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  • La conjoncture internationale et l’essor actuel de l’Amérique latine et des Caraïbes offrent une chance que les pays de la région doivent saisir pour élaborer des stratégies de développement à long terme. Avec la consolidation graduelle et le renforcement des systèmes démocratiques, les économies de la région ont bien résisté dans leur grande majorité aux effets de la crise économique et financière, grâce notamment à la bonne gestion macroéconomique et aux réformes structurelles de ces dernières années.

  • Le présent document est le fruit d’une collaboration entre la Comission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepalc) et le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

  • La forte croissance de l’économie latino-américaine depuis 2003 permet aux pays de la région d’envisager des programmes ambitieux de politiques publiques, afin de réduire les risques et de tirer profit des présentes opportunités de développement. Malgré la grande différence de dynamique économique entre l’Amérique du Sud, d’un côté, et l’Amérique centrale, le Mexique et les Caraïbes, de l’autre, la demande extérieure soutenue (notamment des économies émergentes telles que la Chine), généralement conjuguée à des demandes intérieures vigoureuses, ont permis à la région d’atteindre une croissance annuelle moyenne d’environ 5 % sur la période 2003-081. Ces performances sont également le fruit d’une gestion macroéconomique adéquate qui a, dans bien des cas, créé une marge budgétaire permettant d’affronter les effets de la crise financière mondiale sans mettre en péril la solvabilité budgétaire (Figure 0.1). Entre 2000 et 2007, les pays latino-américains ont diminué leur dette publique de 15 points du PIB, en moyenne, et sont passés d’un déficit budgétaire de 2.4 % du PIB à un excédent de 0.4 %. La gestion macroéconomique et la hausse des prix des produits primaires exportés ont renforcé la stabilité macroéconomique, et fourni aux gouvernements les ressources nécessaires à la mise en oeuvre des politiques visant à diminuer la pauvreté et à faciliter l’accès aux services de base ; ces facteurs ont également permis que la crise soit moins profonde et la reprise plus rapide que dans les pays de l’OCDE. Alors que l’on s’attend toujours à une croissance lente pour ce dernier groupe, la croissance de l’Amérique latine est estimée à 4.4 % en 2011 et 4 % en 20122. Ainsi, les conditions sont réunies pour que les pays latino-américains élaborent et mettent en oeuvre des politiques publiques afin de saisir les opportunités de développement à long terme, tout en diminuant les risques à court et moyen terme.

  • Les économies d’Amérique latine ont mieux résisté que celles d’autres régions du monde – dont les pays non latino-américains de l’OCDE – à la crise financière de 2008-09, et leur reprise a été plus rapide. Le principal défi de la région consiste à gérer avec prudence ce contexte favorable, dans l’objectif de rétablir une marge budgétaire susceptible de répondre aux risques éventuels, tels que des perturbations des marchés de capitaux dues aux problèmes de la zone euro. Les liens commerciaux forts que les économies de cette région entretiennent avec la Chine – qui se sont avérés importants pour la reprise – les ont rendues plus sensibles à une décélération éventuelle du rythme de croissance de ce pays. L’on peut craindre notamment son impact potentiel sur les prix des matières premières et, par conséquent, sur les soldes budgétaires de nombreux pays latino-américains. Ce chapitre montre qu’il est fondamental que la région récupère sa capacité de réponse macroéconomique, et développe une certaine capacité à prévoir l’évolution des finances publiques, afin de mettre en oeuvre des politiques qui permettront une croissance plus forte et de meilleure qualité.

  • Ce chapitre traite de la gestion publique en Amérique latine, un domaine lourd d’enjeux dans la région : comment améliorer la qualité de la fonction publique et oeuvrer en faveur de plus de transparence dans la gestion, dans un contexte de forte centralisation de l’administration de l’appareil d’État ? Tout comme dans d’autres régions du globe, les États de la région disposent de ressources limitées pour faire face aux grands défis que posent la fourniture de biens, la promotion de l’égalité sociale, la prestation de services sociaux, la redistribution des ressources et la stabilisation de l’économie. L’Amérique latine est néanmoins mieux située actuellement qu’elle ne l’a jamais été pour réformer son secteur public et construire des États capables de satisfaire les besoins de développement des pays. Ces initiatives demandent la coordination de différentes politiques publiques, l’utilisation des ressources budgétaires, la professionnalisation du service public, l’utilisation adéquate des nouvelles technologies et la mobilisation de différents acteurs, publics et privés.

