1. Un pas en avant, deux pas en arrière ? La jeunesse face à un avenir incertain

Au moment de la rédaction du rapport, la candidature du Costa Rica était en cours de discussion dans le cadre du processus d’adhésion à l’OCDE. Le Costa Rica n’est ainsi pas comptabilisé comme pays membre dans la présentation des résultats de l’enquête de l’OCDE sur la gouvernance de la jeunesse exposée dans ce rapport. Le Costa Rica est officiellement devenu le 38ème Membre de l’OCDE le 25 mai 2021.

La crise du COVID-19 a eu des répercussions sans précédent sur les sociétés et les économies. Des citoyens les plus âgés aux plus jeunes, tous subissent les effets néfastes de la pandémie. Si le virus est moins susceptible d’avoir un impact direct sur la santé des jeunes1, ceux-ci sont durement touchés par les conséquences sociales et économiques de la crise, comme le soulignent les Perspectives économiques de l’OCDE 2020 (OCDE, 2020[1]). Avant même que la pandémie ne frappe, le taux de chômage moyen des jeunes (15-24 ans) de la zone OCDE atteignait 11,7 % en 2019, contre une moyenne de 5,4 % pour le chômage total. Depuis le début de la crise, en février 2020, le taux de chômage des personnes de 15-24 ans a augmenté de 4,9 points de pourcentages, soit une augmentation plus de deux fois supérieure à celle constatée pour les personnes de plus de 25 ans (OCDE, 2020[2]).

Les mesures nationales de confinement et de distanciation sociale mises en place par les pays membres de l’OCDE dans le but d’enrayer la propagation du virus ont perturbé tous les aspects de notre vie quotidienne. En entraînant des fermetures d’écoles et d’universités et la destruction d’emplois étudiants et d’emplois à temps partiel, la pandémie a mis en évidence la vulnérabilité des jeunes sur le marché du travail et a causé des pertes d’emplois et de revenus qui risquent de peser sur leur futur parcours professionnel. Souvent occupant des emplois de forme atypique, les jeunes ont aussi moins de réserves financières et, de ce fait, ont plus de risques de basculer dans la pauvreté et de dépendre de programmes d’aide sociale pendant de longues périodes. La note de l’OCDE intitulée « Les Jeunes et le COVID 19 : Réponses, Relance et Résilience » montre, d’ailleurs, que les jeunes sont plus préoccupés que leurs aînés par l’impact de la pandémie sur la santé mentale, l’éducation et l’emploi (OCDE, 2020[3]).

Les pays membres de l’OCDE sont frappés par la pandémie à un moment où nombre de jeunes se relèvent à peine des répercussions de la crise financière mondiale de 2007-08. Cette dernière a laissé 15 millions de jeunes de la zone OCDE sans emploi, et a occasionné la perte d’un emploi sur 10 occupés par des personnes de moins de 30 ans (OCDE, 2020[4]). Parmi toutes les tranches d’âge, celle des jeunes (âgés de 18 à 25 ans) a subi la plus importante perte de revenus au cours des quatre ans qui ont suivi le déclenchement de la crise de 2007-08 (OCDE, 2014[5]). Ce n’est qu’en 2017, soit près de dix ans plus tard, que le taux de chômage des jeunes est retombé à son niveau d’avant la crise (OCDE, 2020[4]). Après une lente reprise, les jeunes continuent de connaître d’importantes difficultés. Ainsi, en 2018, ils avaient 2,5 fois de plus de risques d’être au chômage que les 25-64 ans (OCDE, 2018[6]). En outre, 10,9 % des jeunes ne sont ni en emploi, ni scolarisés, ni en formation (NEET) — une légère amélioration par rapport aux 13,2 % constatés en 2010 (OCDE, 2017[7]).

