4. Repenser l’action réglementaire grâce à la coopération réglementaire internationale

La pandémie de COVID-19 a souligné la nécessité d’intégrer la CRI dans des cadres réglementaires ex ante sur lesquels s’appuyer face aux urgences transfrontières. La CRI est essentielle pour que les responsables de l’action publique et les autorités réglementaires puissent répondre à des menaces communes ensemble et rapidement et, s’agissant du COVID-19, éradiquer le virus dans tous les pays. La CRI permet d’assurer l’apprentissage mutuel sur des questions telles que la mise au point de vaccins, de renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement et de garantir la disponibilité des biens essentiels, notamment les produits médicaux, ainsi que de faciliter l’interopérabilité des services et des activités transfrontières tels que les télécommunications ou les transports. Pourtant, la crise fait apparaître un décalage entre, d’une part, la nature de plus en plus transfrontière des enjeux politiques et, d’autre part, le champ d’application traditionnel — national — des lois et règlements, qui, avec la fiscalité et les dépenses publiques, constituent les principaux outils de l’action réglementaire. Face à la pression de l’urgence, les pays ont souvent, dans un premier temps, réagi de manière unilatérale, recourant à des solutions nationales ou infranationales, voire à l’isolationnisme, pour protéger leur population d’une menace dont ils considéraient qu’elle venait essentiellement de l’extérieur (OCDE, 2020[1]).

La CRI est inscrite dans la Recommandation de l’OCDE de 2012 concernant la politique et la gouvernance réglementaires, ce qui illustre son importance pour la qualité et l’efficacité de l’action réglementaire (OCDE, 2012[12]). Les travaux de l’OCDE ont permis de dégager plusieurs moyens par lesquels les pays peuvent mettre en œuvre ce principe, notamment la prise en compte systématique des instruments internationaux dans l’élaboration des réglementations, l’ouverture des processus de consultation aux parties étrangères, l’intégration de la cohérence avec les normes internationales dans l’évaluation ex post et la mise en place, au sein de l’administration, d’un mécanisme de coordination visant à centraliser les informations pertinentes en matière de CRI. Ces pratiques faisaient déjà l’objet d’un suivi dans l’édition 2018 des Perspectives de l’OCDE sur la politique de la réglementation. Celui-ci a montré que si les pays reconnaissent de plus en plus la pertinence de la CRI au regard de la qualité de la réglementation, rares sont ceux à suivre, en la matière, une stratégie déployée à l’échelle de l’ensemble de l’administration, et la gouvernance de la CRI reste très éclatée. Cette édition des Perspectives analyse le développement de ces pratiques et rend compte des nouvelles évolutions en matière de CRI dans les pays de l’OCDE. Elle met également en lumière une série d’initiatives de CRI qui ont permis aux pays de répondre aux enjeux stratégiques liés à la pandémie de COVID-19 (OCDE, 2020[1]).

Le Comité de la politique de la réglementation de l’OCDE a récemment élaboré un ensemble de Principes de bonne pratique en matière de coopération réglementaire internationale dont le but est d’aider les régulateurs à mieux appliquer le Principe 12 de la Recommandation à l’appui de la qualité de la réglementation. Les Principes de bonne pratique s’articulent autour de trois piliers : i) définir une stratégie de CRI et sa gouvernance, ii) intégrer plus de considérations liées à la CRI dans l’activité nationale d’établissement de règles et iii) participer à la coopération internationale aux niveaux bilatéral, régional et multilatéral (OCDE, 2021[4]). Ce chapitre s’appuie sur de nouvelles données des iREG pour recenser les exigences et pratiques réglementaires sur la base de ces piliers. Il répertorie par ailleurs, en se fondant sur les travaux du Partenariat des OI, les initiatives récentes visant à améliorer la qualité et l’efficacité des activités de réglementation.

Polymorphe, la coopération réglementaire internationale (CRI) est mise en œuvre au travers de toute une série de processus et d’acteurs, tant au niveau national qu’international. Par conséquent, le déploiement, à l’échelle de l’ensemble des administrations, d’une stratégie visant à garantir que tous les acteurs responsables de l’élaboration, de la supervision ou de la mise en œuvre des réglementations nationales intègrent systématiquement les questions d’ordre international dans les procédures internes profiterait grandement aux initiatives de CRI (OCDE, 2021[4]).