  • Depuis 20 ans, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont réalisé de grands progrès en matière d’assainissement de leurs finances publiques. L’augmentation des recettes fiscales a permis de diminuer la dette, d’augmenter les investissements productifs et les dépenses destinées aux programmes de lutte contre la pauvreté. La dernière crise n’a pas mis un terme à ces progrès car l’excédent budgétaire accumulé pendant les années de prospérité a permis de financer des programmes d’incitations budgétaires analogues à ceux mis en place dans les pays de l’OCDE. Il subsiste cependant encore des enjeux en matière de fiscalité dans la région, tels que les bas niveaux des impôts directs des particuliers, le ciblage limité des dépenses publiques, ainsi que les faibles transferts, qui expliquent le rôle minime des finances publiques dans la redistribution des revenus. Dans la plupart des pays d’Amérique latine, les faibles recettes fiscales représentent un frein au développement d’un État moderne. Ces défis pourraient être relevés si les institutions fiscales et budgétaires de la région progressaient. Ce chapitre met en lumière la nécessité de statistiques budgétaires transparentes et d’une discipline budgétaire garantissant la durabilité, la stabilisation et des objectifs à moyen et long terme. Ces solutions pourraient prendre la forme d’un pacte fiscal, qui renforcerait la confiance des citoyens en leurs gouvernements.

  • Les progrès réalisés ces dernières années en Amérique latine et dans les Caraïbes en matière d’accès, de financement et de performances dans le secteur de l’éducation ouvrent de nouveaux défis. La tâche principale de la région consiste à tirer parti du potentiel de l’éducation en tant qu’instrument d’égalité des chances, d’inclusion sociale et de formation de capital humain qualifié. Pour ce faire, différentes réformes ont cherché à améliorer l’accès, la qualité et la gestion du secteur, en donnant à l’État le rôle central de régulateur et de fournisseur d’éducation de qualité. Ce chapitre réalise un tour d’horizon de la situation du secteur dans la région et s’interroge sur le rôle de différentes réformes pour parvenir à cet objectif : politiques de décentralisation, adoption de systèmes nationaux d’évaluation, réformes de l’enseignement supérieur et gestion du corps enseignant. Le chapitre analyse plusieurs recommandations pour la conception et la mise en oeuvre de politiques : augmenter la dotation des collectivités territoriales, promouvoir la formation aux nouvelles technologies, renforcer l’enseignement universitaire technique en l’adaptant aux exigences du secteur productif, consolider les systèmes nationaux d’évaluation pour les utiliser également en dehors de l’école, et enfin améliorer la gestion du corps enseignant par une véritable professionnalisation de la carrière professorale qui passerait par la sélection, l’évaluation et les mesures d’incitation. Ces aspects doivent représenter le coeur des réformes de l’éducation des prochaines années.

  • Ce chapitre analyse l’évolution nécessaire du rôle de l’État dans la gestion des infrastructures afin d’augmenter l’efficacité et la rentabilité des investissements publics, et de soutenir ainsi le développement économique et social de l’Amérique latine. Le fossé existant entre l’Amérique latine et d’autres économies émergentes en matière d’infrastructures économiques, comme les transports, les télécommunications, l’eau et l’énergie, compromet sérieusement le potentiel de développement économique et de cohésion sociale de la région. C’est pourquoi l’engagement de ressources supplémentaires ne sera rentable que si la façon de concevoir et de mettre en oeuvre les politiques publiques sectorielles change. Le chapitre passe en revue certains aspects des politiques concernant deux types spécifiques d’infrastructures, les transports et les télécommunications (notamment la fourniture d’accès à Internet à haut débit). Pour améliorer l’efficacité de l’intervention publique dans le développement de ces infrastructures, l’État devrait améliorer la conception des politiques publiques sur la base d’un schéma intégral et durable, avec un cadre institutionnel et réglementaire clair qui encourage la participation du secteur privé et de la société civile.

  • Après une période de réformes structurelles tournées vers l’ouverture commerciale et les exportations, l’Amérique latine a de nouveau orienté ses stratégies vers l’innovation et le développement productif. La région cherche à s’intégrer avec succès dans l’économie de la connaissance et elle devra pour ce faire progresser vers une meilleure coordination de ses actions dans ces domaines. Les modifications des marchés mondiaux et les nouveaux paradigmes technologiques reconfigurent et complexifient les espaces d’action des gouvernements, des entreprises, des acteurs du monde scientifique et technologique, et de la société civile. Malgré ces difficultés, différents pays ont réalisé d’énormes progrès dans ce domaine, au travers d’institutions, de méthodes et d’outils créés pour relever le défi de l’innovation et du changement technologique. Pour consolider ces résultats et entreprendre des actions concrètes, la région doit favoriser la création de nouveaux modèles de gouvernance, des institutions plus fortes et des modèles de politiques publiques capables de mobiliser les différents acteurs des systèmes nationaux d’innovation et d’activité productive, pour parvenir à un engagement renouvelé du secteur privé en matière de recherche et développement et d’innovation.