Résumé
Les politiques économiques ont réagi rapidement et massivement face à la crise et l’économie a rebondi. La récession associée à la pandémie a été profonde. De mars 2020 à la fin de juin 2021, les restrictions sanitaires ont considérablement limité l’activité économique, même si leur impact s’est progressivement réduit, ce qui s’est traduit par un rebond marqué (graphique 1).
Des mesures de soutien public fortes ont limité le choc économique et social. Depuis 2020, le dispositif d’activité partielle a préservé l’emploi et les revenus des ménages. Le fonds de solidarité, les reports de paiement d’impôts et les prêts garantis par l’État ont soutenu la liquidité et les marges des entreprises, réduisant les faillites. Les aides budgétaires directes à l’activité économique ont atteint 3.1 % du PIB en 2020 et 4.1 % en 2021. De façon bienvenue, ces mesures deviennent plus sélectives tandis que la reprise se confirme, et le plan de relance de 100 milliards EUR ainsi que le plan d’investissement « France 2030 » sont axés à juste titre sur les transitions écologique et numérique.
La demande intérieure tire la reprise (tableau 1). Lors du redémarrage de l’économie, la demande intérieure et l’emploi ont rebondi rapidement en 2021. Les mesures d’urgence et le plan de relance, conjugués à une politique monétaire accommodante, renforcent le soutien apporté à la consommation et à l’investissement. En 2022, la réduction progressive de l’épargne accumulée pendant la crise soutiendrait la consommation, tandis que les exportations et l’investissement bénéficieraient de l’amélioration de la demande extérieure.
Les risques restent élevés. La demande de certains services et de matériel de transport dépend de l’évolution de la situation sanitaire. Les risques négatifs liés à la dette privée ont aussi augmenté pour certains ménages et entreprises. Cependant, la croissance pourrait être plus vigoureuse, si la confiance des ménages s’améliorait plus rapidement que prévu et les incitait à réduire davantage leur épargne accumulée.
L’accélération marquée et massive de la campagne de vaccination contribuera à une reprise régulière. Néanmoins, les communes pauvres et les personnes âgées se caractérisent encore par des taux de vaccination relativement faibles, et il faudra déployer des efforts renforcés pour aller vers les plus exposés et vulnérables.
Assurer une mise en œuvre rapide et efficace du plan de relance doit permettre au rebond de l’économie de se transformer en croissance durable. Pour la même raison, un retrait prématuré des aides aux ménages et aux entreprises doit être évité, afin de ne pas entraîner la faillite d’entreprises viables. Néanmoins, le soutien budgétaire doit devenir de plus en plus sélectif à mesure que la reprise économique se confirme.
L’endettement élevé des entreprises et l’hétérogénéité de leurs situations pourraient, à terme, mettre certaines d’entre elles en difficulté. Il faut donc renforcer les fonds propres des entreprises et veiller à ce que celles qui ne sont pas viables fassent l’objet de procédures rapides de résolution des défaillances enclenchées à un stade précoce. Les procédures préventives simplifiées mises en place en 2021 faciliteront des restructurations plus précoces et plus efficaces. Les procédures d’insolvabilité étaient cependant longues avant la crise, et renforcer les capacités des tribunaux de commerce permettrait d’accélérer la restructuration des entreprises en difficulté.
Il est crucial de renforcer la formation et l’accompagnement des transitions professionnelles. Malgré un taux de chômage élevé, les difficultés de recrutement ont augmenté. Les réformes récentes ont amélioré l’accès à la formation professionnelle et sa qualité, mais la crise a retardé leur mise en œuvre. Le plan de réduction des tensions de recrutement, annoncé en 2021, est bienvenu. Néanmoins, même avant la crise, la transition des jeunes vers le monde du travail était difficile (graphique 2). L’extension prévue du dispositif de garantie jeune devra associer une allocation monétaire pour ceux qui en ont besoin, un accompagnement renforcé en matière d’insertion professionnelle et des procédures simplifiées. Par ailleurs, le financement de l’assurance chômage et des programmes d’activation apparaissent procyclique, et leur mode de financement devra être revu pour permettre un accompagnement davantage en phase avec la situation économique.