La crise financière mondiale comme la crise du COVID-19 ont touché les jeunes à des degrés très différents. En effet, ces derniers forment un groupe hétérogène, et des caractéristiques extérieures à leur âge contribuent à déterminer leurs besoins et sources de vulnérabilité spécifiques, y compris leur sexe, leur milieu socio-économique, leur état de santé, leur appartenance ethnique et leur cadre de vie urbain ou rural. Les disparités présentes au sein d’un même groupe d’âge peuvent être aussi importantes, voire plus marquées, qu’entre les différentes générations. Au-delà de la diversité de leur profil et de leurs préoccupations, les jeunes ont cependant en commun l’expérience de crises successives et l’exposition à de nouvelles incertitudes engendrées par un certain nombre de transformations mondiales, qui seront détaillées dans la section suivante. Des engagements internationaux de haut niveau2 ont placé les jeunes au centre de l’attention politique. Tel a notamment été le cas dans le cadre de la Conférence mondiale des ministres de la Jeunesse qui s’est tenue en 2019 au Portugal, de la Déclaration adoptée par le G20 à l’issue de son sommet d’Antalya, du programme fixé par le G20 pour 2020, qui met l’accent sur l’autonomisation des jeunes, ainsi que des mesures adoptées par la Commission européenne pour soutenir l’emploi des jeunes. Néanmoins, des obstacles structurels à l’autonomisation des jeunes et à la justice intergénérationnelle persistent.

Publié en 2018, le rapport Impliquer et autonomiser les jeunes dans les pays OCDE démontre l’importance de la gouvernance publique pour renforcer la cohésion sociale et la résilience dans tous les groupes d’âge. En effet, les lois, les politiques, les capacités des institutions publiques et la manière dont les gouvernements et les administrations publiques prennent des décisions et répartissent les ressources publiques sont déterminantes pour les possibilités offertes aux jeunes et aux générations futures. La gouvernance est notamment importante pour aider les jeunes dans leur transition vers l’autonomie et l’établissement de rapports fructueux avec les gouvernements. Elle détermine également les rapports entre les différentes tranches d’âge et les perceptions quant à l’équité intergénérationnelle de l’action publique.

Ce chapitre évoque certaines des principales tendances mondiales et le contexte dans lequel les pouvoirs publics s’emploient à autonomiser les jeunes et à favoriser la justice intergénérationnelle. Il se réfère au cadre de gouvernance défini par l’OCDE en la matière (Graphique 1.1). Aux sommets du triangle de ce Graphique, figurent les principaux objectifs stratégiques poursuivis, à savoir la transition vers l’autonomie, la confiance et la justice intergénérationnelle. À l’intérieur du triangle, se trouvent les dispositifs de gouvernance mis en place par les gouvernements pour atteindre ces objectifs. Aux fins de ce rapport, l’analyse est axée sur les dispositifs juridiques, les capacités institutionnelles et la coordination, l’existence d’une politique conduite à l’échelle de l’ensemble des institutions, les outils de prise en compte systématique de la question de la jeunesse et les mécanismes visant à encourager l’implication des jeunes dans la vie publique et leur représentation dans les institutions publiques.

Le contexte dans lequel les jeunes d’aujourd’hui arrivent à l’âge adulte est très différent de celui dans lesquelles les personnes d’âge moyen et les personnes âgées ont grandi. Certains indicateurs témoignent d’améliorations significatives au cours des dernières décennies. Sur le plan éducatif, par exemple, la part des jeunes adultes (âgés de 25 à 34 ans) détenteurs d’une licence de l’enseignement supérieur dans les pays membres de l’OCDE a atteint le record de 24 % en 2019, et les technologies numériques ont permis aux jeunes de créer de nouveaux partenariats et de nouer des amitiés au-delà des frontières (OCDE, 2019[8]).

Toujours en 2019, les jeunes dans les pays membres de l’OCDE se disaient positifs quant à leurs perspectives d’avenir. Lorsque des jeunes (âgés de 15 à 29 ans) ont été invités à noter leur vision de leur propre avenir sur une échelle de 1 à 10, une moyenne de 7,8 a été obtenue3. Toutefois, une enquête d’Eurofound auprès de pays européens en avril 2020, c’est-à-dire au début de la pandémie de COVID-19, montre que des différences notables persistent : alors que les jeunes ayant un emploi étaient les plus optimistes (50 %), les jeunes chômeurs et travailleurs indépendants l’étaient nettement moins (26 % et 43 %, respectivement) (Eurofound, 2020[9]).

