, qui devront faire l’objet d’une attention particulière dans le second volet du PSE. Cette première phase fait l’objet de ce présent rapport. La phase suivante analysera plus en détail la nature et les facteurs sous-tendant ces contraintes, et proposera des recommandations pour y remédier. Ces recommandations alimenteront le débat national entourant l’élaboration du second volet du PSE. La troisième phase consistera à assurer la mise en œuvre de ces recommandations afin qu’elles s’insèrent dans la liste des réformes et projets du second volet du PSE.

La méthodologie de l’Examen multidimensionnel intègre analyses quantitatives et méthode de prospective stratégique. Les annexes 1.A2 et 1.A3 offrent une discussion sur la méthodologie de cet Examen multidimensionnel. Les analyses quantitatives visent à évaluer les performances du Sénégal, notamment au regard des performances des pays de comparaison (Costa Rica, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Kenya, Maroc, Maurice, Moldova, Pérou, Sri Lanka, Tunisie, Turquie, Viet Nam). Les conclusions sont croisées avec les informations issues d’un atelier participatif de prospective stratégique mené à Dakar en juillet 2016. Les analyses permettent de mettre en lumière les faiblesses du Sénégal, dont la levée aurait un fort impact sur le développement au sens large du Sénégal. Par la suite, la liste de faiblesses est restreinte en fonction des performances atteintes et de la présence d’actions, projets et réformes en cours. La liste finale de faiblesses est longue. En les regardant de près et en analysant leurs causes sous-jacentes, trois contraintes émergent.

Le Sénégal s’est engagé à relever le défi d’atteindre d’ici 2030 les 17 ODD qui ont succédé aux Objectifs du Millénaire pour le développement (voir Annexe 1.A4 pour un état d’avancement des ODD). Forts d’un consensus international, la plupart des pays se sont engagés à réaliser l’Agenda 2030, défini sur la base du niveau minimum de bien-être auquel tous les citoyens de la planète devraient pouvoir prétendre en 2030. Les ODD sont traduits en 169 cibles, dont le suivi est assuré par 230 indicateurs. Les trois axes du PSE sont en phase avec l’Agenda 2030 et ces priorités sont globalement cohérentes avec les ODD et leurs cibles (graphique 1.2).

Graphique 1.2. Le Plan Sénégal émergent a des liens étroits avec les Objectifs de développement durable
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Source : Auteurs.

Le Plan Sénégal émergent s’inscrit dans un contexte démographique qui se répercute sur la sphère économique

L’essor démographique est marqué. La population du Sénégal a doublé en 2015 par rapport à 1990 pour atteindre 14.4 millions d’habitants. Elle est caractérisée par une forte jeunesse, près de deux Sénégalais sur trois ayant moins de 25 ans. Le taux de dépendance, défini comme la part des jeunes de moins de 15 ans et des adultes de plus de 64 ans par rapport à la population en âge de travailler (15-64 ans), est de 83.7 %, et constitue un poids très important pour la population en âge de travailler. Cette dynamique démographique s’explique par une fécondité encore élevée (5 enfants par femme en moyenne) et, dans une moindre mesure, par la baisse du taux de mortalité.

Au regard de ces tendances démographiques, le défi de la création d’emplois se pose de façon prégnante. L’Agence française de développement (AFD) estime que 100 000 jeunes entrent chaque année sur le marché du travail, alors que seulement 10 000 emplois formels sont créés (AFD, 2015). En 2030, le nombre d’entrants sur le marché du travail s’élèvera à 296 000 personnes (Cirad, 2015). Parallèlement, les performances sur le marché du travail sénégalais se sont détériorées dans le temps, avec un fort taux de sous-emploi (27 % de la population occupée, un taux très élevé par rapport aux pays de comparaison [ANSD, 2016]) et de chômage, notamment pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur1 . Ces tendances peuvent être perçues comme des défis pour le développement économique. Elles peuvent toutefois devenir de véritables forces motrices, sous réserve d’une baisse rapide de la fécondité, du renforcement des capacités des jeunes, mais surtout de la création de débouchés économiques suffisants pour employer la population en âge de travailler (AFIDEP, 2016). Ce phénomène, qualifié d’aubaine ou de dividende démographique, représente une opportunité pour accélérer la croissance économique et réduire la pauvreté.

Face à l’important secteur informel, la qualité des emplois qui seront créés constituera également un défi à relever. Le marché du travail se caractérise par l’omniprésence du secteur informel (80 % de la population active y travaille, et 53 % de la valeur ajoutée en est issue). Si le secteur informel permet d’absorber les migrations internes et de constituer un amortisseur social, son ampleur au Sénégal constitue un frein au développement (perte de recettes fiscales, forte concurrence vis-à-vis des entreprises formelles, salaires plus faibles, conditions de travail moins bonnes, moindre sécurité des revenus et productivité du travail inférieure, etc.).

La pression démographique pèse sur les infrastructures du pays. La demande des populations en matière de soins de santé et d’éducation s’accroit progressivement. Les mouvements de populations ont des répercussions sur les schémas urbains. En effet, la population urbaine a augmenté à un rythme annuel de 3.3 % entre 1990 et 2015 (Banque mondiale), et se concentre sur les régions littorales. Or, le rythme de l’urbanisation dépasse celui de l’investissement dans les infrastructures et le manque d’infrastructures adaptées ou la construction dans des zones à risques sont à l’origine de nombreuses inondations. Ces dynamiques se répercutent également sur l’environnement, l’urbanisation rapide et l’absence de régulations effectives des émissions polluantes affectant la qualité de l’air. L’exposition annuelle moyenne aux matières particulaires (PM10) de la population est ainsi passée de 31 à 36.4 microgrammes par mètre cube d’air en milieux urbain de 2010 à 2015, bien au-dessus des normes moyennes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 20 microgrammes par mètre cube par an.

Contexte national - Identification des faiblesses importantes
  1. Emploi

  2. Secteur informel

Les performances du Sénégal devront être améliorées au cours du second volet du Plan Sénégal émergent

Depuis le début des années 2010, le Sénégal a progressé vers ses objectifs d’émergence. Ces avancées sont le résultat de politiques publiques volontaristes, d’un contexte national porteur, mais aussi de développements externes favorables, même si des risques existent.

La transformation structurelle, axe 1 du PSE, n’est pas suffisamment enclenchée

La trajectoire économique du Sénégal, modérée par le passé, repart à la hausse

Par le passé, l’économie sénégalaise n’a pas été assez dynamique. Le PIB moyen par habitant en 2015 est inférieur aux niveaux affichés à l’indépendance du pays, en 1960. Cette détérioration s’explique par le décrochage de la production par rapport à la démographie (croissance moyenne respective de 2.8 % et de 2.9 % de 1960 à 2015), une augmentation limitée de la productivité des facteurs de production, et un affaiblissement de la demande des principaux produits d’exportation du Sénégal (comme l’arachide).

Au milieu des années 90, une conjoncture favorable et l’introduction d’importantes réformes ont permis d’enclencher quasiment dix ans de croissance relativement soutenue au taux annuel moyen de 4.5 %. La dévaluation du FCFA en 1994 a amélioré la compétitivité des produits sénégalais sur les marchés internationaux et atténué la demande d’importations. Cela a coïncidé avec des chocs positifs sur l’offre, dont la baisse des prix des principales importations du pays. Mais cette amélioration de la compétitivité a été mise à mal avec les chocs sur les prix de l’énergie et des produits agricoles après 2005, qui ont compressé le revenu réel des ménages et les ressources financières du gouvernement, ralentissant la croissance du PIB à 3.2 % par an entre 2005 et 2011.

Le Sénégal fait désormais partie des pays à croissance rapide d’Afrique subsaharienne (FMI, 2016a). La croissance a bondi à 6.5 % en 2015, et un taux similaire est attendu pour 2016. Par opposition, la croissance de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne a ralenti à 3.4 % en 2015 et 1.4 % attendu pour 2016 (FMI, 2016b). La relative solidité de la croissance du Sénégal est portée largement par la demande intérieure, soutenue par la réussite de la campagne agricole et le lancement de la construction des projets d’infrastructures publiques dans le cadre du PSE. Des taux de croissance dépassant 6.5 % sont prévus pour le reste de la décennie, tirés par la mise en œuvre du plan d’actions prioritaires et l’amélioration de la productivité agricole.

Toutefois l’accélération de la croissance ne reflète pas un processus dynamique de transformation durable de l’économie

Le PIB connaît des variations importantes en raison de la vulnérabilité du secteur primaire aux chocs climatiques et de la volatilité des cours internationaux des produits de base. Le secteur primaire représente environ 15 % du PIB. Lorsque les précipitations sont favorables, ou que le prix des exportations se maintient, la croissance est favorisée. Cependant, ces accélérations de la croissance ont eu des effets limités dans le temps sur l’activité et les capacités de production, et ne s’apparentent pas à un processus de transformation structurelle. Par ailleurs, lorsque les recettes générées par les exportations baissent (notamment les recettes du pétrole, utilisé pour la production d’électricité et les transports), les autres secteurs d’activité en pâtissent.

Le niveau de productivité du Sénégal est faible et n’a pas progressé depuis l’indépendance. Une très faible part de l’augmentation de la production totale depuis le début des années 90 est due à l’amélioration de l’efficacité des activités économiques ou à la réallocation des travailleurs et investissements vers les activités à fort rendements (graphique 1.3). En effet, les périodes à fort investissement ont été associées à des baisses de la productivité totale, et c’est davantage l’augmentation de la taille de la population active et les investissements qui expliquent la quasi-totalité de l’augmentation de la croissance du PIB. La croissance de la productivité est restée faible, et ce, malgré le niveau très bas de la productivité au Sénégal, que de meilleures techniques ou une réaffectation des ressources permettraient de relever rapidement.

Graphique 1.3. La croissance sénégalaise a été tirée par l’investissement et l’accroissement de la main-d’œuvre
Contribution à la croissance en point de pourcentage (1992-2014)
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Note : PGF signifie productivité globale des facteurs.

Source : Calculs des auteurs d’après Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/ ; FMI (2016a), http://www.imf.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463661

Le Sénégal ne connaît pas de réorientation de l’emploi vers les activités les plus productives. La population active reste concentrée dans les activités les moins productives : l’agriculture a la plus faible contribution au PIB, mais représente 50 % de l’emploi total au Sénégal en 2015 (AFD, 2015). Le changement d’activité professionnelle demeure faible : seuls 6 % des actifs occupés ont changé d’activité durant leur vie professionnelle (MEFP, 2015). Lorsqu’ils ont lieu, les changements dans la répartition sectorielle de la main-d’œuvre sont principalement observés du secteur primaire vers le secteur tertiaire, et plus particulièrement vers des activités de commerce, secteur refuge pour la main-d’œuvre et qui a connu une baisse de la productivité depuis 1995. Peu de mouvements sont observés vers les secteurs les plus productifs comme le secteur secondaire (fabrication de machine, raffinage de pétrole, etc.), qui affiche pourtant la meilleure évolution en matière de productivité (MEFP, 2015).

Des filières d’activité se développent progressivement

La production agricole augmente, et le Sénégal a su diversifier ses exportations. Grâce à une politique volontariste de développement des niveaux de production agricole, le Sénégal a déjà atteint (ou est en voie d’atteindre) ses objectifs de production (notamment d’oignon ou d’arachide) et ses objectifs d’exportation de fruits et légumes. Ces améliorations ont déjà commencé à se répercuter sur les exportations, avec de nouveaux produits exportés, notamment horticoles, ce qui contribue à la diversification de la base d’exportation.