On peut définir une politique de CRI opérante comme une stratégie systématique déployée au niveau national et à l’échelle de l’ensemble des administrations dans le but de favoriser la coopération réglementaire internationale, qu’elle soit exprimée dans un document stratégique général ou un autre instrument (OCDE, 2021[4]). Or, bien qu’il soit admis qu’une action de ce type est essentielle à l’efficacité des pratiques de CRI, seuls six répondants ont formulé une politique globale intégrée et des orientations connexes. Les différents exemples de politiques de CRI confirment que celles-ci peuvent varier quant à leur champ d’application et leurs fondements juridiques, allant d’obligations légales à des méthodes plus douces (Encadré 4.1).

En outre, si quelques pays se sont dotés de politiques de CRI intégrées et systématiques, celles d’une grande partie des répondants sont « partielles » en ce sens qu’elles ne s’appliquent qu’à certains secteurs, sont limitées au voisinage géographique ou à une région spécifique, voire à un certain type de coopération. Celles des pays membres de l’Union européenne, en particulier, sont rarement menées à l’échelle de l’ensemble des administrations, même si leurs processus nationaux de réglementation sont largement calqués sur leurs pratiques de coopération réglementaire régionale du fait même de leur appartenance à l’Union. L’Union européenne demeure le cadre régional de coopération réglementaire régionale le plus ambitieux parmi ceux qui impliquent des pouvoirs réglementaires supranationaux. Les États membres de l’Union européenne disposent ainsi, intrinsèquement, d’un mécanisme actif de coopération réglementaire intégré à leurs processus de réglementation en vertu de leurs obligations liées à leur qualité de membre et du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (OCDE, 2018[13]). Étant donné qu’elles se limitent, sur le plan géographique, à leurs partenaires régionaux, ces politiques de CRI peuvent être considérées comme « partielles » (Graphique 4.1). La Commission européenne mentionne toutefois la CRI dans son « programme pour une meilleure réglementation », ce qui permet de garantir qu’il en est tenu compte lors de la préparation de nouvelles initiatives et propositions ainsi que dans le cadre de la gestion et de l’évaluation au niveau européen de textes existants.

Quelques pays ont mis en place des politiques de CRI « partielles » dans le sens où elles se limitent à une seule forme d’instruments internationaux, généralement des dispositions contraignantes du droit international ou des normes internationales. Il convient cependant de souligner qu’en dépit de leur caractère « partiel », ces politiques de CRI peuvent néanmoins constituer une base utile pour l’intégration de cadres nationaux et internationaux. En Allemagne, par exemple, l’article 25 de la Loi fondamentale constitue une base juridique « partielle » pour la CRI en ce qu’il dispose que certains instruments internationaux, à savoir les « règles générales du droit international public », font partie intégrante du droit fédéral. En outre, la Cour constitutionnelle allemande a établi le principe de Völkerrechtsfreundlichkeit (ouverture au droit international public), selon lequel la Loi fondamentale allemande « présume l’intégration de l’état créé dans l’ordre juridique international de la communauté des États »1. Par conséquent, il convient d’interpréter le droit allemand de façon aussi cohérente que possible avec le droit international. Cet exemple illustre le fait que la jurisprudence et les principes juridiques établis par des tribunaux nationaux peuvent favoriser l’intégration de la CRI dans la législation et la réglementation internes.

Rares sont les pays à avoir mis en place une nouvelle politique de CRI au cours des dernières années. Parmi les membres de l’OCDE, le Royaume-Uni, notamment, a entrepris un processus ambitieux de conception et d’élaboration d’une telle politique, puisque, dans la foulée de son Examen de la coopération réglementaire internationale par l’OCDE, un appel à contributions visant à définir, en matière de CRI, une stratégie à l’échelle de l’ensemble des administrations a été présenté au Parlement britannique (BEIS, 2020[14]).

Dans l’ensemble les dispositifs institutionnels de contrôle de la CRI restent dispersés entre différentes autorités (Graphique 4.2). Seuls quatre pays indiquent, en effet, que leur programme de travail en la matière relève d’un organe unique, généralement celui qui dispose des fonctions de contrôle réglementaire les plus étendues (Graphique 4.2 et Encadré 4.2). Ce rôle limité des organes concernés dans le contrôle de la CRI fait apparaître un décalage entre la CRI et l’amélioration de la réglementation, ce qui montre bien que les considérations d’ordre international sont encore rarement perçues comme faisant partie intégrante du processus national d’élaboration de la réglementation.

