2. Étude de cas : L'intégration régionale peut accélérer la transformation numérique de l’Afrique

Secrétariat, Smart Africa
  • Les pays africains peuvent mettre la transformation numérique au service de leur développement socioéconomique en regroupant leurs différents marchés nationaux en un marché unique qui pourrait devenir un acteur de premier plan dans les flux commerciaux, financiers et technologiques mondiaux.

  • Les États devraient se regrouper au sein d’organismes régionaux afin d’harmoniser leurs politiques, leurs réglementations ainsi que leurs cadres financiers et technologiques, de manière à accroître les avantages et à réduire les coûts/risques de l’investissement dans la transformation numérique.

La mondialisation des systèmes monétaires, financiers et commerciaux n’a pas avantagé l’Afrique ni d'autres régions en développement. La situation est en outre aggravée par la fragmentation des marchés régionaux en petits marchés nationaux, alors que leur unification à grande échelle permettrait, entre autres avantages, de réaliser des économies d'échelle et de diversifier les risques. En Afrique, cet effort passe fondamentalement par la coopération et l’intégration régionales, qui améliorent la capacité des pays à faire du commerce et à récolter les fruits des échanges et des flux financiers mondiaux.

Smart Africa est une enceinte de coopération qui aide ses 32 pays membres à élaborer des politiques et des stratégies harmonisées à l’appui de la transformation numérique. La mise en œuvre de projets transnationaux permet aux pays africains d’interagir et de partager des bonnes pratiques, par exemple la mise en place de l’interopérabilité, l’harmonisation des politiques financières et l’achat en gros de moyens technologiques.

L’Afrique est l'un des marchés de consommation connaissant la croissance la plus rapide au monde. Les dépenses des ménages, dont le taux de croissance annuel composé est de 3.9 % depuis 2010, devraient atteindre 2 100 milliards USD à l’horizon 2025 (Groupe de la Banque africaine de développement, 2019[1]). En tenant compte des dépenses des entreprises, les débouchés commerciaux sur le continent devraient, d’après les projections, représenter 5 600 milliards USD en 2025 si des ajustements structurels parviennent à être réalisés (Coleman, 2020[2]).

La création d'un marché unique du numérique à l’échelle du continent peut stimuler l’investissement en réduisant les droits de douane, en harmonisant les systèmes juridiques, réglementaires et fiscaux, en rationalisant les systèmes de paiement et en réformant le secteur financier et les marchés de l’emploi. Le tarif extérieur commun mis en place par les membres de la Communauté d’Afrique de l’Est (Burundi, Kenya, Ouganda, République-Unie de Tanzanie, Rwanda et Soudan du Sud) – qui s’est traduit par une hausse de 0.45 % du produit intérieur brut (PIB) réel – démontre les avantages d'une intégration régionale plus poussée (Oxford Business Group, 2017[3]).

La création d'un marché unique du numérique à l’échelle du continent peut stimuler l’investissement en réduisant les droits de douane, en harmonisant les systèmes juridiques, réglementaires et fiscaux, en rationalisant les systèmes de paiement et en réformant le secteur financier et les marchés de l’emploi.  
        

De leur côté, les progrès technologiques peuvent favoriser l’intégration régionale des chaînes d'approvisionnement, faciliter l’accès aux marchés et réduire la bureaucratie de façon à accroître les échanges transfrontières et, partant, réaliser des économies d'échelle. Le Conseil des autorités de régulation africaines a ainsi, dans le cadre de l’initiative « One Africa Network », harmonisé l’action des pouvoirs publics dans le but de supprimer les frais d'itinérance dans toute l’Afrique. Des projets pilotes en Afrique de l’Est mettent en évidence une augmentation de 800 % environ du trafic téléphonique (Nsengimana, 2018[4]).

L’existence d'un marché unique du numérique peut aussi entraîner un regroupement de la demande, et les acteurs régionaux peuvent encourager le secteur privé à investir. Les pays africains sont, individuellement, de petites économies. En 2010, 24 pays africains avaient une population inférieure à 10 millions d’habitants, et à 5 millions pour 17 d’entre eux (Kanos et Heitzig, 2020[5]). Le PIB de 29 pays était inférieur à 10 milliards USD, et à 5 milliards pour 18 d’entre eux.1 Qui plus est, les nombreuses frontières nationales font entrave aux échanges infracontinentaux. Le regroupement de ces marchés peut créer des économies d'échelle, réduire les risques et attirer des capitaux privés (Graphique 2.1).