Toutefois, la planification sectorielle pourrait être renforcée. La vision du développement agricole paraît restreinte aux objectifs de production. La chaîne de valeur post-récolte (stockage, commercialisation) n’est pas assez mise en avant par l’action publique, ce qui pénalise des filières telles que le riz. De même, de nombreuses opportunités plus en aval de la chaîne de valeur, comme les activités de transformation (arachide, mil, anacarde), apparaissent laissées de côté malgré le statut de filière prioritaire de l’agro-industrie dans le PSE.

La pêche est un secteur économique important, avec des retombées sociales non négligeables. Ainsi, en 2015 la pêche représente 1.6 % du PIB, 11 % du PIB primaire, 15 % des exportations et constitue un important pourvoyeur de devises et d’emploi, notamment pour les femmes. Or le secteur connaît des difficultés en raison de la surexploitation, entraînant une pression grandissante sur les stocks halieutiques et une baisse des rendements des unités de pêche, situation pouvant menacer à terme les exportations. Le nouveau Code de la pêche (2015) apporte des encadrements, mais les textes d’application ne sont pas encore en vigueur.

Les pressions exercées par le changement climatique affectent les perspectives à long terme du secteur primaire. Les grandes régions agricoles du Sénégal sont menacées par le changement climatique. Depuis 50 ans, les pluies ont eu tendance à se raréfier et les températures à augmenter. Les prévisions tablent sur un maintien de ces tendances, voire une accélération sur fond de réchauffement de la planète (Tall et al., 2016 ; USAID, 2014 ; USGS, 2012). Bien que le rythme, l’ampleur et la localisation de ces changements soient difficiles à prédire, les pressions exercées par le changement climatique risquent de rendre intenables les niveaux actuels de production agricole (cultures et élevage), le renouvellement des stocks halieutiques et la capacité forestière.

Le secteur des mines, placé au cœur du PSE, affiche des progrès sensibles. L’or, première source de revenus miniers à l’exportation, présente un potentiel significatif, que la réorganisation de la filière pourra favoriser. L’exploitation des ressources (phosphate, zircon, ilménite, calcaire et fer) se développe ou repart progressivement.

La vision de développement du secteur industriel est parcellaire. Les coûts élevés de production ont conduit au délitement de chaînes de production, comme le textile. Ceci pénalise la création d’emplois dans le secteur secondaire et se répercute sur le commerce extérieur sénégalais avec d’importantes importations de biens manufacturiers. Des filières industrielles, comme la transformation des produits halieutiques ou les bâtiments et travaux publics (BTP), sont menacées par la rareté des ressources naturelles (stocks de poisson, basalte) et ont des répercussions sur la sphère environnementale (érosion des plages).

Les services sont en pleine expansion et peuvent servir au développement d’autres pans d’activité. Les services sont encore trop peu intégrés aux filières d’activités agricole et manufacturière. Ceci peut alourdir les coûts de production des entreprises opérant dans ce domaine en raison de la nécessaire internalisation d’une partie des services (comptabilité, maintenance informatique, etc.), ce qui pénalise en premier lieu les petites entreprises.

Dans l’ensemble, les fondements de l’émergence décrits dans le PSE s’améliorent

Alors que le Sénégal connaissait des coupures récurrentes d’électricité, des investissements massifs dans les capacités de production électrique ont permis d’inverser la tendance. Suite à la récente crise électrique qui a conduit au fort ralentissement de l’activité des entreprises, le Sénégal a engagé de nombreux projets pour accroître les capacités de production électrique (centrales au fuel, diesel, solaire, à charbon). Ceci a eu pour conséquence directe de réduire la fréquence et la durée des coupures. Le défi reste désormais celui du coût de l’électricité, qui reste parmi les plus élevés d’Afrique de l’Ouest.

Les progrès dans les infrastructures sont notables. Sur le plan des infrastructures de technologie de l’information et de la communication, l’accès à internet reste faible, et ce, malgré les investissements dans la fibre optique. Par ailleurs, le transport par voie ferrée est remis à l’ordre du jour avec le projet de réhabilitation de la ligne Dakar-Bamako, qui devrait accélérer les échanges avec le Mali. Le nouvel aéroport de Diass devrait renforcer le transport aérien. Toutefois, le développement du commerce pourrait, à moyen terme, être entravé par les faibles capacités et les coûts élevés du Port de Dakar, ainsi que la relative faiblesse des moyens de transport de qualité vers les pays de la sous-région.

Pour tirer profit des opportunités dans la sous-région, le renforcement des infrastructures de transport et de logistique devra être couplé à une amélioration de l’intégration régionale. Les procédures commerciales et financières dans la zone peuvent être améliorées. De multiples difficultés transfrontalières entravent la circulation des biens dans la zone Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)/Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), comme les paiements non-justifiés aux postes-frontières, ou les barrières non tarifaires. De plus, les transferts de fonds liés à des opérations commerciales tripartites d’entreprises basées au Sénégal peuvent s’avérer compliqués, notamment en raison de la non intégration des services douaniers de la zone.

Les améliorations de l’environnement des affaires sont positives, mais encore insuffisantes pour générer une dynamique d’investissements durable. La volonté de réformer l’environnement des affaires est marquée et le Sénégal fait partie des dix pays les plus réformateurs dans ce domaine. Le Sénégal progresse dans le classement de l’édition 2017 du rapport Doing Business de la Banque mondiale (2016b). Le Programme de réformes de l’environnement des affaires et de la compétitivité 2013-15 adopté fin 2012 a mis en place une quarantaine de mesures prioritaires sur la cinquantaine prévue. Ainsi, le Sénégal a réduit le temps de création des entreprises (six jours contre près de deux mois en 2007), notamment grâce à la dématérialisation des procédures, la simplification des procédures de transfert de propriété et la révision de l’environnement institutionnel et juridique des partenariats public-privé (PPP). Toutefois, ces avancées ne suffisent pas à attirer un nombre suffisant d’investisseurs, et le Sénégal reste au 147e rang dans l’édition 2017 du rapport (Banque mondiale, 2016b). Les entreprises font face à de nombreuses contraintes, notamment liées aux coûts des intrants, et minent la compétitivité.

Le fonctionnement actuel de l’administration ne facilite pas le développement du secteur privé. Parmi les obstacles rencontrés, figurent :

  • La mise en conformité avec le régime fiscal. En moyenne, les entreprises consacrent 441 heures par an aux procédures administratives liées au paiement des impôts (contre 150 heures en Tunisie). En moyenne, les entreprises payent 58 types d’impôts (contre 39 en Afrique subsaharienne), qui impliquent des procédures administratives différentes. L’administration fiscale se caractérise également par une certaine lenteur. Par exemple, la durée de récupération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée sur les importations de biens intermédiaires est d’une année (contre 10 semaines en Éthiopie, 15 au Costa Rica, et 20 à Maurice).

  • Les procédures administratives. La vie des entreprises au Sénégal reste encore trop souvent marquée par des tracasseries administratives ou des difficultés à accéder à des services de qualité, ce qui les détourne de leur cœur de métier opérationnel, réduisant ainsi leur productivité et leur compétitivité.

  • L’accès et la sécurisation du foncier. Le processus d’octroi des attributions, des baux, ou des titres est long et coûteux : phénomènes de double attribution des terrains, occupations illégales, délimitations de terre conflictuelles, etc. Une réforme foncière est en cours depuis 2013, mais peine à se concrétiser.

  • L’accès aux débouchés locaux pour les petites et moyennes entreprises (PME) locales en raison de la multiplicité et du poids des lobbies. Cela peut entraver la réalisation d’orientations économiques, comme par exemple l’objectif de transformation locale de produits agricoles et de réduction des importations (dans la filière de la tomate en boîte, par exemple), mais aussi déboucher sur des situations sous-optimales où l’impact de l’action publique est réduit (par exemple, la politique de subventions des intrants agricoles).

Les difficultés d’accès au financement font partie des principales contraintes observées par les entreprises. Les PME sénégalaises représentent 90 % du tissu économique. Leurs activités sont entravées par un faible accès au crédit : 33.5 % du PIB en 2015, largement en dessous des niveaux atteints dans les pays du groupe de comparaison, comme en Tunisie où le crédit a atteint 75 % du PIB en 2015. La mise en place de trois instruments de financement - le Fonds souverain d’investissements stratégiques du Sénégal (Fonsis), la Banque nationale de développement économique (BNDE) et le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) - constitue un premier pas vers une facilitation de l’accès au crédit.

Les ressources humaines dans les entreprises sont faibles. Le système éducatif sénégalais ne forme pas suffisamment aux postes en entreprise. Ceci entraîne une faible productivité du travail, une rotation importante de la main-d’œuvre, et entrave le développement d’un management local. Cette réalité se traduit également par un manque de ressources humaines spécialisées dans le développement de projet, la faible culture d’entreprise au Sénégal, et la rareté des projets bancables. En effet, le Sénégal se caractérise par un entrepreneuriat dynamique, spécialisé dans les activités de commerce, mais faiblement tourné vers les activités industrielles ou à plus forte valeur ajoutée et entrepreneuriale.

Axe 1 - Identification des faiblesses importantes
  1. Planification sectorielle

  2. Infrastructures

  3. Intégration régionale

  4. Fonctionnement de l’administration fiscale

  5. Procédures administratives

  6. Foncier

  7. Accès aux débouchés

  8. Accès aux financements

  9. Ressources humaines

Les possibilités de consommation et l’éducation apparaissent comme les points faibles de l’axe 2, relatif au bien-être des populations

Le bien-être des populations est au centre des objectifs du PSE, de l’Examen multidimensionnel et des ODD. Le PSE met un fort accent sur le bien-être des personnes avec l’axe 2 relatif à l’amélioration des conditions de vie des populations. Le cadre de l’OCDE pour la mesure du bien-être permet d’analyser les performances à mi-parcours de l’axe 2 du PSE. Ce cadre d’analyse s’intéresse aux conditions de vie matérielles des ménages et à la qualité de vie (voir encadré 1.1 pour une description de la méthodologie) et s’inscrit en lien étroit avec le PSE : les dix dimensions du cadre d’analyse du bien-être de l’OCDE coïncident largement avec les huit domaines d’action prioritaires de l’axe 2 du PSE (population et développement durable ; éducation et formation ; santé et nutrition ; protection sociale ; eau potable et assainissement ; habitat et cadre de vie ; prévention et gestion des risques et catastrophes ; environnement et développement durable). D’autre part, le cadre d’analyse de l’OCDE s’inscrit pleinement dans la réalisation des ODD. Le graphique 1.5 présente le cadre du bien-être pour le Sénégal, et le chapitre 3 passe en revue les performances du pays dans les différentes dimensions considérées.

Encadré 1.1. Le cadre de l’OCDE pour la mesure du bien-être

Afin de rendre compte de la multi-dimensionnalité du développement, l’OCDE a développé en 2011 un cadre d’évaluation du bien-être des personnes et de sa soutenabilité. Ce cadre développé pour les pays de l’OCDE a été ajusté aux pays émergents et en développement. Il permet d’appréhender le bien-être sur la base des résultats obtenus dans deux grands domaines (les conditions de vie matérielles et la qualité de vie) et dix dimensions (graphique 1.4). Pour chaque dimension, les performances des pays sont évaluées sur la base d’une batterie d’indicateurs. Ce cadre d’analyse s’intéresse également à la soutenabilité du bien-être, analysée à partir de l’évolution des différents stocks de capitaux.