Au lieu de suivre les étapes traditionnelles du cheminement vers l’autonomie, les adolescents et jeunes adultes d’aujourd’hui suivent des trajectoires plus hétérogènes. Notamment, les jeunes se marient plus tard et plus rarement, et consacrent plus de temps à leurs études (Vespa, 2017[10]). Certains de ces changements d’attitude sont volontaires et résultent de l’évolution des normes et valeurs de la société. D’autres changements, en revanche, trouvent leur origine dans les difficultés sociales et économiques que les jeunes ont connues ces dernières années, et qui compliquent leur cheminement vers certaines grandes étapes classiques de la vie d’adulte telles que l’accès à l’indépendance financière, l’obtention d’un emploi convenable, l’achat d’un logement ou la parentalité (Côté et Bynner, 2008[11]). Ainsi, en 2013, à la suite de la crise financière mondiale, 73 % des jeunes de l’UE âgés de 18 à 24 ans vivaient encore avec leurs parents (Őzdemir, Ward et Zolyomi, 2014[12]). Les enquêtes de l’OCDE sur la gouvernance de la jeunesse révèlent que c’est dans le domaine du logement que les organisations de jeunesse établies dans les pays membres de l’OCDE sont les moins satisfaites de l’action des autorités publiques (chapitre 2).

Comme le montrent les sections suivantes, la promesse implicite selon laquelle chaque nouvelle génération verra sa situation s’améliorer par rapport à la précédente semble bien fragile. On trouve la notion de justice intergénérationnelle en filigrane de bon nombre des débats politiques les plus animés du moment, qu’il s’agisse d’évoquer la viabilité des déficits budgétaires nationaux, l’épuisement des ressources naturelles, l’extinction des espèces menacées, la pollution ou encore le changement climatique (chapitre 4). C’est également un thème central des débats sur la politique sociale, notamment en raison du vieillissement de la population dans tous les pays membres de l’OCDE, mais aussi des discussions concernant la participation inclusive à la prise de décision.

Comme l’a souligné le Groupe de stratégie globale de l’OCDE en 2019, le vieillissement de la population est une mégatendance qui, sous l’effet de l’augmentation de l’espérance de vie et de la faiblesse des taux de fécondité, concerne tous les pays membres de l’Organisation. L’évolution démographique en cours transforme progressivement la pyramide des âges des sociétés. En 2018, les jeunes âgés de 15 à 24 ans représentaient 13 % de la population totale de l’OCDE4, contre 16 % en 19905. Quant à la part des 65 ans et plus, qui se situait à environ 17 % en 2018, elle devrait passer à 21 % d’ici 20306.

Si la population de tous les pays de l’OCDE vieillit, l’ampleur de cette évolution démographique varie considérablement de l’un à l’autre. Par exemple, en Israël et en Turquie, la part des habitants âgés de 65 ans et plus devrait passer à 13,6 % et 12,6 %, respectivement, d’ici 2030, alors que cette part atteindrait les 24,5 % en Italie, les 27,2 % en Corée et les 31,2 % au Japon7. Quoi qu’il en soit, l’évolution démographique soulève d’importantes questions concernant la solidarité intergénérationnelle et la pérennité des modèles de prestation des services publics. En effet, les dispositifs liés à l’emploi, au marché du travail et aux services sociaux ont été conçus pour une population d’âge médian plus jeune. Le vieillissement de la population modifie aussi la composition de l’électorat et le poids politique des différentes tranches d’âge, ce qui soulève des questions sur la participation et la représentation équitables de l’ensemble des générations dans le processus de prise de décision démocratique.

Cela étant, la démographie n’est pas une fatalité — les politiques et les institutions comptent (chapitre 4). En effet, un nombre croissant de pays membres de l’OCDE créent des institutions, des lois et des outils d’administration publique spécifiques en vue de concevoir des politiques adaptées à toutes les générations.

Les inégalités sont une menace pour la croissance économique et la cohésion sociale (OCDE, 2015[13]). Elles persistent tant entre les citoyens et les ménages (inégalités verticales) qu’entre les groupes de population, qu’ils soient définis selon l’âge, l’appartenance ethnique, le sexe, la race ou d’autres facteurs identitaires (inégalités horizontales) (OCDE, 2017[14]). Par ailleurs, si certaines inégalités peuvent être associées au facteur de l’âge en lui-même, d’autres évolutions conduisent à conclure à l’existence d’effets de cohorte et à une détérioration générale des conditions de vie des jeunes au fil du temps.