La structure de gouvernance la plus répandue, en ce qui concerne la CRI, demeure le partage de responsabilités entre organes compétents du pouvoir central. Cela se comprend aisément dans la mesure où la bonne mise en œuvre de la CRI nécessite d’agir à l’échelle de l’ensemble des administrations et donc, nécessairement, de faire intervenir différents acteurs (OCDE, 2021[4]). L’analyse des pratiques nationales à travers le prisme des mécanismes spécifiques de la CRI vient quelque peu clarifier la répartition des responsabilités liées à la CRI entre administrations. Par exemple, certaines autorités spécifiques sont souvent chargées de la prise en compte des instruments internationaux. Si cette responsabilité incombe encore, le plus souvent, aux ministères investis de l’élaboration de la réglementation, de plus en plus de pays la confient aux organes de contrôle réglementaire, ce qui laisse transparaître une importance croissante de la CRI dans les programmes d’amélioration de la réglementation (Graphique 4.3).

Cela étant, plus d’un tiers des répondants ne se sont toujours pas dotés d’une structure de gouvernance spécialement consacrée au contrôle des activités de CRI (Graphique 4.2), ce qui complique la coordination entre autorités disposant de fonctions de CRI et de connaissances en la matière.

Les pratiques internationales constituent, sous la forme de données probantes et de connaissances spécialisées, une source d’inspiration essentielle pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques nationales (OCDE, 2021[4]). Les outils traditionnels de gestion de la réglementation, notamment l’AIR et l’association des parties prenantes, offrent aux pays une voie leur permettant d’assurer la prise en compte des pratiques internationales. Par ailleurs, les résultats de l’enquête sur les iREG et les analyses réalisées à l’échelle des pays confirment une tendance générale au renforcement de l’intégration des questions d’ordre international dans le processus national d’élaboration de la réglementation (OCDE, 2018[2]), (OCDE, 2020[3]).

Dans le monde entier, les décideurs recueillent et utilisent des données probantes pour formuler les réglementations, de même que les organisations internationales pour élaborer les instruments internationaux. À l’évidence, ces données peuvent aussi profiter aux régulateurs confrontés à des défis similaires dans d’autres juridictions. Il peut s’avérer très utile d’inventorier les éléments probants internationaux pour constituer le corpus de données destiné à une réglementation particulière, élargir le champ des possibles de l’action politique et bâtir, au sujet de la mesure choisie, un discours fondé sur des faits (OCDE, 2021[4]).

Les obligations formelles d’intégration des instruments internationaux sont un moyen fréquemment employé pour assurer la prise en compte, dans le processus national d’établissement de la réglementation, des pratiques et des compétences observées à l’étranger. La plupart des pays ont mis en place de telles obligations, en particulier en ce qui concerne les instruments internationaux contraignants ou les normes internationales (Graphique 4.4). Plusieurs pays imposent également des obligations spécifiques pour ce qui est d’« autres » types d’instrument, généralement les directives européennes ou les instruments internationaux non contraignants. L’Australie, par exemple, incite les régulateurs à aligner la législation sur les instruments internationaux pertinents ; la Nouvelle-Zélande, pour sa part, encourage la prise en compte de résolutions, déclarations et orientations non contraignantes en plus d’instruments contraignants tels que les traités et les conventions. Comme le montre le Graphique 4.4, la prise en compte d’instruments internationaux en tout genre s’est notablement intensifiée ces dernières années.

Comme indiqué ci-dessus, les missions de contrôle font l’objet de clarifications de plus en plus précises afin que les autorités — que la responsabilité relève d’un organe unique ou soit partagée par plusieurs d’entre eux — veillent à la bonne prise en compte des instruments internationaux. Enfin, une légère tendance à la hausse observée depuis 2017 montre que différentes formes d’orientations ou de sources d’information complémentaires sont de plus en plus mises à disposition pour encourager l’utilisation des instruments internationaux. Cet accompagnement renforcé semble aller dans le sens d’une systématisation du recours aux instruments internationaux dans les activités réglementaires nationales.