Graphique 1.4. L’OCDE a élargi le cadre du bien-être aux pays émergents et en développement
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Sources : Boarini, Kolev et McGregor (2014), https://doi.org/10.1787/5jxss4hv2d8n-en et auteurs.

Dans le cadre de cette étude, les performances du Sénégal sont analysées sur la base des performances réelles sur une série d’indicateurs par rapport aux performances attendues. Les performances attendues sont calculées à partir d’une régression entre les performances enregistrées dans le reste du monde selon le niveau de développement économique des pays. Ce coefficient est ensuite appliqué au PIB par tête du Sénégal afin de calculer la valeur attendue pour chaque indicateur. Les différences entre les résultats effectifs du Sénégal et ceux attendus sont calculées en nombre d’écarts types. En dépit des limites des indicateurs comparatifs utilisés pour cet exercice, cette approche fournit un point de départ intéressant pour détecter les forces et faiblesses en matière de bien-être pour les habitants du pays.

Le niveau de consommation des ménages ressort comme l’une des principales faiblesses du pays en matière de bien-être, et la dynamique depuis 2005 montre une aggravation de la pauvreté. Le pouvoir d’achat des Sénégalais reste très faible : 38 % de la population vivait dans l’extrême pauvreté en 2011, avec moins de 1.90 USD par jour (ANSD, 2011). Sur la base du seuil de pauvreté national, la pauvreté touche 6.3 millions de personnes, soit près d’un Sénégalais sur deux (ANSD, 2011). Les zones rurales et les régions du sud, notamment Kolda et Kédougou, apparaissent comme particulièrement vulnérables, avec des taux de pauvreté monétaire supérieurs à 70 %. Depuis 2005, la situation s’est détériorée (Annexe 1.A5). Si le taux de pauvreté correspondait au niveau attendu en 2005, il était en 2011 supérieur de dix points de pourcentage au taux attendu (37.8 % constaté, contres 28.8 % attendu). Ainsi, compte tenu de l’évolution démographique et malgré une baisse du taux de pauvreté de 0.4 point de pourcentage sur la période considérée (de 38.4 % à 38 %, sur la base d’une ligne de pauvreté à 1.90 USD parité de pouvoir d’achat [PPA] ; Banque mondiale, 2016a), le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a crû de 750 000 entre 2005 et 2011. Parallèlement, 28 % de la population vit avec un niveau de consommation compris entre 1.90 et 3.10 USD PPA par jour, une part qui est restée stable sur la période 2005-11 (Banque mondiale, 2016a)2 .

L’éducation apparaît comme l’autre grande faiblesse du pays en matière de bien-être, avec des performances qui se sont dégradées depuis 2005. Le système éducatif ne permet pas de relever le niveau du capital humain, dont la faiblesse tire vers le bas la qualité de vie des Sénégalais. Les ressources financières mobilisées pour ce secteur ont augmenté significativement au cours de la dernière décennie et les taux brut de scolarisation, notamment dans l’enseignement primaire, se sont nettement améliorés, passant de 68 % à 84 % entre 2000 et 2014 (UIS). L’accès à l’éducation pour les filles s’est également bien développé. Malgré ces efforts, le gouvernement n’a pas réussi à engager une réforme structurelle du secteur de l’éducation. Le nombre moyen d’années de scolarisation pour le Sénégal est de 2.8 années, loin derrière les 6.2 années de scolarisation communément admises pour accéder au rang des pays avec un niveau de développement moyen (Barro et Lee, 2013). Sur la période 2005-15, les indicateurs montrent une dégradation de la performance en termes de valeurs attendues (Annexe 1.A5). Par exemple, la durée attendue de scolarisation pour un enfant sénégalais a progressé d’une année entre 2005 et 2015 alors que, compte tenu de l’évolution de son niveau de développement, le Sénégal aurait dû enregistrer une progression de 3.5 années. À titre de comparaison, le Costa Rica et Maurice ont gagné deux années de scolarisation sur la même période. Le degré de satisfaction à l’égard du système éducatif a également enregistré un net recul avec un creusement du fossé entre niveaux de satisfaction attendu et constaté.

À l’inverse, les performances du Sénégal sont plus satisfaisantes dans le domaine des liens sociaux. Le réseau social est particulièrement solide au Sénégal et joue un rôle d’amortisseur et de facilitateur dans la recherche d’un emploi, mais aussi pour recevoir des soutiens financiers. Depuis 2005, la qualité des liens sociaux a progressé et demeure supérieure aux niveaux attendus (graphique 1.5).

Graphique 1.5. Les performances du Sénégal sont souvent inférieures aux niveaux attendus de bien-être
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Note : Ce graphique met en évidence les forces ou les faiblesses pour chacune des dimensions du bien-être au Sénégal en fonction de la performance attendue pour chacune d’entre elles (ligne centrale). La performance attendue représente la performance escomptée pour le Sénégal compte tenu de son niveau de PIB par habitant. Une ligne noire plus longue correspond à un domaine qui constitue une force relative, et une ligne noire plus courte à un domaine de faiblesse relative.

Ce graphique se base sur des régressions bivariées calculées entre deux types de variables : les résultats sur les indicateurs de bien-être considérés comme variables dépendantes et le PIB par habitant considéré comme variable indépendante, et permettent de calculer le coefficient de corrélation entre les deux types de variables. Ce coefficient est ensuite appliqué au PIB actuel du Sénégal afin de calculer la valeur attendue des différents indicateurs. Les valeurs attendues et actuelles du Sénégal sont ensuite comparées pour chaque indicateur : la différence entre la valeur attendue et la valeur actuelle d’un indicateur est exprimée en nombre d’écarts types. Les valeurs attendues pour chaque indicateur sont calculées sur la base d’un échantillon de 150 à 158 pays justifiant d’une population supérieure à un million d’habitants.

Sources : Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/; Gallup, http://www.gallup.com/ ; PNUD, http://hdr.undp.org/fr/data ; Transparency International, http://www.transparency.org/ ; UIS, http://data.uis.unesco.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463670

Les performances du Sénégal en matière de santé se sont généralement améliorées. Même si certaines performances en matière de santé restent inférieures aux niveaux attendus, les politiques volontaristes du gouvernement ont permis une amélioration des indicateurs de santé depuis le début des années 2000. Par exemple, sur la période 2002-13, l’espérance de vie à la naissance a progressé de 60 à 65 ans (Banque mondiale, 2016a ; ANSD, 2016), les ratios de mortalité infantile ont été divisés par deux et l’état nutritionnel de la population s’est considérablement amélioré. De plus, les taux de prévalence du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et du paludisme ont été maintenus à des niveaux très faibles (République du Sénégal, 2014). Des évolutions positives sont également constatées en matière de vaccination des jeunes enfants ou de naissances dans des établissements de santé. En 2013, le gouvernement a lancé un vaste programme visant à améliorer la protection sociale en mettant en place la couverture maladie universelle, qui devrait concerner 75 % de la population d’ici 2017. Si cet objectif ambitieux est atteint, il s’agira d’une avancée considérable dans le domaine de la santé. Cependant, en termes relatifs, depuis 2005 la progression de ces indicateurs reste inférieure à celle d’autres pays du monde (Annexe 1.A5). L’appréciation subjective de la qualité des soins est également restée stable, induisant donc une dégradation en termes relatifs (31 % des personnes interrogées se déclarent satisfaites de l’offre de soins en 2006, contre 32 % en 2016 [Gallup]).

Les performances relatives aux logements et infrastructure, et à la satisfaction à l’égard de la vie sont bonnes. La performance relative à la satisfaction à l’égard de la vie est de 4.6/10 en 2016 (Gallup, 2016), une proportion inférieure à la moyenne et quasi inchangée depuis 2005 (4.4/10 en 2006 [Gallup, 2006]). Le logement et les infrastructures qui lui sont associées constituent la seule dimension du pilier relatif aux conditions matérielles qui présente des performances supérieures au niveau attendu.

Le Sénégal a considérablement progressé dans l’égalité des genres. L’indicateur Social Institutions and Gender Index (SIGI)3 , qui mesure les niveaux de discriminations par genre au sein des institutions sociales de 0 (très faible niveau de discrimination) à 1 (niveau de discrimination élevé), atteint 0.20 au Sénégal, un score inférieur à celui de la moyenne régionale (0.28) ou ivoirienne (0.25 [OCDE, 2014]). De plus, les femmes sont plus impliquées dans le marché du travail que dans de nombreux autres pays de comparaison, bien que leurs conditions de travail ne soient pas satisfaisantes. Au Parlement, une législation imposant une représentation égalitaire a permis d’atteindre 43 % des sièges occupés par des femmes. La participation des filles dans le système éducatif rattrape celle des garçons, et les objectifs de parité dans l’enseignement primaire (1.12 en 2013) et moyen (1.04 en 2013) sont atteints depuis 2006 et 2013 (MEN, 2015). En revanche, la parité n’est pas atteinte dans l’enseignement secondaire, entravée par plusieurs facteurs sociaux et économiques. Par exemple, les mariages précoces sont plus fréquents au Sénégal que dans d’autres pays (ANSD, 2015) et les grossesses non désirées chez les adolescentes sont très fréquentes (Banque mondiale, 2016a).

Les niveaux de bien-être des personnes varient considérablement entre les régions du Sénégal. La distinction la plus nette est entre les zones urbaines, qui offrent aux résidents des possibilités de consommation plus élevées et l’accès à l’éducation et aux services de santé, par opposition à ceux des zones rurales. L’accès aux services sociaux est particulièrement pauvre dans le sud du pays, associé au conflit séparatiste en Casamance.

Les inégalités sont restées quasi stables au cours de la dernière décennie. Le Sénégal reste un pays plus égalitaire que le reste de l’Afrique subsaharienne, et dans la lignée des pays de comparaison (graphique 1.6). L’indice de Gini sur les dépenses de consommation pour le Sénégal s’élève à 37.8 (ANSD, 2011), alors qu’il oscille autour de 43 dans le reste de l’Afrique. Les inégalités économiques restent cependant très prononcées entre les régions et les milieux de résidence (ANSD, 2011).

Graphique 1.6. Les inégalités au Sénégal sont dans la moyenne des autres pays de comparaison
Coefficient de Gini, dernière année disponible
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Note : Les données datent de 2014 (Costa Rica, Viet Nam), de 2013 (Turquie), de 2012 (Maroc, Maurice, Sri Lanka), de 2011 (Sénégal), de 2010 (Éthiopie, Tunisie), de 2008 (Côte d’Ivoire) et de 2005 (Kenya). Elles proviennent des données de consommation pour tous les pays, sauf pour le Costa Rica et le Pérou, où les inégalités sont calculées à partir des données de revenu.

Source : Banque mondiale (2016c), http://iresearch.worldbank.org/PovcalNet/povOnDemand.aspx.

 https://doi.org/10.1787/888933463685

Axe 2 - Identification des faiblesses importantes
  1. Possibilités de consommation

  2. Éducation et compétences

L’axe 3 de la gouvernance doit être renforcé pour soutenir les transformations vers l’émergence

La stabilité des processus politiques et la sérénité des transitions démocratiques font partie des points forts du Sénégal. Élément indispensable pour assurer le bien-être des personnes et attirer les investissements, le Sénégal se distingue aujourd’hui par une stabilité politique et sociale importante, à l’exception des tensions sporadiques en Casamance. Le pays a su préserver une diversité culturelle, des liens sociaux forts et un certain degré de confiance de la population envers les institutions publiques, notamment le gouvernement et les processus électoraux.