En général, les jeunes disposent d’un patrimoine financier limité, de sorte que, pour ceux qui vivent dans des ménages économiquement vulnérables, le risque est plus élevé de passer sous le seuil de pauvreté en l’espace de trois mois en cas de perte ou de baisse de leurs revenus (OCDE, 2020[3]). Les jeunes et les personnes âgées (14 %) ainsi que les enfants (13 %) des pays membres de l’OCDE sont plus exposés au risque de vivre dans la pauvreté en termes de revenu que les personnes d’âge moyen (10 %) (OCDE, 2019[15]) (OCDE, 2015[13]). Les jeunes subissent aussi un risque plus élevé d’exclusion financière, situation susceptible d’avoir des conséquences économiques plus larges et limiter encore les possibilités d’accès à l’enseignement ou à l’emploi. En outre, leur niveau de culture financière est inférieur à celui des personnes plus âgées : dans les 13 pays membres de l’OCDE qui ont participé à l’enquête PISA 2018, seuls 54 % des élèves étaient titulaires d’un compte bancaire (OCDE, 2020[16]).

Alors que les différences de revenu et de patrimoine sont associées à l’âge lui-même, les données de l’OCDE font également état d’importants effets de cohorte. La génération actuelle de jeunes a un revenu disponible inférieur à celui dont bénéficiaient leurs aînés lorsqu’eux-mêmes étaient jeunes (OCDE, 2020[17]). Les disparités de revenu au niveau des ménages peuvent se traduire par une inégalité des chances pour les jeunes et les enfants concernant l’accès à des soins de santé et à un enseignement de qualité. Contrairement aux enfants issus de familles aisées, ceux qui proviennent de milieux socio-économiques plus défavorisés ont tendance à entrer tôt sur le marché du travail et à occuper des postes peu qualifiés. Or, dans le contexte de la mondialisation et de l’automatisation, les personnes qui occupent de tels postes ont moins de chances de bénéficier de formations pour acquérir de nouvelles compétences, et l’écart peut donc se creuser par rapport à leurs pairs (OCDE, 2019[18]). Les données de l’OCDE montrent que seuls 20 % des travailleurs peu qualifiés suivent une formation professionnelle, contre 37 % et 58 %, respectivement, des travailleurs moyennement et hautement qualifiés (OCDE, 2019[18]).

Ces données témoignent également d’un ascenseur social en panne, car les jeunes d’aujourd’hui ont moins de chances de connaître une promotion sociale que la génération de leurs parents (OCDE, 2018[19]). Sur l’ensemble de la zone OCDE, il faut plus de quatre générations, soit plus de cent ans, pour qu’une personne née dans une famille à faible revenu voie ses revenus s’approcher de la moyenne. On constate de fortes différences entre, d’une part, les pays où la mobilité sociale fonctionne le mieux, à savoir les pays nordiques (Danemark, Finlande, Norvège et Suède), et, d’autre part, ceux où elle est beaucoup plus limitée (OCDE, 2018[19]).

Pour les jeunes, la transition entre le monde de l’enseignement et celui du travail se heurte à de nouveaux obstacles. Les données de l’OCDE montrent qu’un niveau d’instruction plus élevé augmente les chances de trouver un emploi. En moyenne, le taux d’emploi des 25 à 34 ans ayant suivi des études supérieures est de 85 %, contre 61 % pour les jeunes du même âge non diplômés du second cycle de l’enseignement secondaire (OCDE, 2020[20]). Néanmoins, avec un meilleur accès à l’enseignement supérieur, les jeunes diplômés peinent encore à trouver des emplois stables, convenables et bien rémunérés, ce qui les retarde dans la constitution d’une épargne et dans l’accession à la propriété immobilière (Whitehead et Williams, 2017[21]). Entre autres difficultés, les jeunes font face à un enseignement supérieur plus coûteux et à un marché du travail où se livre une concurrence accrue autour des contrats non temporaires. Par exemple, dans environ la moitié des pays membres de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, les frais de scolarité pour les programmes de licence (ou équivalent) ont augmenté de 20 % entre 2008 et 2018 (OCDE, 2019[8]). Les données révèlent également une forte augmentation du niveau d’endettement des jeunes au moment de l’obtention de leur diplôme dans certains pays.