La transparence des processus réglementaires nationaux peut accroître la prévisibilité des cadres réglementaires nationaux auprès des parties prenantes étrangères concernées, et leur permettre, grâce à une participation active, d’apporter de précieuses contributions. L’implication des parties prenantes dans les processus réglementaires peut utilement éclairer sur les conséquences transfrontières imprévues des projets de réglementation, tout en contribuant à faire connaître les approches réglementaires mises en œuvre dans d’autres pays et territoires (Basedow et Kauffmann, 2016[15]). Des études de l’OCDE ont montré qu’il est rare que les régulateurs fassent des efforts afin d’associer expressément les parties prenantes étrangères à l’élaboration de textes législatifs et réglementaires, malgré le fait que les procédures de consultation sont la plupart du temps ouvertes à toutes les parties prenantes, y compris aux parties prenantes étrangères (OCDE, 2018[16]). La notification obligatoire des projets de réglementation aux instances internationales pourrait être mise à profit pour alerter les parties prenantes étrangères, et tirer parti de leurs contributions (OCDE, 2021[4]). En pratique, ces notifications sont le plus souvent utilisées pour évaluer les conséquences des réglementations sur les échanges. La notification des projets de mesures aux partenaires commerciaux est en effet requise aux termes de certains accords commerciaux ainsi que dans le cadre des engagements souscrits au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) au titre des Accords sur les obstacles techniques au commerce (OTC) et sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS). Certains pays font toutefois savoir qu’ils notifient également d’autres instances internationales. L’Allemagne, par exemple, est tenue à des obligations de notification auprès de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), une organisation internationale regroupant, outre l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Suisse et la Belgique. Dans le même esprit, les Pays-Bas informent l’Organisation internationale du travail (OIT), le Conseil de l’Europe, ainsi que l’Union économique Benelux, une organisation regroupant les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, de la mise en œuvre de nouvelles réglementations, s’il y a lieu.

Bien que la notification des projets de mesures aux instances internationales ou aux partenaires étrangers permette de recueillir de précieuses informations, on constate la plupart du temps un décalage entre les processus de notification et la politique réglementaire nationale, qui conduit à négliger des sources d’informations utiles disponibles au sein d’autres organes administratifs (OCDE, 2018[16]). Comme observé par le passé, de nombreux pays ne font toujours aucun effort particulier afin d’associer les parties prenantes étrangères à leurs processus d’élaboration de la réglementation (22 répondants indiquent ne jamais les associer à l’élaboration de textes législatifs, et 21 dans le cas de textes réglementaires) (Graphique 4.6).

Néanmoins, les pays qui s’efforcent d’associer les parties prenantes étrangères confirment recourir à diverses pratiques à cet effet (Encadré 4.6). Les invitations ciblées à formuler des commentaires restent le moyen le plus fréquemment utilisé pour consulter les parties prenantes étrangères (Graphique 4.6).

En plus d’associer les parties prenantes étrangères aux processus réglementaires, les pays peuvent également promouvoir la CRI par une prise en compte plus systématique des éventuels effets internationaux dans leurs processus d’AIR. Les analyses d’impact de la réglementation (AIR) sont un moyen efficace de promouvoir la CRI en ce qu’ils permettent aux pays d’examiner les conséquences internationales de leurs activités. Comme on l’a observé en 2014 et en 2017, les pays font état d’une série d’effets liés à la CRI dans le cadre de leurs processus d’AIR, et recensent notamment les effets spécifiques sur le commerce, l’ouverture des marchés, ainsi que sur les pays et territoires étrangers (Graphique 4.7). Les effets des projets de réglementation sur les échanges et l’ouverture des marchés sont ceux qui sont le plus fréquemment pris en compte par les pays. Près de 75 % des répondants déclarent examiner les implications de leurs projets de réglementation sur le commerce, et environ 80 % les effets sur l’ouverture des marchés. Ces chiffres illustrent une tendance croissante observée depuis 2017. La prise en compte des effets de la réglementation nationale sur les pays étrangers est moins systématique, seule une poignée de pays se livrant à une telle analyse pour l’ensemble des textes réglementaires (Graphique 4.7).