Le cadre institutionnel est solide, mais le fonctionnement des administrations publiques doit être amélioré, notamment en matière d’implémentation des règles ou de gestion des finances publiques. Le Sénégal dispose d’une administration centrale solide et compétente, et l’arsenal juridique législatif et institutionnel pour veiller au respect de la bonne gouvernance au sein des institutions est en place. Ces différents éléments, qui se sont nettement améliorés depuis le début des années 2000, ont permis de gagner la confiance des populations (niveaux de confiance dans les institutions, Gallup, 2016). En revanche, le fonctionnement de ce cadre institutionnel présente des défaillances. Le corpus législatif n’est pas toujours bien appliqué sur le terrain et les procédures de planification et d’exécution budgétaires restent défaillantes. L’efficacité des finances publiques est contrainte par les défaillances dans la collecte de recettes fiscales et par les défis dans l’exécution budgétaire.

De plus, l’action publique peut être captée par des intérêts particuliers qui peuvent miner le respect de la bonne gouvernance sur l’ensemble de la chaîne administrative. Le gouvernement a récemment fait des efforts pour réduire le nombre d’agences parapubliques qui gravitent autour de l’administration centrale et pour imposer des règles sur les salaires et avantages des hauts dirigeants. Malgré ces initiatives positives, le poids de l’administration centrale, des services déconcentrés et des agences parapubliques (graphique 1.7) représente toujours une charge financière importante pour l’État. En 2014, le paiement de l’ensemble des salaires des fonctionnaires, contractuels et prestataires dans les administrations et autres corps assimilés, représentait 42.3 % des recettes fiscales (FMI, 2015). De plus, les pouvoirs publics privilégient généralement la voie de la négociation afin de préserver une cohésion sociale forte. Cela peut contrarier les tentatives de réformes des pouvoirs publics et favoriser le jeu d’influence des groupements d’intérêts et des structures de pouvoirs traditionnels. Par exemple, les grèves à répétition des enseignants, portées par les syndicats pour aligner les salaires des corps émergents sur les enseignants fonctionnaires, pénalisent l’ensemble des enfants scolarisés.

Graphique 1.7. Le nombre d’agences parapubliques au Sénégal a fortement progressé
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Sources : République du Sénégal (2013). *Pour 2010 et 2016, calculs des auteurs d’après République du Sénégal (2010, 2013, 2016b).

 https://doi.org/10.1787/888933463698

Les conséquences de ces défaillances s’accroissent lorsqu’il s’agit de fournir une offre de services publics de qualité sur l’ensemble du territoire, comme en matière de justice, d’éducation ou de santé. La qualité des prestations des services publics n’est pas toujours à la hauteur des niveaux attendus, comme en témoignent les faibles niveaux de satisfaction à l’égard de l’offre de services de qualité en matière de santé et d’éducation. Dans le domaine de la justice, le Sénégal s’est engagé dans un vaste chantier de réformes de déconcentration pour rapprocher la justice des justiciables avec la création des maisons de justice de proximité, qui affichent un premier bilan réussi. Cependant, la lenteur des procédures de justice associée au manque de personnels qualifiés contribuent à la mauvaise qualité des procédures judiciaires. Le renforcement des capacités judiciaires doit donc être poursuivi afin de répondre aux objectifs annoncés dans le PSE.

Le gouvernement a entrepris des réformes pour améliorer la provision de services publics, notamment en poursuivant le processus de décentralisation, mais ces réformes restent insuffisantes. Pour contourner les dysfonctionnements à l’échelon central et rendre l’administration plus proche de ses administrés, le Sénégal s’est engagé dans un processus de décentralisation depuis 1972, qui en est aujourd’hui à son troisième volet. À l’heure actuelle, ce programme n’est pas suffisamment abouti pour renforcer efficacement l’administration au niveau local. En effet, l’arsenal juridique est en place et les compétences ont été transférées aux échelons locaux, mais les administrations locales ne bénéficient que rarement des capacités pour gérer ces compétences, et les ressources budgétaires allouées sont insuffisantes.

Compte tenu de ces défaillances, les capacités de l’État ont été jusqu’alors limitées pour initier l’ensemble des réformes structurelles prévues dans le premier volet du PSE. À la mi-2016, le PSE a insufflé la mise en œuvre de 17 projets (sur les 27 prévus), mais seules 8 des 17 réformes structurelles prévues ont été entamées, dont notamment les réformes du foncier et de la modernisation de l’administration publique. Ceci apparaît insuffisant pour conditionner l’émergence de nouveaux secteurs, renforcer la compétitivité des activités existantes et atteindre une croissance forte et durable. Or, un nouvel équilibre ne pourra être atteint sans une dynamique durable de réformes structurelles. Celle-ci nécessite une volonté politique forte à tous les niveaux de l’administration publique, un dépassement des logiques clientélistes et l’arrêt de la prévalence d’une logique de projet au sein de l’administration. De plus, pour impulser les différentes réformes, l’administration publique devra se moderniser en généralisant la culture de la gestion axée sur les résultats, les mécanismes de suivi et d’évaluation des politiques publiques, et en renforçant les capacités humaines des organes centraux et déconcentrés.

Axe 3 - Identification des faiblesses importantes
  1. Implémentation des règles de loi

  2. Gestion des finances publiques

  3. Justice

La viabilité des finances publiques est nécessaire pour permettre le financement des réformes et projets

Le programme d’investissements et de réformes 2014-18 est ambitieux par rapport aux financements disponibles. La valeur des investissements programmés dans le premier volet du PAP (2014-18) est estimée à 9 686 milliards FCFA (soit 1 614 milliards FCFA par an), dont 4 203 milliards FCFA financés par l’État (840 milliards FCFA par an), 3 909 milliards FCFA par les partenaires techniques et financiers (780 milliards FCFA par an), et le reste par le secteur privé via les PPP. Une comparaison historique montre que ces montants projetés sont bien supérieurs aux montants disponibles par le passé (graphique 1.8) : entre 2013 et 2015, l’espace fiscal est de 580 milliards FCFA en moyenne par an (voir Annexe 2.A1), les partenaires techniques et financiers ont contribué à hauteur de 520 milliards FCFA, et les investissements par le secteur privé représentent 360 milliards FCFA (comprenant le crédit bancaire domestique et l’investissement direct de l’étranger).

Graphique 1.8. La marge de financement (hors PAP) est relativement réduite en comparaison avec les montants disponibles par le passé
Milliards FCFA, prix courants, annuel (2004-18)
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Note : Les dépenses non discrétionnaires correspondent au paiement des salaires, des intérêts, des entretiens et au paiement spécifique de certains fonds d’assistance (Initiative d’allégement de la dette des pays pauvres très endettés [PPTE] et Initiative d’allégement de la dette multilatérale [IADM]). ~ L’Aide publique au développement (APD) comprend les fonds d’assistance et autres dons privés destinés au gouvernement. *Évolution du crédit total au secteur privé sur la période considérée.

Sources : Calculs des auteurs d’après Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/ ; FMI (2016a), http://www.imf.org/, et République du Sénégal (2014).

 https://doi.org/10.1787/888933463700

La soutenabilité des finances publiques à moyen terme peut constituer un risque pour le PAP actuel et le suivant. De par son ampleur, le programme d’investissements du PSE a sensiblement contribué à la croissance du pays et permis de lever des obstacles importants au développement. Cependant, il a également engagé les finances publiques dans une trajectoire qui pourrait se révéler difficile à maintenir si les prévisions de croissance n’étaient pas confirmées dans les faits. Les emprunts réalisés sur les marchés domestiques pour obtenir des financements supplémentaires ne sont pas concessionnels, ce qui a entraîné une augmentation du coût du service de la dette, passé de 17.4 % des revenus et dons publics en 2013 à plus de 35 % prévu pour 2017 et 2018 (FMI, 2017). Le prolongement d’un tel scénario sans une accélération de la croissance et une hausse des recettes pourrait menacer la soutenabilité des finances publiques et endommager les perspectives de développement du Sénégal.

La possibilité de lever des ressources financières additionnelles en interne est rendue difficile du fait du design de la politique fiscale et du fonctionnement de l’administration fiscale. La base fiscale est relativement restreinte en raison de l’ampleur de l’activité économique informelle. Pour les contribuables, les taux sont relativement élevés, comme en témoigne le volume des recettes fiscales (environ 20 % du PIB) comparativement à l’importance du secteur informel et de la situation dans d’autres pays, même si de nombreuses exemptions, ou dépenses fiscales, existent. Ainsi, l’étroitesse de l’actuelle assiette limite les fonds disponibles pour les investissements publics, ce qui peut augmenter les effets d’un choc économique sur les finances publiques.

La rareté des fonds et des faiblesses entourant les processus des PPP jouent sur la réalisation du PAP. La marge de manœuvre budgétaire du Sénégal est limitée par le poids des dépenses non discrétionnaires et le coût de la mobilisation supplémentaire des ressources fiscales. En dépit de ces obstacles structurels, le Sénégal a réussi à combiner différentes sources financières pour maximiser son développement, avec notamment les PPP pour financer les nouvelles infrastructures. Néanmoins, la qualité et l’efficacité des projets d’investissement publics et des PPP semblent être variables du fait des faiblesses dans la gestion des investissements publics (Dabla-Norris et al., 2011 ; FMI, 2017). Ainsi, plusieurs projets, tels que l’aéroport de Diass, ont connu des retards. Pour améliorer la qualité des dépenses et encourager les ministères à mieux préparer les projets d’investissement et les activités récurrentes, une réserve de précaution a été établie en 2015. Ces fonds sont mobilisables en fonction des résultats des études financières et économiques (retombées sur la sphère privée, les populations, rentabilité financière, etc.).

Financement du développement - Identification des faiblesses importantes
  1. Design de la politique fiscale

L’Examen multidimensionnel propose d’orienter le second volet du Plan Sénégal émergent sur les capacités d’impulsion de l’État, l’éducation et la fiscalité

L’Examen a mis en avant certaines faiblesses du Sénégal. Partant des orientations stratégiques en lien avec la vision du Sénégal émergent à l’horizon 2035 (les trois axes), le contexte national actuel et les aspects relatifs au financement, l’Examen a identifié une série de faiblesses importantes (voir tableau 1.1, étape 1). Ces faiblesses sont définies comme étant des éléments dont la levée peut avoir un fort impact sur le développement, sous réserve de la mise en œuvre d’une politique publique appropriée. De cette série de faiblesses, l’Examen a procédé à une analyse des performances atteintes et des mesures (projets ou réformes) mises en œuvre pour ne garder qu’un nombre restreint de faiblesses (voir tableau 1.1, étape 2).

Tableau 1.1. Les contraintes du Sénégal ont été passées en revue de façon systématique

Étape 1 : Identification des faiblesses importantes

Étape 2 : Faiblesses pour lesquelles : i) les performances sont insuffisantes ; ii) l’action publique apparaît encore en deçà des besoins

Contexte national

Emploi

Emploi

Secteur informel

Secteur informel

Axe 1 – Transformation structurelle

Planification sectorielle

Infrastructures

Intégration régionale

Fonctionnement de l’administration fiscale

Fonctionnement de l’administration fiscale

Procédures administratives

Procédures administratives

Foncier

Foncier

Accès aux débouchés

Accès aux débouchés

Accès aux financements

Ressources humaines

Ressources humaines

Axe 2 – Bien-être

Éducation et compétences

Éducation et compétences

Possibilités de consommation

Axe 3 – Gouvernance et institutions

Implémentation des règles de loi

Gestion des finances publiques

Gestion des finances publiques

Justice

Financement du développement

Design de la politique fiscale

Design de la politique fiscale

Source : Auteurs.