La dette publique a augmenté de façon marquée pendant la crise. Développer une stratégie de stabilisation et de réduction progressive de la dette publique est nécessaire pour la ramener sur une trajectoire soutenable, étant donné l’augmentation attendue des dépenses liées au vieillissement.
Le niveau des dépenses publiques est élevé (graphique 3) et certaines dépenses manquent d’efficacité. Les résultats scolaires reflètent en grande partie le milieu familial des élèves, et les importantes aides à la recherche-développement (R-D) ne se traduisent pas totalement dans l’innovation des entreprises. En outre, des dépenses fiscales telles que celles liées aux heures supplémentaires, aux taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou aux subventions aux combustibles fossiles ne favorisent pas la croissance à long terme. Il est nécessaire de réduire progressivement et sensiblement les dépenses publiques par une stratégie d’assainissement budgétaire à moyen terme fondée sur des examens de dépenses et une meilleure affectation des dépenses.
De nouvelles réformes du système de retraite s’imposent. L’âge effectif de sortie du marché du travail est le second plus bas de l’’OCDE, ce qui nuit à la croissance potentielle. Dans le même temps, l’espérance de vie à 65 ans est la seconde plus élevée de l’OCDE. Relever l’âge minimum de départ à la retraite en fonction de l’espérance de vie et mieux intégrer les seniors dans les entreprises favoriseraient une hausse de l’âge effectif de sortie du marché du travail.
La gouvernance des finances publiques est fragmentée entre secteurs et niveaux d’administration. Cela ne permet pas une évaluation complète de certaines politiques. Une règle de dépenses pluriannuelle s’appliquant à l’ensemble du secteur public, dont la mise en œuvre serait évaluée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), permettrait une meilleure coordination des dépenses entre secteurs. En outre, les projections actuelles relatives à la dette ne vont pas au-delà de 5 ans. La publication de projections de dette à long terme, dont les hypothèses seraient validées par le HCFP, permettrait une sensibilisation aux enjeux liée à sa soutenabilité.
Renforcer l’emploi et la productivité est une priorité. Des réformes bienvenues ont réduit le coût du travail et revalorisé la prime d’activité accordée aux travailleurs faiblement rémunérés, tout en améliorant le financement et le ciblage de l’éducation et de la formation professionnelle. Néanmoins, les travailleurs ayant des compétences inadaptées sont trop nombreux, et leur taux d’emploi reste faible. Les mesures proposées dans la présente Étude pour rehausser encore l’emploi et la productivité pourraient permettre une augmentation du PIB par habitant de 1.2 % à un horizon de 10 ans.
L’éducation des jeunes enfants et la formation initiale sont essentielles pour renforcer les compétences et l’équité. Les fermetures limitées des établissements scolaires ont contribué à préserver les résultats des élèves pendant la crise, mais elles ont pesé davantage sur les enfants les plus en difficulté. Les ménages défavorisés ont par ailleurs un accès plus restreint aux modes de garde formels, ce qui exige d’accélérer le renforcement de l’offre de services de garde d’enfants pour les ménages modestes et dans les quartiers les plus pauvres. Des mesures doivent être prises pour réduire le risque de décrochage scolaire, ainsi que pour améliorer les relations entre les entreprises et le système éducatif. Il serait possible de développer encore l’apprentissage, comme le prévoit la réforme de l’enseignement professionnel, en renforçant sa composante de formation en entreprise.
La diffusion des technologies numériques reste inégale, ce qui entrave les gains de productivité (graphique 4). De nombreuses petites entreprises sont à la traîne en ce qui concerne l’adoption de ces nouvelles technologies numériques et auront besoin d’un soutien supplémentaire pour former leurs effectifs.
