4. Conclusion et prochaines étapes

23. La mise en œuvre du standard minimum continuera à faire l'objet d'un suivi et, comme mentionné dans le document relatif à l’examen par les pairs, la prochaine session d’examen par les pairs sera lancée au cours du premier semestre de l’année 2020.

24. Comme énoncé au paragraphe 14 du document relatif à l'examen par les pairs, la méthodologie de l’examen de la mise en œuvre du standard minimum de l’Action 6 sera réexaminée en 2020 à la lumière des enseignements tirés de la réalisation des examens par les pairs.

25. Le Cadre inclusif sur le BEPS, en collaboration avec le Groupe de travail n°1, mènera l’examen de 2020 en étant attentif aux ressources disponibles, et en gardant à l'esprit que de nombreuses conventions qui doivent mettre en œuvre le standard minimum ne sont pas encore entrées en vigueur.

26. Ces dernières décennies, les conventions fiscales bilatérales conclues par la plupart des juridictions dans le monde ont permis d’empêcher une double imposition préjudiciable et de lever les obstacles aux échanges internationaux de biens et de services, ainsi qu’aux mouvements de capitaux, de technologies et de personnes. Néanmoins, ce réseau étendu de conventions fiscales a aussi donné lieu à des mécanismes de « chalandage fiscal ».

27. Ainsi que l’explique le rapport final sur l’Action 6, le chalandage fiscal désigne habituellement le fait pour une personne de tenter de bénéficier indirectement des avantages prévus par une convention conclue entre deux États sans être résident de l’un de ces États1.

28. Le chalandage fiscal est dommageable pour plusieurs raisons, et notamment :

  • Les avantages négociés entre les parties à une convention sont économiquement étendus aux résidents d’une juridiction tierce selon des modalités qui ne correspondaient pas à l’intention des parties. Le principe de réciprocité est donc violé et l’équilibre des concessions effectuées par les parties s’en trouve perturbé ;

  • Le revenu peut échapper totalement à l’impôt ou faire l’objet d’une imposition inadéquate selon des modalités qui n’étaient pas voulues par les parties ; et

  • La juridiction de résidence du bénéficiaire ultime du revenu est moins incitée à conclure une convention fiscale avec la juridiction de la source parce que les résidents de la juridiction de résidence du bénéficiaire ultime peuvent recevoir indirectement des avantages de la juridiction de la source sans obligation pour la juridiction de résidence d’accorder des avantages réciproques.

29. Les préoccupations soulevées par le chalandage fiscal ne sont pas nouvelles. Par exemple, en 1977, le concept de « bénéficiaire effectif » a été introduit dans les articles relatifs aux dividendes, intérêts et redevances du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE afin de préciser la signification des termes « payés à » et de traiter les situations simples de chalandage fiscal dans lesquelles les revenus sont versés à un résident intermédiaire d’un pays signataire de la convention qui n’est pas considéré comme le bénéficiaire de ce revenu à des fins d’imposition (tel qu’un agent ou un mandataire)2.

30. En 1977, les Commentaires sur l’article 1 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE ont également été mis à jour en vue d’inclure une section consacrée à l’usage incorrect des conventions fiscales3. En 1986, le Comité des affaires fiscales (CAF) a publié deux rapport : Les conventions préventives de la double imposition et l’utilisation des sociétés écran et Les conventions préventives de la double imposition et l’utilisation des sociétés relais. En 2002, le Comité a publié le rapport La limitation du droit aux avantages des conventions fiscales. Les Commentaires sur l’article 1 ont été enrichis à plusieurs occasions, notamment en 2003, avec l’ajout de divers exemples de dispositions dont les pays pouvaient s’inspirer pour lutter contre le chalandage fiscal.

31. L’examen des pratiques des juridictions montre qu’elles ont tenté de résoudre les problèmes de chalandage fiscal par le passé en suivant diverses approches. Certaines ont eu recours à des règles anti-abus spécifiques fondées sur la nature juridique, la propriété et les activités générales des résidents d’une juridiction partie à une convention fiscale4. D’autres ont privilégié une règle anti-abus de portée plus générale faisant référence à l’objet principal des montages ou des transactions.

32. Le Plan d’action BEPS5, élaboré par le CAF et validé par les dirigeants des pays du G20 en septembre 20136, identifiait 15 actions à engager pour apporter une réponse aux pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS). Il mentionnait l’utilisation abusive des conventions fiscales et, en particulier, le chalandage fiscal, comme l’un des plus importants sujets de préoccupation dans le domaine de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices.

33. L’Action 6 (Empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales) du Plan d’action BEPS prévoyait la mise au point de dispositions dans les conventions visant à empêcher l’octroi des avantages des conventions fiscales lorsque les circonstances ne s’y prêtent pas. En parallèle, l’Action 15 du Plan d’action BEPS analysait la possibilité d’élaborer un instrument multilatéral en vue de déployer les mesures BEPS relatives aux conventions fiscales « permettant aux juridictions qui le souhaitent de mettre en œuvre les mesures mises au point dans le cadre des travaux relatifs au Projet BEPS et de modifier les conventions fiscales bilatérales ».