Dans cette liste de faiblesses, l’Examen multidimensionnel a identifié trois contraintes transversales qui, si elles étaient levées, permettraient une accélération significative du développement. Dans la mesure où les capacités et les ressources publiques sont limitées, il semble crucial d’orienter l’action publique sur quelques contraintes prioritaires pour le second volet du PSE (2019-23). L’Examen multidimensionnel propose de se focaliser dans une deuxième phase sur trois d’entre elles, qui apparaissent centrales car susceptibles d’influencer directement ou indirectement plusieurs domaines (voir le graphique 1.9) :

  • La faible efficacité de l’État sénégalais, qui ne parvient pas à impulser suffisamment le changement.

  • Les faiblesses du système éducatif, qui affectent la productivité des travailleurs et la croissance économique, la compétitivité des entreprises, mais aussi le bien-être des citoyens.

  • Les dysfonctionnements du régime fiscal, qui entravent le développement des entreprises et les capacités d’impulsion de l’État via l’impact sur le financement des réformes.

Graphique 1.9. Trois contraintes sont à lever pour permettre une accélération significative du développement
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Source : Auteurs.

Ces trois principales contraintes sont en lien étroit avec les axes du PSE. Les axes du PSE ne peuvent pas être vus isolement les uns des autres. Les questions de transformation structurelle sont intimement liées à celles de l’État de droit, et se répercutent sur le bien-être des populations via la création d’emplois, la hausse des revenus des ménages, ou encore la réduction des inégalités entre citoyens. Ainsi, les portées respectives des trois grands axes du PSE s’entremêlent, comme décrit dans le graphique 1.9. Les contraintes retenues dans ce rapport touchent aux trois axes du PSE de manière simultanée (la capacité d’impulsion de l’administration publique, véritable cœur des axes ; le système éducatif, qui a des retombées sur chacun des axes) ou deux à deux (le fonctionnement du régime fiscal, qui se rapporte à la transformation structurelle et aux capacités de l’État).

Encadré 1.2. De la vision du développement aux défis

Le PSE a été élaboré en 2014, dans un contexte international, régional et national donné. Les premiers résultats du PAP 2014-18 et des projets et réformes prioritaires sont visibles. Le rythme des avancées, couplé aux évolutions du contexte international et régional, contribuent à la réorientation des priorités. Par exemple, avant les réformes dans le secteur des infrastructures de transport et d’énergie, l’Examen multidimensionnel aurait pu considérer les infrastructures comme une contrainte majeure en raison de leur impact sur le développement des entreprises et le bien-être des populations. Désormais, les plans de développement du secteur sont bien connus, les réformes sont engagées et les rythmes des progrès réalisés sont tels que l’Examen ne les considère pas comme une contrainte majeure. L’éducation, quant à elle, continue de figurer comme une contrainte prioritaire pour le Sénégal en raison de l’ampleur des progrès qui restent à accomplir.

L’analyse quantitative menée sur les performances a été confrontée à des informations tirées de l’atelier de travail tenu à Dakar en juillet 2016 et décrit en annexe 1.A3. Cet atelier a permis de recueillir des informations qualitatives sur les perceptions que les acteurs économiques et les représentants de la société civile ont des défis prioritaires pour la réalisation de l’émergence en 2035. Un tel atelier, s’il s’était tenu en 2014, ou s’il était tenu dans plusieurs années, pourrait ainsi fournir des résultats différents. Les conclusions tirées des discussions lors de l’atelier de travail, qui ont influencé l’analyse dans ce rapport, sont les suivantes :

  • Parmi la multitude de sujets sur lesquels l’action publique peut porter, l’éducation ressort de manière très nette comme étant le sujet prioritaire. Le sujet apparaît dans toutes les visions du futur développées par les participants, qu’il s’agisse d’accès à l’éducation du pré-primaire au supérieur, de la qualité des formations dispensées et de leur adaptation aux besoins du marché du travail, ou de la relation entre l’État et les fonctionnaires enseignants (réduction des grèves, etc.).

  • Les aspects institutionnels et liés à la gouvernance ressortent également systématiquement, bien que de façon plus indirecte. Ce sujet transparaît dans les visions futures de citoyens sénégalais sous différents aspects. L’accès aux services de base de qualité (eau, électricité, réseau téléphonique, système de santé, internet) est commun à la très grande majorité des visions, tant du point de vue de l’entrepreneur que du citoyen. S’ajoutent à cela des thématiques plus spécifiques relevant de l’action de l’État, telles que l’accès aux moyens de production (terre, semences certifiées), ou des aspects environnementaux (tri des déchets ménagers, parcs aménagés). D’autres visions mettent l’accent sur l’implication citoyenne dans une société prospère, égalitaire et démocratique, avec une liberté d’expression et une justice indépendante et accessible.

Source : Auteurs.

Les capacités d’impulsion de l’État sont faibles, ce qui se répercute sur de multiples sphères. Le fonctionnement de l’administration sénégalaise est relativement lent. Cela se traduit à différents niveaux, qu’il s’agisse de l’avancée des réformes (comme celle sur le foncier), de la délivrance de documents officiels pour les entreprises (licence, permis), de la fourniture de prestations (raccordements aux réseaux) ou de procédures fiscales. Des acteurs, comme les syndicats de travailleurs, des groupements d’entreprises ou d’autres lobbies, contribuent à réduire l’efficacité de la dépense publique et la compétitivité des entreprises. Ils peuvent en effet influencer le fonctionnement des mécanismes étatiques (comme la gestion des agences parapubliques), la façon dont sont utilisées les ressources (comme certains fonds relatifs aux transports publics ou l’accès aux subventions agricoles), ou encore le développement de certaines filières et l’accès aux débouchés pour les entreprises locales.

Des progrès marqués en matière d’éducation sont nécessaires pour soutenir la transformation structurelle, les capacités d’impulsion de l’État et le bien-être des populations. Malgré le niveau satisfaisant de dépenses engagées, le système éducatif actuel ne forme pas les Sénégalais en nombre et en qualité suffisante. Les entreprises se trouvent donc limitées par l’offre insuffisante de ressources humaines formées et compétentes. Ceci nuit à l’amélioration de la productivité, au développement des filières et à la compétitivité de l’économie. Les ressources humaines insuffisamment compétentes pénalisent également l’action et l’efficacité de l’administration sénégalaise. Enfin, au-delà de la valeur intrinsèque de l’éducation, les défaillances du système éducatif sont également préjudiciables au bien-être des populations en termes d’emploi, de revenu, de santé et de liens sociaux.

Le régime fiscal affecte le développement des entreprises et la rapidité de transformation de l’économie, mais aussi les capacités d’impulsion de l’État via l’impact sur le financement des réformes. Les répercussions en matière de fiscalité sont nombreuses. D’une part, il s’agit de ne pas entraver l’activité du secteur privé. Or, les entreprises formelles sont souvent confrontées à des difficultés relatives à l’application des règles fiscales par l’administration, ce qui les entravent dans leur développement et dissuadent les firmes informelles de se formaliser. D’autre part, l’État sénégalais a un besoin grandissant de financer ses dépenses, appelées à augmenter pour répondre aux besoins d’infrastructures, de filets sociaux, etc. La fiscalité s’inscrit alors dans le débat plus large du financement de l’État sénégalais et des marges de manœuvre existantes à court, moyen et long terme vis-à-vis des objectifs de développement fixés par le Sénégal, notamment en matière sectorielle.

L’analyse approfondie de ces trois contraintes et la façon dont elles pourraient être levées feront l’objet de la phase II de l’Examen multidimensionnel du Sénégal. L’analyse détaillée de la phase II de l’Examen multidimensionnel s’accompagnera de recommandations de politiques publiques capables d’informer les décideurs publics sénégalais dans le cadre de l’élaboration du prochain volet du PSE. Pour le secteur de l’éducation, la phase II s’intéressera aux intrants du système éducatif, et plus particulièrement à la problématique des enseignants (effectifs, qualification) et de la diversité de l’offre d’éducation par rapport à la demande. Pour la fiscalité, la phase II s’efforcera de répondre aux questions d’élargissement et de maîtrise de l’assiette fiscale, mais aussi d’équilibre entre niveaux de taxation et structure fiscale par rapport à la structure de l’économie sénégalaise, aux objectifs de développement et aux besoins de financement. Les aspects relatifs au fonctionnement de l’administration publique seront abordés, tant sur le plan de l’éducation (efficacité de la politique de ressource humaine des fonctionnaires en matière d’incitations, de gestion du personnel, ou encore d’évaluation des compétences) que de la fiscalité (procédures de l’administration fiscale, tant vis-à-vis des entreprises qu’en interne), mais aussi de façon plus transversale (organisation de l’administration, fonctionnement et efficacité des procédures) en lien étroit avec les réformes déjà en œuvre.

Références

AIE (2016), World Energy Outlook 2016, AIE, Paris, DOI : https://doi.org/10.1787/weo-2016-en.

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Annexe 1.A1. Les projets et réformes phares du Plan Sénégal émergent

Axe

Projets phares

1

2

3

1

Mise en place de 100-150 projets d’agrégation ciblés sur les filières à haute valeur ajoutée et élevage

*

*

2

Développement de 3 corridors céréaliers

*

3

Mise en place de 150-200 micro-projets de soutien de l’agriculture familiale

*

4

Restructuration de la filière arachide

*

5

Développement accéléré de l’aquaculture

*

6

Programme d’accélération de l’offre en habitat social

*

7

Création de 20 centres de développement artisanal

*

*

8

Plan sectoriel pilote : artisanat d’art

*

9

Plan sectoriel de développement du micro-tourisme

*

10

Développement des infrastructures commerciales

*

11

Développement de la filière phosphates/fertilisants

*

12

Relance du projet intégré sur le fer – Falémé/Axe sud

*

13

Accélération de l’exploitation du secteur aurifère – Région de Kédougou

*

13a

Encadrement et promotion des mines artisanales

*

14

Accélération de l’exploitation des gisements de zircon

*

15

Hub minier régional

*

16

Plateformes industrielles intégrées

*

16a

Création de 3 agropoles intégrées

*

16b

Création de 3 pôles industriels intégrés de transformation des produits de mer

*

16c

Développement de l’écosystème de construction national

*

17

Pari industriel intégré

*

18

Hub logistique intégré

*

19

Économie numérique : zones dédiées aux services d’export prêtes à l’emploi

*

20

« Business Park » : centre des sièges sociaux de la région et base de vie

*

21

« Dakar Medical City »

*

22

« Dakar Campus Régional de Référence »

*

24

Plan de relance du hub aérien régional

*

25

Plan de relance intégré de l’électricité

*

*

26

Stratégie d’approvisionnement en hydrocarbures

*

27

Service universel de l’énergie

*

*

23

3 à 6 zones touristiques intégrées

*

Réformes phares

1

Fonds Sénégal émergent

*

2

Redressement des classements d’attractivité

*

3

Optimisation des entreprises et des participations de l’État

*

4

Zones économiques spéciales et paquets investisseurs

*

5

Mise à disposition accélérée du foncier

*

6

Cadre incitatif au développement de la promotion immobilière

*

*

7

Révision du Code minier

*

8

Accès des travailleurs informels à la protection sociale

*

*

*

9

Cadre régulatoire du transport routier

*

10

Plan national intégré de développement d’infrastructures

*

11

Alignement de l’enseignement supérieur avec les besoins de l’économie

*

*

12

Développement accéléré des formations techniques et professionnelles

*

*

13

Structuration et promotion de la formation continue

*

*

14

Diffusion des TIC dans l’économie (« Conseil de l’économie numérique »)

*

15

Accès des très petites entreprises (TPE) et PME au crédit

*

16

Développement du crédit immobilier

*

*

17

Bancarisation des bas revenus

*

*

Note : La création d’emplois par les projets n’est pas considérée dans le contexte de l’axe 2.