Compte tenu de la méthodologie particulière utilisée pour évaluer les effets internationaux des réglementations nationales, et en tenir compte, joindre les différents spécialistes qui, au sein de l’administration, possèdent les compétences requises, peut nécessiter davantage de temps et la mobilisation de plus de personnel. Certains pays ont par conséquent décidé de recourir dans un premier temps à un « calculateur » d’impact réglementaire afin de déterminer les types d’effets internationaux à évaluer. Par exemple, pour estimer plus précisément les effets sur les échanges commerciaux uniquement si cela s’avère nécessaire, le Mexique a inclus un « filtre commercial » dans son calculateur d’impact réglementaire. Ce filtre permet de prendre en compte les effets sur le commerce extérieur dès l’amorce du processus d’AIR. Les questions ont pour but d’aider les régulateurs à évaluer si leurs projets sont susceptibles d’avoir des conséquences sur les échanges internationaux. Si le filtre met en évidence, en première analyse, des effets sur le commerce, un processus d’AIR est engagé, et les régulateurs doivent répondre à une série de questions plus précises concernant les conséquences de leur projet sur le commerce extérieur (OCDE, 2018[2]).

Sur les 19 pays qui tiennent compte des effets internationaux de leurs réglementations, les pays voisins et les principaux partenaires commerciaux sont ceux qui sont le plus fréquemment ciblés. Les pays déclarent régulièrement utiliser une combinaison de méthodes afin d’évaluer ces effets, notamment des échanges avec les régulateurs des autres pays et territoires, l’utilisation de sondages d’opinion auprès des entreprises et d’autres parties prenantes, et des exercices de modélisation (Graphique 4.8).

Le plein effet d’une mesure réglementaire n’est connu qu’après sa mise en œuvre. C’est pourquoi l’évaluation ex post s’avère essentielle pour mettre en évidence les éventuelles divergences entre la réglementation nationale et les cadres internationaux, ainsi que les effets que ces divergences pourraient avoir sur les échanges commerciaux et dans d’autres domaines (Kauffmann et Basedow, 2016[17]). Elle permet aussi aux régulateurs de dresser un état des lieux des connaissances internationales en matière de réglementation, de faire le point sur les nouvelles approches adoptées par d’autres pays et territoires ayant pu faire la preuve de leur efficacité, et de comparer les réglementations mises en œuvre à l’étranger qui poursuivent des objectifs similaires en recourant à des approches différentes (OCDE, 2021[18]). L’examen ex post peut ainsi contribuer à obtenir des données comparatives tout au long du cycle d’élaboration réglementaire, et à évaluer les réglementations existantes à la lumière de ces informations.

L’évaluation ex post en matière de CRI est une pratique peu répandue. Si le nombre de pays qui prennent en compte les coûts liés à la CRI dans leurs évaluations ex post des textes réglementaires ne montre guère de variation, on observe en revanche une légère tendance à la hausse pour ce qui est des textes législatifs (Graphique 4.9). Certains pays de l’OCDE fixent des orientations visant à intégrer la CRI dans leurs outils de gestion réglementaire, y compris les évaluations ex post (Encadré 4.8). Il ressort des chapitres consacrés aux bonnes pratiques réglementaires et à la CRI inclus dans les accords commerciaux que les pays considèrent de plus en plus les évaluations ex post comme un mécanisme de coopération réglementaire entre les parties, consistant notamment à promouvoir le partage des méthodologies et des résultats de ces évaluations (Encadré 4.9).

Les responsables de l’action publique à l’échelle nationale ont accès à une multitude de plateformes bilatérales, régionales et multilatérales qui leur permettent de coopérer et d’éclairer leurs approches face aux enjeux stratégiques nationaux (OCDE, s.d.[11]) (OCDE, 2014[19]). Les formes de coopération bilatérale, régionale et multilatérale viennent compléter utilement les actions purement unilatérales menées au niveau national. Une telle coopération internationale ouvre la voie à une collaboration institutionnalisée et permanente, et à davantage de cohérence en matière de réglementation. Les modalités de la coopération internationale sont fonction du système juridique et administratif et de la situation géographique du pays, ainsi que du secteur ou du domaine de l’action publique concerné (OCDE, 2021[4]).