Parallèlement, le marché du travail connaît une évolution très rapide. Si la mondialisation et la transition numérique offrent de nouvelles possibilités, elles entraînent également de nouveaux défis pour les diplômés et les demandeurs d’emploi. Ces changements obligent les jeunes à acquérir des aptitudes et des compétences très différentes de celles de leurs parents.

Ainsi, on s’attend à ce que les emplois moyennement qualifiés et les emplois routiniers, à savoir les métiers situés au milieu de l’échelle de distribution des salaires, subissent le plus fort risque d’automatisation. En revanche, les professions qui exigent des compétences de haut niveau détenues par les cadres supérieurs, les techniciens et les professionnels sont susceptibles rester en demande (OCDE, 2020[1]). L’Organisation internationale du Travail (OIT) tire la sonnette d’alarme : le futur marché du travail risque d’exposer les jeunes diplômés à des revenus faibles et instables, à une protection sociale moindre lorsqu’ils seront embauchés avec le statut « d’indépendant » et à un manque de capacité de négociation (ILO, 2020[22]). Aujourd’hui déjà, environ 35 % des jeunes travailleurs ont un contrat de courte durée ou un emploi à temps partiel qui ne leur permettent pas de bénéficier du même niveau d’assurance chômage et de protection sociale que les autres employés (OCDE, 2019[23]). Dans certains pays, les travailleurs dits « atypiques »8 (selon la terminologie de l’OIT) ont 40 à 50 % de chances en moins de bénéficier d’une aide au revenu lorsqu’ils se retrouvent sans emploi que les travailleurs classiques, alors qu’ils risquent davantage de perdre leur emploi (OCDE, 2019[23]). Le manque de stabilité financière incite les jeunes à repousser leur entrée dans la vie active en prolongeant leurs études supérieures et en combinant travail et études (OCDE, 2015[24]). Si bien que, dans l’ensemble de l’Union européenne, 11,1 % des jeunes de 15 à 19 ans (et 18,7 % des 20 à 24 ans) en moyenne associaient des cours du soir et un emploi à temps partiel en 2019 (Eurostat, 2019[25]).

Les vastes transformations sociales et économiques décrites plus haut coïncident avec l’émergence de formes numériques et innovantes de participation démocratique, mais aussi avec de nouvelles menaces pour l’espace civique9. Par conséquent, la relation entre les jeunes et les gouvernements fait l’objet de bouleversements rapides et probablement durables.

Dans plus de la moitié des pays membres de l’OCDE (20 sur 37), la confiance des jeunes à l’égard des gouvernements s’est dégradée par rapport à 2006. Même si, au cours des dix dernières années, cette confiance s’est lentement redressée dans certains pays, la situation varie considérablement selon les pays et les groupes d’âge10. L’incertitude économique et sociale, qui a récemment été amplifiée par la pandémie de COVID-19, risque d’éroder encore la confiance des jeunes dans les institutions publiques. Or, des périodes prolongées de manque de confiance à l’égard des gouvernements et des autres institutions démocratiques peuvent causer un désenchantement à l’égard du système politique et risquent d’effriter la légitimité des institutions démocratiques libérales. De plus, le déficit de confiance dans la classe politique et dans le système démocratique et la montée du populisme sont susceptibles de se renforcer mutuellement (Heiss et Matthes, 2017[26]).

La participation et la représentation des jeunes dans la vie publique restent également limitées. Les jeunes sont moins enclins à adhérer aux partis politiques et à participer aux élections que leurs aînés : dans les pays membres de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, ils ont été 68 % à se rendre aux urnes, contre 85 % des personnes âgées de 54 ans ou plus (OCDE, 2020, p. 188[27]). Au cours des dix dernières années, peu de progrès ont été accomplis pour accroître la représentation des jeunes dans les institutions d’État et leur participation à la prise de décision. Dans les pays membres de l’OCDE, seuls 22 % des membres des chambres basses des parlements ont moins de 40 ans, alors que les 20-39 ans constituent 34 % de la population11.