Source : République du Sénégal (2014).

Annexe 1.A2. Approche des Examens multidimensionnels et analyses quantitatives

Les Examens multidimensionnels par pays (EMPP) sont un outil de l’OCDE qui soutient les décideurs politiques dans l’élaboration de stratégies visant à accélérer le développement du pays. Dans les Examens, le développement est perçu comme un renforcement des capacités des sociétés, capable de traduire les ressources économiques, humaines et naturelles en un bien-être accru des citoyens.

La définition du bien-être suit celle du cadre Comment va la vie ? de l’OCDE (2016a), avec 11 dimensions liées aux concepts de qualité de la vie et de bien-être matériel. Les dimensions incluent aussi bien des éléments tels que les revenus et l’emploi, que des mesures subjectives liées aux relations sociales, à l’engagement participatif, aux conditions environnementales, ou encore à la santé et à l’éducation. Pour accroître de façon permanente le bien-être des populations, les capacités des États doivent être accrues, notamment en matière d’innovation, de système productif, de gouvernance, de système financier, de protection sociale ou de gestion environnementale.

Les Examens identifient les liens entre les différentes dimensions du développement d’un pays. Individuellement, les politiques sectorielles apportent rarement les résultats escomptés. L’approche des Examens consiste à identifier les principales faiblesses qui affectent les performances, parfois éloignées des défaillances sectorielles observées. Cette approche tient compte des complémentarités et interactions entre les politiques ; elle aide à identifier le séquençage des politiques nécessaires pour la levée des contraintes au développement et à réduire le risque que les réformes n’aient pas les résultats attendus.

Les Examens accordent une grande importance à l’analyse de données. Pour ce faire, une série d’outils analytiques développés par l’OCDE sont appliqués pour identifier les principaux obstacles au développement, et des exercices de comparaisons internationales sont réalisés. Les progrès du pays sont mesurés à la fois par rapport aux niveaux attendus compte tenu du stade de développement du Sénégal et par rapport à un groupe de 12 pays de comparaison sélectionnés en fonction de plusieurs critères : i) leur niveau de développement, mesuré par leur PIB par habitant ; ii) le degré de réussite de leurs politiques économiques, pouvant être considérées comme des modèles ou des sources d’inspiration pour le Sénégal ; iii) la similitude des structures économiques des pays, notamment en termes de dotation en ressources naturelles ; iv) le degré d’industrialisation ; v) la structure des exportations ; vi) la taille de la population ; vii) le degré d’inégalité sociale ; viii) la superficie des territoires. Ainsi sont analysés des pays « pairs » de par leur situation géographique, leurs institutions ou les défis climatiques à affronter (Côte d’Ivoire, Kenya, Maroc, Maurice, Tunisie) ; des pays ayant connu une amélioration rapide de leur productivité agricole et un essor de leurs industries (Éthiopie, Sri Lanka, Turquie, Viet Nam) ; des pays qui ont su gérer une urbanisation rapide sur fond de forte hétérogénéité ethnique (Pérou) ; et des pays de plus petite taille connaissant des problèmes de réformes institutionnelles et dont les économies sont dédiées à l’approvisionnement des marchés agricoles européens (Moldova).

Pays du Maghreb et du Moyen-Orient

Maroc : Le Maroc a engagé depuis plusieurs années un programme de réformes économiques qui vise à promouvoir une croissance inclusive et créatrice d’emploi. Les mesures ont concerné aussi bien le secteur privé que l’efficacité des finances publiques, notamment via une réforme de la fiscalité. Le Maroc attire de nombreux flux d’investissements directs étrangers (IDE) et a développé une politique industrielle orientée autour de nouvelles technologies et de secteurs porteurs dont l’aéronautique, l’automobile, l’offshoring, ou encore l’agro-alimentaire. Comme au Sénégal, le secteur primaire occupe une place importante dans l’économie marocaine (15 % du PIB, 40 % de l’emploi) et fait l’objet de nombreuses attentions, comme en témoigne le plan Maroc vert, ou le développement du secteur des phosphates.

Tunisie : Les conséquences sociales de la révolution de 2011 conjuguées à la faible croissance de la zone euro, ont plombé l’activité économique de la Tunisie en 2014, mais les perspectives tablent sur un taux de croissance de 3 % en 2015 et de 4.1 % en 2016. L’économie tunisienne est aujourd’hui dominée par les services et l’industrie, avec un poids du secteur agricole en constante régression, passant sous la barre des 10 % du PIB. Son économie aujourd’hui diversifiée la distingue de ses voisins d’Afrique du Nord, mais elle doit accroître la valeur ajoutée locale de ses exportations afin de faire progresser l’emploi. Dans un futur proche, la réduction du chômage, notamment celui des jeunes, et la réduction des disparités régionales constitueront des enjeux cruciaux pour le pays.

Pays membres de l’OCDE ou en voie d’accession

Costa Rica : Depuis 25 ans, le Costa Rica connaît une croissance soutenue grâce à des exportations dynamiques, la libéralisation du commerce et l’ouverture aux investissements étrangers. L’économie repose notamment sur le tourisme (en 2013, le pays a accueilli plus de 2.4 millions de visiteurs, soit la meilleure performance d’Amérique centrale), et les exportations de produits agricoles et électroniques. Le pays bénéficie d’institutions solides et d’un système éducatif de qualité qui lui permet de former une main-d’œuvre qualifiée, contribuant ainsi à des niveaux élevés d’adoption technologique et de sophistication des affaires. Ces conditions favorables, couplées à un environnement politique stable, permettent au Costa Rica de bénéficier du taux d’investissements étrangers par habitant le plus élevé d’Amérique latine.

Turquie : La Turquie est actuellement la 17e puissance mondiale et ambitionne de se hisser à la 10e place en 2023. Depuis la crise financière de 2001, caractérisée par une inflation galopante, la Turquie a mené une série de réformes financières et bancaires avec comme point d’orgue l’adoption d’une nouvelle monnaie en 2005. Le pays a également soutenu les réformes favorables aux entreprises, axé son développement sur l’exportation de produits industriels et su maîtriser ses dépenses publiques, autant de mesures qui ont permis de multiplier le PIB par habitant par deux entre 2002 et 2012. Le pays est aujourd’hui un grand producteur et exportateur de produits agricoles, de textile et de matériel de construction, soutenu par un secteur privé efficace et robuste. Après la forte croissance des années 2000 (5.2 % en moyenne entre 2002 et 2012), la Turquie a vu son rythme de croissance ralentir ces dernières années (croissance de 2.2 % en 2012, 4.1 % en 2013). La croissance turque est néanmoins très tributaire de la demande intérieure et des financements extérieurs.

Pays d’Afrique subsaharienne

Côte d’Ivoire : La Côte d’Ivoire affiche l’ambition d’atteindre l’émergence en 2020, objectif que s’efforce de réaliser le Plan national de développement 2016-20. Depuis la fin de la crise en 2011, le pays a connu des taux de croissance avoisinant 10 % et ambitionne de retrouver sa place de leader régional. Pour ce faire, la Côte d’Ivoire cherche à développer le secteur industriel (notamment la branche agro-industrielle), moderniser son tissu productif, assurer des financements suffisants au secteur privé, et dynamiser les débouchés pour les produits et services ivoiriens. À ce titre, la Côte d’Ivoire développe massivement ses infrastructures, notamment de transport, au travers de grands projets d’investissement. L’investissement dans le capital humain fait également l’objet d’attention de la part du gouvernement. Depuis 2015, l’école est devenue obligatoire pour tous jusqu’à l’âge de 16 ans.

Éthiopie : Avec une forte croissance économique, qui varie entre 8.7 % et 12.6 % depuis 2004, l’économie éthiopienne figure parmi les plus dynamiques de la région. L’économie éthiopienne repose fortement sur le secteur agricole (près de 41 % du PIB en 2015), avec le café comme principal produit exporté, mais de nouveaux secteurs émergent grâce à la transformation structurelle de l’économie. Ainsi, entre 2009 et 2014, la part dans le PIB des secteurs de la construction et des services a crû de 4.1 % et 5.6 % respectivement. Le Plan de croissance et de transformation a permis la réallocation des facteurs de production du secteur agricole vers l’industrie en lui assurant une croissance annuelle de 6 % entre 2010 et 2013. Un tel dynamisme de la transformation a accéléré l’industrialisation du pays, le secteur industriel passant de 10.3 % du PIB en 2012 à 16.3 % du PIB en 2015. L’Éthiopie se retrouve parmi les 9 premières destinations africaines des IDE avec 2.5 milliards USD en 2015. Le gouvernement a aussi réussi à limiter le déficit public et à réduire l’inflation grâce à des mesures adaptées, notamment la conduite d’une politique monétaire restrictive et l’amélioration de l’administration fiscale.

Kenya : Les taux de croissance économique du Kenya sont élevés, entre 4 % et 6 % depuis 2012. Les attentats terroristes perpétrés en 2014 dans le pays ont ralenti la croissance, notamment au troisième trimestre de 2014, en raison de l’effondrement de l’activité touristique qui a suivi. Le Kenya est souvent cité en exemple pour le développement rapide du secteur bancaire, financier et de la microfinance, notamment tiré par les technologies de l’information et de la communication et la stabilité macroéconomique. Les inégalités restent répandues, avec une large part de la population ayant des difficultés d’accès à l’eau potable et l’électricité. La situation est particulièrement critique dans les régions du Nord où les niveaux de pauvreté et vulnérabilité sont les plus forts.

Maurice : L’économie mauricienne a connu une croissance réelle oscillant autour de 4 % depuis 20 ans, performance économique souvent qualifiée de « miracle mauricien » en raison de conditions initiales difficiles (état insulaire dominé par la monoculture, climat tropical, croissance démographique soutenue, tensions ethniques, économie sujette aux chocs de la demande et termes de l’échange, etc.). Malgré ces désavantages, Maurice a réussi à passer d’économie à faible revenu à une économie à revenu intermédiaire supérieur et diversifiée dont la croissance du PIB par habitant a augmenté de 4.4 % entre 1969 et 2013 (contre 1.3 % en Afrique subsaharienne). Le succès de Maurice a reposé essentiellement sur une ouverture commerciale accélérée et de nombreux accords commerciaux bilatéraux, des investissements dans le capital humain (qualité de l’éducation, réduction des coûts de l’éducation pour les ménages, promotion des études à l’étranger), une politique d’attraction des IDE, une fiscalité adaptée, et une adaptabilité aux chocs externes (taux de change flexible et compétitif). Grâce à ces mesures, Maurice est souvent citée comme l’une des économies les plus compétitives d’Afrique subsaharienne.