Ces plateformes prennent des formes toujours plus diverses, le paysage mondial étant aujourd’hui composé de multiples acteurs, organisations intergouvernementales (OIG), réseaux transgouvernementaux de régulateurs (RTG) ou instances privées d’établissement de normes. Ces organisations élaborent un ensemble de normes et de règles en pleine expansion (OCDE, 2019[20]), à l’appui des actions entreprises à l’échelle nationale en matière de réglementation, en vue de relever des défis qui revêtent aujourd’hui une dimension de plus en plus internationale. Pendant la crise du COVID-19, plusieurs projets de collaboration bilatérale et régionale ont été mis en œuvre entre des pays voisins et partageant les mêmes conceptions afin de répondre à des besoins urgents. L’ampleur mondiale de la pandémie a mis en évidence le rôle joué par les organisations multilatérales, et notamment leur importance en tant que plateformes d’information et d’élaboration d’instruments internationaux, deux outils majeurs au service des décideurs publics nationaux (OCDE, 2020[1]) (OCDE, 2020[21]). Au-delà de la pandémie, d’autres initiatives ont récemment vu le jour afin de répondre aux nouvelles priorités et à leur évolution, comme celle destinée à favoriser la coopération mondiale en matière d’innovation (Encadré 4.12).

Malgré le rôle important joué par les OI dans le processus d’élaboration de la réglementation nationale, l’édition précédente des Perspectives de la politique de la réglementation a mis en lumière la nécessité impérieuse pour ces dernières d’accroître la transparence, l’efficacité et l’impact de leurs instruments, notamment par l’adoption de BPR, telle que celles préconisées dans la Recommandation de 2012 concernant les processus d’élaboration de la réglementation nationale (OCDE, 2018[13]). Des efforts supplémentaires sont nécessaires, et à ce titre, certaines OI ont récemment annoncé des mesures et initiatives, en plus du Recueil de pratiques des organisations internationales : au service d’instruments internationaux plus efficaces (Recueil des OI), élaboré en collaboration par le Partenariat pour l’établissement de règles internationales efficaces, destinées à renforcer leurs processus d’élaboration des règles dans l’optique d’accroître l’efficacité de leurs instruments internationaux.

Cette section présente l’apport des instruments internationaux dans le processus d’élaboration des règles nationales, en s’appuyant sur les résultats de l’enquête iREG et sur les récents travaux analytiques de l’OCDE. Elle met également en évidence le rôle particulier joué par les OI à cet égard pendant la crise du COVID-19. Enfin, elle décrit les mesures spécifiques prises par les OI afin d’améliorer la qualité du processus d’élaboration des règles internationales. Les principales sources d’informations utilisées dans cette section sont les résultats de l’enquête de 2018 conduite auprès des organisations internationales, les études récentes réalisées par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) (OCDE, 2020[22]), le Bureau international des poids et mesures (BIPM) (OCDE, 2020[23]) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (OCDE/OMC, 2019[7]), ainsi que les premières conclusions tirées du Recueil des OI.

L’expertise et les données internationales sont essentielles pour aider les responsables nationaux de l’action publique à élaborer des politiques efficaces et fondées sur des données probantes dans un monde fortement interconnecté. Les OI sont, avant tout, des enceintes institutionnelles qui permettent aux acteurs de s’engager dans la CRI. Elles disposent d’une grande quantité d’informations et possèdent une vaste expérience dont les gouvernements et les organismes publics peuvent tirer parti (OCDE, 2014[19]). En d’autres termes, elles offrent un cadre permettant d’organiser le partage de données entre leurs membres dans leurs domaines d’action respectifs et sous diverses formes (brutes, compilées dans des bases de données, analysées dans des rapports thématiques ou par pays).

Cet échange régulier et permanent d’informations permet aux membres des OI de confronter leurs points de vues sur les nouveaux défis de l’action publique auxquels ils sont confrontés, et d’envisager différentes mesures pour y répondre. C’est le cas, par exemple, au sein de l’OMC, du comité sur les obstacles techniques au commerce et du comité des mesures sanitaires et phytosanitaires qui jouent le rôle d’« incubateur » en organisant des sessions ou des ateliers thématiques au cours desquels les membres échangent, notamment, sur des questions de réglementation sectorielle actuelles, nouvelles ou émergentes (comme l’efficacité énergétique ou l’étiquetage nutritionnel) (OCDE/OMC, 2019[7]).

Cette fonction de « centres de données » s’avère déterminante dans le contexte de la crise du COVID-19. Pratiquement toutes les OI qui hébergent des instruments normatifs, y compris l’OCDE, ont créé un site internet dédié à l’épidémie de coronavirus pour servir de plateforme de partage d’informations conformément à leurs mandats respectifs (OCDE, 2020[1]). En plus de ces sites publics, elles offrent aussi un espace permettant à leurs membres d’échanger sur leurs mesures respectives et de rechercher des positions communes (Encadré 4.10).