Il faut intensifier les efforts pour soutenir les ménages et régions vulnérables. La crise risque d’accentuer les inégalités sociales et territoriales. Assurer un accès équitable aux services essentiels, notamment par le biais du réseau « France Services », demande de renforcer les dispositifs d’« aller-vers » et les programmes d’accessibilité en procédant à un suivi quantitatif de l’accès local aux services publics. Le manque de logements dans les zones dynamiques fait également obstacle à la mobilité résidentielle, notamment pour les jeunes. Axer davantage le soutien à l’offre de logements sur les zones très densément peuplées permettrait d’améliorer la mobilité et les possibilités d’emploi.
Les investissements dans la transition écologique doivent être pérennisés pour réduire les gaz à effet de serre et la pollution. Le rythme de la transition vers une économie plus verte doit accélérer. Même si la France est un des pays de l’OCDE les moins émetteurs de gaz à effet de serre, la baisse de ses émissions est lente. Les espaces artificialisés, la demande de transport et le volume des déchets ne cessent d’augmenter. L’agriculture intensive et l’usage d’intrants chimiques ont réduit la biodiversité et dégradé la qualité de l’air (graphique 5).
La transition écologique est un des principaux piliers du plan de relance. Celui-ci consacre 30 milliards EUR (1.2 % du PIB de 2019) à des investissements verts. Cependant, cette transition ne pourra s’effectuer avec succès que si les dispositifs mis en place sont efficaces.
Les investissements verts privés doivent augmenter, et des incitations supplémentaires favoriseraient les changements de comportement de la part des ménages et entreprises. Il est nécessaire de supprimer progressivement les exonérations et taux réduits d’imposition, et de relever ensuite les taux des taxes environnementales, notamment en rehaussant le prix du carbone. Pour empêcher une aggravation des inégalités et améliorer l’acceptabilité sociale de telles mesures, il faudra soutenir les ménages et les entreprises les plus vulnérables. En particulier, la mise en place de dispositifs d’aide à l’achat généreux et ciblés, pour favoriser l’acquisition d’équipements moins polluants, complèterait efficacement les taxes environnementales.
Limiter la demande croissante de transport et les pollutions associées doit être une priorité. La récente hausse des ventes de voitures électriques n’a pas été suffisante pour enrayer l’augmentation des émissions liées au transport routier. Les dispositifs d’aide à l’achat de véhicules moins polluants ne sont pas suffisamment ambitieux. Il faudrait rendre plus exigeants les critères d’éligibilité de la prime à la conversion et le barème du malus écologique.
Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments réduirait la consommation d’énergie. Les émissions des bâtiments n’ont guère évolué. Les mesures d’aide aux travaux de rénovation énergétique ne favorisent pas les opérations efficaces de rénovation énergétique globale. Les aides publiques devraient être subordonnées au respect d’un critère d’efficacité énergétique minimale et s’accompagner de contrôles rigoureux des travaux de grande envergure.
La production d’énergies renouvelables doit s’accroître. La France prévoit de réduire la part du nucléaire, qui n’émet pas de gaz à effet de serre, dans sa production d’électricité. La réalisation des objectifs de réduction des émissions exige la poursuite du développement des énergies renouvelables, qui passe notamment par un renforcement des aides aux énergies renouvelables thermiques.
Les bénéfices de la biodiversité doivent être mieux pris en compte dans le cadre de l’utilisation des sols. La compensation écologique imposée pour les grands projets d’aménagement n’est pas suffisamment exigeante. Il faudrait aussi revoir la fiscalité de l’utilisation des sols de manière à favoriser les formes durables d’utilisation des terres. Dans le secteur agricole, les aides publiques se caractérisent souvent par une absence de véritable conditionnalité environnementale. Redéployer les aides à l’agriculture en donnant davantage de poids aux paiements pour services agro-environnementaux favoriserait des pratiques plus durables.