Pays asiatiques à forte croissance

Sri Lanka : Depuis la fin du conflit civil en 2009, le Sri Lanka connaît des taux de croissance élevés et ses indicateurs sociaux se sont améliorés. Le PIB par habitant est passé de 869 USD en 2000 à 3 256 USD en 2013. L’économie se tourne peu à peu vers la production industrielle à haute valeur ajoutée et les services, et de nouveaux secteurs d’activité apparaissent (tourisme, transport, informatique). L’inflation est passée de 12.6 % entre 2001 et 2008 à 3.3 % en 2014. La pauvreté a nettement reculé : le taux de pauvreté national s’élève à 6.7 % en 2012-13 contre 8.9 % en 2009-10. Même constat pour les inégalités, avec un coefficient de Gini de la consommation des ménages passant de 0.49 en 2009-10 à 0.48 en 2012-13. Le Sri Lanka a réalisé de nombreux progrès dans l’éducation, avec un taux d’inscription à l’école primaire de près de 100 % et de très bons taux d’alphabétisation, performances bien meilleures que celles de ses pays voisins. En moyenne, les élèves passent 10 ans à l’école (contre 6 ans dans les pays de la région). Ce succès est le résultat d’une politique éducative dynamique (gratuité des uniformes et du matériel scolaire, système de bourse, amélioration de la qualité des infrastructures éducatives et du corps enseignant, etc.).

Viet Nam : Suite aux réformes politiques et économiques connues sous le nom de « Doi Moi » (renouveau), introduites en 1986, le Viet Nam a connu un taux de croissance économique soutenu, qui a permis d’améliorer significativement le niveau de développement. Entre 1990 et 2012, le score du Viet Nam au sein de l’indice de développement humain du programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a augmenté de 40 %, principalement tiré par la croissance du PIB par habitant. Le Viet Nam est l’un des principaux exportateurs de produits agricoles et attire de nombreux IDE qui contribuent au soutien de la croissance. La majorité des entreprises vietnamiennes sont des PME. Au cours de la dernière décennie, la part des travailleurs occupant des emplois non qualifiés a chuté de 10 % alors que celle des travailleurs occupant des emplois très qualifiés a pratiquement triplé. Cette réalité fait du Viet Nam un cas intéressant en ce qui concerne les politiques du marché du travail.

Pays avec de fortes relations avec les marchés européens

Moldova : le pays bénéficie de sa proximité avec des marchés économiques majeurs (Union européenne, principal partenaire commercial, et Communauté des États indépendants), un héritage de l’infrastructure physique de l’Union soviétique, ainsi qu’une main-d’œuvre bien éduquée. Le pays se caractérise par une forte diaspora : une grande partie de la population a été contrainte de partir à l’étranger à la recherche de nouvelles sources de financement et leurs envois de fonds sont importants pour l’économie locale (26 % du PIB en 2014). Depuis le début des années 2000, la croissance moyenne du PIB s’élève à 5 %, mais les très bonnes performances économiques sont parfois entravées par des crises dans les relations avec la Russie. En 2006, la construction du port de Giurgiulesti a permis au pays d’améliorer son accès aux marchés internationaux et de réduire sa dépendance énergétique envers la Russie. La solide croissance économique a contribué à réduire les taux de pauvreté (la population sous le seuil de pauvreté national est passée de 29 % à 12.7 % entre 2003 et 2013) et les inégalités de revenus (le coefficient de Gini passe de 0.38 à 0.28 entre 2001 et 2013). Aujourd’hui, Moldova suit un modèle de développement économique basé sur l’exportation et la transformation des produits agricoles, secteur qui représente 15 % du PIB en 2014.

Pays avec de fortes inégalités et un secteur informel important

Pérou : Depuis le début des années 2000, la situation socio-économique du Pérou s’est considérablement améliorée dans un contexte international favorable à la mise en place de réformes économiques. Au cours de cette période, le pays a enregistré une solide croissance économique, de l’ordre de 5.3 % par an en moyenne entre 2000 et 2014, qui s’est accompagnée d’une réduction significative de la pauvreté (60 % de la population était considéré comme pauvre en 2004 contre 23 % en 2014). L’émergence d’une classe moyenne, qui représente aujourd’hui plus d’un tiers de la population totale, constitue l’un des traits marquants de l’histoire récente du Pérou. Le pays s’est engagé dans un processus d’industrialisation basé sur une ouverture économique et une politique fiscale et monétaire solide, capable d’endiguer les fortes pressions inflationnistes enregistrées au cours des années 80. Naturellement doté en ressources naturelles, le Pérou s’efforce de diversifier son économie vers les services afin de minimiser son exposition à la volatilité du prix des matières premières. Cependant, ces solides performances macroéconomiques tardent à se diffuser dans la société péruvienne, encore marquée par de fortes inégalités tant en termes de revenu (le coefficient de Gini est de 0.45 en 2013) que dans d’autres dimensions du bien-être. Ces inégalités socio-économiques se retrouvent également au niveau spatial, entre les zones urbaines de la capitale et le reste du pays. Par ailleurs, l’économie du pays est marquée par le grand poids de l’économie informelle.

Annexe 1.A3. Processus participatifs : Éclairer les priorités et le potentiel de développement du Sénégal

L’approche participative est au cœur de la démarche de l’Examen multidimensionnel : des outils de prospective stratégique sont utilisés pour tester et guider l’analyse sous l’angle de vue des priorités nationales et des perceptions des citoyens. Ces dynamiques consultatives visent à appréhender l’économie politique tacite du pays tout en s’assurant d’aboutir à des résultats pragmatiques et réalistes. Ainsi, une série d’ateliers de travail sont organisés avec des acteurs issus de différents organes politiques nationaux, cercles de réflexion, milieux d’affaires et groupes de la société civile.

Le premier atelier participatif de l’Examen multidimensionnel du Sénégal a été organisé en juillet 2016 à Dakar sur le thème « Sénégal 2035 : vision et défis ». Il visait à définir les objectifs et le modèle de développement du pays à travers une réflexion commune sur le futur, les défis et l’environnement dans lequel le pays se développe. Au cours de cette journée, une quarantaine de participants, en majorité issus des ministères et d’autres institutions gouvernementales, des institutions de la société civile et du monde académique, ont participé à différents exercices et discussions. Les participants ont été invités à s’exprimer en tant que citoyens sénégalais, au-delà de leur appartenance professionnelle, et à envisager la société sénégalaise de demain dans son ensemble. L’opinion de tous ces acteurs, ainsi que leur appréciation sur les domaines qui constituent le plus grand obstacle à la concrétisation de la vision de développement, ont ainsi été recueillies.

La métaphore filée du voyage et de la navigation vers 2035 et les objectifs du PSE ont structuré la journée. La matinée a été dédiée à la construction d’une rose des vents et à la définition du cap, et l’après-midi aux conditions météorologiques qui peuvent influencer le voyage. Les sessions lors de cet atelier ont été organisées autour des activités et questions suivantes :

  • Vous êtes en 2035. Le Sénégal a mené avec succès des politiques publiques et des réformes au cours des quinze dernières années. Décrivez l’histoire d’un citoyen ou d’une citoyenne sénégalais(e).

  • À partir de chacune de vos histoires, identifiez les grandes dimensions qui la composent (par exemple, les infrastructures, l’éducation, etc.).

  • Indiquez les dimensions qui apparaissent comme étant les plus importantes pour le développement du Sénégal.

  • Identifiez les principaux obstacles pour chacune de ces dimensions (obstacles financiers, institutionnels, de ressources humaines, culturels, externes, etc.).

  • Indiquez les changements pouvant influencer le développement au Sénégal qui doivent être considérés.

Les exercices de la matinée ont eu pour objectif de réfléchir au concept de l’émergence pour le Sénégal et aux différents éléments que cette vision sous-tend. Répartis en groupes, les participants ont conté des histoires de citoyens sénégalais imaginées dans un Sénégal émergent en 2035.

Histoire 1 : Hady, née en 2017

Hady est née en 2017, a 18 ans en 2035, et est en terminale au lycée. Hady vient d’un milieu rural et ses parents travaillent dans le milieu de l’agriculture. Le foyer a de bon accès aux services de base, tels que l’eau, l’électricité, le réseau téléphonique et le système de santé. Hady est heureuse d’avoir été acceptée à l’université régionale pour étudier les sciences. Elle a choisi cette institution parmi les différentes options de sa région car celle-ci est à proximité, mais aussi car le niveau de la formation est solide et de nombreux débouchés locaux existent.

Histoire 2 : Modou, employé dans le secteur formel

Modou vit à Fongolimbi et travaille pour une entreprise qui transforme et exporte des produits locaux de bonne qualité à l’international et dans la sous-région. Il bénéficie d’un emploi décent et rémunérateur. Son entreprise réussit bien et bénéficie d’un bon accès aux infrastructures pour développer ses activités (infrastructures ferroviaires, routières, aéroport et port modernes). La femme de Modou exerce également un emploi et a réussi à obtenir un prêt bancaire pour acheter une maison pour leur famille grandissante. Ses enfants sont nés dans un hôpital, et vont à l’école dès deux ans. Le foyer bénéficie en permanence de l’électricité, et d’une connexion à internet en 5G. Modou et sa famille évoluent dans un environnement plaisant : les enfants jouent dans des espaces verts et des parcs, les rues sont électrifiées, les ordures ménagères sont triées et la sécurité règne dans tout le pays.

Histoire 3 : Djibril, jeune agriculteur

Djibril, jeune agriculteur, vit en région rurale et aspire à devenir autoentrepreneur. Après avoir cherché où aller, il se tourne vers l’université de Kaolack, sans succès car il n’y a malheureusement plus de place. Il change alors de formation et trouve une place ailleurs. Suite à sa formation, il opère dans l’agriculture industrielle, avec un accès à la terre, au crédit, à des semences certifiées, et à un matériel et un outillage indispensables pour la mécanisation de l’agriculture.

Histoire 4 : Coumba Yaakar, médecin

Ancienne étudiante en médecine à Dakar, Coumba Yakaar quitte la capitale pour s’installer à Kaolack et ouvrir son propre cabinet. En 2035, son cabinet est bien implanté, elle s’est mariée et a trois enfants (un étudiant de 21 ans, un collégien de 15 ans et un petit dernier en maternelle de 3 ans). Le matin, elle prépare le petit déjeuner pour sa famille à base de produits locaux transformés sur place avant de donner les consignes de la journée à sa femme de ménage, qui bénéficie d’un contrat et d’une mutuelle de santé. Coumba Yakaar emprunte l’autoroute sur le tronçon Fatick – Kaolack pour se rendre à son lieu de travail. Elle travaille dur, avec un emploi du temps chargé, elle réalise des consultations toute la journée avec des équipements modernes. Le soir, elle rentre chez elle et s’occupe de la comptabilité.

Histoire 5 : Fatou Didi, citoyenne engagée

Fatou Didi a 45 ans. Elle est une citoyenne impliquée dans le développement de son pays. En 2035, elle apprécie que le Sénégal soit devenu un pays prospère, égalitaire et démocratique. La société est juste, la liberté d’expression existe et la justice est indépendante et accessible pour tous. Le pays dispose d’un système de santé efficace, l’accès à la carte vitale est généralisé et les soins sont fournis sans discrimination de classe sociale. Dans le Sénégal émergent de Fatou, le système de transport public est diversifié, fluide et moderne. Les formations sont adaptées aux besoins du marché du travail et aux aspirations des individus, le système éducatif n’est plus confronté à des grèves récurrentes et le plein emploi est atteint. Avec l’accès à des emplois de qualité, les individus sont devenus autonomes et n’ont plus besoin de soutien familial. Dans le Sénégal émergent de Fatou, la production nationale permet d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, les retombées financières des nouveaux gisements pétroliers bénéficient à l’ensemble de la population, le pays utilise les énergies renouvelables qui permettent de démocratiser l’usage de la climatisation sans générer des émissions de CO2. Les entreprises sénégalaises, bien intégrées dans la sous-région, sont devenues compétitives.