34. Après deux années de travaux, le CAF, réunissant les pays de l’OCDE et du G20 œuvrant sur un pied d’égalité, a produit l’Ensemble final des rapports BEPS, qui a été entériné par le Conseil de l’OCDE et par les dirigeants du G20 en novembre 20157.

35. Les juridictions sont convenues que quatre mesures BEPS constitueraient des standards minimums d’application obligatoire. Le rapport sur l’Action 6 décrit l’un de ces standards minimums, à savoir que les juridictions s’engagent à inclure dans leurs conventions fiscales des dispositions portant sur le chalandage fiscal visant à garantir une protection minimale contre l’utilisation abusive des conventions.

36. Le standard minimum relatif au chalandage fiscal impose aux juridictions d’inclure deux éléments dans leurs conventions fiscales : une déclaration explicite sur la volonté d’éliminer la double imposition sans créer de possibilités de non-imposition (généralement dans le préambule) et l’une des trois méthodes permettant de résoudre le problème du chalandage fiscal.

37. Le standard minimum ne précise pas comment ces deux éléments doivent être mis en œuvre (via l’IM ou des instruments portant modification). Il reconnaît toutefois que ces dispositions doivent être adoptées au niveau bilatéral et qu’une juridiction sera tenue d’appliquer le standard minimum lorsqu’un autre membre du Cadre inclusif le lui demande.

38. Comme indiqué aux paragraphes 22 et 23 du rapport final sur l’Action 6, les juridictions se sont engagées à inclure dans leurs conventions fiscales une déclaration explicite indiquant que leur intention commune est d’éliminer la double imposition sans créer de possibilités de non-imposition ou d’imposition réduite résultant de comportements de fraude ou d’évasion fiscale, en particulier par le recours à des mécanismes de chalandage fiscal. La disposition suivante figure désormais dans la version 2017 du Modèle de Convention fiscale :

39. Entendant conclure une Convention pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune sans créer de possibilités de non-imposition ou d’imposition réduite par l’évasion ou la fraude fiscale (y compris par des mécanismes de chalandage fiscal destinés à obtenir les allégements prévus dans la présente Convention au bénéfice indirect de résidents d’États tiers).

40. Les juridictions se sont également engagées à concrétiser leur « intention commune » en intégrant des dispositions dans leurs conventions sous l’une des trois formes suivantes :

  • un critère des objets principaux (COP) équivalent au paragraphe 9 de l’article 29 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE de 2017, accompagné d’une version simplifiée ou d’une version détaillée de la règle de la limitation des avantages figurant aux paragraphes 1 à 7 du Modèle de l’OCDE de 2017 ; ou

  • le critère des objets principaux uniquement ; ou

  • une version détaillée de la règle de la limitation des avantages complétée par un mécanisme (sous la forme d’un critère des objets principaux limité aux mécanismes de relais ou de règles législatives ou jurisprudentielles anti-abus nationales aboutissant à un résultat similaire) permettant de viser les mécanismes de relais qui ne sont pas déjà traités dans les conventions fiscales.

41. Le rapport sur l’Action 6 reconnaît qu’une « certaine souplesse dans l’application de la norme minimale est requise, car ces dispositions doivent être adaptées à la situation spécifique du pays et aux circonstances qui entourent la négociation des conventions bilatérales ». En particulier :

  • une juridiction est tenue d’appliquer le standard minimum dans une convention uniquement si un autre membre du Cadre inclusif le lui demande ;

  • les modalités de cette application (l’une des trois options proposées) doivent être approuvées (une solution ne peut pas être imposée) ; et

  • l’obligation d’adopter dans les conventions bilatérales des mesures qui mettent en œuvre le standard minimum ne doit pas être interprétée comme l’obligation de conclure de nouvelles conventions ou de modifier des conventions existantes dans un délai prescrit.

42. Le rapport sur l’Action 6 reconnaissait que l’adhésion à l’instrument multinational n’étant pas obligatoire (voir la section suivante) et les juridictions ayant probablement des préférences différentes quant à la façon de se conformer au standard minimum, il serait nécessaire d’opérer un suivi de la mise en œuvre du standard minimum.

43. Le premier examen par les pairs a été réalisé en 2018 et couvrait les 116 juridictions membres du Cadre inclusif au 30 juin 2018. Le Rapport d’examen par les pairs, adopté par le Cadre inclusif en janvier 2019, a été publié le 14 février 2019.