Les jeunes se tournent de plus en plus vers des formes non institutionnalisées d’engagement politique, dont certaines ont une dimension transnationale, comme les mouvements sociétaux et le militantisme en ligne (Marien, Hooghe et Quintelier, 2010[28]). Ce phénomène provient en partie de la déception à l’égard de la politique traditionnelle (Crowley et Moxon, 2017[29]). Des mouvements sociétaux tels que « Fridays for Future » et les initiatives de militantisme en ligne coordonnées par des jeunes pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis de la Directive européenne de 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique témoignent de la montée en flèche du militantisme en ligne à l’initiative des jeunes. Les médias sociaux ont joué un rôle essentiel pour faciliter ces nouvelles formes de participation. L’utilisation généralisée des médias sociaux et des autres canaux de communication en ligne a facilité l’accès à différentes sources d’information. Malheureusement, elle a également accéléré la diffusion de fausses informations et la prolifération de la désinformation, qui mettent en péril la confiance des citoyens dans les médias et les institutions démocratiques. Une étude de l’Institut Reuters montre que les médias sociaux sont à l’origine de 88 % de la désinformation circulant dans le contexte de la pandémie de COVID-19 (Reuters Institute, 2020[30]). Les outils numériques ont un impact croissant sur la vie des jeunes et sur leurs interactions avec la vie publique.

En moins de 15 ans, les jeunes ont été touchés par deux crises mondiales majeures, survenues dans un contexte de transformations sociales et économiques rapides. Dès lors, que peuvent faire les gouvernements pour accompagner la transition des jeunes vers l’autonomie ?

Le chapitre 2 analyse les capacités stratégiques et institutionnelles mobilisées par les gouvernements pour faciliter cette transition. Il évoque la manière dont les autorités définissent leurs priorités et planifient stratégiquement leurs interventions au moyen de stratégies nationales en matière de jeunesse, et évalue ces stratégies par rapport aux critères de référence définis par l’OCDE en la matière, qui sont inspirés par des principes de bonne gouvernance. Ce chapitre aborde également l’organisation mise en place dans les administrations publiques pour la prise en charge des questions liées à la jeunesse, et les différentes approches adoptées pour coordonner, mettre en œuvre, suivre et évaluer la politique de la jeunesse. Enfin, il évoque la marche à suivre pour élaborer et appliquer des dispositifs juridiques et des outils de gouvernance en faveur des politiques et de services adaptés aux besoins des jeunes.

Pour assurer l’efficacité, la résilience et la légitimité des institutions publiques, des liens solides doivent être tissés entre les citoyens d’aujourd’hui et de demain. Pourtant, la perception des jeunes de leur influence politique et de leur représentation dans la prise de décision n’a pas évolué. Comment les gouvernements peuvent-ils s’y prendre pour regagner leur confiance, favoriser leur participation à la vie publique et au processus décisionnel, et améliorer leur représentation ?

Le chapitre 3 présente des données et des études sur la confiance des jeunes dans les institutions publiques, et sur leur représentation et leur participation dans le cadre des canaux institutionnalisés et non institutionnalisés de participation politique (dont le vote, le travail dans l’administration publique, l’implication dans le cycle de l’action publique, le volontariat et le militantisme des jeunes). Il analyse le rôle des dispositifs juridiques, des outils de gouvernance et des capacités pour bâtir une relation solide entre les jeunes et les institutions publiques. S’appuyant sur des données empiriques, il évalue les efforts déployés par les gouvernements afin de mieux associer les jeunes, au service d’une relation plus inclusive, prospère et active entre ceux-ci et les institutions publiques.

Une répartition équitable des ressources publiques est essentielle pour garantir la cohésion sociale et l’égalité des chances entre citoyens de tous groupes d’âge, dans un contexte où la promesse implicite selon laquelle chaque nouvelle génération verra sa situation s’améliorer par rapport à la précédente semble bien fragile. Que peuvent faire les gouvernements pour assurer une répartition équitable des coûts et des droits entre les générations actuelles et futures ?