Outre le partage d’informations, les OI contribuent à faire converger les approches de pays confrontés à des problèmes similaires, par exemple en concevant des terminologies ou des instruments internationaux. En effet, lorsque les délégués ou les régulateurs nationaux parviennent à des accords dans le domaine de la CRI, ou lorsqu’ils adoptent des règles dans le cadre de procédures institutionnalisées, les résultats peuvent être intégrés dans des instruments normatifs sous diverses formes (OCDE, 2014[19]). Ces instruments internationaux, qui peuvent être transposés dans les législations nationales, sont susceptibles d’accroître la cohérence des approches réglementaires entre les pays.

Du fait de la pandémie de COVID-19, les OI ont été pressées d’apporter à leurs membres des solutions pour les aider à faire face à la crise (OCDE, 2020[1]). Plusieurs OI ont mis à profit leurs fonctions normatives et leurs connaissances dans leurs domaines d’expertise respectifs pour élaborer des orientations destinées à adapter leurs outils traditionnels au contexte de la pandémie, en dispensant des conseils à leurs membres sur la manière d’en gérer les effets dans leur région ou de répondre à la crise économique et sociale mondiale qui en découle (Encadré 4.11).

L’OCDE constate que les instruments internationaux sont devenus pour les régulateurs nationaux un moyen important de mise en œuvre de la CRI (OCDE, 2018[13]). Néanmoins, pour que les organismes de réglementation tiennent compte de manière plus systématique des instruments internationaux lorsqu’ils élaborent et mettent en œuvre des cadres réglementaires nationaux, il faut que ces instruments soient de qualité élevée, qu’ils soient largement et aisément accessibles, et susceptibles de répondre à l’intérêt général dans leur propre juridiction.

L’OCDE a recensé cinq priorités essentielles qui permettraient d’accroître l’efficacité des instruments internationaux : améliorer la compréhension des instruments internationaux en précisant les terminologies existantes et les effets juridiques ; renforcer la mise en œuvre des instruments internationaux au niveau national ; développer une culture de l’évaluation des instruments internationaux ; assurer une participation efficiente des parties prenantes ; et maximiser les possibilités de coordination entre les OI (OCDE, 2016[25]). Dans le cadre du Comité de la politique de la réglementation de l’OCDE, le Partenariat pour l’élaboration efficace de règles internationales (le « Partenariat des OI ») s’est penché sur ces cinq objectifs, et a tiré des enseignements des politiques réglementaires nationales pour l’élaboration de la réglementation internationale. Le Recueil de pratiques des organisations internationales : au service d’instruments internationaux plus efficaces (le « Recueil des OI ») met en évidence un nombre croissant de tendances et d’exemples de pratiques d’OI qui visent à garantir la qualité des instruments internationaux (Encadré 4.13), et énonce des principes essentiels destinés à améliorer l’efficacité du processus d’élaboration des règles internationales. Utilisé comme un outil pratique par les secrétariats des OI dans le cadre de leurs activités normatives, le Recueil des OI permet également aux régulateurs nationaux de se repérer parmi les instruments internationaux, et de déterminer ceux qui sont les plus pertinents pour eux. Il constitue également une source importante d’informations sur les outils relatifs à la qualité réglementaire utilisés au niveau international (OCDE, 2021[26]).

Références

[15] Basedow, R. et C. Kauffmann (2016), « International Trade and Good Regulatory Practices : Assessing The Trade Impacts of Regulation », OECD Regulatory Policy Working Papers, n° 4, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jlv59hdgtf5-en.

[14] BEIS (2020), International Regulatory Cooperation for a Global Britain: Government Response to the OECD Review of international Regulatory Cooperation of the UK, https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/913730/international-regulatory-cooperation-for-a-global-britain.pdf (consulté le 8 février 2021).

[10] Botta, E. et al. (2021), « The economic benefits of international co-operation to improve air quality in Northeast Asia ».

[24] Burci, G. (2020), The Outbreak of COVID-19 Coronavirus: are the International Health Regulations fit for purpose? EJIL: Talk!, European Journal of International Law Blog, https://www.ejiltalk.org/the-outbreak-of-covid-19-coronavirus-are-the-international-health-regulations-fit-for-purpose/ (consulté le 7 juin 2021).