Histoire 6 : Ibrahima, Taïba, futur médecin

Né à Taïba, Ibrahima est un jeune homme qui ambitionne de devenir médecin. Il espère bénéficier d’infrastructures de base de bonne qualité pour exercer son métier de médecin dans sa ville d’origine, près de sa famille. Ibrahima rêve d’un bon accès à l’éducation pour toute sa famille, une alimentation de qualité, un environnement sûr, l’accès à un logement décent et une connectivité rapide grâce à l’internet haut débit. L’aménagement équilibré du territoire permet désormais à tous de trouver un emploi dans n’importe quelle région du pays.

De ces histoires, les participants ont extrait des éléments clés et des objectifs de l’émergence. Ces éléments ont été comparés avec le cadre du bien-être de l’OCDE et 17 dimensions ont été retenues. Celles-ci ont été classées en 4 groupes : les capacités de l’économie ; les dimensions liées à la qualité de la vie (issues du cadre du bien-être de l’OCDE) ; les conditions matérielles (issues du cadre du bien-être) ; et celles spécifiques au Sénégal (tableau 1.A3.1) :

Tableau 1.A3.1. Les dimensions de l’émergence du Sénégal recoupent en partie le cadre du bien-être de l’OCDE

Capacités

Qualité de vie

Conditions matérielles

Dimensions Sénégal

Capacités productives

Évaluation de la vie

Emploi

Développement territorial

Système financier

Sécurité

Possibilités de consommation

Capacités à régler les conflits

Capacités d’innovation

Éducation

Logement et infrastructures

Capacités de gestion

Liens sociaux

Gouvernance et participation

Environnement

Santé

Source : Atelier de prospective stratégique (juillet 2016).

Les participants ont ensuite travaillé sur les obstacles à la réalisation des objectifs de l’émergence. Les différents types d’obstacles rencontrés au Sénégal ont été listés par dimension.

  • Pour la dimension gouvernance et participation, le manque de ressources budgétaires au niveau local a été identifié comme principal obstacle financier. De plus, le non-respect des lois et des règlements peut s’expliquer par des faiblesses institutionnelles (faible indépendance judicaire, séparation des pouvoirs, capacités). Les participants ont également souligné l’insuffisance d’expertise des ressources humaines, ainsi qu’une société civile insuffisamment organisée.

  • Pour la dimension logement et infrastructures, la difficulté d’accès au crédit, la faiblesse des revenus des citoyens et les ressources budgétaires insuffisantes de l’État ont été cités comme obstacles financiers. Les obstacles institutionnels incluent l’inefficacité de la politique de logement, l’insuffisance de l’offre de logement et d’accès au titre de propriété, et les lourdeurs des procédures (notamment avec les bailleurs). Les litiges fonciers, le défaut d’entretien des infrastructures, le manque de discipline des usagers et le non-respect des normes de construction furent également mentionnés.

  • Pour la dimension éducation, l’insuffisance et la mauvaise allocation des ressources par rapport aux priorités (par exemple pour la formation des enseignants) sont ressorties comme des obstacles financiers. La faiblesse des capacités financières des collectivités locales (compétences transférées) et l’éclatement de la gestion du secteur sont apparues comme les obstacles institutionnels. Au niveau des ressources humaines, le problème de la disponibilité d’enseignants qualifiés dans certaines disciplines (scientifiques, par exemple) et l’insuffisance du personnel d’encadrement pédagogique ont aussi été cités. Enfin, l’impact de la crise financière sur les budgets des bailleurs dans le financement de l’éducation, ou encore l’absence d’un climat social apaisé, ont été cités.

  • Pour la dimension système financier, l’accès au crédit et le clientélisme font partie des obstacles. Au niveau institutionnel, la réglementation et la coordination de la politique monétaire, ainsi que des limites des champs de manœuvre lié au FCFA et la performance de l’euro ont été discutées. Au niveau culturel, le manque de culture d’épargne au Sénégal a également été mentionné.

  • Pour la dimension emploi, le problème de l’accès au crédit pour les entrepreneurs (du fait des taux élevés et des garanties non adaptées aux capacités des porteurs de projets), le financement à court terme et l’insuffisance des incitations fiscales à la création d’emploi ont été identifiés. Au niveau institutionnel, de nombreux obstacles ont été soulevés : la faible synergie des politiques publiques, l’insuffisante adaptation des programmes de formation professionnelle à la demande, le caractère informel de l’emploi, et le non-respect du Code du travail. La faible mobilité et employabilité (performance et compétence) des travailleurs est citée et peut s’expliquer par un couple emploi-formation inadéquat. D’autres obstacles mentionnés sont : le clientélisme (familial, politique, régional et ethnique), la fuite des cerveaux, la faible valorisation des ressources humaines présentes à l’international, ainsi que la faible compétitivité et accessibilité des facteurs de productions (eau, électricité, téléphonie, etc.).

  • Pour la dimension système judicaire, il a été relevé l’importance de la corruption et le coût élevé de la justice, qui entraînent de nombreux acteurs à se tourner vers les règlements à l’amiable. Il a été précisé que la magistrature n’apparaît pas assez indépendante, pas assez rigoureuse en matière d’application des textes et rapide dans la mise en œuvre des décisions de justice et la délivrance des documents judiciaires. Enfin, l’insuffisance des ressources financières et de spécialisation juridique ont été relevées comme obstacles.

Dans l’après-midi, les activités se sont centrées sur le contexte et l’environnement dans lesquels le Sénégal évolue, ainsi que sur les changements futurs possibles qui pourraient influencer son émergence. Les différents éléments ont par la suite été classés en « marées » (symboles des tendances continues), « changements de vents » (les changements de direction des tendances), et « tsunamis » (événements imprévisibles ayant un impact fort).

Annexe 1.A4. Bilan des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et suivi d’avancement des Objectifs de développement durable (ODD)

La plupart des OMD cibles n’ont pas été atteints par le Sénégal. Certaines cibles des OMD ont enregistré des progressions satisfaisantes, comme dans les domaines de la lutte contre la malnutrition (OMD 1) ; la lutte contre le VIH et les grandes maladies (OMD 6) ; et l’égalité des genres (OMD 3). Malgré ces efforts, le succès des OMD demeure mitigé et plusieurs cibles n’ont pas été atteintes en 2015. L’insuffisance de la croissance économique et les difficultés à répartir équitablement les fruits de cette croissance sur l’ensemble des populations et à l’échelle du territoire sont autant de contraintes qui handicapent le pays dans l’atteinte des OMD.

La réalisation des ODD en matière de lutte contre la pauvreté, de scolarisation et de conditions de vie en milieu urbain est très attendue. Les performances de chaque pays en matière d’ODD sont appréciées en fonction de leurs avancées vis-à-vis d’un objectif défini dans l’absolu. Les ODD peuvent fournir une grille pour orienter les futures politiques du Sénégal : les tendances récentes peuvent indiquer les domaines pour lesquels les avancées peuvent être les plus difficiles, et peuvent bénéficier en priorité de ressources lors du prochain volet du PSE. Le graphique 1.A4.1 propose une synthèse des résultats acquis selon une sélection d’indicateurs pour un certain nombre d’objectifs, en comparant les progrès obtenus récemment avec les avancées nécessaires pour atteindre les objectifs. Le Sénégal a montré peu d’améliorations dans le domaine de la lutte contre la pauvreté, le ratio de la population pauvre en fonction du seuil de pauvreté national ne diminuant que de 48 % en 2005 à 46.7 % en 2011. Les efforts pour améliorer le niveau de scolarité ont été couronnés de succès, mais restent en deçà d’un niveau adéquat : malgré la hausse des taux de scolarisation, moins des deux tiers des élèves achèvent le cycle d’enseignement primaire. Enfin, la part de la population vivant dans les bidonvilles a diminué à 39 % de la population urbaine, mais la population urbaine augmentant rapidement, les besoins en infrastructures urbaines et logements devraient être anticipés dès à présent.

Graphique 1.A4.1. Le Sénégal doit accélérer les progrès dans de nombreuses dimensions du développement pour atteindre les ODD
Sélection d’indicateurs pour certains objectifs, avec indication des avancées récentes et de la distance à parcourir
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Note : Les chiffres en noir indiquent la performance du Sénégal en 2005 et les chiffres en blanc celle de 2015 pour 19 indicateurs des ODD. La ligne verticale de gauche représente la valeur minimum de chaque indicateur. La ligne grise de droite est la cible ODD pour 2030. Par exemple, le ratio de la population pauvre en fonction du seuil de pauvreté national (% de la population) est passé de 48 % en 2005 à 45 % en 2015. Cela est démontré par le décalage vers la droite de la barre. Une exception dans la lecture de ce graphique est l’indice de capacité statistique : malgré une amélioration sur la période 2011-15, la performance de cet indice s’est globalement détériorée pour le Sénégal de 2005 (77) à 2015 (76). Ceci est indiqué par une réduction sur la dernière barre et une flèche noire. La dernière année disponible pour l’indice de GINI est 2011, et 2013 pour « Les répondants qui disent avoir confiance dans le gouvernement » (Gallup). Origine se réfère à la position de départ absolue de l’indicateur. Cela peut varier d’un indicateur à un autre, par exemple pour « Ratio de la population pauvre en fonction du seuil de pauvreté national (% de la population) » l’origine est de 100 %, mais pour « Part de sièges parlementaires détenus par des femmes (%) », l’origine est 0 %.

Sources : Calculs des auteurs d’après AIE (2016) ; Banque mondiale, http://databank.banquemondiale.org/ ; FAO ; Gallup, http://www.gallup.com/ ; Nations Unies, http://comtrade.un.org/db/ ; OMS ; ONU-HABITAT ; ONU IGME, http://www.childmortality.org/ ; PNUE ; Programme conjoint de mesure (JMP) ;.UIP ; UIS, http://data.uis.unesco.org/.

Annexe 1.A5. Évolution relative des dimensions du bien-être depuis 2005
Graphique 1.A5.1. Certaines dimensions du bien-être ont progressé moins vite qu’attendues
Nombre d’écarts types entre les valeurs attendues et observées
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Note : Voir note sur le graphique 1.5. Les données sur le taux d’homicides ne sont pas disponibles pour 2005.

Sources : Calculs des auteurs d’après Banque mondiale, http://databank.banquemondiale.org/ ; Gallup, http://www.gallup.com/ ; PNUD, http://hdr.undp.org/fr/data ; Transparency International (2015), http://www.transparency.org/ ; UIS, http://data.uis.unesco.org/.

Notes

← 1. Le sous-emploi se définit comme la part de la population active ayant un emploi qui a travaillé moins de 40 heures dans la semaine et était disponible pour faire davantage d’heures. Les données sur le sous-emploi pour le Sénégal (9.6 % de la population occupée) sont basées sur les données du BIT pour permettre les comparaisons internationales.

← 2. L’évaluation des possibilités de la consommation et de la pauvreté des ménages la plus récente a été réalisée en 2011 par l’ANSD. Les études antérieures datent de 2001 et 2005.

← 3. L’indicateur SIGI du Centre de développement de l’OCDE mesure les discriminations qui s’exercent contre les femmes au sein des institutions sociales (lois formelles et informelles, normes sociales et pratiques) de 160 pays. Le SIGI inclut des informations qualitatives et quantitatives sur le niveau de discrimination contre les femmes contenu dans les lois, les attitudes et les pratiques. Il regroupe 21 variables en 14 indicateurs et 5 dimensions englobant les principaux domaines socio-économiques qui affectent les femmes au cours de leur cycle de vie : les discriminations au sein de la famille ; les atteintes à l’intégrité physique ; la préférence pour les garçons ; l’accès restreint aux ressources et aux biens ; et les atteintes à l’intégrité physique.