Le chapitre 4 examine la manière dont les autorités peuvent favoriser la justice intergénérationnelle à l’heure du vieillissement des sociétés. Depuis la crise financière mondiale de 2007-08, la juste répartition des coûts et des avantages entre les générations s’invite de plus en plus dans le débat sur les politiques sociales, budgétaires et environnementales. En réaction, les pays membres de l’OCDE ont créé des institutions, des lois, des politiques et des outils de gouvernance visant à prendre plus systématiquement en compte la problématique de la jeunesse d’aujourd’hui et des générations futures dans l’action publique et la prestation des services publics. Ce chapitre étudie l’ampleur des inégalités actuelles entre les générations et fait le point sur l’innovation en matière de gouvernance qui pourrait permettre d’instaurer des politiques et des services publics adaptés à toutes les générations.

Références

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[13] OCDE (2015), In It Together: Why Less Inequality Benefits All, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264235120-en.

[5] OCDE (2014), INCOME INEQUALITY UPDATE Rising inequality: youth and poor fall further behind Insights from the OECD Income Distribution Database, The distribution of income from work and capital has become more unequal.

[12] Őzdemir, E., T. Ward et E. Zolyomi (2014), The effect of the crisis on young people’s ability to live independently.

[30] Reuters Institute (2020), Types, sources, and claims of COVID-19 misinformation | Reuters Institute for the Study of Journalism, https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/types-sources-and-claims-covid-19-misinformation (consulté le 21 juillet 2020).

[10] Vespa, J. (2017), The Changing Economics and Demographics of Young Adulthood: 1975-2016, http://www.census.gov/programs-surveys/cps.html (consulté le 9 juillet 2020).

[21] Whitehead, C. et P. Williams (2017), « Changes in the regulation and control of mortgage markets and access to owner-occupation among younger households », OECD Social, Employment and Migration Working Papers, n° 196, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/e16ab00e-en.

Notes

← 1. Compte tenu de la diversification des trajectoires de vie ainsi que de l’évolution et de la réinterprétation constantes des différentes étapes de la vie, la « jeunesse » désigne, dans ce rapport, une période proche de l’âge adulte qui se caractérise par diverses transitions dans la vie d’une personne (transition de l’enseignement secondaire à l’enseignement supérieur et au monde du travail, départ du domicile parental pour louer son propre appartement, etc.). Dans la mesure du possible, par souci de cohérence statistique, les « jeunes » évoqués dans ce rapport sont les personnes âgées de 15 à 24 ans, conformément à la classification des Nations Unies.

← 2. En 2019, la Déclaration Lisbonne+21 et la Stratégie de l’UE en faveur de la jeunesse pour 2019-27 ont été adoptées. En outre, le Conseil de l’Europe a présenté un plan d’action dans le cadre de sa stratégie pour le travail des jeunes. En 2013, le Consensus de Montevideo a été adopté par 38 pays participants de la Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC).

← 3. Enquête Gallup World Poll (base de données).

← 4. Démographie et population (base de données de l’OCDE).

← 5. Calculs fondés sur les données rétrospectives sur la population (base de données de l’OCDE).

← 6. Calculs fondés sur les projections de la population (base de données de l’OCDE).

← 7. Calculs fondés sur les projections de la population (base de données de l’OCDE).

← 8. L’OIT définit les formes atypiques d’emploi comme « une expression générique qui désigne les différents arrangements professionnels qui dévient de l’emploi classique. Parmi elles, l’emploi temporaire ; le travail à temps partiel et le travail à la demande ; les agences d’intérim et autres employeurs multiples ; l’emploi déguisé et le travail indépendant économiquement dépendant. » www.ilo.org/global/topics/non-standard-employment/lang--fr/index.htm

← 9. L’espace civique est défini comme « l’ensemble des conditions politiques, institutionnelles et juridiques nécessaires aux citoyens et à la société civile pour accéder à l’information, s’exprimer, s’associer, s’organiser et participer à la vie publique ». Pour plus d’informations, voir l’Observatoire de l’espace civique de l’OCDE.

← 10. Calculs effectués par l’OCDE à partir de l’enquête Gallup World Poll (base de données).

← 11. Union interparlementaire (UIP), base de données Parline sur les parlements nationaux (https://data.ipu.org).

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