44. L’examen par les pairs de 2018 a révélé que, dans la mesure où les dispositions de l’IM n’avaient pas pris effet au moment de ce premier examen, pratiquement aucune des conventions examinées pour ce rapport n’était encore conforme au standard minimum. Des progrès substantiels avaient cependant été accomplis en 2017 et 2018 en faveur de la mise en œuvre du standard minimum, et les membres du Cadre inclusif, dans leur grande majorité, avaient commencé à traduire leur engagement vis-à-vis du chalandage fiscal en actions concrètes et s’employaient à modifier leur réseau de conventions.

45. Au total, l'examen par les pairs a révélé qu'au 30 juin 2018, 82 juridictions comptaient un certain nombre de conventions déjà conformes au standard minimum ou faisant l’objet d’un instrument de mise en conformité qui devaient les rendre conformes8. Le premier examen par les pairs a mis en exergue l’efficacité avec laquelle l’IM met en œuvre les mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir le BEPS. Cet instrument constituait de loin l’outil préféré par les membres du Cadre inclusif pour mettre en œuvre le standard minimum.

46. Toutes les inquiétudes soulevées par les juridictions dans le cadre du premier examen par les pairs quant à la mise en œuvre du standard minimum dans leurs conventions avaient été levées lors de l'approbation du rapport par le Cadre inclusif. Par conséquent, aucune recommandation n’a été formulée dans le cadre du premier examen par les pairs.

47. L’examen a débuté avec l'envoi d'un questionnaire aux membres du Cadre inclusif en mars 2019. Ce questionnaire9 reprenait, à quelques modifications près, le questionnaire soumis dans le cadres de l’examen par les pairs de l’Action 6 de 2018. En 2018, les juridictions étaient invitées à dresser la liste de l’ensemble de leurs conventions fiscales complètes sur le revenu alors en vigueur. Ces listes indiquaient si chaque convention contenait les dispositions visées par le standard minimum, à savoir un préambule conforme et la(les) dispositions(s) anti-abus nécessaire(s), si elle faisait l’objet d’un « instrument de mise en conformité » qui devait permettre d'en assurer rapidement la conformité, la nature de cet instrument, et la méthode retenue parmi les trois proposées pour s’aligner sur le standard minimum.

48. En 2019, chaque juridiction a été invitée à actualiser son questionnaire de 2018 en ajoutant à la liste les nouvelles conventions entrées en vigueur depuis. Il a été demandé aux juridictions qui ont rejoint le Cadre inclusif après le 30 juin 2018 de remplir le questionnaire d'origine.

Notes

← 1. Voir le paragraphe 17 du rapport Empêcher l'octroi inapproprié des avantages des conventions fiscales, Action 6 - Rapport final 2015. Comme le rapport l’indique, les cas dans lesquels un résident de l’État contractant où le revenu a sa source tente d’obtenir des avantages au titre d’une convention (par exemple, par un transfert de résidence vers l’autre État contractant ou en recourant à une entité établie dans cet autre État) pourraient également être considérés comme constituant une forme de chalandage fiscal.

← 2. Voir le paragraphe 2 des articles 10 et 11 et le paragraphe 1 de l’article 12 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE.

← 3. Voir les paragraphes 7 à 10 des Commentaires sur l’article 1 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE de 1977.

← 4. Les dispositions sur la limitation des avantages généralement contenues dans les conventions conclues par les États-Unis en sont le meilleur exemple.

← 5. OCDE (2013), Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, https://www.oecd-ilibrary.org/fr/taxation/plan-d-action-concernant-l-erosion-de-la-base-d-imposition-et-le-transfert-de-benefices_9789264203242-fr.

← 6. G20 Research Group (2013), G20 Leaders' Declaration, http: //www.g20.utoronto.ca/2013/2013- 0906-declaration.html.

← 7. En octobre 2015, le CAF, incluant les pays de l’OCDE et du G20 œuvrant sur un pied d’égalité, a produit l’Ensemble final des rapports BEPS, présenté sous la forme de rapports portant sur chacune des 15 actions, accompagné d’un Projet BEPS - Exposé des actions 2015. L’Ensemble final BEPS donne aux États et aux économies les outils dont ils ont besoin pour garantir l'imposition des bénéfices là où s'exercent réellement les activités économiques qui génèrent ces bénéfices et là où la valeur est créée, tout en offrant aux entreprises une sécurité accrue grâce à la réduction du nombre de différends relatifs à l'application.

← 8. Sept autres juridictions n’avaient pas de convention fiscale complète en vigueur et n'étaient donc pas incluses dans le champ de cet exercice.

← 9. OCDE (2017), BEPS Action 6: Empêcher l'utilisation abusive des conventions fiscales lorsque les circonstances ne s'y prêtent pas - Documents pour l'examen par les pairs, OCDE, Paris. www.oecd.org/fr/fiscalite/conventions/beps-action-6-empecher-utilisation-abusive- conventions-fiscales-documents-examen-par-les-pairs.pdf (consulté le 04 février 201

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