[17] Kauffmann, C. et R. Basedow (2016), « The political economy of international co-operation – a theoretical framework to understand international regulatory co-operation (IRC) », OCDE, Paris, non publié.

[8] Kauffmann, C. et C. Saffirio (2021), « Good regulatory practices and co-operation in trade agreements: A historical perspective and stocktaking », OECD Regulatory Policy Working Papers, n° 14, OCDE, Paris.

[9] Kauffmann, C. et C. Saffirio (2020), « Study of International Regulatory Co-operation (IRC) arrangements for air quality: The cases of the Convention on Long-Range Transboundary Air Pollution, the Canada-United States Air Quality Agreement, and co-operation in North East Asia », OECD Regulatory Policy Working Papers, n° 12, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/dc34d5e3-en.

[26] OCDE (2021), Compendium of International Organisations’ Practices: Working Towards More Effective International Instruments, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/846a5fa0-en.

[18] OCDE (2021), Examiner la réglementation existante, Principes de bonne pratique de l’OCDE en matière de politique réglementaire, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/eb656b8d-fr.

[4] OCDE (2021), International Regulatory Co-operation, Principes de bonne pratique de l’OCDE en matière de politique réglementaire, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5b28b589-en.

[21] OCDE (2020), IOs in the context of COVID-19: Adapting rulemaking for timely, evidence-based and effective international solutions in a global crisis – Summary Note of COVID-19 Webinars of the Partnership of International Organisations for Effective International Rule-making, https://www.oecd.org/gov/regulatory-policy/Summary-Note-COVID-19%20webinars.pdf (consulté le 16 juin 2021).

[1] OCDE (2020), No policy maker is an island: the international regulatory co-operation response to the COVID-19 crisis, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/3011ccd0-en.

[22] OCDE (2020), OECD Study on the World Organisation for Animal Health (OIE) Observatory: Strengthening the Implementation of International Standards, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/c88edbcd-en.

[3] OCDE (2020), Review of International Regulatory Co-operation of the United Kingdom, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/09be52f0-en.

[23] OCDE (2020), The Case of the International Bureau of Weights and Measures (BIPM), OCDE, Paris, https://www.oecd.org/governance/regulatory-policy/international-regulatory-cooperation-and-international-organisations-the-case-of-the-international-bureau-of-weights-and-measures.pdf.

[5] OCDE (2019), Regulatory effectiveness in the era of digitalisation, http://www.oecd.org/gov/regulatory-policy/Regulatory-effectiveness-in-the-era-of-digitalisation.pdf (consulté le 28 avril 2020).

[20] OCDE (2019), The Contribution of International Organisations to a Rule-Based International System: Key Results from the Partnership of International Organisations for Effective Rulemaking, https://www.oecd.org/gov/regulatory-policy/IO-Rule-Based%20System.pdf.

[16] OCDE (2018), « Favoriser l’adoption de règles de meilleure qualité grâce à la coopération réglementaire internationale », dans Politique de la réglementation  : Perspectives de l’OCDE 2018, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264305458-9-fr.

[13] OCDE (2018), Politique de la réglementation : Perspectives de l’OCDE 2018, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264305458-fr.

[2] OCDE (2018), Review of International Regulatory Co-operation of Mexico, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264305748-en.

[6] OCDE (2017), International Regulatory Co-operation and Trade: Understanding the Trade Costs of Regulatory Divergence and the Remedies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264275942-en.

[25] OCDE (2016), International Regulatory Co-operation: The Role of International Organisations in Fostering Better Rules of Globalisation, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264244047-en.

[19] OCDE (2014), International Regulatory Co-operation and International Organisations: The Cases of the OECD and the IMO, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264225756-en.

[12] OCDE (2012), Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264209039-fr.

[11] OCDE (s.d.), International Regulatory Co-operation: Addressing Global Challenges, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264200463-en.

[7] OCDE/OMC (2019), Facilitating Trade through Regulatory Cooperation: The Case of the WTO’s TBT/SPS Agreements and Committees, Éditions OCDE, Paris/Organisation mondiale du commerce, Genève, https://dx.doi.org/10.1787/ad3c655f-en.

Note

← 1. Cf. l’accord conclu entre la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche relatif à l’assistance juridique et administrative en matière de douanes, d’accises et de monopoles, arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 22 mars 1983 (BVerfGE 63, 343-380 (370)).

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