Enfin, l’intégration régionale peut renforcer la position des pays africains par rapport à leurs partenaires commerciaux extérieurs. Pour que le continent puisse prendre part aux échanges internationaux et atteindre son plein potentiel économique, il faudra des investissements dans ses infrastructures, au-delà des capacités actuelles des pays. Le secteur privé devra être mobilisé et aura besoin d'instruments (comme les partenariats public-privé) lui permettant de réduire les risques et d’optimiser les rendements. À titre d’exemple, en regroupant leur pouvoir de négociation, les pays africains ont récemment obtenu que les données générées en Afrique ne transitent pas par des centres situés en Europe ou aux États-Unis mais restent sur le continent, ce qui contribue à une meilleure qualité de service et à une baisse des coûts de communication (Nhongo, 2020[6]).

Sans concertation de leurs efforts, les pays africains risquent de ne pas être prêts pour la révolution numérique. L'intégration régionale est capitale pour faire de la technologie et de l’innovation le pilier du développement socioéconomique du continent. Si, par son ampleur, l’Afrique est en mesure d’attirer l’investissement, l’expertise et les services numériques dont elle a besoin, ses marchés nationaux fragmentés sont en revanche moins attractifs qu’un marché unifié de 1.3 milliard de personnes. Elle doit donc, pour obtenir des investissements dans le numérique, se doter d'un programme d'action clair, inclusif et coordonné.

Pour créer les conditions d'une transformation numérique réussie, les acteurs régionaux peuvent harmoniser les politiques publiques et assurer l’interopérabilité des systèmes numériques. Les organismes régionaux peuvent réunir les autorités des différents pays afin d’afficher une volonté politique commune face aux partenaires extérieurs. Sur le terrain, des politiques comme celles relatives à la protection des données ou à la cybersécurité peuvent être harmonisées pour créer des systèmes transnationaux qui transforment l’Afrique en un marché unique du numérique. Enfin, en rassemblant en leur sein les pouvoirs publics et le secteur privé, les organismes régionaux peuvent parvenir à mobiliser des financements afin de concrétiser ces intentions.

Références

[2] Coleman, C. (2020), « This region will be worth $5.6 trillion within 5 years – but only if it accelerates its policy reforms », Forum économique mondial, Genève, https://www.weforum.org/agenda/2020/02/africa-global-growth-economics-worldwide-gdp (consulté le 17 novembre 2021).

[1] Groupe de la Banque africaine de développement (2019), Integrate Africa, Groupe de la Banque africaine de développement, https://www.afdb.org/sites/default/files/2019/07/05/high_5_integrate_africa.pdf.

[5] Kanos, D. et C. Heitzig (2020), « Figures of the week: Africa’s urbanization dynamics », Africa in Focus, Brookings, https://www.brookings.edu/blog/africa-in-focus/2020/07/16/figures-of-the-week-africas-urbanization-dynamics (consulté le 17 novembre 2021).

[6] Nhongo, G. (2020), « Orange collaborates with Smart Africa and announces new investments in Africa », Communiqué de presse, Smart Africa, https://smartafrica.org/press-release-communique-de-presse (consulté le 17 novembre 2021).

[4] Nsengimana, J. (2018), One Africa Network (OAN): Ending Africa’s Digital Exploitation, Smart Africa, https://smartafrica.org/how-westerners-benefit-by-ensuring-african-phone-calls-remain-expensive (consulté le 17 novembre 2021).

[3] Oxford Business Group (2017), « The EAC helps maintain growth in the region », dans The Report : Kenya 2017 : Country Profile, Oxford Business Group, https://oxfordbusinessgroup.com/node/920441/reader (consulté le 17 novembre 2021).

Note

← 1. Pour en savoir plus, voir les données de la Banque mondiale à l’adresse : https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.KD.

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